Texte intégral
Je voudrais tout d'abord rendre hommage à Ségolène ROYAL pour cette initiative d'organiser les états généraux de la protection de l'enfance qui sont une première mais qui sont aussi le prolongement de notre action commune. Une grande partie d'entre vous a déjà été réunie pour réfléchir à l'enfance maltraitée l'année dernière en septembre.
Je tiens aussi à remercier l'ensemble des participants qui sont les acteurs directs de la protection de l'enfance : qu'ils agissent dans les administrations, dans les conseils généraux, dans les associations, dans les tribunaux. Je veux saluer en particulier l'action quotidienne des travailleurs sociaux.
Nous sommes réunis pour faire le bilan des actions conduites et confronter nos réflexions pour améliorer le dispositif de protection de l'enfance. Une seule question nous occupe aujourd'hui : comment rendre un enfant heureux ? Et comment rendre un enfant heureux dans la société telle qu'elle est, telle qu'elle évolue, telle qu'elle change ?
Nous sommes confrontés à de nouveaux défis, la société change, la famille change, les individus changent. Il y a une aspiration à plus de liberté, plus d'autonomie, d'indépendance, de responsabilité. Notre responsabilité collective est non pas d'empêcher ces changements, mais de les accompagner, tout en les entourant de garanties collectives afin que les droits, mais aussi les devoirs de tous, enfants et parents, soient respectés.
Comment rendre un enfant heureux ?
1. Chaque enfant a droit à une famille, et quelle que soit la forme de cette famille, c'est la famille de cet enfant.
Quelle que soit la forme de la famille - famille unie par le mariage, famille naturelle, famille recomposée, famille adoptive -, quels que soient les passages de l'une à l'autre de ces formes pour une même famille, peu importe, c'est la famille de l'enfant. C'est d'abord ce lieu là qu'il faut protéger et préserver à travers les secousses et les difficultés de la vie.
Et dans sa famille, chaque enfant doit avoir des liens avec chacun de ses parents et ce quelle que soit la situation de ses parents.
Trop souvent on l'oublie. Quand par exemple on refuse à un père divorcé les bulletins scolaires, ou quand les pères sont coupés de leurs enfants.
C'est pour ces raisons qu'il est primordial de garantir dans le droit la stabilité du lien de filiation, le droit à entretenir des rapports avec ses deux parents, et l'égalité entre les pères et mères. C'est ce que nous avons fait en enclenchant la réforme du droit de la famille et avec la loi sur l'autorité parentale qui sera prochainement votée. Elle inscrit dans le droit pour la première fois l'égalité des filiations, l'autorité parentale partagée, la garde alternée et la médiation familiale.
C'est auprès de sa famille que l'enfant est le mieux. Même dans les situations les plus difficiles qui peuvent conduire à séparer un enfant de sa famille, il ne peut être totalement heureux sans elle. Il nous appartient de veiller à ce que la séparation soit exceptionnelle uniquement justifiée par le danger qu'il encourt dans sa famille. Il faut tout mettre en uvre pour sauvegarder ce lien avec la famille.
À ce sujet, je rends hommage à Paul BOUCHET, qui de sa voix de Président d'ATD Quart Monde s'est fait le porte-parole des familles sur la question des placements d'enfants. Avec Martine AUBRY, il y a deux ans, nous avons saisi l'inspection des Services Judiciaires et celle des Affaires Sociales d'une mission d'évaluation plus large que la seule question des placements. Cette mission a été l'occasion de rencontrer des familles, de les écouter et de leur donner la parole.
Les placements sont ainsi décrits comme trop souvent effectués dans des situations de crise, sans évaluation suffisante et sans même avoir entendu les parents.
Cette critique est parfois méritée, il faut pouvoir l'entendre, il faut pouvoir y répondre.
Vous venez longuement d'évoquer des expériences nouvelles comme le service d'adaptation progressive en milieu naturel du département du Gard ou alors le service d'accompagnement familial et éducatif en Meurthe et Moselle. Ce qui est important pour moi dans ces démarches, c'est que justement, vous avez été vous mêmes conduits à bousculer vos pratiques et que vous avez eu un autre regard sur les familles, comme par exemple, ne plus agir à leur place mais avec elles avec comme souci justement la place de l'enfant auprès de ses parents.
Vous avez misé sur les compétences des familles et axé vos interventions sur leurs seules défaillances, avec pour guide l'adaptation, la continuité et la proximité de votre action auprès d'elles. Alors, les familles se sentent moins disqualifiées et les séparations sont moins nombreuses ou moins longues.
2. Mais ce n'est pas tout de vivre dans sa famille, encore faut-il vivre dans une famille épanouie, une famille porteuse d'amour et de projets pour elle-même et pour l'enfant et bien sûr ayant les moyens de conduire ses projets, une famille indépendante et responsable de ses choix qui dispose des ressources nécessaires à son autonomie.
La politique sociale et familiale doit contribuer à l'épanouissement des familles, quelles qu'elles soient, et des individus quels qu'ils soient en tenant compte elle aussi des évolutions de la société. À l'initiative de Ségolène Royal nous avons pris les mesures conséquentes pour aider les familles.
Vous le savez bien, toutes les familles ne disposent pas des mêmes atouts.
- Une famille qui connaît le chômage ;
- une famille qui ne peut accéder à un logement ou qui n'a pas de logement décent ;
- une famille qui ne peut accéder aux soins ;
- une famille qui au quotidien doit lutter pour le minimum,
ne peut être une famille totalement harmonieuse.
Il y a des familles en danger, ce sont le plus souvent les enfants de ces familles qui sont en danger. Il nous faut empêcher que les inégalités économiques et sociales se traduisent pour les enfants par des droits bafoués.
Aussi, nous nous devons d'avoir une politique volontariste qui justement permette d'enrayer tous les processus qui contribuent à fragiliser les familles et sont autant de facteurs de risques pour l'éducation et l'épanouissement des enfants et des adolescents.
Je ne sépare pas la politique de l'enfance de celle de l'emploi, du logement, de l'éducation, du droit à la santé, de l'accès effectif à tous les droits sociaux.
- Depuis 4 ans, vous le savez, le Gouvernement s'est engagé dans une politique déterminée pour l'emploi. Plus que jamais, la mobilisation pour l'emploi et pour des emplois de qualité est la 1ère priorité du Gouvernement. Car l'emploi précaire est un facteur important de déstabilisation des parents.
- La loi du 29 juillet 1998 relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions et la loi du 28 juillet 1999 sur la CMU constituent des avancées importantes. Ces deux lois, je veux, l'an prochain, les renforcer par un nouveau programme de lutte contre l'exclusion, pour améliorer l'accès aux droits, mieux lutter contre le noyau dur du chômage, et d'abord celui des jeunes qui mine des familles entières, mieux soutenir les associations et entreprises d'insertion.
Les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins et la mise en place des permanences d'accès aux soins de santé, couplés à la couverture maladie universelle, permettent à chacun de pouvoir bénéficier de consultations à tout moment sans se heurter à une contrainte financière.
L'accès au logement a donné également lieu à de nombreuses mesures destinées à assurer un droit effectif à un logement décent, une plus grande transparence des modalités d'attributions des logements sociaux, un renforcement des possibilités de maintien dans le logement avec des alternatives aux expulsions, à lutter contre l'insalubrité et contre le saturnisme.
La mise en place des réseaux d'écoute d'appui et d'accompagnement des parents en difficulté qui se fonde sur la participation des parents et la mobilisation des services de l'Etat et des partenaires institutionnels et associatifs 1 500 actions financées depuis 1999.
3. Le respect de la dignité et du bonheur de l'enfant ne doit souffrir aucune concession, ni exception. Même si le combat contre les atteintes à cette dignité est long et difficile, il faut le mener, il n'y a pas d'obstacle insurmontable.
Plusieurs de ces combats me viennent immédiatement à l'esprit.
Quand par exemple il a fallu trouver des solutions pour les enfants " victimes " de la séparation de leurs parents binationaux ( franco-allemands), nous avons créé une commission parlementaire de médiation qui vient d'aboutir à la création au ministère de la justice d'une aide à la médiation internationale.
Quand par exemple encore en 1997, nous avons repris un projet de loi sur les violences sexuelles, esquissé par le gouvernement précédent, il a fallu le redéfinir et y intégrer la prise en compte spécifique des mineurs victimes de ces agressions (qui n'y figurait pas initialement), nous avons fait voter la loi du 17 juin 1998 avec le double objectif de doter l'appareil judiciaire de moyens plus efficaces pour sanctionner les auteurs, éviter ou limiter la récidive et de faire de la protection des victimes mineures un impératif constant de la procédure pénale (désignation d'un administrateur ad hoc, enregistrement des auditions, accompagnement du mineur par un tiers...).
Quand, c'est un autre exemple, il a fallu mettre à jour les violences commises par les institutions à l'encontre des mineurs qui leur étaient confiés, nous les avons dénoncées pour que la justice traite ces affaires : je pense particulièrement à l'affaire de l'établissement des Tournelles en Seine et Marne. Ces expériences malheureuses comme celle de l'Yonne, appelaient une grande détermination contre toutes les routines et toutes les connivences. Elles nous ont conduit à prendre un certain nombre d'initiatives dans l'intérêt des mineurs, des institutions et des professionnels de ces institutions : mise en place d'une écoute spécialisée, traitement des signalements par une mission spécifique, mise en place d'une politique d'évaluation régulière des établissements d'accueil, mais aussi la garantie de mieux protéger les salariés de ces institutions et les médecins qui signalent les mauvais traitements.
Il en est de même du combat contre la prostitution des mineurs. Elle est inacceptable, et pourtant elle se commet sous nos yeux, à Paris, sur les boulevards périphériques ou à Marseille, autour de la Gare Saint-Jean. Le Premier ministre annoncera tout à l'heure les mesures que le Gouvernement veut prendre pour combattre ce fléau.
Au-delà, nous avons un combat à mener pour le respect des droits et de l'accueil des mineurs étrangers et des familles étrangères demandeurs d'asile. Nous avons assuré une présence sanitaire et sociale dans les zones d'attente. Nous avons amélioré la prise en charge dans les centres d'accueil. Le Centre d'Accueil des Familles des Demandeurs d'Asile (C.A.F.D.A.), que nous avons créé l'année dernière vient d'être ramené d'Aubervilliers à l'Hôpital Necker, dans le 7ème arrondissement de Paris. Il aide les réfugiés à leur arrivée en France, particulièrement les familles souvent avec de nombreux enfants, sur leurs problèmes de logement, de domiciliation pour les demandes administratives, de santé. La protection de l'enfance est aussi celle des mineurs de familles étrangères en situation de précarité et parfois de détresse. Spécialement pour les mineurs étrangers isolés, nous mettons en place des centres spécialisés avec la Croix Rouge et les associations caritatives (par exemple, à Taverny programmé pour début 2002).
Le mineur incarcéré doit aussi être respecté et protégé dans sa dignité et ses droits fondamentaux. À cet égard, nous avons fait d'importants efforts, que Marylise LEBRANCHU poursuit, pour que les conditions de détention soient améliorées. ( Fleury Mérogis).
Avec Martine Aubry et Bernard Kouchner, quand nous avons commandé à Pierre Pradier un rapport sur les prisons, nous avons été alertés sur l'état de santé mentale et psychologique de certains jeunes incarcérés. Il en est de même de certains mineurs en grande difficulté pris en charge par les services éducatifs pour lesquels se pose la question de la prise en charge psychiatrique. Nous étudions actuellement comment faire prendre en charge par la sécurité sociale le soutien psychologique souvent nécessaire.
Et plus grave encore, naturellement, le suicide des jeunes pour lequel nous avons pris la mesure des besoins et nous nous efforçons de renforcer les dispositifs (129 millions pour 2001, et 125 millions pour 2002) par la création de services de pédopsychiatrie dans les 17 départements non pourvus, le renforcement des moyens des autres départements, le développement des lieux de consultation et d'écoute dans les centres médico-psychologiques, la mise en réseaux des différents intervenants, comme par exemple les psychiatres hospitaliers et les psychologues de secteur et les travailleurs sociaux, pour assurer la continuité de la prise en charge, et là nous sommes au cur du sanitaire et du social, des compétences partagées et complémentaires.
Avec Bernard Kouchner qui vient d'annoncer un plan de lutte pour la santé mentale, nous travaillons sur le renforcement de la prise en charge psychologique. Ce n'est pas facile, nous manquons de psychiatres.
Aussi faut-il former des médecins généralistes et envisager que les psychologues soient plus nombreux à pouvoir, en liaison avec les psychiatres, effectuer des prises en charge systématiques de familles ou d'enfants.
5 En réalité dans tous les secteurs, pour assurer cette mission globale de protection de l'enfance, il nous faut faire toujours avec nos responsabilités partagées, et en particulier avec celles que nous ont confiées les lois de décentralisation.
Et même si depuis vingt ans le contexte a changé, il ne s'agit pas, évidemment de remettre en cause la décentralisation, mais d'adapter nos interventions respectives. Il est vrai que l'approche diversifiée des problèmes sociaux, la multiplication des acteurs et des institutions concernées ont, dans un contexte de crise sociale et économique, rendu les dispositifs plus complexes. Le travail partenarial entre les différents acteurs est lui aussi plus compliqué.
Nous devons en permanence nous interroger sur notre dispositif de protection de l'enfance. Il nous faut définir les raisons d'agir ensemble et ensuite les façons d'agir ensemble et pas l'inverse. Il faut parler des finalités et ensuite des moyens pour les atteindre et non l'inverse. Ceci s'applique aussi bien à la définition de la politique à conduire, qu'à l'action à mener auprès des familles.
J'ai rappelé jusqu'à présent ce qui constituent nos objectifs prioritaires en matière de protection de l'enfance. Il est capital de garder toujours présents à l'esprit ces objectifs dans la définition des politiques et de mieux mettre en conformité les moyens et les pratiques professionnelles avec ces objectifs.
Dans ce paysage des compétences partagées, la responsabilité de l'Etat, c'est d'être à la fois le garant des droits des usagers, le garant de l'égalité de traitement et de faciliter la coordination au plan local et national des compétences partagées.
Nous avons déjà su réussir ensemble cette concertation et cette coordination. Je pense notamment au travail commun sur le dispositif de la protection de l'Enfance avec l'Assemblée des départements de France et la PJJ.
Je pense également à la mise en place des groupes départementaux de coordination des services de l'Etat chargés de la Protection de l'Enfance.
Je pense aussi aux schémas départementaux et aux schémas conjoints avec la PJJ. La réforme de la loi de 1975 rénovant l'action sociale et médico-sociale, adoptée en première lecture va renforcer la portée de ces schémas.
Sans doute de tout ceci, faut-il définir et reconnaître les bonnes pratiques. Pourquoi ne pas élaborer une charte de ces bonnes pratiques qui permettrait de les diffuser sur tout le territoire national.
Vos travaux devraient nous y aider. En tout cas personnellement je vous y encourage, j'y engagerai les compétences de mon ministère.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 26 novembre 2001)
Je tiens aussi à remercier l'ensemble des participants qui sont les acteurs directs de la protection de l'enfance : qu'ils agissent dans les administrations, dans les conseils généraux, dans les associations, dans les tribunaux. Je veux saluer en particulier l'action quotidienne des travailleurs sociaux.
Nous sommes réunis pour faire le bilan des actions conduites et confronter nos réflexions pour améliorer le dispositif de protection de l'enfance. Une seule question nous occupe aujourd'hui : comment rendre un enfant heureux ? Et comment rendre un enfant heureux dans la société telle qu'elle est, telle qu'elle évolue, telle qu'elle change ?
Nous sommes confrontés à de nouveaux défis, la société change, la famille change, les individus changent. Il y a une aspiration à plus de liberté, plus d'autonomie, d'indépendance, de responsabilité. Notre responsabilité collective est non pas d'empêcher ces changements, mais de les accompagner, tout en les entourant de garanties collectives afin que les droits, mais aussi les devoirs de tous, enfants et parents, soient respectés.
Comment rendre un enfant heureux ?
1. Chaque enfant a droit à une famille, et quelle que soit la forme de cette famille, c'est la famille de cet enfant.
Quelle que soit la forme de la famille - famille unie par le mariage, famille naturelle, famille recomposée, famille adoptive -, quels que soient les passages de l'une à l'autre de ces formes pour une même famille, peu importe, c'est la famille de l'enfant. C'est d'abord ce lieu là qu'il faut protéger et préserver à travers les secousses et les difficultés de la vie.
Et dans sa famille, chaque enfant doit avoir des liens avec chacun de ses parents et ce quelle que soit la situation de ses parents.
Trop souvent on l'oublie. Quand par exemple on refuse à un père divorcé les bulletins scolaires, ou quand les pères sont coupés de leurs enfants.
C'est pour ces raisons qu'il est primordial de garantir dans le droit la stabilité du lien de filiation, le droit à entretenir des rapports avec ses deux parents, et l'égalité entre les pères et mères. C'est ce que nous avons fait en enclenchant la réforme du droit de la famille et avec la loi sur l'autorité parentale qui sera prochainement votée. Elle inscrit dans le droit pour la première fois l'égalité des filiations, l'autorité parentale partagée, la garde alternée et la médiation familiale.
C'est auprès de sa famille que l'enfant est le mieux. Même dans les situations les plus difficiles qui peuvent conduire à séparer un enfant de sa famille, il ne peut être totalement heureux sans elle. Il nous appartient de veiller à ce que la séparation soit exceptionnelle uniquement justifiée par le danger qu'il encourt dans sa famille. Il faut tout mettre en uvre pour sauvegarder ce lien avec la famille.
À ce sujet, je rends hommage à Paul BOUCHET, qui de sa voix de Président d'ATD Quart Monde s'est fait le porte-parole des familles sur la question des placements d'enfants. Avec Martine AUBRY, il y a deux ans, nous avons saisi l'inspection des Services Judiciaires et celle des Affaires Sociales d'une mission d'évaluation plus large que la seule question des placements. Cette mission a été l'occasion de rencontrer des familles, de les écouter et de leur donner la parole.
Les placements sont ainsi décrits comme trop souvent effectués dans des situations de crise, sans évaluation suffisante et sans même avoir entendu les parents.
Cette critique est parfois méritée, il faut pouvoir l'entendre, il faut pouvoir y répondre.
Vous venez longuement d'évoquer des expériences nouvelles comme le service d'adaptation progressive en milieu naturel du département du Gard ou alors le service d'accompagnement familial et éducatif en Meurthe et Moselle. Ce qui est important pour moi dans ces démarches, c'est que justement, vous avez été vous mêmes conduits à bousculer vos pratiques et que vous avez eu un autre regard sur les familles, comme par exemple, ne plus agir à leur place mais avec elles avec comme souci justement la place de l'enfant auprès de ses parents.
Vous avez misé sur les compétences des familles et axé vos interventions sur leurs seules défaillances, avec pour guide l'adaptation, la continuité et la proximité de votre action auprès d'elles. Alors, les familles se sentent moins disqualifiées et les séparations sont moins nombreuses ou moins longues.
2. Mais ce n'est pas tout de vivre dans sa famille, encore faut-il vivre dans une famille épanouie, une famille porteuse d'amour et de projets pour elle-même et pour l'enfant et bien sûr ayant les moyens de conduire ses projets, une famille indépendante et responsable de ses choix qui dispose des ressources nécessaires à son autonomie.
La politique sociale et familiale doit contribuer à l'épanouissement des familles, quelles qu'elles soient, et des individus quels qu'ils soient en tenant compte elle aussi des évolutions de la société. À l'initiative de Ségolène Royal nous avons pris les mesures conséquentes pour aider les familles.
Vous le savez bien, toutes les familles ne disposent pas des mêmes atouts.
- Une famille qui connaît le chômage ;
- une famille qui ne peut accéder à un logement ou qui n'a pas de logement décent ;
- une famille qui ne peut accéder aux soins ;
- une famille qui au quotidien doit lutter pour le minimum,
ne peut être une famille totalement harmonieuse.
Il y a des familles en danger, ce sont le plus souvent les enfants de ces familles qui sont en danger. Il nous faut empêcher que les inégalités économiques et sociales se traduisent pour les enfants par des droits bafoués.
Aussi, nous nous devons d'avoir une politique volontariste qui justement permette d'enrayer tous les processus qui contribuent à fragiliser les familles et sont autant de facteurs de risques pour l'éducation et l'épanouissement des enfants et des adolescents.
Je ne sépare pas la politique de l'enfance de celle de l'emploi, du logement, de l'éducation, du droit à la santé, de l'accès effectif à tous les droits sociaux.
- Depuis 4 ans, vous le savez, le Gouvernement s'est engagé dans une politique déterminée pour l'emploi. Plus que jamais, la mobilisation pour l'emploi et pour des emplois de qualité est la 1ère priorité du Gouvernement. Car l'emploi précaire est un facteur important de déstabilisation des parents.
- La loi du 29 juillet 1998 relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions et la loi du 28 juillet 1999 sur la CMU constituent des avancées importantes. Ces deux lois, je veux, l'an prochain, les renforcer par un nouveau programme de lutte contre l'exclusion, pour améliorer l'accès aux droits, mieux lutter contre le noyau dur du chômage, et d'abord celui des jeunes qui mine des familles entières, mieux soutenir les associations et entreprises d'insertion.
Les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins et la mise en place des permanences d'accès aux soins de santé, couplés à la couverture maladie universelle, permettent à chacun de pouvoir bénéficier de consultations à tout moment sans se heurter à une contrainte financière.
L'accès au logement a donné également lieu à de nombreuses mesures destinées à assurer un droit effectif à un logement décent, une plus grande transparence des modalités d'attributions des logements sociaux, un renforcement des possibilités de maintien dans le logement avec des alternatives aux expulsions, à lutter contre l'insalubrité et contre le saturnisme.
La mise en place des réseaux d'écoute d'appui et d'accompagnement des parents en difficulté qui se fonde sur la participation des parents et la mobilisation des services de l'Etat et des partenaires institutionnels et associatifs 1 500 actions financées depuis 1999.
3. Le respect de la dignité et du bonheur de l'enfant ne doit souffrir aucune concession, ni exception. Même si le combat contre les atteintes à cette dignité est long et difficile, il faut le mener, il n'y a pas d'obstacle insurmontable.
Plusieurs de ces combats me viennent immédiatement à l'esprit.
Quand par exemple il a fallu trouver des solutions pour les enfants " victimes " de la séparation de leurs parents binationaux ( franco-allemands), nous avons créé une commission parlementaire de médiation qui vient d'aboutir à la création au ministère de la justice d'une aide à la médiation internationale.
Quand par exemple encore en 1997, nous avons repris un projet de loi sur les violences sexuelles, esquissé par le gouvernement précédent, il a fallu le redéfinir et y intégrer la prise en compte spécifique des mineurs victimes de ces agressions (qui n'y figurait pas initialement), nous avons fait voter la loi du 17 juin 1998 avec le double objectif de doter l'appareil judiciaire de moyens plus efficaces pour sanctionner les auteurs, éviter ou limiter la récidive et de faire de la protection des victimes mineures un impératif constant de la procédure pénale (désignation d'un administrateur ad hoc, enregistrement des auditions, accompagnement du mineur par un tiers...).
Quand, c'est un autre exemple, il a fallu mettre à jour les violences commises par les institutions à l'encontre des mineurs qui leur étaient confiés, nous les avons dénoncées pour que la justice traite ces affaires : je pense particulièrement à l'affaire de l'établissement des Tournelles en Seine et Marne. Ces expériences malheureuses comme celle de l'Yonne, appelaient une grande détermination contre toutes les routines et toutes les connivences. Elles nous ont conduit à prendre un certain nombre d'initiatives dans l'intérêt des mineurs, des institutions et des professionnels de ces institutions : mise en place d'une écoute spécialisée, traitement des signalements par une mission spécifique, mise en place d'une politique d'évaluation régulière des établissements d'accueil, mais aussi la garantie de mieux protéger les salariés de ces institutions et les médecins qui signalent les mauvais traitements.
Il en est de même du combat contre la prostitution des mineurs. Elle est inacceptable, et pourtant elle se commet sous nos yeux, à Paris, sur les boulevards périphériques ou à Marseille, autour de la Gare Saint-Jean. Le Premier ministre annoncera tout à l'heure les mesures que le Gouvernement veut prendre pour combattre ce fléau.
Au-delà, nous avons un combat à mener pour le respect des droits et de l'accueil des mineurs étrangers et des familles étrangères demandeurs d'asile. Nous avons assuré une présence sanitaire et sociale dans les zones d'attente. Nous avons amélioré la prise en charge dans les centres d'accueil. Le Centre d'Accueil des Familles des Demandeurs d'Asile (C.A.F.D.A.), que nous avons créé l'année dernière vient d'être ramené d'Aubervilliers à l'Hôpital Necker, dans le 7ème arrondissement de Paris. Il aide les réfugiés à leur arrivée en France, particulièrement les familles souvent avec de nombreux enfants, sur leurs problèmes de logement, de domiciliation pour les demandes administratives, de santé. La protection de l'enfance est aussi celle des mineurs de familles étrangères en situation de précarité et parfois de détresse. Spécialement pour les mineurs étrangers isolés, nous mettons en place des centres spécialisés avec la Croix Rouge et les associations caritatives (par exemple, à Taverny programmé pour début 2002).
Le mineur incarcéré doit aussi être respecté et protégé dans sa dignité et ses droits fondamentaux. À cet égard, nous avons fait d'importants efforts, que Marylise LEBRANCHU poursuit, pour que les conditions de détention soient améliorées. ( Fleury Mérogis).
Avec Martine Aubry et Bernard Kouchner, quand nous avons commandé à Pierre Pradier un rapport sur les prisons, nous avons été alertés sur l'état de santé mentale et psychologique de certains jeunes incarcérés. Il en est de même de certains mineurs en grande difficulté pris en charge par les services éducatifs pour lesquels se pose la question de la prise en charge psychiatrique. Nous étudions actuellement comment faire prendre en charge par la sécurité sociale le soutien psychologique souvent nécessaire.
Et plus grave encore, naturellement, le suicide des jeunes pour lequel nous avons pris la mesure des besoins et nous nous efforçons de renforcer les dispositifs (129 millions pour 2001, et 125 millions pour 2002) par la création de services de pédopsychiatrie dans les 17 départements non pourvus, le renforcement des moyens des autres départements, le développement des lieux de consultation et d'écoute dans les centres médico-psychologiques, la mise en réseaux des différents intervenants, comme par exemple les psychiatres hospitaliers et les psychologues de secteur et les travailleurs sociaux, pour assurer la continuité de la prise en charge, et là nous sommes au cur du sanitaire et du social, des compétences partagées et complémentaires.
Avec Bernard Kouchner qui vient d'annoncer un plan de lutte pour la santé mentale, nous travaillons sur le renforcement de la prise en charge psychologique. Ce n'est pas facile, nous manquons de psychiatres.
Aussi faut-il former des médecins généralistes et envisager que les psychologues soient plus nombreux à pouvoir, en liaison avec les psychiatres, effectuer des prises en charge systématiques de familles ou d'enfants.
5 En réalité dans tous les secteurs, pour assurer cette mission globale de protection de l'enfance, il nous faut faire toujours avec nos responsabilités partagées, et en particulier avec celles que nous ont confiées les lois de décentralisation.
Et même si depuis vingt ans le contexte a changé, il ne s'agit pas, évidemment de remettre en cause la décentralisation, mais d'adapter nos interventions respectives. Il est vrai que l'approche diversifiée des problèmes sociaux, la multiplication des acteurs et des institutions concernées ont, dans un contexte de crise sociale et économique, rendu les dispositifs plus complexes. Le travail partenarial entre les différents acteurs est lui aussi plus compliqué.
Nous devons en permanence nous interroger sur notre dispositif de protection de l'enfance. Il nous faut définir les raisons d'agir ensemble et ensuite les façons d'agir ensemble et pas l'inverse. Il faut parler des finalités et ensuite des moyens pour les atteindre et non l'inverse. Ceci s'applique aussi bien à la définition de la politique à conduire, qu'à l'action à mener auprès des familles.
J'ai rappelé jusqu'à présent ce qui constituent nos objectifs prioritaires en matière de protection de l'enfance. Il est capital de garder toujours présents à l'esprit ces objectifs dans la définition des politiques et de mieux mettre en conformité les moyens et les pratiques professionnelles avec ces objectifs.
Dans ce paysage des compétences partagées, la responsabilité de l'Etat, c'est d'être à la fois le garant des droits des usagers, le garant de l'égalité de traitement et de faciliter la coordination au plan local et national des compétences partagées.
Nous avons déjà su réussir ensemble cette concertation et cette coordination. Je pense notamment au travail commun sur le dispositif de la protection de l'Enfance avec l'Assemblée des départements de France et la PJJ.
Je pense également à la mise en place des groupes départementaux de coordination des services de l'Etat chargés de la Protection de l'Enfance.
Je pense aussi aux schémas départementaux et aux schémas conjoints avec la PJJ. La réforme de la loi de 1975 rénovant l'action sociale et médico-sociale, adoptée en première lecture va renforcer la portée de ces schémas.
Sans doute de tout ceci, faut-il définir et reconnaître les bonnes pratiques. Pourquoi ne pas élaborer une charte de ces bonnes pratiques qui permettrait de les diffuser sur tout le territoire national.
Vos travaux devraient nous y aider. En tout cas personnellement je vous y encourage, j'y engagerai les compétences de mon ministère.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 26 novembre 2001)