Déclaration de M. Georges Sarre, président du Mouvement des citoyens, sur la nécessité de défendre la construction navale, le pavillon français, d'éliminer les navires dangereux, d'améliorer la sécurité maritime et de créer un ministère de la mer, Nantes, le 14 janvier 2002.

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Circonstance : Conférence de presse à Nantes, le 14 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Préalablement à la réunion publique que j'animerai ce soir, je souhaitais profiter de ma présence à Nantes pour faire le point sur trois thèmes qui concernent directement Nantes et l'ensemble de la Loire-atlantique tant au niveau de l'emploi, du développement économique que de la qualité de vie. Il s'agit de la construction navale, de la sécurité maritime et de la pêche. A dire vrai, je considère que ces trois dossiers constituent la clé de voûte de la politique maritime indispensable à notre pays. A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ces sujets et je considère l'action gouvernementale en la matière très insuffisante.
S'agissant du dossier de la construction navale, force est de constater que cette industrie traditionnelle, pourvoyeuse d'emplois, a réussi à se maintenir en France et à rester compétitive au plan mondial, au prix d'efforts remarquables, alors qu'aux yeux des élites libérales elle était condamnée à disparaître au profit des pays du Tiers-monde à main d'oeuvre bon marché. Nous pouvons même nous féliciter que la construction navale française soit devenue une industrie de haute technologie et de qualité. Pour toutes ces raisons, notre pays peut se prévaloir d'être au premier rang mondial du marché de la construction de paquebots et d'être techniquement l'un des leaders dans le domaine de la production de navires transporteurs de gaz. Cependant, sur ce marché, notre industrie souffre du dumping caractérisé des chantiers navals coréens. Ce qui à l'heure actuelle rend incertain la commande de 2 navires méthaniers par GDF. En effet, le commissaire européen à la concurrence, Mario Monti, d'une part refuse que la France puisse accorder aux Chantiers de l'Atlantique des aides compensatrices et d'autre part, le Commissaire ne semble pas disposé à intervenir contre la Corée dans le cadre de l'OMC. Il est totalement anormal que le Gouvernement français ne réagisse pas et prive les Chantiers de Saint-Nazaire d'une telle commande alors qu'ils disposent de toutes les compétences humaines et technologiques. Je vous rappelle que j'ai saisi dès septembre par question écrite Christian Pierret à ce sujet, sans réponse à ce jour. Dans ce domaine, comme dans d'utres, la passivité du gouvernement de Lionel Jopsin est éloquente. De mon point de vue, ce dossier des méthaniers est un véritable test de politique industrielle et de volonté politique. Il est urgent de tout mettre en oeuvre pour obtenir cette commande, de la part de cette entreprise qui est encore publique : Gaz de France.
Pour ce qui concerne la sécurité maritime, je souhaiterais faire plusieurs remarques.
Avant tout, je regrette qu'au sommet de Laeken, les deux sortants n'aient pas été en mesure d'obtenir, comme nous le souhaitions tous, l'implantation de l'Agence de sécurité maritime européenne à Nantes. Je redoute même que la France ait perdu sa chance face à la Grèce. C'est pourquoi le gouvernement actuel doit se mobiliser pour arracher au finish, lors du prochain sommet européen, ce siège pour Nantes.
S'agissant de l'Erika, le dossier est exemplaire à plusieurs titres. On s'aperçoit que si la procédure d'indemnisation est lente et opaque, c'est bien entendu dans le but d'empêcher le pollueur d'être le payeur. De ce point de vue, la revendication du collectif " Marée noire " qui consiste à exiger que la procédure soit accélérée, me semble totalement légitime. Par ailleurs, les versements des indemnités sont insuffisants et partiels. A mon avis, il convient d'augmenter, comme l'avait demandé Lionel Jospin, le niveau d'indemnisation par le FIPOL. Cependant, nous devons constater qu'il s'agit une fois de plus d'un faux-semblant, d'une simple effet d'annonce, dont le Premier ministre s'est fait une spécialité. A aucun moment, Lionel Jospin ne s'est donnée les moyens pour agir sur ce fonds qui prétend être indépendant, alors qu'il est géré par les pollueurs eux-mêmes. Il convient donc de revoir cette procédure dans son ensemble. Par ailleurs, je me félicite de voir que les propositions que j'avais faites en ma qualité de vice-président de la commission d'enquête parlementaire sur l'Erika (Commission d'enquête sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants), et qui consistaient à demander la mise en cause de la responsabilité des chargeurs pétroliers ou de matières dangereuses, pour mettre en application le principe du " pollueur-payeur ", semble se concrétiser. En effet, une récente décision de justice a mis en jeu, sur la base des nouvelles dispositions du Code pénal entrées en vigueur en 1994, la responsabilité pénale du groupe TOTALFINAELF. Je considère qu'une telle incrimination va décourager les chargeurs à utiliser des " navires-poubelles " et les conduire à privilégier la sécurité. Toutefois, cette implication reste fragile. Elle n'est pas confirmée par la hiérarchie judiciaire, et notamment par la cour de cassation elle-même. Le serait-elle d'ailleurs qu'elle resterait toujours à la merci d'un revirement de jurisprudence. Aussi, il est nécessaire que le pouvoir politique se prononce. Nous devons espérer qu'une loi en ce sens sera rapidement votée dès le début de la prochaine législature. Je m'y emploierai. Nous aurons cependant perdu du temps avec l'actuel gouvernement, qui s'est contenté de paroles, là où il aurait fallu des actes.
Ensuite, au niveau de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), nous devons admettre qu'il s'agit d'une instance normative sans véritable pouvoir de décision. En effet, les droits de vote sont attribués aux Etats selon une répartition basée sur le nombre de bateaux immatriculés. Par conséquent, aujourd'hui ce sont les pavillons de complaisance qui contrôlent cet organisme international, autrement dit les armateurs eux-mêmes par personnes interposées. Dans la mesure où, en matière de sécurité et de lutte contre les navires dangereux et les " négriers de la mer ", la France et l'Union européenne se retranchent derrière l'OMI, nous pouvons être sûrs que le combat continuera à être vain.
Certes, quelques évolutions positives sont notables mais encore insuffisantes : augmentation du nombre des personnels du service de la navigation et programme d'éloignement des navires-poubelles. En même temps, un travail a été réalisé, qui vise à renforcer les inspections en nombre et en qualité. Mais j'observe aussi que nous manquons d'inspecteurs. D'ailleurs, l'annonce publiée récemment dans un journal du soir confirme qu'il y a une crise des vocations. Certes, nous pouvons nous réjouir de voir l'Ecole de la Marine marchande de Nantes fêter sa première promotion d'inspecteurs mais nous devons aussi nous souvenir que le France était " lanterne rouge " en Europe en la matière. Ce manque d'inspecteurs s'explique par des conditions salariales insuffisantes au regard des compétences demandées. Cette question de la surveillance et de l'inspection des navires nous rappelle que de telles pratiques peuvent être un moyen, si elles sont rendues obligatoires à l'entrée des ports, d'empêcher les navires poubelles de venir y accoster. Pour moi, l'argument selon lequel la rigueur des contrôles portuaires nuirait à nos trafics portuaires n'est pas recevable. En particulier pour les navires d'hydrocarbures à destination de nos raffineries, qui ne sont pas susceptibles d'êtres détournés vers les ports voisins. En effet, un bateau qui doit aller à la raffinerie de Montoire n'ira jamais à Rotterdam.
En matière de réalisations gouvernementales, je prends acte, avec regret, des propos de Jean-Claude Gayssot concernant le calendrier de mise à l'écart des navires à simples coques jusqu'en 2005. Pourtant cela renvoie aux calendes grecques l'élimination des navires pourris. Outre les délais, j'aimerais que le Ministre des Transports nous indique le pourcentage de navires de la flotte pétrolière mondiale actuelle dont il pense contribuer au retrait d'ici 2005 ? A mes yeux, on peut penser qu'il y en aura à peine 1 sur 10. En réalité, ce n'est qu'à partir de 2013 que les navires dangereux actuels commenceront à disparaître des mers. Nous le voyons, au-delà des promesses, Jean-Claude Gayssot doit avancer des dates mais aussi des nombres, des pourcentages précis des navires dangereux qu'il entend retirer de la circulation. Pour le moment, il veut endormir les attentes.
Quoi qu'il en soit, je pense que l'on peut améliorer la sécurité maritime à travers des mesures simples de dissuasion des utilisateurs de navires dangereux. Il convient de rendre applicable durablement le principe du " pollueur-payeur ", par l'instauration de dispositions pénales strictes. Par ailleurs, si le renforcement des inspections de navire est aussi une solution, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la question des pavillons de complaisance. Je propose d'ailleurs, d'instaurer une taxation sur les opérations commerciales réalisées sous ce type de pavillon. Toutefois, ceci suppose en premier lieu que notre pays reconsidère la situation du " pavillon Kerguelen ". En effet, on ne peut plus se contenter de rester dans le flou avec l'immatriculation Kerguelen. Bien que les syndicats la refusent depuis toujours, force est de constater que l'actuel ministre des Transports l'a maintenue jusqu'à ce jour, consacrant ainsi un régime d'apartheid social sous pavillon tricolore. C'est ainsi, tandis qu'en France le droit social doit s'appliquer à tous, on constate que sur plus d'une centaine de navires français, les 2/3 des marins, originaires du tiers-monde, sont payés et soumis aux conditions sociales de leur pays d'origine tandis que les marins français bénéficient des règles nationales. Tout le monde comprend bien qu'il est inacceptable que le pavillon français consacre, en toute impunité, une telle inégalité sociale. Alors que les élus socialistes et communistes avaient toujours condamnés ce régime d'apartheid, nous devons constater que depuis 5 ans rien n'a changé. Je ne peux m'empêcher de penser au combat courageux de Monsieur Roland Andrieu, syndicaliste marin et conseiller municipal de la majorité nantaise. Il doit être aujourd'hui bien déçu de voir que ses amis n'ont rien fait pour changer la " loi de la jungle sur mer et dans les ports ".
Pour ce qui est de la pêche, je pense à tous ces marins pêcheurs qui chaque année disparaissent tragiquement dans l'exercice de leur métier et à toutes ces familles endeuillées. Encore récemment, au large des côtes de Vendée, avons-nous dû déplorer des disparitions. S'agissant de la situation de cette activité, on considère qu'aujourd'hui, il reste en France entre 15 000 et 20 000 pêcheurs. Durant les deux dernières décennies, nous avons enregistré une réduction importante du nombre de marins-pêcheurs. Aujourd'hui, il convient de considérer que l'on ne peut plus réduire encore les effectifs. Certes, Jean Glavany a obtenu de légères concessions de la part de la Commission européenne, qui souhaitait interdire toute nouvelle construction de bateau et diminuer de 40% la flotte actuelle, mais le problème reste entier et d'une extrême gravité. Il appartient au gouvernement de défendre la pêche française et de trouver une issue au plus vite. De toute évidence, nous devons être attentif à ce que l'avis des professionnels soit pris en compte, je pense en particulier aux comités locaux des pêches qui jouent un rôle fondamental. Cette profession doit être défendue, ne serait-ce que parce qu'elle assure la vie de centaines de ports de toutes tailles sur nos trois façades maritimes et outre-mer. Les marins-pêcheurs sont indispensables au fonctionnement et au développement de la filière de transformation et de commercialisation des produits de la mer, qui est un domaine d'excellence gastronomique et une chance pour nos régions littorales. C'est justement dans ce sens que j'ai récemment saisi le ministre de l'Agriculture et la Pêche en lui demandant de me préciser les dispositions concrètes qu'il entendait prendre pour éviter que la pêche traditionnelle ne soit condamnée.
Au vue de ces différents éléments, je dirais qu'en fait, il est indispensable que la France ait une véritable ambition pour tout ce qui relève du " maritime " et qu'elle ait pour cela un ministère de la Mer. C'est à cette condition que notre pays sera en mesure de défendre ses atouts maritimes, que les gouvernements ont eu trop tendance à négliger. Ainsi, outre les questions que je viens d'aborder, ce ministère prendrait en charge les réformes profondes nécessaires au redressement de nos ports et encouragerait et soutiendrait les activités de recherche liées à la mer.
Vous l'avez compris, il est temps d'affirmer la vocation maritime de la France, de refonder sa puissance maritime. Avec ses trois façades maritimes et l'immensité du domaine maritime dépendant des départements et territoires d'outre-mer, notre pays a partie liée avec la mer, c'est son destin. Il est temps que nous nous en rappelions et que nous ayons une volonté politique dans ce sens. L'avenir de la France maritime passe par de l'audace et des moyens. Cela passe donc, je le répète, par l'instauration d'un ministère de pleine compétence. C'est à ce prix que la France saura manifester et réaliser son ambition océane.
Relever le défi d'une politique maritime ambitieuse c'est vouloir une France forte et sûre d'elle même. Nous savons ce que les deux sortants ont fait de la France. Notre seule issue, sur les questions maritimes, comme pour le reste réside dans la possibilité historique qui nous est offerte : d'abord l'élection présidentielle, ensuite les élections législatives. En effet, à ce moment là, les Français auront la possibilité de faire le choix de relever la République avec la France.
Le Pôle républicain qui se constitue actuellement leur offre une véritable alternative, qui ne se confond pas avec une simple alternance des hommes, des équipes et des appétits. Ce Pôle républicain s'incarne dans celui qui est désormais reconnu comme étant la surprise de cette précampagne, mais aussi comme l'Homme de la Nation. Vous l'aurez reconnu, il s'agit bien évidemment de Jean-Pierre Chevènement.
(Source http://www.georges-sarre.net, le 23 janvier 2002)