Synthèse de la conférence de presse de Mme Christine Boutin, député UDF et candidate à l'élection présidentielle de 2002, sur le bilan du pacte civil de solidarité, "le PACS, deux ans après", Paris le 13 novembre 2001.

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Texte intégral

Introduction : regarder la réalité de l'application du Pacs en face
Cette synthèse ne vient pas en réponse au rapport de Jean-Pierre Michel (MDC) et Patrick Bloche (PS) que j'analyserai en détail lorsqu'il sera mis à la disposition des parlementaires. Il apporte cependant certaines réponses aux déclarations publiques récentes des rapporteurs de la proposition de loi. Deux ans après la promulgation du Pacs en effet, ils rendent public aujourd'hui leur bilan d'application de cette loi.
Les rapporteurs du Pacs proposent déjà de réformer ce texte et d'ouvrir le débat sur le droit à l'adoption pour les pacsés. D'après les informations parues dans la presse, ils saisissent cette occasion pour revenir sur les arguments des opposants au Pacs et les contester. Pourquoi n'abordent-ils pas plutôt les réelles ambiguïtés apparues depuis deux ans dans l'application de cette loi qui a largement été détournée de l'objectif initial affiché par ceux qui l'ont promue ?
D'autres éléments d'appréciation sur cette réforme et ses nouvelles perspectives que ceux émanant des seuls auteurs de la loi paraissent donc indispensables pour que ce bilan prenne en compte les dérives observées et alerte sur le risque des évolutions préconisées.
Avant de se laisser proposer les évolutions imaginées par les rapporteurs de la loi, les Français doivent connaître la face cachée du bilan du Pacs, celle qui paraît aujourd'hui injustement occultée.

I - Les chiffres du Pacs traduisent déjà sa désaffection
Présenté comme un succès, le chiffre de moins de 50 000 Pacs en deux ans révèle au contraire les limites pratiques du texte : il n'était pas demandé par les Français, sauf par quelques groupes très minoritaires ; il n'a été que marginalement adopté par les personnes homosexuelles. Les chiffres affichés méritent par ailleurs d'être pris en compte avec prudence.
L'échec quantitatif
50 000 Pacs : c'est un échec au regard des estimations qui prévalaient au moment de son vote. Le caractère symbolique voire idéologique du contrat s'en trouve a contrario confirmé.
Rappelons que, Ministre de la Justice, Mme Guigou évaluait à l'époque des débats parlementaires à 5 millions le nombre des Français concernés. Aujourd'hui on compte 2,5 millions de couples non-mariés ; et, visiblement, le Pacs les intéresse encore moins que le mariage. Quand ces couples veulent changer de statut, c'est vers le mariage que la plus grande majorité se tourne naturellement.
Il faut par ailleurs noter la décrue du Pacs après une période d'engouement relatif (près de 30 000 Pacs ont été signés la première année). Il y a une désaffection pour ce contrat, même dans les milieux homosexuels, si on en croit les statistiques de l'homosexualité avancées par les associations qui affirment la représenter.
Le terme " pacser " a pris dans le langage courant une connotation péjorative. Il traduit une relation précaire et de calcul financier. Cette dérive est aggravée par la fraude généralisée au Pacs, alors que le mariage est associé aux notions de sécurité et d'amour dont les Français ont particulièrement besoin. Il faudrait d'ailleurs analyser sur plusieurs années les taux de rupture de Pacs (à déduire des chiffres des pacsés) et leurs conséquences judiciaires : déjà des tribunaux ont été saisis par des pacsés lésés en cas de mise en uvre du droit de rupture unilatérale par l'autre contractant.
A contrario, la progression du mariage (300 000 mariages en l'an 2 000) montre que les Français ont conservé un attrait pour cette institution républicaine qui marque un réel engagement et dont l'objectif est la fondation d'une famille.
Des chiffres douteux
L'analyse des chiffres du Pacs ne peut faire l'impasse sur le scandale des Pacs frauduleux, dont le taux est ignoré ou sous-évalué. La proportion de Pacs hétérosexuels dont se félicitent les rapporteurs du projet est au contraire le signe de l'ampleur de la fraude. Pour tenir compte des Pacs blancs, les chiffres officiels, déjà faibles, doivent être revus à la baisse.

II - Les Pacs blancs noircissent le bilan
Donner des avantages (ou droits) sans contrepartie (ou devoir) incite à la fraude. Le Pacs blanc est à cet égard nettement plus attractif que le mariage blanc. Trois catégories de Pacs blancs sont ainsi possibles, dont les mobiles sont :
la mutation professionnelle ;
l'exonération fiscale ;
la régularisation des étrangers en situation irrégulière.
La révélation des Pacs blancs est la fraude la plus évidente aujourd'hui. Dès la première année du Pacs, on estimait à 4 000 le nombre des Pacs blancs dans la seule Education nationale soit 15% du total des Pacs enregistrés. On a même découvert un marché des Pacs blancs avec petites annonces dans certains IUFM où l'on proposait pour 3000 à 4000 Francs d'être le Pacsé qui permettrait d'augmenter le nombre de points (ces points départagent deux candidats à la mutation, généralement vers le Sud).
On ne peut que souligner la responsabilité des promoteurs de la loi. En refusant d'assumer les objectifs réels, largement idéologiques, de leur projet, ils ont facilité son détournement par le marché de la fraude.
Cette donnée explique à nos yeux une grande partie des Pacs hétérosexuels.
Or, ces Pacs hétérosexuels sont encore mis en avant par les rapporteurs de la loi :
pour expliquer le caractère positif de leur bilan par un gonflage artificiel des données chiffrées ;
pour contester l'accusation des opposants au projet qui n'y voyaient qu'un succédané de mariage homosexuel ;
pour renforcer la revendication du droit à l'adoption pour les pacsés.
Les Pacs hétérosexuels (véritables ou frauduleux) servent ainsi de caution à l'appui de la loi, mais aussi d'une autre revendication bien plus dangereuse à notre sens : celle du droit à l'adoption homosexuelle. Cette manipulation de l'opinion publique, qui reste majoritairement hostile à ce bouleversement de notre droit de la famille, doit être dénoncée.

III - Le droit à l'adoption homosexuelle est l'objectif ultime
Le refus de l'adoption homosexuelle a été l'argument principal et public de notre opposition au Pacs. Le fait que le droit à l'adoption homosexuelle soit devenu la revendication récurrente des pro-Pacs donne raison à l'engagement déterminé de ceux qui se sont opposé à la proposition de loi.
Il faut se souvenir que jusqu'à la veille du rejet surprise de la première mouture du Pacs par l'Assemblée nationale, le 9 octobre 1998, les rapporteurs du Projet avaient caché cette revendication. Et le gouvernement avait refusé de se prononcer sur ce thème " hors sujet ". Puis Jean-Pierre Michel avait affirmé que le Pacs ouvrirait inéluctablement le droit à l'adoption pour les pacsés.
Aujourd'hui, les rapporteurs de la loi avancent d'un pas de plus vers cette revendication en affirmant qu'il faut ouvrir ce débat. Ils prennent soin toutefois de noter qu'il ne pourrait aboutir avant les élections présidentielles (pour des raisons de calendrier mais aussi politiques).
Cependant, les illusions ouvertes par le vote du Pacs, encouragent le thème de " l'homoparentalité " comme revendication identitaire ultime dans certains groupes homosexuels. Ce fut ainsi le slogan de la dernière Gay pride.
Comme la majorité des Français, nous restons attachés au droit de l'enfant à être élevé par un papa et une maman. Lorsqu'un accident de la vie (deuil, rupture) prive l'enfant d'un de ses deux parents, la société doit tout faire pour compenser ce manque. Mais en aucune façon elle ne peut délibérément bafouer ce droit. C'est le droit de l'enfant et non le droit à l'enfant qui doit prévaloir. Cette position de contestation de la notion d'homoparentalité n'empêche pas de reconnaître la " parentalité " des parents qui, tout en vivant avec une personne de même sexe, élèvent un enfant issu d'une relation hétérosexuelle antérieure. La situation difficile - et heureusement assez rare - de ces enfants ne doit pas être instrumentalisée comme caution de l'adoption homosexuelle.
Par ailleurs, le quelques études pseudo scientifiques à l'appui de ce droit à l'adoption qui nous ont déjà été proposées méritent d'être abordées avec la plus grande prudence. Comme lorsque l'échantillon de 58 enfants étudiés est fourni par l'association même qui revendique l'adoption homosexuelle et que seuls les adultes, membres de l'association, sont interrogés (et non les enfants concernés) pour conclure que les enfants ne souffraient pas d'être élevés par deux " pères " ou deux " mères ".
Qui pourrait souhaiter pour un enfant d'être privé d'un père ou d'une mère ? La protection de l'enfant est l'un des rares sujets auquel l'immense majorité des français reste profondément attachée.

Conclusion : abroger le Pacs tout en rendant justice
Le débat autour du Pacs a eu le mérite, malgré les dénégations de ses promoteurs, de poser les véritables questions de société qui en étaient l'enjeu. En proposant d'aller encore plus loin, les promoteurs du Pacs en confirment le danger :
supprimer le délai avant l'imposition commune rend le contrat encore plus précaire pour les contractants et plus attractif pour les fraudeurs ;
réduire le délai avant l'obtention de la carte de séjour pour les étrangers aggrave aussi le risque des régularisations frauduleuses ;
ouvrir la perspective du droit à l'adoption méconnaît l'intérêt des enfants et risque de les intrumentaliser à l'appui une revendication identitaire.
En utilisant le thème de l'homophobie comme moyen d'écarter toute opposition, les promoteurs du projet ont utilisé un argument facile. Aujourd'hui, ils réclament des dispositifs législatifs nouveaux pour sanctionner les propos " homophobes ". S'il s'agit de venir en aide à des personnes scandaleusement insultées, on serait difficilement fondé à le contester. Pourtant, l'arsenal législatif actuel semble pouvoir répondre à l'attente légitime de tout citoyen d'être respecté. S'il s'agit en revanche d'étouffer tout débat contradictoire sur la question homosexuelle, c'est une atteinte inacceptable à la liberté de conscience et d'expression, clé de voûte de notre démocratie.
Il sera intéressant de noter les prises de position des candidats aux élections présidentielles, notamment de Jean-Pierre Chevènement et de Lionel Jospin vis-à-vis de la surenchère actuelle des promoteurs du Pacs issus de leurs partis. De même l'attitude des candidats de l'opposition comme Alain Madelin ou Charles Pasqua qui ne se sont pas explicitement opposés au projet au moment de son vote.
De mon côté, sans cautionner la caricature qu'on a parfois faite de l'opposition au Pacs, je souhaite en 2002 son abrogation. Ce qui n'exclut pas des mesures de justice à l'endroit de toute personne, homosexuelle ou non, qui souffrirait de discrimination injuste.

(source http://www.christineboutin2002.com, le 6 décembre 2001)