Déclaration de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur la participation des consommateurs et de leurs associations au processus de passage d'une Europe des marchands à une Europe des citoyens, Paris le 22 novembre 2001.

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Circonstance : Assemblée générale du bureau européen des unions de consommateurs, à Paris le 22 novembre 2001

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Je tiens d'abord à vous féliciter et à vous remercier d'avoir choisi de réunir votre Assemblée annuelle à Paris.
J'espère que, en marge de vos travaux, vous aurez pu disposer d'un peu de temps pour apprécier votre court séjour ici-même.
Votre rencontre se tient qui plus est à l'Assemblée Nationale, un lieu qui est par destination ouvert au débat démocratique, mais aussi un lieu propice à l'expression de la société civile, un lieu sensible et ouvert au débat européen.
En tant que ministre de la Consommation, j'ai souvent des contacts avec les associations françaises membres du BEUC. Je connais bien l'U.F.C., la C.L.C.V., l'ORGECO.
Je connais moins les 29 autres organisations indépendantes de consommateurs des 19 autres pays européens qui font partie de votre Bureau, et je suis heureux de cette occasion de vous rencontrer.
Je suis heureux aussi de voir que vos participants et vos actions couvrent largement le territoire de l'Union européenne, même au-delà car il faut en effet garder une vision large et ainsi préparer, par le dialogue et le travail en commun, l'élargissement mais encore l'approfondissement de l'Union européenne.
Vous savez que la France a toujours attaché beaucoup d'importance à la prise en compte, au plan européen, des intérêts des consommateurs. Cela constitue un élément fort d'une Europe proche des citoyens, de leurs difficultés et de leurs aspirations. La politique européenne à l'égard des consommateurs doit rétablir l'équilibre des forces entre consommateurs et professionnels sur le marché. C'est une première fonction régulatrice de cette politique, pleinement connue et reconnue, qui s'exprime en particulier au travers des directives et règlements communautaires pris pour assurer l'information et la protection des consommateurs.
Pour autant, cela n'est pas à mon sens la seule fonction de la politique de consommation, qui doit aussi intégrer des aspirations sociales plus larges des citoyens, être à leur écoute, générer du dialogue, sans démagogie mais avec l'ambition réelle de mieux prendre en compte la voix des consommateurs dans l'Union.
J'ai pour ma part le sentiment que le poids de l'expression des consommateurs, tant en France qu'en Europe, a vocation à s'accentuer au cours des années à venir. La société civile s'approprie la construction européenne, qui n'est plus seulement celle d'une poignée de spécialistes et de décideurs.
Le vaste débat sur l'avenir de l'Europe, mené ces derniers mois en France et dans les autres pays de l'Union européenne, est déjà concrétisé dans notre pays par la tenue de 26 forums régionaux entre avril et novembre, et par la récente remise d'un rapport de synthèse au Président de la République et au Premier ministre. Ce rapport alimentera dès le sommet de Laeken la contribution française au débat sur l'avenir de l'Europe.
Il y a aujourd'hui dans la société une véritable attente d'Europe, mais qui est aussi l'attente d'une construction européenne qui fasse mieux le lien entre l'économique et le social, dont le fonctionnement démocratique soit plus lisible.
L'un des enjeux est de faire émerger de ce débat des euro - consommateurs. Cette ambition, je suis sur que nous la partageons ensemble aujourd'hui.
Le point de départ est que le consommateur est le premier acteur du marché. L'enjeu aujourd'hui est qu'il soit un acteur éclairé, c'est-à-dire informé, et un acteur libre dans ses choix de consommation, c'est-à-dire protégé par des règles efficaces assurant sa sécurité physique et juridique, ainsi que la loyauté des offres commerciales.
Dans un marché ouvert à l'échelle de 375 millions de consommateurs, dont plus de 300 millions bénéficient d'une monnaie unique, c'est donc le consommateur qui a vocation de " faire la loi du marché ". Mais en a-t-il pleinement conscience, individuellement et collectivement ? Comment faire progresser cette conscience et faire émerger des euro-consommateurs ?
Il faut répondre par la régulation et par la participation.
1 - L'action régulatrice des institutions communautaires concourt à faire émerger les euro-consommateurs. Telle est la logique du Traité, qui érige la politique à l'égard des consommateurs au rang de politique commune. Un programme d'action sur cinq ans, défini par le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen, sert cet objectif.
Les actions réglementaires des institutions font progresser concrètement et quotidiennement l'Europe de la consommation. Ainsi la présidence française en 2000 a donné l'occasion de réelles avancées sur la sécurité générale des produits (révision de la directive 92/59), la prise en compte du principe de précaution, la préparation à l'euro, l'évaluation, du risque alimentaire (Autorité Alimentaire Européenne, dont le fonctionnement est en ce moment défini).
2 - La participation des consommateurs et de leurs organisations est aussi nécessaire à l'émergence d'euro-consommateurs. Les instances favorisant à Bruxelles l'expression des points de vue consuméristes existent, comité des consommateurs, regroupements tel justement votre Bureau, mais demeurent encore trop peu visibles dans la société.
Un autre enjeu de participation repose sur l'intégration de la politique à l'égard des consommateurs, politique transversale, dans les autres politiques communes de la Communauté européenne. Ainsi, la stratégie du marché intérieur comme la politique agricole par exemple se doivent d'intégrer les axes de protection et d'information des consommateurs. Cette évolution est engagée, comme en témoignent le premier Forum citoyens / consommateurs/ PME sur la marché intérieur tenu durant notre présidence, ou encore les textes en voie d'aboutissement sur l'évolution de la législation alimentaire.
L'émergence d'euro-consommateurs apparaît aujourd'hui comme un chantier ouvert, mais balisé par les exigences de confiance, de transparence et de dialogue affirmées par les consommateurs et relayées dans les débats communautaires. Il s'agit pour moi d'une expression forte de l'enjeu qui consiste à passer d'une Europe des marchands à une Europe des citoyens.
Notre rencontre aujourd'hui est aussi l'occasion de dire quelques mots sur plusieurs dossiers d'actualité.
Je rencontrerai mes collègues ministres en charge de la consommation lundi prochain à Bruxelles, à l'occasion d'une nouvelle session du Conseil " Marché intérieur, consommateurs, tourisme " tenue sous présidence belge.
Cette réunion nous permettra de faire le point sur l'avancement de la future Autorité alimentaire européenne, qui sera en charge de l'évaluation des risques alimentaires. Les Etats membres partagent la volonté d'aboutir, et la Présidence belge entretient tous les contacts avec le Parlement en vue de l'adoption définitive de ce texte. Selon l'attitude du Parlement, il faudra éventuellement passer par la procédure de conciliation, ce que pour ma part je regretterais sur un sujet où, je crois, l'attente des citoyens est claire et forte, et où ils ne comprendraient pas que le processus de décision communautaire s'enlise dans des questions de procédure. Le Parlement européen doit se prononcer le 12 décembre sur la position commune du Conseil. J'attends le résultat de ce vote avec impatience. Pour autant, le dispositif de l'Agence sera opérationnel en 2002 et nous aurons aussi, je le rappelle, posé et clarifié les principes généraux du droit alimentaire européen.
Autre sujet : un accord vient d'intervenir à Doha sur le lancement d'un nouveau cycle de négociations multilatérales. Il s'agit d'un signal positif de la communauté internationale dans le contexte actuel. Les déclarations adoptées traduisent une inflexion dans deux directions que la France appelait de ses vux.
Le nouveau cycle prend en compte les préoccupations et les objectifs des pays en développement, tout particulièrement par l'accord obtenu sur l'accès aux médicaments. Les conclusions de la réunion interministérielle garantissent aussi la pérennité des accords préférentiels de l'Union Européenne avec ses partenaires d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
En outre, des avancées significatives ont été obtenues dans le sens de la prise en compte des thèmes de régulation, pour une meilleure maîtrise de la mondialisation. Si l'on peut regretter que la position de certains Etats membres de l'OMC n'ait pas permis de progresser significativement, à DOHA, sur la prise en compte de la dimension sociale de la globalisation, il faut noter l'intégration, pour la première fois, de l'environnement dans la négociation commerciale multilatérale. Celle-ci ne sera toutefois pleinement effective que si les accords multilatéraux sur l'environnement sont signés et ratifiés par l'ensemble de la communauté internationale.
S'agissant de l'agriculture, ce sont les réformes de la PAC qui détermineront nos positions pour la négociation qui s'engage. Les acquis de la PAC doivent être préservés, la France y sera particulièrement vigilante.
L'accord de DOHA constitue une base de départ pour l'ouverture d'un nouveau cycle de négociation commerciale multilatérale. Les discussions devront aboutir à un équilibre entre régulation et libéralisation, auquel la France, comme ses partenaires de l'Union Européenne, est particulièrement attachée.
Vous souhaitiez évoquer la question du cadre réglementaire de la distribution automobile. Les dispositions communautaires adoptées en 1995 ont préservé une concurrence inter-marques satisfaisante, ont favorisé un maillage territorial assurant un service de proximité aux consommateurs, et ont permis la mise en uvre d'exigences élevées de sécurité des véhicules. Il est certainement possible de franchir une nouvelle étape en préservant les acquis pour les consommateurs des décisions de 1995. Cela suppose le maintien et l'aménagement du règlement d'exemption couvrant ce secteur. La sélection des distributeurs doit garantir aux consommateurs le niveau des prestations du réseau, c'est à dire reposer sur des critères objectifs et non discriminatoires. La sécurité impose aussi de veiller à l'existence d'une offre complète d'entretien et de réparation sur le territoire, ce qui implique que le principe d'un lien entre la vente et l'après-vente soit réaffirmé.
Pour autant, il n'est pas satisfaisant que le constructeur puisse par contrat limiter la possibilité pour un concessionnaire de vendre des marques concurrentes, ou bien restreindre l'accès à l'information technique nécessaire à la réparation des véhicules. La Commission européenne présentera prochainement des propositions de révision. La France soutiendra une position équilibrée, à même de dynamiser encore la concurrence dans ce secteur mais en faisant en sorte que l'acquis des dispositions de 1995 pour les consommateurs, en termes de sécurité et de qualité de service, puisse être préservé.
Le commissaire Byrne a aussi ouvert récemment un débat large sur les principes de la politique à l'égard des consommateurs. Ce débat est légitime et important. Le marché intérieur est maintenant consolidé, il faut développer la dimension citoyenne de la politique de la consommation, préparer l'élargissement et s'inscrire pleinement dans le débat sur l'avenir de l'Europe. L'importance de la protection des consommateurs impose dans ce domaine des objectifs ambitieux. La législation communautaire mérite en permanence d'être actualisée, doit couvrir de nouveaux champs prioritaires, garantir un niveau élevé de protection et l'application effective des règles. Dans ce schéma, la place accordée à l'auto-régulation doit faire l'objet d'un examen attentif, en tenant compte de ses limites actuelles liées au faible niveau des engagements parfois inclus dans les codes de bonne conduite élaborés par des secteurs professionnels.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 novembre 2001)