Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le développement de la société de l'information, la compétence des ingénieurs en télécommunications et la mobilité professionnelle, Paris le 12 décembre 2001.

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Circonstance : Assemblée générale de l'association des ingénieurs des télécommunications à Paris le 12 décembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je me trouve aujourd'hui parmi vous pour conclure cette assemblée générale. Vous l'avez souligné, monsieur le Président, il n'est pas habituel pour un ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat de participer à l'assemblée générale du corps interministériel des ingénieurs des télécommunication. Je vous remercie donc d'autant plus de votre invitation, qui nous permet d'échanger sur les chantiers engagés par le gouvernement pour accompagner, faciliter et accélérer l'entrée dans la société de l'information.
Votre corps est en effet un élément central et fondamental de la conception et de la mise en uvre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information.
Je voudrais avant tout retracer devant vous les progrès que nous avons accomplis ensemble, depuis le lancement du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI) en janvier 1998, en matière d'administration en ligne. Ce chantier gouvernemental, qui associe tous les ministères et que je coordonne, est couronné de succès - même si ces réussites ne font que nous conduire à chaque fois à des projets plus ambitieux.
Les résultats sont avant tout concrets pour l'usager : en quatre ans, plus de 4 500 sites publics ont été ouverts. Aujourd'hui, tous les services de l'Etat sont présents en ligne et la qualité de ces sites se renforce rapidement, comme l'étude annuelle que le ministère vient de rendre publique l'a souligné.
Les téléservices se développent rapidement. Service-public.fr propose ainsi 110 téléservices entièrement dématérialisés, du paiement de l'impôt à l'inscription aux concours d'enseignants en passant par le suivi de ses remboursements de sécurité sociale. Depuis son ouverture au printemps 2001, le service de demande en ligne du casier judiciaire a reçu par internet plus de 100 000 demandes, soit 15% du total des demandes d'extraits de casier. Depuis le 23 octobre 2001, le service " Allosécu " de la CNAM permet de savoir, sur internet ou par téléphone, où en est un remboursement que l'on attend.
Les entreprises peuvent aujourd'hui utiliser les solutions de sécurisation des échanges autorisées par la loi sur la signature électronique pour télédéclarer et payer leur TVA. De son côté, la mise en place du portail " Net-entreprises " engage une véritable révolution dans les échanges entre entreprises et organismes sociaux, puisque la douzaine de déclarations au cur du projet représente 90% des 130 millions des déclarations sociales renvoyées chaque année par les employeurs.
Je pourrais multiplier les exemples, en soulignant par exemple l'importance des usages démocratiques et citoyens des technologies de l'information et de la communication, symbolisés par la disponibilité gratuite des données publiques essentielles.
Ces réalisations et l'accroissement des attentes des usagers vis-à-vis de l'administration électronique ont conduit le gouvernement, en novembre 2001, à décider d'engager une nouvelle phase du développement de l'administration électronique. Les décisions prises lors du Comité interministériel à la réforme de l'Etat du 15 novembre 2001 visent cinq objectifs :
· généraliser les téléservices personnalisés : d'ici à 2005, chaque citoyen disposera de mon.service-public.fr, son site personnalisé pour toutes ses démarches administratives ;
· faire progresser la protection des données personnelles : chaque usager pourra conserver de manière dématérialisée, en toute sécurité et confidentialité, les pièces justificatives et les documents résultant de ces démarches ;
· moderniser pour tous et pas pour les seuls internautes : les progrès doivent également être visibles pour les usagers qui se rendent au guichet ou qui utilisent le téléphone ;
· enrichir le débat démocratique : les consultations des citoyens et des acteurs économiques et sociaux sur les projets de l'administration seront développés ;
· donner toute leur place aux agents publics : une formation adaptée leur sera fournie, notamment au travers d'un " passeport pour l'internet public " proposé en ligne en 2002 ; un appel à projets " campus numériques pour la fonction publique " sera lancé en 2002, auquel j'espère que le groupe des écoles des télécommunications choisira de participer.
Les ingénieurs des télécommunications jouent un rôle important dans ces chantiers, comme dans la recherche, grâce à l'action du groupe des écoles des télécommunications, qui voit ses moyens fortement accrus cette année, et dans le conseil au gouvernement, à travers le conseil général des technologies de l'information et le comité stratégique des technologies de l'information, installé auprès du Premier ministre.
A travers ces activités, on voit aisément combien vous êtes porteurs de compétences de plus en plus cruciales pour la mise en uvre des politiques publiques. Ces compétences sont aujourd'hui trop rares dans notre pays. Une responsabilité particulière vous incombe de ce fait : faciliter l'appropriation par d'autres des outils et des systèmes que vous maîtrisez. Ne vous contentez pas d'engranger le savoir : échangez-le avec ceux dont le succès sera le vôtre et dont l'échec serait le vôtre. Je sais que c'est votre souhait, comme c'est le mien.
Je voudrais à présent partager avec vous quelques éléments sur le cadre dans lequel vous serez amenés à participer à ces chantiers.
Vous avez souhaité, monsieur le Président, appeler plus particulièrement mon attention sur le sujet de la mobilité, dans ses trois dimensions : entre administrations nationales, entre le public et le privé et à l'international.
Je souscris pleinement à l'analyse que vous faites sur la mobilité des hauts fonctionnaires et je ne reviendrai pas sur l'intérêt qu'il y a à favoriser une mixité des profils, dans un contexte général où l'évolution démographique des corps de la fonction publique et celle de la population active rendraient suicidaire tout cloisonnement.
La mobilité est une question d'état d'esprit : il faut à la fois que les administrations acquièrent le réflexe de rechercher des cadres à l'extérieur des corps qu'elles gèrent, et qu'elle valorisent, pour leurs cadres qui ont choisi une carrière mobile, ces expériences.
C'est aussi une question statutaire, au sens propre du terme. Dans ce domaine, ma politique est claire : lever les obstacles, décloisonner les viviers. Il s'agit d'une part de permettre des carrières alternées entre administrations centrales et services déconcentrés : c'est l'objectif des deux décrets du 18 juin dernier, qui sonnent la fin des chasses gardées. Il s'agit d'autre part de neutraliser, pour les agents eux-mêmes, les effets parfois négatifs qu'une ou plusieurs mobilités peuvent avoir sur le déroulement de leur carrière. C'est l'objet de la réforme, en voie d'achèvement, du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, qui neutralisera les effets des détachements sur la promotion interne des corps d'accueil et améliorera les conditions, notamment budgétaires, de réintégration des agents à l'issue de leur détachement.
Certaines carrières, vous l'avez souligné, pourraient utilement " panacher " périodes d'emploi au sein de la fonction publique et dans le secteur privé. Il s'agit ici d'adapter les règles applicables à la disponibilité : nous avons décidé le 15 novembre dernier, à l'occasion du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, de supprimer la disponibilité d'intérêt général, qui n'a plus de sens, pour allonger à 10 ans la disponibilité pour convenances personnelles, tout en facilitant les conditions de retour de disponibilité.
Il faut cependant veiller aux règles déontologiques qui doivent encadrer les départs de fonctionnaires dans le secteur privé, et qui ont pour moi une grande importance : elles permettent de prévenir le risque, pour l'administration, de voir sa neutralité ou son bon fonctionnement mis en cause ; elles protégent également le fonctionnaire lui-même contre tout risque de mise en cause de sa responsabilité pénale.
Enfin, je suis comme vous conscient de la nécessité de valoriser les carrières internationales et surtout de ne pas pénaliser les fonctionnaires qui choisissent de faire bénéficier des Etats étrangers ou des organisations internationales de leurs compétences. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a récemment arrêté des orientations permettant aux ministères de constituer des viviers de fonctionnaires susceptibles de remplir ces missions internationales et de mieux valoriser, au moment du retour en France, les expériences acquises à l'étranger.
Enfin, vous appelez tout à fait normalement mon attention sur le niveau des rémunérations et leur évolution en cours de carrière. L'attractivité de la fonction publique ne peut effectivement pas être éludée, compte tenu des pressions démographiques que nous allons connaître dans les années à venir.
La revalorisation de l'encadrement supérieur de l'Etat est effectivement un dossier ouvert, qui connaît des traductions concrètes, déjà, dans un nombre important de corps. La nouvelle bonification indiciaire est également un outil de modernisation des modes de rémunération : là aussi, les choses avancent, au rythme des dossiers présentés par les ministères gestionnaires. Mon souci est de veiller à la cohérence des constructions indiciaires et indemnitaires proposées, pour garantir la mobilité entre administrations, et à l'égalité de traitement des agents placés dans des situations professionnelles semblables.
Mesdames, Messieurs,
Pour conclure, et de la part du Premier ministre, je tiens à vous assurer de l'estime et de la considération du gouvernement pour la contribution qui est la vôtre au développement de la société de l'information en France. C'est en s'appuyant sur votre compétence et votre savoir-faire que la France pourra répondre à un nouveau défi, dans les années qui viennent : devenir la première économie numérique d'Europe.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 14 décembre 2001)