Interview de M. Daniel Hoeffel, ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales, dans "Les Echos" le 15 octobre 1993, sur le débat national sur l'aménagement du territoire, la DATAR et les fonds structurels européens.

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Média : Les Echos

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Les Echos : Aujourd'hui débute à Nantes le grand débat national sur l'aménagement du territoire. Pourquoi Nantes ?

Daniel Hoeffel : Nous rendons hommage au président de la Région Pays de la Loire, Olivier Guichard, qui a été il y a un quart de siècle un pionnier de l'aménagement du territoire. En outre, le choix de la façade Atlantique montre notre volonté politique de ne pas laisser se marginaliser quelque partie du territoire que ce soit au moment où l'Europe est en devenir. L'arc Atlantique doit se sentir sans complexe, bien intégré au développement de l'Europe occidentale.

Les Echos : Quelles questions poser aux Français dans ce grand débat ?

Daniel Hoeffel : Aucune question ne sera taboue dans le débat à venir. Que ce soit la place que chacune des Régions escompte dans la France de 2015, le devenir des grandes infrastructures ou l'adaptation des institutions à la France de demain. Est-ce que notre système institutionnel, dans la décentralisation actuelle, est adapté aux besoins de demain ? L'enchevêtrement des compétences répond à quelles exigences ? Est-ce que le financement de nos collectivités territoriales est à même de leur permettre de remplir leur mission mais aussi à nos concitoyens de savoir clairement qui fait quoi ?

Les Echos : Peut-on aller jusqu'à un réaménagement de la fiscalité locale ?

Daniel Hoeffel : Tout le monde est d'accord pour estimer que le système actuel des finances locales n'est pas adapté. Mais la moindre proposition de réforme se heurte inévitablement à des réticences. Pourtant, des clarifications s'imposent. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre vient de constituer une mission présidée par un magistrat de la Cour des comptes, François Delafosse, pour effectuer une étude globale sur les relations financières entre l'État et les collectivités Elle devra avoir terminé le 31 mars.

Les Echos : Ces travaux vont-ils être pris en compte dans la future loi d'orientation ?

Daniel Hoeffel : Je crois qu'il est prématuré de le dire. Toute cette partie représente un bloc tellement complexe et détaillé que je ne la vois pas réduite à quelques articles dans une loi d'aménagement du territoire.

Les Echos : Charles Pasqua est allé jusqu'à parler de spécialisation des impôts par niveau de collectivités locales ?

Daniel Hoeffel : Il nous est arrivé déjà, dans les rapports que nous avons publiés au Sénat en 1991, d'évoquer cette piste. Tout va de recherche d'une éventuelle et possible pair : les blocs de compétence et la spécialisation de tel impôt pour telle collectivité. Il faut que les simulations soient vraiment impeccables. Quand on voit les ratés qu'il y a eu en ce qui concerne la taxe professionnelle, cela donne une idée des difficultés. Il faudrait être dégagé d'échéances électorales imminentes avec un gouvernement ayant le goût du sacrifice pour y aller. À mon avis, il faut y arriver.

Les Echos : Le gouvernement avait promis qu'un mois après son installation, il y aurait un nouveau schéma d'aménagement pour l'Ile-de-France. Il n'y a toujours rien.

Daniel Hoeffel : Dès l'arrivée de Charles Pasqua au ministère d'État, le gouvernement a préparé une révision des hypothèses de croissance de la région Ile-de-France par rapport à celles qui étaient contenues dans le SDAURIF. Le CIAT de Mende a ratifié cette révision. Sauf difficultés imprévues, le nouveau SDAURIF devrait être approuvé à la fin de cette année ou au début de 1994. Je ne pense pas qu'on puisse considérer qu'il y a une quelconque contradiction entre un SDAURIF révisé et le projet de loi sur l'aménagement du territoire qui viendra devant le Parlement à la session de printemps 1994.

Les Echos : Quels sont les nouveaux objectifs que vous assignez à la DATAR ?

Daniel Hoeffel : La DATAR a été amenée au cours des dernières années à gérer les nombreux problèmes économiques qui se posaient dans les diverses régions. Elle en a perdu un peu son rôle moteur d'aménagement du territoire. Il faut que la DATAR puisse revenir à sa vocation d'origine, prévoir l'avenir à moyen et long terme. Sans pour autant renoncer à ses autres missions. Cela veut dire aussi plus de moyens et le budget d'aménagement du territoire 1994 exprime déjà cette nouvelle orientation imprimée à la DATAR. En ce qui concerne l'aménagement du territoire en général, car il ne faut pas voir que la DATAR, il y a une progression de 25 % des crédits en 1994 sur 1993.

Les Echos : Où en est-on avec les fonds structurels européens ?

Daniel Hoeffel : Pour l'objectif 1 (Régions en retard de développement), l'accord est intervenu globalement au mois de juillet. Reste l'ultime phase de négociation pour préciser les crédits qui seront affectés à la France. Jusqu'à présent, nous ne connaissons qu'une fourchette. En ce qui concerne l'objectif 2 (Régions en déclin industriel), le gouvernement français a envoyé ses propositions à Bruxelles la semaine dernière. Nous espérons aboutir à un accord d'ici au mois de décembre. Pour l'objectif 5 b (zones rurales en difficulté), nous avons fait connaître nos propositions la semaine dernière. Nous espérons disposer dès la semaine prochaine de propositions en réponse de la Commission, pour que puisse s'engager la négociation finale. Nous avons demandé une majoration sensible des zones éligibles par rapport à la période précédente, compte tenu de l'augmentation des zones industrielles à problèmes et aussi des incidences sévères de la nouvelle PAC sur les zones rurales. C'est donc dans les six semaines à venir qu'une négociation avec la Commission de Bruxelles devra aboutir.