Texte intégral
La Tribune : Pourquoi souhaitiez-vous prendre une initiative dans le domaine audiovisuel ?
Jean-Marc Ayrault : En tant que président du groupe socialiste, il m’appartient de veiller à ce que les engagements pris durant la campagne législative soient respectés et d’aider le Gouvernement à les mettre en œuvre. Dans l’audiovisuel, nous étions face à une véritable difficulté. Les parlementaires qui suivent ces questions, comme Didier Mathus, Jean-Marie le Guen, Michel Françaix ou encore Patrick Bloche, Odette Grzegrzulka et Frédérique Bredin, avaient un sentiment d’enlisement. J’ai donc décidé de rencontrer Catherine Trautmann. Comme la méthode choisie pour son projet de loi consistait à couvrir l’ensemble des problèmes liés au secteur, j’ai eu le sentiment, compte tenu du calendrier parlementaire, qu’il serait difficile de mener à terme le projet de loi en l’état. Je lui ai donc proposé une autre méthode : se concentrer sur un texte plus restreint, avec les dispositions sur lesquelles un grand travail avait déjà été fait.
La Tribune : Quel sera dès lors le champ couvert par le texte Trautmann ?
Jean-Marc Ayrault : Catherine Trautmann est maintenant en mesure de faire adopter, à la rentrée, par le Conseil des ministres, un projet de loi visant une rationalisation du service public audiovisuel. Son examen au Parlement, au moins en première lecture, doit avoir lieu avant la fin de l’année, car le texte ne devrait pas compter plus de six ou huit articles. La situation de l’audiovisuel public est aujourd’hui préoccupante. Il est indispensable d’en sortir.
La Tribune : Mais que deviennent les engagements de la campagne législative en matière de concentration ?
Jean-Marc Ayrault : Le Gouvernement est conscient qu’il faut trouver une solution. Quelle que soit la technique parlementaire utilisée, amendement ou proposition de loi, il est envisagé en octobre ou novembre un texte simple, prévoyant une saisine automatique du Conseil de la concurrence sur tout projet de concentration dans l’audiovisuel. En cas d’abus de position dominante, il aura les moyens d’appliquer des sanctions, voire des mesures de déconcentration. Il faut faire entrer l’audiovisuel dans le droit commun de la concurrence à l’instar de l’Allemagne ou des Etats-Unis.
La Tribune : Cette proposition ne limite-t-elle pas le rôle du CSA, qui dispose actuellement de ce pouvoir de saisine ?
Jean-Marc Ayrault : Le rôle du CSA demeurera essentiel, notamment à l’égard du service public, en matière d’exception culturelle, de quotas ou encore d’attribution et de renouvellement des fréquences. Dans son projet, Catherine Trautmann veillera à une réaffirmation des missions du CSA.
La Tribune : Le projet de loi règle-t-il la question de l’exclusivité de la diffusion des chaînes publiques par TPS ?
Jean-Marc Ayrault : Ce problème n’est pas encore arbitré.
La Tribune : Votre proposition fait-elle référence aux groupes présents dans l’audiovisuel faisant appel au marchés publics ou à des seuils de détention de capital ?
Jean-Marc Ayrault : Je ne suis pas certain que le problème de telle ou telle chaîne repose sur le fait que leur société mère tire une partie de leurs ressources des marchés publics. Pour ce qui concerne une limitation de détention du capital d’une société audiovisuelle, il faut éviter d’être en retard d’une guerre. Il faut que les sociétés françaises puissent largement investir dans un secteur essentiel pour notre avenir. Je garde un mauvais souvenir des débats qui avait entouré, au début des années 80, la naissance de la loi anti-concentration dans la presse écrite et des retombées le plus souvent négatives.