Déclarations de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la situation en Guadeloupe et les mesures pour le développement économique et social de l'Outre-mer, Pointe à Pitre le 19 mai 1994.

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Circonstance : Déplacement d'Edouard Balladur aux Antilles et en Guyane du 19 au 21 mai 1994. Visite en Guadeloupe le 19 mai 1994

Texte intégral

Point presse en Guadeloupe, le jeudi 19 mai 1994 au Port autonome, à 16 h 45

1. Rappel de quelques mesures prises par le gouvernement

1.1. Honorer des engagements pris avant 1993

Les mesures décidées en 1989 dans le cadre du plan de reconstruction de la Guadeloupe après le cyclone Hugo sont réalisés : 30 MF en 1993 et 75 MF en 1994.

1.2. Soutenir le développement économique

Le plan national de relance du bâtiment et des travaux publics a permis d'affecter une dotation exceptionnelle de 300 MF aux DOM.

La politique de défiscalisation a été accentuée : application complète des dispositions existantes et élargissement de ces dispositions à de nouveaux secteurs (hôtellerie, tourisme, transports, services liés à la gestion communale).

Le coût de ces dispositions s'élève à 2 Mds F par an.

Le doublement des fonds européens a été obtenu de l'Union européenne : 11 Mds F (1994-1999).

1.3. Apurer les finances publiques locales en autorisant de nouvelles recettes fiscales pour les collectivités et en facilitant la contraction d'emprunts nouveaux par ces collectivités.

2. Des mesures nouvelles : l'avant-projet de loi pour le développement économique et social de l'outre-mer.

2.1. Lutter contre l'exclusion en favorisant les emplois de substitution :

a) création d'agences départementales d'insertion qui marqueront une plus forte cohésion entre l'État et les conseils généraux ;

b) définition par les conseillers régionaux d'une liste de travaux d'utilité sociale ;

c) création d'un contrat de travail avec une rémunération au SMIC pour les titulaires du RMI mis en activité (« contrat d'activité ») ;

d) création d'un « contrat d'accès à l'emploi » pour assurer une insertion durable : contrat de travail à durée déterminée avec exonération de charges sociales pendant les 2 premières années et prime forfaitaire pouvant aller jusqu'à 15 000 F par an.

Le dispositif d'ensemble auquel s'ajoutent les contrats emploi-solidarité, devrait permettre d'augmenter d'environ 60 % en 2 ou 3 ans, les possibilités d'insertion dans le secteur non marchand.

2.2. Faciliter la création d'emplois

Allégement des cotisations sociales dans les secteurs de la production industrielle, des activités agricoles et de la pêche, de l'hôtellerie et de la restauration. Cette mesure concerne près d'un quart de l'emploi salarié privé dans les DOM (environ 50 000 personnes).

Prime annuelle versée pendant 10 ans et qui peut atteindre un montant de 20 000 francs par emploi, pour les entreprises qui choisissent de trouver des débouchés nouveaux à l'exportation.

Élargissement des conditions d'accès aux aides à l'embauche du deuxième et troisième salarié, aux entreprises artisanales et du petit commerce.

Le coût annuel de ces mesures dépasse 1 Md F par an.

2.3. Un financement équilibré

Les mesures en faveur de l'emploi sont financées par une augmentation de la TVA (+ 2 points) qui ne s'applique pas aux produits de première nécessité.

Les crédits ainsi obtenus seront réinjectés dans l'activité économique des DOM.

3. Des mesures exceptionnelles…

3.1. Pour inciter l'adaptation du système bancaire

L'institut d'émission des départements d'outre-mer vient d'abaisser d'un point le taux de réescompte sur les crédits consentis aux secteurs productifs, taux qui n'avait pas évolué depuis 1975.

Pour encourager le mouvement de baisse des taux, le gouvernement a demandé à l'institut d'émission des DOM d'étudier une baisse des réserves obligatoires.

3.2. Pour répondre aux besoins de logement

Une dotation exceptionnelle de 100 MF par an pendant 5 ans est attribuée aux DOM pour financer le logement social.

Préparation d'une réforme des conditions d'attribution de logement social, par les HLM.

3.3. Pour faciliter l'emploi des jeunes

Création d'un régime spécifique de mise en préretraite volontaire et progressive à 55 ans, dans les entreprises qui s'engagent à compenser nombre pour nombre, les départs par le recrutement de jeunes de moins de 25 ans.

Soit une dotation de 100 MF par an pour la création de 3 000 emplois nouveaux.

4. Contrat de plan et contrats de ville en Guadeloupe

Le troisième contrat de plan est en augmentation de 42 % par rapport au second contrat de plan, avec une enveloppe d'État de 824 MF qui permet de mobiliser environ 2 Mds F de crédits publics : 285 MF pour les équipements, 326 MF pour le développement économique, 89 MF pour l'environnement.

Alors qu'un seul site était précédemment concerné par la politique de la ville, la période 1994-1998 concernera 4 contrats de ville et 4 conventions locales de développement social urbain, pour un montant de 600 MF.


Discours de monsieur le Premier ministre, à l'aéroport de Pointe-à-Pitre, le 19 mai 1994

Madame le ministre et président du conseil régional,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les maires, les conseillers généraux et conseillers régionaux,
Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs,

C'est en Guadeloupe, dans le département dont est l'élue Madame Michaux-Chevry, que je commence mon premier déplacement outre-mer en tant que Premier ministre.

Ce n'est pas un hasard. Le chef du gouvernement se doit de venir saluer en premier lieu l'un de ces ministres et le département dont ce ministre est l'élu. Je sais combien la Guadeloupe vous est chère, je sais l'énergie et la volonté que vous consacrez à ce département. Aussi tiendrai-je à vous remercier ici solennellement de votre action et à vous assurer de notre entier soutien.

Mon séjour sera malheureusement bref. Il me permettra toutefois de nouer de nombreux contacts avec les responsables politiques, économiques et administratifs de votre île et de vous faire part des principes simples qui guident l'action que je mène outre-mer, depuis un an, avec M. Dominique Perben, ministre des DOM-TOM.

Je suis partisan d'une autorité réaffirmée de l'État. D'un État impartial qui donne à nos compatriotes la sécurité et la dignité qu'ils méritent et qui donne à la société et à l'économie plus de justice et d'équilibre.

Je souhaite que l'État et les collectivités locales deviennent de vrais partenaires. Cela implique des efforts de part et d'autres et une confiance réciproque. Cette confiance, Madame le président, est essentielle, comme l'ont montré les efforts que vous avez menés pour rendre à la gestion de la région Guadeloupe sa crédibilité.

Enfin, je compte sur l'engagement de tous, et des jeunes notamment. La jeunesse est la richesse de la Guadeloupe. Elle a besoin d'une formation meilleure, d'une politique de la ville audacieuse, et d'actions efficaces pour l'insertion et pour l'emploi.

L'avenir de la Guadeloupe est avant tout entre les mains des Guadeloupéens. Sachez que le gouvernement vous soutiendra et qu'il partage vos espoirs.
Vive le département français de la Guadeloupe.

Vive la République.
Vive la France.


Discours du Premier ministre devant les responsables économiques des Antilles et de la Guyane, à la Guadeloupe, le 19 mai 1994

Madame le ministre, président du conseil régional,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,

Je me réjouis de vous voir réunis, ce soir, autant d'acteurs du développement économique et social de l'outre-mer. Grâce à l'excellente initiative de Monsieur Lucien Rebuffel, président national de la CGPME et des principaux responsables du monde des entreprises de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe, que je ne peux tous citer, et que je félicite pour l'organisation de cette réunion, il m'est possible ce soir de vous rencontrer, vous qui contribuez directement aux développements économiques des trois départements français d'Amérique. C'est pour moi l'occasion de dresser un bilan de l'action que mon gouvernement a engagé depuis maintenant treize mois en faveur du redressement de notre pays tout entier, mais en portant avec Monsieur Dominique Perben, ministre des DOM-TOM, une attention toute particulière au département d'outre-mer.

Depuis un an, le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger, a conduit d'importantes réformes que la situation de notre pays sur un plan économique, social, mais aussi moral rendait indispensables. En outre-mer aussi, d'importantes modifications étaient et sont encore pour partie inévitables pour faire face aux défis que représente une population jeune et dynamique qui a besoin de trouver sa dignité personnelle et matérielle dans un emploi. Je vous rappelle qu'en avril 1993, les départements d'outre-mer étaient confrontés à de graves difficultés économiques et sociales. Des menaces planaient sur les grandes productions agricoles et donc sur les filières économiques de base de vos économies. La demande publique s'était effondrée. Les investissements étaient parfois totalement arrêtés malgré l'immensité des besoins. Les finances des collectivités locales s'étaient, au cours des cinq précédentes années, profondément dégradées. Le taux du chômage était particulièrement élevé, les exclusions toujours plus nombreuses et les bénéficiaires du RMI ne cessaient d'augmenter, atteignant des proportions inquiétantes pour l'équilibre social des départements d'outre-mer.

Le gouvernement s'est d'emblée attaqué à ces problèmes. Avec pragmatisme, conscient des contraintes que font peser sur son action les finances de la Nation, il a mis les départements d'outre-mer sur les rails d'un développement qui leur soit propre et donc qui soit plus durable et mieux équilibré.

Cette préoccupation s'est traduite dès le mois de juin 1993 dans le plan de relance que le gouvernement a décidé pour le bâtiment et les travaux publics. Les départements d'outre-mer ont ainsi bénéficié d'environ 300 MF de crédits supplémentaires, obtenus soit par abondement nouveau, soit par le dégel exceptionnel des crédits d'investissement du ministère des Départements et Territoires d'outre-mer. Il nous a fallu également solder de nombreux engagements passés de l'État qui – vous le savez bien – n'étaient pas honorés. Qui ne se souvient ici de l'indemnisation du cyclone Hugo de 1989 pour laquelle j'ai dû, à la fin de 1993, dégager les financements nécessaires ?

Par ailleurs, pour compenser un certain nombre de mesures fiscales favorable au logement mais inapplicables dans les DOM, j'ai demandé que le collectif budgétaire du printemps 1993 comporte des mesures précises pour relancer la défiscalisation. Celles-ci témoignent de la volonté du gouvernement de maintenir durablement un dispositif fiscal qui constitue avec 2 milliards de francs par an une très forte aide pour l'investissement dans les départements d'outre-mer. Ces mesures ont rétabli certains avantages fiscaux qui, les années précédentes, avait été érodés. Je vous rappelle que le droit de réduction dans l'hôtellerie, le tourisme, les transports a été augmenté de 75 % à 100 %. Enfin, elles ont permis de moderniser ce régime, en ouvrant la défiscalisation à de nouveaux secteurs tels que les services liés à la gestion communale et les infrastructures collectives associant le secteur privé à leur gestion.

J'ai veillé, également à ce que la politique de la ville qui constitue une des priorités de l'action du gouvernement prenne bien en compte les problèmes des banlieues et des agglomérations de vos départements.

Je vous rappelle que le plan de relance de la politique de la ville de 1993 a ouvert plus de 220 millions de francs de crédits supplémentaires pour l'outre-mer grâce à l'emprunt que j'avais décidé de lancer.

Dans cette perspective, le gouvernement s'est également attaché à assainir les finances des régions des Antilles et de la Guyane. Leurs comptes, déséquilibrés, ont entraîné les déchirures que vous savez dans le tissu économique. Le gouvernement n'a cependant pas entendu se substituer aux élus eux-mêmes pour redresser les finances locales. Je tiens à rendre hommage à l'effort considérable qu'a dû réaliser Madame Michaux-Chevry, membre du gouvernement et présidente du conseil régional de la Guadeloupe pour restaurer l'équilibre budgétaire de la région. Elle l'a fait avec détermination et courage. Ceci mérite d'être salué, notamment par toutes les entreprises ici représentées qui savent combien tout ceci est essentiel à la reprise de l'activité, en particulier, dans le BTP. En outre le gouvernement a donné aux régions des Antilles et à la région Guyane, les moyens de mettre cette politique en œuvre en les munissant de nouvelles recettes fiscales et en favorisant la levée de nouveaux emprunts pour apurer les dettes contractées envers les entreprises.

L'assainissement des finances des collectivités régionales de l'outre-mer est la condition pour elles de pouvoir bénéficier de l'embellie économique dont nous allons, ensemble, trouver la voix. C'est également pour vos régions, la condition préalable pour s'associer au financement du développement économique et social, dans le cadre des nouveaux contrats de plan et des cadres communautaires d'appuis que nous allons mettre en place.

Le Comité interministériel d'aménagement du territoire, qui a eu lieu le 12 juillet 1993 à Mende, a décidé une augmentation importante de la contribution de l'État au financement des contrats de plan outre-mer. Pour les cinq ans à venir, la participation de l'État à ces contrats, s'accroît, en effet, de 51 % en moyenne dans les quatre départements d'outre-mer, soit un taux bien supérieur à celui de la métropole. La politique d'aménagement du territoire vise, en effet à rétablir l'égalité des chances entre tous les Français quel que soit le lieu où ils résident. La solidarité nationale a donc trouvé un champ d'application privilégié dans ce cadre.

Dans le même temps, j'ai demandé, et obtenu de l'Union européenne que soient doublés les fonds structurels communautaires qui financent les programmes de développement régionaux pour la période 1994-1999.

Dans les six années à venir, les départements d'outre-mer bénéficieront, à ce titre, d'une enveloppe qui ne sera pas inférieure à 11 milliards de francs destinés aux principales priorités suivantes : l'activité économique et l'emploi, les équipements publics, la formation et tout ce qui concourt à la cohésion sociale, telle que la politique de la ville.

Les crédits contractualisés de l'État, au titre des contrats de plan et des contrats de ville, atteindront, pour leur part, plus de 4 milliards de francs sur la période 1994-1998.

Ces crédits d'État permettront aux collectivités locales et aux autres partenaires du développement économique et social de mettre en œuvre près de 5 milliards de francs d'investissement.

Les décisions et les efforts budgétaires correspondants seront prochainement définis avec précision pour offrir aux entreprises de vos départements, et particulièrement au secteur névralgique du bâtiment et des travaux publics, un cadre qui éclairera leurs perspectives d'activité et d'emploi d'ici la fin du siècle.

C'est aussi le souci de l'avenir qui détermine notre ligne de conduite dans la défense de ces grandes filières agricoles traditionnelles, fondamentales pour l'activité, l'emploi et l'exportation de vos départements.

Dès le printemps 1993, le gouvernement a lutté, et gagné, pour que les intérêts de la banane antillaise que menaçaient des importations abusives soient défendus. Depuis le 1er juillet 1993, la nouvelle organisation communautaire du marché de la banane garantit aux planteurs antillais l'écoulement de leur production sur le marché européen, à un prix rémunérateur.

Le gouvernement aujourd'hui montre la même détermination pour la filière « canne-sucre-rhum ». Il verra, en particulier, à ce que la réforme future de l'OCM du sucre ne remette pas en cause les efforts considérables d'organisation et de productivité que les producteurs de sucre antillais et réunionnais ont fourni. L'Europe communautaire doit continuer d'accueillir leur production à un juste prix. Le gouvernement veille par ailleurs, de très près, pour ce qui est du rhum, à la renégociation de la convention de Lomé et aux risques de décontingentement des rhums d'origine ACP qu'elle implique.

Pour la pêche enfin la négociation d'un « Poséidon-pêche », souhaité depuis longtemps par l'ensemble de la profession, se traduira bientôt par une série de mesures positives.

Ce combat, pour la défense des intérêts agricoles de l'outre-mer, est livré avec l'assurance que donnent les causes légitimes. Vous avez pu mesurer combien est grande notre détermination, lorsqu'ont eu lieu, à Marrakech, il y a quelques semaines, les dernières discussions précédant la signature des accords du GATT.

Le gouvernement souhaite réformer l'économie et la société des départements d'outre-mer. Sa réflexion et son action en ce domaine prennent en compte l'identité économique et sociale de l'outre-mer.

Chacune de vos collectivités possède son caractère propre, ses traits géographiques, sociologiques, culturels et démographiques, qui sont tous différents. C'est pourquoi, on ne peut faire de l'égalitarisme, notion purement arithmétique, la condition de la dignité des habitants de l'outre-mer. Une telle attitude ne pourrait nous conduire qu'à une impasse.

Chacun connaît la volonté qui est la nôtre de manifester la solidarité de la Nation à l'égard de département d'outre-mer, dont je n'ai cité que quelques exemples concrets.

Mais il nous faut bien comprendre que le progrès économique et social de ces régions ne peut se fonder uniquement sur des transferts en provenance de la métropole. Certes, les transferts, de solidarité se justifient si l'on considère les handicaps qui pèsent sur vos économies du fait de l'éloignement, de l'insularité, de l'étroitesse des marchés. Il nous faut réduire, voire, lorsque cela est possible, abolir les disparités qui en résultent comme l'exige l'appartenance des DOM à la République Française.

Mais il faut également désormais faire le meilleur usage de la solidarité nationale pour mettre en valeur vos aptitudes propres.

Pour lutter contre l'assistanat et pour une réalité de tous nos compatriotes des DOM, il nous faut rendre au revenu d'insertion sa signification véritable et développer des activités de substitution.

En outre, vos entreprises supportent des coûts de travail sans commune mesure avec ceux que connaissent leurs concurrentes voisines. Des aides spécifiques doivent nous permettre d'encourager l'emploi salarié.

Afin de répondre à cette double préoccupation, j'ai demandé, à l'automne dernier, au ministre des Départements et Territoires d'outre-mer, de réfléchir aux moyens d'engager, le plus vite possible une réforme de la politique de l'emploi et de l'insertion.

Cette démarche aboutit aujourd'hui à un avant-projet de loi, à l'élaboration duquel vos organisations ont été – je le sais – étroitement associées, et à propos duquel vous avez légitimement apporter vos remarques, positives ou critiques. Ce projet de loi sera présenté au conseil des ministres à mon retour en métropole. C'est, à mon sens, un texte décisif pour les départements d'outre-mer. C'est la première grande réforme qui leur soit proposée depuis de nombreuses années.

Ce projet comporte deux grandes ambitions. La première est de lutter contre l'exclusion sociale. La seconde est d'encourager au développement de l'emploi dans les secteurs productifs.

Il est indispensable d'organiser réellement un secteur d'activités d'une utilité sociale qui offre aux bénéficiaires du RMI la dignité d'une tâche utile pour la communauté, en même temps qu'une assistance financière indispensable.

Ce projet devra associer toutes les collectivités et, bien au-delà, l'ensemble du monde associatif qui concourt à des actions d'insertion. Mais la première responsabilité incombe au département et à l'État, qui partagent, de par la loi, les principales compétences en la matière.

Le dispositif retenu par le gouvernement repose sur trois éléments.

1. La création dans chaque département d'une agence départementale d'insertion que présideront conjointement le représentant de l'État et le président du conseil général. Pour s'attaquer à pareil problème il faut, en effet, que les responsables de l'État et des collectivités puissent coopérer et disposer d'un instrument efficace. Ce sera le rôle de cette agence.

2. À l'échelle de la région, un programme sera défini pour fixer la liste des travaux d'utilité sociale que des allocataires du RMI assureront.

La définition de ce programme doit être l'occasion de vérifier un certain nombre de conditions préalables au succès de l'entreprise tels que : la cohérence de ces mesures, notamment avec la politique d'aménagement du territoire ; ou le respect des activités relevant normalement de l'entreprise privée.

3. Le projet de loi définit un statut pour les « RMIstes mis en activité », que l'on appellera le « contrat d'activité » qui offre à ses bénéficiaires un véritable contrat de travail et une rémunération égale au SMIC horaire.

4. Ce dispositif d'ensemble, joint au déploiement normal des contrats emploi–solidarité, devrait augmenter de 60 % environ, en deux ou trois ans, les possibilités d'insertion dans le secteur non-marchand qui sont offertes aux allocataires du RMI.

Mais le gouvernement a également souhaité que soit privilégiée dans les départements d'outre-mer l'insertion en entreprise.

La création du « contrat d'accès à l'emploi » en est la traduction concrète. Ce contrat, dans tous les cas à durée indéterminée, vise à assurer une insertion durable. L'employeur sera exonéré de charges sociales pendant les deux premières années d'emploi et bénéficiera d'une prime forfaitaire importante qui pourra atteindre jusqu'à 15 000 francs par an. Ainsi, les chefs d'entreprise qui voudront participer à l'effort indispensable d'insertion, pourront-ils bénéficier d'un abaissement très significatif pour eux du coup du travail. Et cela, sans que le titulaire de ces contrats n'en souffrent aucunement.

En matière d'aide à l'emploi le dispositif que le gouvernement propose, s'articule autour de trois grandes mesures, répondant à trois préoccupations essentielles :

1. Rendre les principaux secteurs productifs des économies des départements d'outre-mer plus compétitifs et surmonter leurs handicaps. À cette fin, on allégera massivement les cotisations sociales qui pèsent sur l'emploi pour la production industrielle, incluant l'artisanat de production ; pour les activités agricoles et de la pêche ; pour l'hôtellerie et la restauration enfin.

Ces mesures concerneront 50 000 personnes, soit près d'un quart de l'emploi salarié privé dans les départements d'outre-mer. Elles s'appliqueront massivement et rapidement.

2. Il nous faut également encourager les entreprises qui choisissent de trouver des débouchés commerciaux nouveaux à l'extérieur de vos départements. Aux exonérations de charges sociales que je viens de décrire dont beaucoup de ces entreprises pourront en bénéficier, pourra s'ajouter, sous réserve, cette fois, de créer et de maintenir des emplois nouveaux, une prime annuelle qui sera versée pendant 10 ans. Elle attendra un montant annuel moyen de 20 000 F par emplois créé.

Jointes aux mesures qui défiscalisent l'investissement, ces dispositions amélioront considérablement les conditions de l'investissement productif dans les départements d'outre-mer.

3. Rien ne se fera non plus sans aider au développement de très petites entreprises, appartenant au secteur de l'artisanat et du petit commerce en particulier. Cet objectif sera atteint par un élargissement des conditions d'accès aux aides à l'embauche du deuxième et du troisième salarié dans les départements d'outre-mer.

Le coût annuel de ces mesures qui vise à relancer l'emploi dans les DOM et qui s'ajoute bien évidemment aux dispositifs nationaux, tels que la prime que j'ai décidé pour inciter à l'embauche des jeunes, dépassera un milliard de francs par an. Ils excède nos disponibilités budgétaires dans la période très difficile que nous connaissons, notamment du fait des déficits budgétaires que nous avons trouvé en 1993.

Mais avec Monsieur Perben, nous refusons pour autant de restreindre l'ambition et la portée des décisions que nous voulons pour abaisser le coût du travail, dans les DOM. Le gouvernement a donc choisi d'en rechercher une part du financement en augmentant de 2 points le taux normal de la TVA dans les départements où cet impôt s'applique, le portant à 9,5 % soit un peu plus de la moitié du taux normalement pratiqué en métropole et ceci sans relever les taux minorés applicables aux produits de première nécessité.

Ces sommes seront immédiatement réinjectées dans le circuit économique des départements d'outre-mer, ce qui aura pour effet de ne pas affecter la consommation et donc l'activité.

Mais j'en appelle aussi à votre sens des responsabilités pour que toutes les entreprises qui, grâce au dispositif gouvernemental bénéficieront d'un allégement considérable de leurs charges, ne répercutent pas cette augmentation de la TVA au-delà de ce qui est strictement indispensable en ce qui concerne la fixation des prix.

Le gouvernement y sera très attentif, de même qu'il suivra de près l'évolution de l'emploi dans les secteurs exonérés. Je compte sur vous et sur l'ensemble des chefs d'entreprises des départements d'outre-mer, pour tout mettre en œuvre et assurer le succès de cette politique.

À la suite du débat qu'a entraîné la présentation de l'avant-projet de loi, j'ai décidé d'ajouter aux propositions gouvernementales deux mesures importantes.

La première répond à une demande pressante des élus et des responsables économiques : elle consiste à prévoir sur les cinq ans qui viennent une augmentation supplémentaire de la ligne budgétaire unique à hauteur de 5 millions de francs par an, pour financer le logement social dans les DOM. Dès 1995, une dotation supplémentaire de 100 MF sera prévue. Je souhaite pour les années suivantes que ce très important effort de l'État s'accompagne d'une réforme des conditions d'accès au logement social.

Une seconde mesure consiste à mettre en place un dispositif comportant un régime spécifique de préretraite volontaire et progressive à 55 ans, dans les entreprises qui s'engagent à compenser, nombre pour nombre, les départs, par le recrutement de jeunes âgés de moins de 25 ans.

Ainsi, pour deux départs progressifs en préretraite à 50 %, un jeune salarié sera recruté. J'ai décidé d'affecter 100 millions de francs par an à cette action qui figurera au budget du ministère du Travail, pour permettre la création de 3 000 emplois nouveaux.

En outre, cette mesure qui résulte directement de la loi quinquennale sur l'emploi pourra s'appliquer dès le 1er juillet 1994. D'une manière générale, la réforme de l'insertion et de l'emploi que le gouvernement appelle de ses vœux devra entrer dans les faits au plus tôt et pour que ses effets se fassent sentir rapidement sur vos économies et l'emploi.

Le gouvernement souhaite que le Parlement adopte définitivement ce projet de loi avant la fin de l'actuelle session de printemps.

Bien entendu, cette loi ne résume pas à elle seule la volonté de changement et de réforme qui est la nôtre.

Dans les secteurs touchant à l'activité économique, nous nous orientons pour les mois à venir, dans deux directions principales.

Monsieur Perben au cours des mois prochains, engagera rapidement une concertation avec les autres membres du gouvernement concernés, notamment Monsieur de Charette, ministre du Logement, pour proposer avant la fin de l'année 1994, une réforme destinée à tirer le meilleur parti possible des aides importantes que l'État consacre à la politique du logement social dans les DOM.

La seconde direction concernant le financement de l'économie des départements d'outre-mer. Ce sujet – à juste titre – vous préoccupe tous. Le ministre des Départements d'outre-mer a, depuis plusieurs mois, attiré mon attention sur les difficultés que vos entreprises rencontrent pour accéder au crédit.

Un certain nombre de décisions ont, d'ores et déjà, été prises. À la demande du gouvernement, le conseil de surveillance de l'institut d'émission des départements d'outre-mer vient d'abaisser de un point le taux de réescompte sur les crédits consenti aux secteurs productifs des DOM. Cette décision est très importante puisque ce taux était inchangé depuis 1975. Au-delà de son impact direct, elle souligne aux banques la volonté du gouvernement et des autorités monétaires de voir diminuer le coût du crédit dans les DOM. J'entends que cette décision soit prolongée par un effort du système bancaire pour accroître l'offre de crédit et accompagner la reprise économique qui s'annonce.

Pour encourager ce mouvement de baisse des taux que nous appelons de nos vœux le gouvernement a demandé à l'IEDOM d'étudier une baisse des réserves obligatoires.

Là encore, cette décision ne pourra être prise que si les banques s'engagent à répercuter ses effets sur les taux d'intérêts. Dès mon retour en métropole, je demanderai au ministre de l'Économie, Monsieur Alphandéry, d'ouvrir une négociation sur ces bases avec les organismes bancaires.

En outre, les entreprises ont besoin de renforcer leurs fonds propres. À cette fin, le gouvernement a décidé de permettre à la SOFODOM de doubler son potentiel d'engagement, au titre de la garantie de crédits accordés aux entreprises pour renforcer leur haut de bilan grâce à une dotation exceptionnelle de 20 millions de francs.

En conséquence, j'ai demandé au ministre de l'Économie, d'engager en liaison avec Monsieur Perben, une réflexion d'ensemble sur les moyens de réinitialiser le dispositif d'offre de ressources en fonds propres aux entreprises des DOM, ainsi que les règles qui définissent leurs interventions.

Nous réfléchirons ainsi, dans les mois à venir, aux moyens d'améliorer les modalités et le coût du financement des entreprises dans vos départements. C'est, nous le savons, l'une des plus fréquentes de vos préoccupations.

Je ne prétends pas que tout sera immédiatement possible et que tous les problèmes de l'outre-mer seront comme par miracle résolus par notre politique, d'autant que la situation à laquelle les uns et les autres nous avons eu et que nous avons parfois encore à affronter n'était pas facile à surmonter. La France vient de connaître la crise économique la plus grave de son histoire depuis la fin de la dernière guerre. Mais déjà les signes d'espoir apparaissent, outre-mer, il en va de même.

Dans cette situation, vous pouvez être assurés de la volonté du gouvernement et de ma volonté personnelle de tout faire pour accélérer ce retour à la prospérité dans les départements français d'outre-mer.

L'État est prêt à réaffirmer son autorité, à exercer la plénitude de ses responsabilités.

Il est prêt à édifier avec vous, dans ces départements d'Amérique auxquels nous sommes tant attachés, une autre société plus forte, plus prospère et plus juste, plus solidaire et plus unie.

Une autre société où chaque personne gagnera en autonomie et en responsabilité.

Une autre société que tous serviront de leurs talents et de leurs ambitions rassemblés.

Une autre société plus généreuse, plus démocratique, plus fraternelle, qu'ensemble nous bâtirons.


Discours du Premier ministre devant les élus de la Guadeloupe, le 19 mai 1994

Madame le ministre et président du conseil régional,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du conseil général,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Laissez-moi vous dire d'abord quel plaisir est le mien en ce début de voyage dans les trois départements français d'Amérique, et en Guadeloupe. Laissez-moi vous dire ma reconnaissance pour l'accueil chaleureux que vous m'avez réservé depuis mon arrivée hier au soir.

Je suis heureux que Madame Lucette Michaud-Chevry, ministre déléguée à l'Action humanitaire et aux Droits de l'homme, ait pu rassembler aujourd'hui, dans ce conseil régional, la plupart des élus de ce département et de tous ceux qui contribuent à relever ce défi qu'est la conduite du développement économique et social.

À cette occasion, je me réjouis de ce que le président du conseil régional de Guadeloupe représente dans mon gouvernement l'outre-mer français et symbolise ainsi, au plus haut niveau, cette part singulière de la Nation française.

Madame Lucette Michaud-Chevry fait preuve de grande sensibilité, de la très grande détermination que requiert l'exercice de ses responsabilités. Je tiens à la remercier tout particulièrement du concours qu'elle m'apporte au sein du gouvernement.

Cette réunion est pour nous l'occasion de dresser un premier bilan.

Ce déplacement va me permettre de mieux apprécier les difficultés auxquelles votre région est confrontée. Je suis venu pour vous dire que l'État vous soutiendra, en vous encourageant dans l'exercice de vos responsabilités locales.

L'état est à vos côtés, chaque fois que la Guadeloupe connaît des difficultés, comme lors des calamités naturelles, qui ont bien éprouvé votre Guadeloupe ces dernières années. Il est aussi attentif à défendre les intérêts essentiels de vos producteurs, dans le domaine agricole en particulier.

En avril 1993, j'ai souhaité que des mesures urgentes fussent prises pour relancer une activité économique gravement détériorée par la crise qui affectait notre pays tout entier. Les départements d'outre-mer, comme la Guadeloupe, doivent être justement associés à cette entreprise nationale. La mise en œuvre de ces plans a permis, dans le domaine du logement social, des bâtiments et des travaux publics, dans celui de la politique de la ville, d'attribuer à la Guadeloupe des crédits nouveaux qui atténueront ainsi la baisse certaine d'activité que connaît le secteur, pourtant stratégique dans vos économies, du bâtiment et des travaux publics.

Dans le même temps, vous le savez, dès le mois de juin 1993, le gouvernement, relançait, dans le cadre du collectif budgétaire, la politique de défiscalisation qui, essentielle à votre développement, avait été quelque peu délaissée dans les années précédentes.

Pour tenir compte des difficultés conjoncturelles, le ministre du Budget et le ministre des Départements et Territoires d'outre-mer ont demandé aux services de l'État d'examiner, cas par cas, et avec bienveillance, la situation des entreprises en retard de paiement de leurs dettes fiscales et sociales.

J'ai connu également à ce que l'État honore les engagements pris en 1989 après le cyclone Hugo. Les mesures décidées dans le cadre du plan de reconstruction de la Guadeloupe doivent être intégralement appliquées, ce qui n'était pas le cas. À cet effet, une somme de 30 MF a été allouée pour solder le plan de relance de l'économie. Les 75 MF qui restaient au titre de la reconstruction des édifices publics seront très prochainement délégués.

Dès son entrée en fonctions, mon gouvernement a dû mener une action vigoureuse auprès des autorités communautaires pour soutenir les intérêts agricoles de l'outre-mer français. Cette action a endigué les importations illicites de bananes provenant d'autres origines. Elle a permis, en juillet 1993, l'entrée en vigueur de l'organisation communautaire du marché de la banane. C'est là un acquis précieux que nous défendons résolument.

Avec la même détermination, le gouvernement appuiera vos départements dans les négociations à venir sur la filière canne-sucre-rhum. Il apportera son concours à la restructuration industrielle de la production sucrière en Guadeloupe, à laquelle il réfléchira avec la région et le département.

L'État prépare, avec vous, l'avenir et le développement économique et social de votre région.

Notre engagement est déjà marqué, je le souligne. Le gouvernement a demandé, et obtenu, de la commission des communautés européennes que les fonds structurels européens, mis à la disposition des quatre départements d'outre-mer, soient doublés pour la période 1994-1999. Plus de 11 milliards de francs de crédits européens seront ainsi attribués pour financer le développement économique et social. De cette enveloppe globale, la Guadeloupe recevra une juste part qui tiendra compte c'est une préoccupation que je partage avec Madame Lucette Michaud-Chevry des charges qu'imposent une configuration en forme d'archipel.

Cette solidarité européenne n'est qu'une forme indirecte de la solidarité nationale. L'augmentation des fonds structurels requiert en effet celle des contributions de la France, l'un des principaux pourvoyeurs. Afin d'apporter les financements additionnels et complémentaires, sans lesquels ces crédits européens ne pourraient peut-être utilement mise en œuvre, l'État a également renforcer son effort en faveur des contrats de plan État-Région dans les DOM, pour la période 1994-1998.

Ainsi, pour la Guadeloupe, les crédits publics passeront des 589 MF du Xe plan à 824 MF, pour le XIe plan, soit une hausse de plus de 40 %, bien supérieure à la moyenne de l'évolution en métropole.

Je souhaite que les négociations entre l'État et les collectivités permettent bientôt d'arrêter définitivement ce contrat de plan, d'aboutir à sa signature dans les jours prochains, car il serait bon pour l'économie de la Guadeloupe que ce dispositif puisse entrer en application le plus vite possible. Je suis heureux de constater que la politique d'assainissement financier de la Guadeloupe, entreprise résolument depuis deux ans par Madame Lucette Michaud-Chevry, permettra à la région de réaliser ainsi un vigoureux programme d'investissement dont la Guadeloupe a besoin et qui dépassera 2 milliards de francs.

Ce contrat de plan permettra aussi à l'État et à ses partenaires de fixer leurs priorités d'action pour les cinq ans à venir.

La première concerne, bien sûr, le financement des équipements. L'État y consacrera 285 MF. Les installations aéroportuaires et portuaires, d'importants travaux routiers en bénéficieront. Un programme spécifique sera d'autre part réalisé pour installer un centre de formation aux métiers de la restauration, de l'hôtellerie et du tourisme et, d'autre part, un institut universitaire de technologie dans le domaine agro-alimentaire.

L'État attribuera par ailleurs 326 MF de crédits aux différentes actions qu'exige un bon développement économique des filières agricoles ou des entreprises industrielles, artisanales et commerciales.

Il faut également penser à accroître la cohésion sociale. L'État investira 122 millions de francs de crédits, pour remédier aux besoins des publics les plus fragiles, des personnes âgées et des handicapés.

Enfin, les travaux liés à l'environnement recevront 89 MF de crédits, affectés, pour l'essentiel, au traitement de l'eau et des déchets ainsi qu'à la prévention des risques naturels.

L'investissement public sera privilégié de toutes les manières possibles. Dans la mise en forme de nos engagements respectifs, les acteurs économiques des principales filières, ceux du secteur agricole, du bâtiment et des travaux publics, trouveront un cadre clair où assumer leurs responsabilités.

Cette nouvelle génération de contrats de plan et cette nouvelle programmation des crédits européens représentent au total près de 5 milliards de francs.

Ces montants considérables expriment la solidarité de la Nation à l'égard des départements d'outre-mer. Aussi, saisirai-je cette occasion pour rentrer ici hommage, devant vous, à la ténacité dont Monsieur Dominique Perben, le ministre des Départements et Territoires d'outre-mer, a fait preuve dans la gestion de ces dossiers difficiles.

L'État est prêt à conduire, avec vous, les réformes indispensables au développement d'une économie plus puissante et d'une société plus cohérente.

L'avant-projet de loi sur le développement économique et social des départements d'outre-mer a fait objet, ces dernières semaines, d'importantes consultations et discussions dans votre département. Il est la première illustration de notre volonté de réforme. Il nous faut ensemble affronter en priorité le problème de l'insertion et la lutte pour l'emploi. L'ampleur des phénomènes d'exclusion sociale, du chômage et celui des jeunes en particulier, nécessite des mesures fortes.

Je ne m'étendrai pas sur l'économie générale de ce texte. Vous la connaissez et j'y reviendrai en d'autres occasions. En quelques mots seulement, je vous dirai son ambition.

Nous voulons encourager les départements d'outre-mer à développer leur économie locale pour qu'elle crée plus d'emplois. Nous voulons compenser les handicaps de coûts liés à l'éloignement, à l'insularité et à l'étroitesse des marchés. Nous voulons renforcer la lutte contre l'exclusion, et la combattre par les moyens que son importance dans vos régions réclame.

L'État et les collectivités locales, l'ensemble du monde de l'insertion, doivent y travailler de concert. La première responsabilité pèse sur l'État et sur le conseil général qui sont, de par la loi, les principaux partenaires de cette action.

Ce projet de loi devrait permettre, si nous savons en utiliser les potentialités, d'augmenter des deux tiers en deux ou trois ans, les activités offertes aux « RMIstes ». Pour l'emploi, les systèmes d'exonération de charges sociales ou d'incitation à la création d'emplois, vont très au-delà de ce qui fut jamais proposé jusqu'à présent, dans les DOM comme en métropole.

Ce projet ambitieux a un coût important. La solidarité nationale prendra en charge la réforme de l'insertion. Les mesures d'aide à l'emploi auront un coût annuel supérieur à 1 milliard de F.

À l'évidence, c'est plus qu'il n'était possible de tirer de la seule augmentation des transferts budgétaires. Aussi, plutôt que de renoncer à cette exigence de la lutte contre le chômage, le gouvernement a-t-il choisi de le financer partiellement, par un relèvement limité de la fiscalité indirecte de l'État, dont les conséquences, tant économiques que sociales, ont été, je puis vous l'assurer, soigneusement pesées.

Le gouvernement, en particulier, veillera à ce que ce soit exonérée de toute augmentation de taxe la plupart des produits ou des services de première nécessité.

Cette réforme, que nous avons le temps d'améliorer jusqu'à ce qu'elle soit définitivement adoptée par le Parlement, constitue une chance pour les départements d'outre-mer. Une chance que la Guadeloupe ne doit pas laisser passer. Le gouvernement, considérant l'identité de votre région, a la ferme volonté de fonder sur la réalité de celle-ci les solutions qu'il conçoit pour un développement économique et social original.

Ensemble, nous devrons nous efforcer, dans les années à venir, de mieux prendre en compte votre identité.

C'est vrai, à l'évidence, du domaine culturel.

Mais c'est vrai, également, de l'aménagement du territoire. L'outre-mer française enrichit la Nation de ses particularités. En retour, les besoins de votre développement, de votre environnement nous tient à cœur…

C'est vrai aussi du domaine éducatif ou de la formation. Plus encore qu'en métropole, nous veillerons à ce que les formations délivrées correspondent aux besoins économiques et se traduisent par des emplois. C'est vrai, enfin, de l'ensemble de l'économie et de la société où les handicaps spécifiques doivent recevoir des réponses appropriées.

C'est bien en affirmant votre identité au sein de la République française que vous offrirez à ces départements, à leurs populations et à la jeunesse qui y grandit, l'égalité de chances à laquelle ils aspirent et qu'il méritent de la Nation.

Et c'est ainsi que vous contribuerez à cette grande marche qu'ensemble nous entreprenons vers une société nouvelle, une société plus unie, plus généreuse, plus fraternelle que nous appelons de nos vœux.


Discours de Monsieur le Premier ministre à la mairie de Terre-de-Haut, jeudi 19 mai 1994 (12 h 10)

Madame le ministre et président du conseil régional,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le maire,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi, Monsieur le maire, de vous remercier de votre accueil chaleureux à Terre-de-Haut, dans votre mairie.

Je ne suis pas le premier à vous le dire : le charme de votre île justifie sa réputation exceptionnelle.

Elle a également beaucoup d'atouts : des mouillages bien protégés qui ont fait de sa pêche une des ressources principales de son développement économique.

Activité de tradition, elle est aussi tournée vers l'avenir. Les 300 marins-pêcheurs de l'île, justement réputés, alimentent le marché guadeloupéen du poisson. Votre atelier de construction navale réalise ici des bateaux de pêche dont on sait les performances.

Vous tirez certes parti de la nature, mais vous l'embellissez encore grâce à votre hospitalité et à votre art de vivre. Le tourisme ne pourrait se développer sans préserver la qualité d'un environnement toujours fragile dans une île de petite dimension : je vous encourage à poursuivre sur cette voie.

L'État et les collectivités locales, avec le concours des fonds européens, ont permis de mettre en place une remarquable réalisation technique, l'adduction d'eau sous-marine que vous venez de nous présenter. Cet effort de l'État, en coopération avec les collectivités locales, permettra – j'en suis convaincu – de susciter des initiatives comparables dans d'autres domaines, comme le traitement des ordures ménagères, l'assainissement ou l'amélioration de la voirie.

Enfin, ici comme ailleurs en Guadeloupe, la population jeune aspire à une meilleure formation pour regarder l'avenir en face. Votre souci rencontre celui de l'État. Aussi votre demande de maintien du collège m'apparaît-elle parfaitement fondée. Les instructions nécessaires ont été données. Je puis d'ores et déjà vous le dire officiellement : le collège de Terre-de-Haut sera conservé.

Je me félicite que, malgré la trop grande brièveté de mon voyage, il m'ait été possible de constater, sur place, l'importance du caractère archipélagique de la Guadeloupe. C'est une réalité géographique dont nous devons tenir compte, notamment dans la répartition des fonds structurel européens. Car il nous faut ici, aux Saintes, comme à Marie-Galante, comme dans les autres dépendances de la Guadeloupe, surmonter un obstacle supplémentaire au développement économique et social. Il nous faut rompre l'isolement.

La conjonction de nos efforts doit nous permettre de surmonter le handicap de l'insularité. Ce dispositif d'adduction d'eau en est une illustration. Qu'il soit le signe prometteur des actions que nous mènerons en faveur des Saintes, comme des autres îles de l'archipel Guadeloupéen.


Discours de Monsieur le Premier ministre à l'occasion de la signature de la convention de développement urbain et de l'agglomération de Basse-Terre, jeudi 19 mai 1994

Madame le ministre, le président du conseil régional et maire de Gourbeyre,
Monsieur le député,
Messieurs les maires et conseillers généraux,
Mesdames, Messieurs,

La signature de la convention de développement social urbain de l'agglomération de Basse-Terre est l'occasion de préciser l'importance que le gouvernement attache à la politique de la ville, dans les départements d'outre-mer et à la Guadeloupe en particulier.

Cette politique est conjointement menée par l'État et les collectivités locales concernées pour lutter contre toutes les formes d'exclusion présentes dans nos villes, et dans certains quartiers difficiles.

L'aménagement urbain, l'habitat, les actions d'éducation et de formation, le développement culturel, la prévention de la délinquance, le développement économique et les actions sanitaires sont concernés au premier chef.

Dans le cadre du XIe plan nous signons des contrats de ville qui marquent l'engagement conjoint des collectivités locales et de l'État pour réaliser sur plusieurs années un programme de développement social urbain.

À l'occasion de la préparation du plan de relance-ville en 1993 et des contrats de ville pour les cinq ans qui viennent, j'ai tenu tout particulièrement à ce que l'outre-mer dispose des moyens nécessaires pour réaliser cette politique. La part des crédits impartis est bien supérieur à celle que reçoit la population nationale, puisqu'elle approche 10 % de l'enveloppe nationale.

En Guadeloupe, l'habitat est encore trop précaire et la demande de logements sociaux reste forte.

L'État fera face à ces besoins, notamment en affectant en priorité des crédits de la ligne budgétaire unique destinée au logement social aux zones prioritaires, telles que celles couvertes par le contrat que nous signons aujourd'hui. C'est pour donner à cette action, notamment de résorption de l'habitat insalubre, une accélération indispensable que j'ai décidé, en complément des mesures en faveur de l'insertion contenues dans le projet de loi que va défendre Monsieur Dominique Perben devant le Parlement à la session de printemps, d'augmenter de 100 millions de francs par an pendant cinq ans les crédits destinés au logement social outre-mer.

Le dispositif des contrats de ville, mise en œuvre en métropole par des conventions locales de développement social urbain, tient ici compte des spécificités insulaires. Je note qu'on ainsi été signés :

– quatre contrats de ville sur les communes de Saint-Martin et l'agglomération Pontoise (Abymes, Gosier et Pointe-à-Pitre) ;
– quatre conventions locales de développement social urbain qui procèdent d'une démarche identique à celles des contrats de ville sur les communes de Capes-Terre, Moule, Saint-François et aujourd'hui sur l'agglomération de Basse-Terre (c'est-à-dire Baillif, Basse-Terre, Gourbeyre et Saint-Claude).

Je rappelle qu'au cours du Xe plan, seule l'opération de Boissard aux Abymes relevait de la politique de la ville. C'est dire le chemin qui a été parcouru par les élus et par l'État !

Le cadre adopté aujourd'hui permettra de mettre fin à l'insularité et de mener conjointement des actions de développement social (prévention de la délinquance et de la toxicomanie, développement de la citoyenneté, insertion économique à l'image de ce qui a pu être réalisé dans le quartier Boissard où je me rendrai cet après-midi).

Ainsi, le dispositif financier de l'État au travers des contrats et conventions apportera à la Guadeloupe plus de 600 MF, comprenant :

– les crédits « ville » qui s'élèvent à 87 MF pour le développement social et à 76 MF pour la résorption de l'habitat insalubre ;
– les crédits ordinaires, tels que ceux qui sont prévus dans le cadre de la ligne budgétaire unique et que l'État s'engage à affecter prioritairement aux sites de la politique de la ville. Ils représentent près de 420 MF ;
– les crédits du contrat de plan « hors crédits ville » et les crédits supplémentaires que j'ai décidé pour le logement social viendront compléter ce dispositif.

Je tiens à saluer toutes celles et tous ceux qui ont œuvré dans un esprit de partenariat, avec le seul souci de nos compatriotes, des agglomérations de la Guadeloupe, à la préparation de ces contrats et former le vœu que leurs résultats soient conformes aux espérances qu'ensemble nous plaçons en eux.


Discours de Monsieur le Premier ministre, mairie de Gourbeyre, de 19 mai 1994

Madame le ministre, maire de Gourbeyre,
Mesdames et Messieurs les adjoints et conseillers municipaux,
Mesdames, Messieurs,

Chère Lucette, je vous remercie vivement pour la cordialité de votre accueil, pour ces témoignages d'amitié et de fidélité auxquels je ne peux qu'être sensible.

Ma visite, aujourd'hui dans votre mairie est d'abord personnelle. Une amitié ancienne nous unit, fondée sur l'estime que j'ai pour vos grandes qualités, pour votre générosité, pour la ténacité et la passion avec lesquelles vous défendez si bien votre région. Ce sont ces qualités avec lesquelles vous exercez les fonctions délicates de ministre délégué à l'Action humanitaire et aux Droits de l'homme, que je vous ai confiées au sein du gouvernement.

Votre personnalité et votre dévouement ont su donner plus d'importance encore à la politique humanitaire de notre pays.

Grâce à vous, la France est un peu plus présente dans le monde, partout où la souffrance et la détresse l'appellent. Grâce à vous, la France et l'action diplomatique servent un peu plus la cause de l'humanité.

Le gouvernement et la majorité qui le soutient comptent sur vous en Guadeloupe. Je tiens à saluer votre engagement courageux en tant qu'élue de la Guadeloupe. Nous savons les efforts que vous avez menés, inlassablement, pour redonner à votre région la crédibilité qui lui faisait défaut. Votre bilan de président du conseil régional sera marqué – je n'en doute pas – par le redressement des finances de cette collectivité.

Mais il me revient aussi de féliciter le maire de Gourbeyre. J'ai pu constater certaines de vos réalisations et je sais que vous vous êtes, avec votre conseil municipal, donné de véritables outils de développement, notamment dans le domaine éducatif.

J'ai pu apprécier ce matin la qualité du lycée d'enseignement professionnel qui dispense des formations directement utiles à l'économie locale.

Mais votre commune a bien d'autres atouts : la Marina, qui conforte sa vocation touristique, la zone artisanale, ou encore l'expérimentation de culture sous serre.

Sous votre direction, forte de votre dynamisme, la commune de Gourbeyre peut regarder avec confiance l'avenir que son maire lui dessine.


Point presse en Martinique, vendredi 20 mai 1994, préfecture (19 h 10)

1. Mesures prises en faveur de l'enseignement

1.1. Hors contrat de plan

Sécurité des établissements : sur l'enveloppe de 4 Mds F de prêts bonifiés, 300 MF sont réservés aux DOM. La commission Schleret se livrera à un examen particulier de la situation de l'académie Antilles-Guyane.

Attribution de 10 postes supplémentaires pour le second degré en sus des 90 déjà attribués.

Soutien de l'État à l'éventuelle initiative du conseil général de la Guadeloupe de créer un lycée hôtelier.

Accélération de la négociation du contrat d'établissement qui liera l'État à l'université des Antilles et de la Guyane avec d'ores et déjà l'octroi d'une avance de 1 MF.

1.2. Troisième contrat de plan État-région (1994-1998)

Un effort spécifique est réalisé en faveur de l'enseignement supérieur.

En Martinique :

– financement à 100 % (13 MF) de l'unité de formation et de recherche de science médicale ;
– création d'un 2e pôle universitaire sur la côte atlantique ;
– extension de l'institut universitaire de formation des maîtres.

En Guadeloupe :

– agrandissement du campus ;
– extension de l'institut universitaire de formation des maîtres ;
– création d'un département DUT (agroalimentaire).

En Guyane :

– effort exceptionnel de l'enseignement secondaire avec notamment la participation de l'État à la construction d'écoles primaires qui, partout en France, relève de la compétence municipal ;
– construction de la 2e tranche de la faculté de technologie ;
– construction de 120 logements d'étudiants à Cayenne.

2. Agriculture

2.1. Les importations illicites de bananes ont été endiguées. Le marché européen de la banane est soumis à une nouvelle organisation communautaire depuis le 1er juillet 1993.

2.2. Le gouvernement est très attentif aux négociations pour l'ouverture du marché européen au Rhum des pays « Afrique-Caraïbes-Pacifique », prévue pour 1996.

Le gouvernement est très attentif à préserver l'équilibre financier de la filière canne-sucre-rhum.

2.3. Les crédits prévus par les contrats de plan ainsi que les fonds communautaires permettront une modernisation de plusieurs filières.

Notamment 40 MF sont prévus pour un programme de développement régional de la banane.

2.4. Extension de la carte nationale des zones rurales fragiles à plusieurs zones Antilles-Guyane.

3. Le contrat de plan en Martinique

Le 3e contrat de plan est en augmentation de 51 % par rapport au second contrat de plan.

En apportant 843 MF, l'État permet la mobilisation de plus de 1,7 Mds F d'investissement public : 276 MF pour l'équipement, 235 MF pour le développement économique, 108 MF pour l'environnement, 107 MF pour la cohésion sociale, 159 MF pour la politique de la ville.

4. Divers

En application de la politique d'aménagement du territoire, la création d'une sous-préfecture à Saint-Pierre est mise à l'étude pour renforcer la présence des services publics dans la région Nord-Caraïbes.

5. Rappels

Avant-projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer.
Apurement des finances publiques locales.
Soutien au développement économique : plan de relance du bâtiment et des travaux publics, politique de défiscalisation, doublement des fonds européens.

     
Discours de Monsieur le Premier ministre, aéroport de Fort-de-France, le 20 mai 1994

Messieurs les parlementaires,
Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs,

La Martinique est ma deuxième étape dans ce déplacement que j'effectue, comme Premier ministre, dans les Antilles françaises. Je vous remercie de l'accueil chaleureux que vous me réservez. J'y suis d'autant plus sensible que j'attache à ma visite en Martinique une importance toute particulière.

Au-delà des responsables politiques et économiques auxquels je tiens à dire mon estime et ma confiance, je suis heureux de pouvoir témoigner de mon attachement personnel à la Martinique et à ses habitants.

Ma visite est aussi une visite de travail que je souhaite fructueuse pour votre département. J'ai donc tenu au cours de ce voyage à aller à la rencontre des réalités et des différents aspects de la vie économique et sociale, de l'agriculture, du logement ou de l'éducation, enjeu essentiel dans un département où la jeunesse est si nombreuses !

Enfin, je voudrais faire partager à la population martiniquaise la ferme volonté qui est celle du gouvernement de voir les départements d'outre-mer solidement engagés sur la voie d'un développement économique et social durable et équilibré.

Nous devons en effet tous nous mobiliser pour la réussite de cet objectif. La Martinique a de nombreuses atouts, de nombreuses raisons d'espérer : sa jeunesse, sa richesse culturelle, son dynamisme. Elle doit se fier à notre détermination, tout comme nous avons confiance en elle.


Préfecture de la Martinique, le 20 mai 1994

Messieurs les parlementaires, Monsieur le président du conseil régional,
Monsieur le président du conseil général, Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

C'est un grand plaisir de me trouver à nouveau sur le sol de Martinique en ce premier déplacement de Premier ministre en outre-mer français.

C'est avec un vif intérêt que je rencontre la plupart des responsables de ce département.

Cette réunion nous donne l'occasion de faire un premier bilan et d'esquisser nos projets.

Je sais les difficultés économiques et sociales de votre département. La situation actuelle est toutefois meilleure qu'il y a un an, même si elle est moins bonne encore que celle de demain.

Depuis un an, le gouvernement s'est montré solidaire de l'outre-mer française tout en l'encourageant à prendre ses responsabilités locales.

Dès le mois d'avril 1993, un ensemble de mesures a été décidé dans le cadre de plans d'urgence. Au titre de la relance du bâtiment et des travaux publics et de la politique de la ville, ces plans ont fait bénéficier la Martinique de 100 MF de crédits d'investissement nouveaux, permettant d'engager plus de 200 MF de travaux, apportant ainsi aux entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics le regain d'activité qu'il leur fallait.

Le gouvernement a dû également secourir les principaux établissements hospitaliers en leur accordant une aide exceptionnelle de plus de 62 MF.

Mais surtout, le gouvernement s'est efforcé de donner à la région Martinique les moyens de rétablir sa situation financière. L'État ne peut, ni ne doit, combler les dettes des collectivités locales.

À la demande de Monsieur Dominique Perben, ministre des Départements et Territoires d'outre-mer, le gouvernement, puis le Parlement, ont permis à la région d'accroître ses recettes. Le gouvernement a encouragé l'effort d'assainissement qui s'est traduit récemment par la négociation d'un emprunt de plus de 530 MF. La région Martinique réglant ses dettes et retrouvant la faculté de participer raisonnablement au financement de l'investissement public peut regarder l'avenir avec plus de sérénité.

Préparer l'avenir, tel est bien l'objectif de notre action. Planifier les investissements publics, concrétiser le partenariat entre l'État, l'Europe et les collectivités locales, stabiliser la situation des principales filières agricoles, dessiner un cadre clair à l'action des décideurs et des responsables économiques.

J'ai ainsi décidé de fixe à 51 %, dans le cadre du XIe plan, le taux d'augmentation des crédits contractualisés de l'État, soit un taux d'évolution bien supérieur à celui de la métropole.

J'ajoute que la situation de la Martinique est plus favorable encore. Dans votre département, la dotation de l'État au titre du contrat de plan et de la politique de la ville s'élève à 843 MF. Si l'on compare ce qui est comparable, ce montant marque en réalité, une progression de plus de 80 % par rapport à la période contractuelle précédente.

Je sais que les négociations entre l'État et les collectivités régionales ou départementales sont très avancées. Elles devraient se conclure par la signature d'un contrat de plan dans les prochains jours.

Quelles sont nos intentions ?

L'État consacrera 276 MF de crédits aux équipements routiers, à la poursuite de la modernisation de l'aéroport du Lamantin, à l'aménagement du port de Fort-de-France où un nouveau terminal spécialisé devra être installé. En outre, un effort important sera fait pour les équipements publics éducatifs. Avec en particulier, la création d'un deuxième pôle universitaire sur la côte Atlantique, à dominante scientifique et gestionnaires. Avec la construction d'un nouveau lycée polyvalent dans le Nord Caraïbes. Deux investissements en faveur de la jeunesse, qui de plus, rééquilibreront, le développement du territoire au profit du nord de l'île.

Bien entendu, l'État concourra encore au développement des filières économiques et des entreprises, à la modernisation des grandes cultures agricoles, au développement de la pêche artisanale. Des aides diverses seront apportées à l'artisanat, au commerce, au tourisme et à l'industrie. Soit sur les cinq ans qui viennent, plus de 235 MF de crédits d'État affectés à ces actions de développement économique.

Troisième objectif de cet engagement de l'État : l'environnement. Il nous faut améliorer l'alimentation et le traitement de l'eau potable des communes rurales. Il faut dans les zones urbaines en particulier, moderniser le traitement des déchets ménagers et des eaux usées. D'autre part, un important programme de travaux protégera les populations exposées aux inondations. Le contrat de plan réserve 108 MF de crédits d'État à ces actions.

Enfin, dans le domaine sanitaire et social, pour lutter contre l'exclusion, et mieux accueillir les personnes âgées, les handicapés, pour moderniser le secteur hospitalier psychiatrique, 107 MF de crédits d'État seront débloqués.

Ajoutons à tout cela les efforts de la politique de la ville : l'État verse jusqu'à 159 MF, dont 74 MF seront exclusivement consacrés à la résorption de l'habitat insalubre.

Je sais que le contrat de ville avec le Lamentin est prêt et doit être signé dans les prochains jours.

J'espère que celui de Fort-de-France suivra rapidement.

Cinq communes de Martinique ont pu bénéficier de ce nouvel instrument qu'est la convention locale de développement social urbain.

Les contrats de plan comme la politique de la ville, doivent être mis en place avant l'été afin que l'activité économique soit relancée dans le bâtiment et les travaux publics.

La même logique, les mêmes priorités guideront la répartition des fonds communautaires consacrés à la Martinique. Sous réserve des derniers ajustements, la Martinique devrait bénéficier d'environ 2,6 milliards de francs pour les six ans à venir, soit un quasi-doublement du programme précédent.

Là encore, la priorité que nous accordons au département d'outre-mer est visible. La solidarité européenne n'existerait pas sans la solidarité nationale. Les difficiles négociations que la France a conduites pour obtenir le doublement des fonds structurels consacrés aux départements d'outre-mer le montrent bien. Ces fonds, dits européens sont d'ailleurs alimentés par des contributions nationales. La France est l'un des principaux payeurs à ce titre.

La nouvelle génération de programmes européens ancre davantage la Martinique dans la construction communautaire. Bien entendu, la vigilance s'impose pour que ce soient toujours reconnus, à l'intérieur du cadre européen, les intérêts et les spécificités de nos départements d'outre-mer. Je pense que, depuis un an, nous avons suffisamment montré notre détermination. L'organisation communautaire du marché de la banane en est un bon exemple.

Vous pouvez être assuré, que je veillerai personnellement avec l'aide du ministre des DOM-TOM à la nouvelle négociation de l'organisation communautaire du marché du sucre.

Les difficultés, toujours présentes, ne sauraient dissimuler, derrière cette organisation des marchés, la garantie essentielle d'un débouché rémunérateur pour les producteurs de grandes filières traditionnelles.

Mais la préparation de l'avenir ne peut se résumer à la programmation des investissements. Le gouvernement a engagé les départements d'outre-mer sur la voie d'une réflexion approfondie quant aux réformes économiques et sociales à mener.

L'avant-projet de loi sur le développement économique et social des DOM a récemment fait l'objet de consultations très larges.

Notre premier effort doit porter sur les problèmes de l'insertion, et de la lutte pour l'emploi. L'ampleur de l'exclusion sociale, du chômage et du chômage des jeunes, requièrent des mesures fortes et spécifiques.

Sans revenir sur l'économie générale de ce projet, je vous en rappellerai l'ambition.

La création de l'agence départementale d'insertion, signe de la collaboration de l'État et du département, vise à mettre les bénéficiaires du RMI en activité. Le contrat d'insertion par l'activité permet d'asseoir cette politique sur un instrument qui dote ses titulaires d'un véritable contrat de travail et d'une rémunération égal au SMIC.

Enfin le contrat d'accès à l'emploi complète cet arsenal nouveau qui, en deux ou trois fois devrait permettre d'augmenter de 60 % les possibilités d'insertion offertes aux personnes sans emploi.

Les mesures que nous avons arrêtées pour l'emploi sont audacieuses. Pour la première fois les secteurs de l'industrie, de l'hôtellerie et de l'agriculture bénéficient d'une exonération des cotisations sociales.

Les entreprises dont les activités sont tournées vers les marchés extérieurs peuvent cumuler ces mesures, avec des aides puissantes à la création d'emplois nouveaux.

L'élargissement des mesures d'aide à l'embauche des deuxième et troisième salariés aidera sensiblement les toutes petites entreprises du secteur commercial et artisanal en particulier.

C'est l'ambition même de ce dispositif qui pose le problème de son financement.

Si le gouvernement assure le financement de la réforme de l'insertion, il ne peut assumer aujourd'hui, sans recette nouvelle, la totalité du coût du plan pour l'emploi, supérieur à 1 milliard de francs par an.

C'est la raison pour laquelle, plutôt que de renoncer à l'ambition du projet, le gouvernement a choisi de trouver un financement partiel dans un relèvement limité de la fiscalité indirecte de l'État.

Ce relèvement ne signifie pas un appauvrissement de l'économie martiniquaise. Son produit servira à abaisser le coût du travail et à encourager la création d'emplois.

En outre, le gouvernement a veillé à exonérer de toute augmentation de taxes la plupart des produits qui entrent dans la consommation des personnes les plus défavorisées.

Le ministre des Départements d'outre-mer me tient régulièrement informé des progrès des discussions menées avec l'ensemble des forces vives de votre département, comme avec celles des trois autres départements d'outre-mer. Cette concertation se poursuivra jusqu'au vote définitif de la loi par le Parlement, qui doit intervenir avant la fin de la session de printemps. Elle pourra infléchir le dispositif initial présenté par le gouvernement.

Ces modifications devraient apaiser les craintes perçues, ici ou là, quant à l'équilibre des pouvoirs entre l'État et le département dans la gestion de l'agence départementale d'insertion.

J'ai décidé, de compléter le dispositif actuel en affectant, sur les cinq ans futur, un total de 500 MF de crédits supplémentaires au financement du logement social dans les DOM.

Une mesure avait été envisagée par le gouvernement : elle facilitait l'embauche de jeunes en finançant un dispositif exceptionnel de préretraites. Elle avait dû être écartée à cause de son coût trop important pour les finances publiques. Elle sera réintroduite dans le dispositif final, sous la forme d'une extension dans les DOM du système de préretraite progressive auquel l'État consacrera 100 MF par an pendant 10 ans.

Chacun doit désormais prendre ses responsabilités. Le gouvernement a pris les siennes : il a choisi d'encourager un développement plus autonome de l'économie des DOM, qui se fonde sur la croissance de la production locale et la recherche d'une plus grande équité sociale. Il a, enfin, montré toute l'attention qu'il prête à ses divers partenaires.

Passons maintenant à l'action, à cette réforme essentielle, pour affronter ensemble, avec ambition, responsabilité et rigueur, le défi que constitue, pour chacun d'entre nous, la poursuite du développement économique et social de la Martinique et des départements d'outre-mer au sein de la République française.


Intervention du Premier ministre à la résidence du préfet de Fort-de-France, le 20 mai 1994

Messieurs les parlementaires,
Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,

Après cette journée passée dans votre région, je souhaite vous dire très simplement le plaisir que j'ai pris à cette visite qui m'a permis de nouer de nombreux contacts, d'apprécier de nombreuses réalisations, de préciser le sens de l'action gouvernementale à l'égard des départements d'outre-mer.

Le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger, a pleinement conscience de la place éminente qu'occupent les départements d'outre-mer, et tout particulièrement la Martinique, au sein de l'ensemble national. L'outre-mer apporte en effet à la France une dimension et une ouverture dans le monde qui est sans équivalent parmi les autres États européens, notamment du fait de sa richesse culturelle et humaine. Aussi ai-je confiance dans l'avenir de votre département.

J'ai eu l'occasion aujourd'hui au cours de mes interventions de souligner deux importants volets de l'action gouvernementale, dont les effets seront – je l'espère – bientôt ressentis dans la réalité économique et sociale de la Martinique.

Le premier volet concerne l'avenir des investissements publics. Grâce au doublement des fonds structurels communautaires qui a été obtenu par le gouvernement à Bruxelles, grâce à l'augmentation considérable de la participation de l'État au contrat de plan qui sera signé dans les prochains jours, grâce à l'action conduite pour faciliter l'assainissement financier de la collectivité régionale, la Martinique voit ses perspectives de développement pour les cinq ans à venir s'accroître très considérablement.

Le second axe de notre politique se traduit dans l'avant-projet de loi pour le développement économique et social des départements d'outre-mer, que prépare Monsieur Perben et qui forme un ensemble de mesures cohérentes et fortes. Ce texte, en effet, met en œuvre des instruments nouveaux, pour mieux lutter contre l'exclusion sociale et œuvrer en faveur de plus d'emplois, notamment pour les jeunes. Qu'il me soit permis de dire ici qu'il n'existe pas à mes yeux de priorité plus importante que la lutte contre le chômage.

Avant ce projet, le gouvernement a souhaité l'ouverture d'un large débat. Il s'agit bien sûr de recueillir les observations, les propositions, voire d'examiner les critiques qui seraient formulées. Mais tout n'est pas possible immédiatement. Compte tenu de la situation économique et financière très difficile dans laquelle se trouvait notre pays et dont le redressement ne sera que progressif, nous ne pouvons nous dispenser de rechercher tous ensemble le maximum d'efficacité économique et social dans les mécanismes de la solidarité nationale.

En outre, au cours de ce déplacement, j'ai eu l'occasion d'annoncer trois décisions très significatives en faveur des départements d'outre-mer qui complètent les dispositions initiales contenues dans l'avant-projet de loi :
1) La première porte sur le logement social. Dans les 5 ans à venir, l'État affectera un demi milliards de francs supplémentaires à cette action que je juge extrêmement importante. Ceci créera de nouveaux emplois et apportera une activité supplémentaire aux entreprises.

2) La seconde vise l'emploi des jeunes. Pour accélérer leur embauche, j'ai décidé d'affecter 100 MF pendant 10 ans soit – 1 milliard de francs au total – au financement de préretraites progressives pour les salariés âgés de plus de 55 ans à condition que ceux-ci bénéficient à des recrutements nouveau.

3) La troisième concerne l'éducation. J'ai décidé de réserver au bénéfice des quatre départements d'outre-mer une enveloppe de 300 MF de prêts bonifiés pour la réalisation de travaux de sécurité sur les établissements scolaires. Les critères nationaux d'accès à cette enveloppe de crédits bonifiés seront adaptés à la situation particulière des départements d'outre-mer, dans le sens d'une plus grande souplesse.

Ces trois décisions, qui complètent ce qui avait déjà été annoncé, témoignent de mon engagement personnel en faveur de l'outre-mer et de la Martinique.

Vous pouvez être assurés que l'État est à vos côtés, pour conduire avec dynamisme et enthousiasme, votre société dans le sens d'une plus grande cohésion afin d'offrir à la jeunesse martiniquaise une réelle égalité des chances dans la République.

Voici le message que je souhaitais vous adresser pour conclure ma visite.

Vous l'avez bien compris, c'est un message d'ambition, de confiance et d'espoir pour la Martinique qui trouvera – j'en suis persuadé – une place de choix dans l'autre société que j'appelle de mes vœux.


Réunion avec les sociaux professionnels du monde agricole Gros Morne-Martinique, 20 mai 1994

Intervention du Premier ministre

J'ai souhaité vous rencontrer, vous les responsables du monde agricole de la Martinique pour que vous sachiez combien défendre l'agriculture de l'outre-mer est un souci majeur du gouvernement.

Cette réunion est l'occasion pour moi de dresser un premier bilan de l'action conduite. J'en profiterai pour vous faire part des réflexions que m'aspirent l'agriculture des départements d'outre-mer et de la Martinique notamment, ainsi que les perspectives qu'il nous faut tracer ensemble.

Cela fait plus d'un an maintenant que le ministre des Départements et Territoires d'outre-mer, m'alerte chaque fois que le gouvernement doit montrer, comme il l'a déjà fait avec succès, sa détermination pour sauvegarder les intérêts vitaux de votre activité et de vos grandes filières de productions.

Parmi elles, la production bananière, la filière canne-sucre-rhum, la production d'ananas et pour d'autres départements, la riziculture ou la pêche crevettière, sont nécessaires à votre activité économique, à vos emplois et à vos recettes d'exportation. Elles sont, par ailleurs, essentielles à l'aménagement du territoire. Vous, les agriculteurs devez poursuivre vos objectifs à long terme et disposer, comme le prévoit explicitement le traité de Rome, tant d'un accès au marché européen que d'une juste rémunération de vos activités. Ces principes de la construction européenne sont, plus que jamais, d'actualité. L'action conduite avec le ministre des DOM-TOM va dans ce sens. J'ajoute que la construction de l'Europe ne peut se concevoir si elle ne signifie pas, pour vos départements, une intégration réussie dans ce processus est une aide réelle de la communauté à leur développement économique et social.

J'en prendrais pour preuve quelques exemples significatifs.

Comme vous le savez, surtout ici, en Martinique, une nouvelle organisation du marché européen de la banane a été mise en place le 1er juillet 1993. Elle inaugure un dispositif satisfaisant de soutien de cette production.

Pourtant cette organisation de marché, qui est un succès important dans l'histoire économique des Antilles, fait l'objet de contestations dans certaines instances internationales. Cette opposition s'est, depuis un an, manifestée à diverses reprises, et tout récemment encore, lors de la signature des accords de l'Uruguay Round à Marrakech le 15 avril dernier. La France doit ainsi revenir très fréquemment auprès de ses partenaires et de la Commission sur le caractère vital de cette production pour la stabilité économique et sociale des Antilles françaises.

J'ai donné des instructions précises au ministre de mon gouvernement : la France ne laissera pas remettre en cause cette organisation de marché par certains de nos partenaires peu soucieux de l'avenir des DOM, pourtant partie intégrante de l'Union européenne.

Le gouvernement, soyez en sûrs, œuvrera pour que cette organisation de marché garantisse aux producteurs antillais la stabilité à long terme dont ils ont besoin.

Autre exemple que je souhaite évoquer, sur cette terre d'élection du rhum agricole, celui des conditions de l'ouverture du marché européen, prévue en 1996, aux rhums originaires des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Dès l'été 1993, le ministre des DOM-TOM a appelé mon attention sur le danger d'une telle mesure mise en place sans précaution particulière. Il s'en est directement entretenu, au plus haut niveau, avec les responsables de la Commission européenne pour leur faire prendre conscience de l'enjeu et de la nécessité qu'il y a à préserver les équilibres de cette filière.

Aussi ai-je, au début de l'année 1994, remis personnellement, au président de la Commission européenne un mémorandum expliquant la position de la France sur ce sujet. Je suis prêt à examiner toutes les solutions que la Commission pourra proposer. Mais je n'accepterai pas la remise en cause de l'accès au marché européen, et métropolitain en particulier, pour le rhum traditionnel des DOM.

Enfin, je voudrais évoquer la prochaine renégociation de l'organisation du marché du sucre. Elle préoccupe de nombreux professionnels. Modèle d'organisation, celle-ci se doit de rendre la production et les marchés plus stables. Les autorités françaises feront savoir, le moment venu, aux autorités communautaires, le prix qu'elles attachent à la préservation des équilibres financiers de la filière canne-sucre-rhum.

Ces négociations exigent toujours la plus grande détermination et une persévérance sans faille du gouvernement. Je m'y emploie avec l'aide résolue du ministre des DOM-TOM. Cette action s'appuie sur des relations de confiance, étroitement nouées avec vos professions, dont l'incontestable dynamisme est un profond encouragement pour le gouvernement.

L'État, par l'élaboration des contrats de plan, par la préparation des programmes de développement régionaux, a mis en place, avec la collaboration des collectivités locales, les moyens financiers nécessaires à la modernisation de vos activités.

Ainsi, le gouvernement a récemment négocié le doublement des fonds structurels européens qui sont attribués au département d'outre-mer.

Grâce aux contrats de plan et aux fonds communautaires, les moyens financiers sont donc prévus pour aider tant les grandes filières traditionnelles que la diversification agricole.

À titre d'exemple, j'ai décidé d'accroître de 40 MF la part des financements de l'État qui seront mobilisés dans le cadre du programme de développement régional « Banane » et équilibreront, sur les six prochaines années, les contributions des différents partenaires. Ainsi le très ambition programme de modernisation de la bananeraie antillaise pourra-t-il être poursuivi.

Depuis un an, sans relâche, la nation a montré sa solidarité à l'endroit d'une outre-mer durement frappé : je pense notamment aux graves intempéries que vous avez subies l'été dernier. Je peux vous annoncer, aujourd'hui, que l'ensemble des crédits destinés aux agriculteurs les plus touchés sont à la disposition du préfet qui doit effectuer les attributions correspondantes.

Enfin, la réflexion que le grand débat a suscité dans le domaine de l'aménagement du territoire nous invite à nous projeter dans un avenir plus lointain. Je crois qu'il faut veiller à la solidarité nationale. Elle doit s'exprimer davantage encore en faveur des communes rurales les plus fragiles de nos départements. C'est la raison pour laquelle, à la demande de Monsieur Perben, j'ai décidé de classer certaines communes rurales de Martinique et de Guadeloupe parmi les zones d'intervention prioritaire. Elles pourront de ce fait bénéficier du fonds interministériel de développement et d'aménagement rural. Ainsi les départements antillais se trouveront-t-ils dans la situation que connaît, depuis plus de 15 ans, le département de la Réunion qui a mis en œuvre une politique originale d'aménagement des Hauts.

Préserver l'équilibre des grandes filières agricoles et leur accès au marché européen, développer la diversification agricole, en fonction des opportunités commerciales, reconnaître dans l'agriculture un élément essentiel au développement du territoire, renforcer la cohésion sociale, tels sont les principes qui guident l'action du gouvernement à votre égard.


Discours de Monsieur le Premier ministre à Morne-Rouge, le 20 mai 1994

Monsieur le député-maire,
Madame le conseiller général,
Mesdames et Messieurs les adjoints et conseillers municipaux,
Mesdames, Messieurs,

Cher Pierre Petit, je tiens à vous remercier, vous et vos collègues du conseil municipal de Morne-Rouge, ainsi que la population de cette si belle commune, pour la cordialité de votre accueil.

Je me réjouis que mon voyage en Martinique commence par une étape au cœur de la région Nord-Caraïbes, ici à Morne–Rouge.

Je tenais tout particulièrement à saluer dans sa mairie un élu dont la fidélité et le dévouement sont bien connus. Vous défendez ardemment la Martinique à Paris. Parlementaire exigeant, vous veillez aux intérêts des départements d'outre-mer.

Ici, vous soutenez notre politique et je tenais à vous dire la valeur que nous accordons à votre appui.

Ce n'est pas seulement au parlementaire que je viens rendre hommage, c'est aussi au maire. Je sais à quelles contraintes les élus municipaux sont confrontés dans la gestion de leurs communes.

Conscient de ces difficultés, vous êtes attaché à développer Morne-Rouge, et sa vocation touristique, dans un environnement de grande beauté, appuyé sur les flancs de la montagne Pelée. Vous avez aussi l'intention de mettre son potentiel agricole en valeur. Les premiers résultats sont favorables : à Morne-Rouge, on exporte des fleurs coupées, on fabrique du jus de fruits et des conserves de fruits. Il faut continuer dans cette voie qui permet d'utiliser au mieux l'ensemble de vos ressources naturelles.

Enfin, je n'ignore pas, Monsieur le député, que nous sommes ici dans le Nord-Caraïbes. Je sais les efforts que vous menez inlassablement pour que cette région surmonte ses retards : Dominique Perben m'a dit quel a été votre rôle au cours du grand débat sur l'aménagement du territoire. J'ai souhaité que les départements d'outre-mer aient toute leur place dans la loi d'orientation et dans le schéma national qui vont être soumis à l'examen du Parlement.

J'ai notamment décidé que les ministres concernés, Monsieur Charles Pasqua, ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire et Monsieur Dominique Perben, ministre des Départements et Territoires d'outre-mer examineront la possibilité de créer à Saint-Pierre une nouvelle sous-préfecture. Le débat sur l'aménagement du territoire doit permettre d'apprécier, en associant toutes les collectivités locales concernés, l'opportunité de cette décision qui a priori, recueille mon assentiment.

En outre, conformément à vos vœux le gouvernement apportera les postes d'enseignants nécessaires pour ouvrir un nouveau lycée polyvalent dans le Nord-Caraïbes, que la région s'apprête à construire.

Vous m'avez posé de nombreuses questions auxquelles je répondrai par écrit rapidement.

Néanmoins qu'il me soit permis de préciser que le gouvernement entend mettre fin à la situation de précarité juridique et parfois physique qui résulte des incertitudes sur le régime de la propriété dans la zone des « cinquante pas géométriques ». Je charge Monsieur Dominique Perben de préparer une mesure législative à cet effet, qui permettra notamment de régler le problème de l'attribution des aides de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat aux riverains des « cinquante pas ».

S'agissant de la situation des personnels communaux non titulaires, le préfet examinera avec bienveillance les spécificités des conditions d'emploi dans le respect d'un équilibre avec le statut de la fonction publique.

Vous avez souligné l'importance du logement social. Le gouvernement en est parfaitement convaincu, d'où ma décision d'octroyer 500 MF supplémentaires sur les cinq prochaines années pour accroître l'offre de logements et de modifier à cette occasion leurs règles d'attribution dans les départements et territoires d'outre-mer.

Mes chers amis, cette visite en Martinique est pour moi l'occasion de vous redire la confiance qu'ensemble, le gouvernement et sa majorité, portent aux départements d'outre-mer, la place éminente qu'ils occupent au sein de la Nation. Je vous demande, à mon tour, de vous fier à ma détermination : sachez combien le développement de la Martinique me tient à cœur et je suis convaincu qu'avec votre aide, ensemble, nous le mèneront à bien.


Discours de Monsieur le Premier ministre pour l'inauguration du rectorat des Antilles-Guyane, le 20 mai 1994 à Fort-de-France

Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du conseil régional,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le maire,
Monsieur le président de l'université,

Je suis heureux de pouvoir, à l'occasion de l'inauguration du rectorat des Antilles-Guyane, rencontrer ici des représentants du monde enseignant, des étudiants, des lycéens pour aborder avec vous les questions essentielles pour notre jeunesse, celles de sa formation et de sa préparation aux défis qu'elle aura à affronter.

Vous le savez, j'ai demandé à Monsieur François Bayrou, ministre de l'Éducation nationale, d'ouvrir un large débat qui devrait se traduire par l'adaptation de notre système éducatif aux aspirations nouvelles de la jeunesse. Telle est la méthode retenue pour les grands sujets sur lesquels le gouvernement travaille actuellement : l'aménagement du territoire, l'avenir de la sécurité sociale, la défense, l'emploi, la consultation des jeunes.

Doté d'une architecture élégante et originale, le rectorat des Antilles et de la Guyane que je viens inaugurer m'offre aujourd'hui l'occasion de rappeler le double principe qui guide mon action en matière éducative :

– le respect de la liberté de choix de chacun suppose que les formations puissent être diverses ;
– notre idéal de justice exige pour tous un cadre précisément défini.

Une des missions essentielles de l'école est d'assurer la cohésion d'une société plus juste. Nous devons tout mettre en œuvre pour y parvenir : c'est l'objet même du Nouveau Contrat pour l'École, que le ministre de l'Éducation nationale élabore en ce moment.

Une éducation solide requiert une bonne maîtrise linguistique et cela dès l'école primaire. Nos enfants auront de plus en plus besoin de connaître deux langues véhiculaires, dont le français. Dans les Antilles-Guyane, la connaissance du créole, cette langue reconnue de notre culture, est bienvenue.

Autre mission de l'école primaire : prévenir les difficultés scolaires et munir chaque élève de réponses adaptées, conçues pour lui avec sa famille. Enfin, pour que la dernière année de l'école primaire prépare mieux à la 6e, les enseignants du premier et du second degré doivent travailler en plus étroite liaison.

Puisque cette académie s'étend sur le continent sud-américain, qu'il me soit permis de préciser que dans le prochain contrat de plan, l'État rattrapera le retard pris et financera en Guyane des équipements scolaires du premier degré, faisant au nom d'une solidarité nationale indispensable une exception aux règles habituelles de financement.

Épousant l'évolution de l'enfant, le collège a pour objet d'approfondir les apprentissages fondamentaux. Grâce à un dispositif de consolidation en 6e, l'enseignement doit permettre une remise à niveau individualisé pour ceux qui en ont besoin.

Enfin, j'attache le plus grand prix à ce qu'au collège, comme au lycée, des possibilités de parcours diversifiées puissent s'ouvrir aux élèves. Dans votre académie, les secteurs de l'hôtellerie, du BTP, du commerce, de l'agriculture, pour ne citer qu'eux, offrent des emplois. Il serait intéressant d'intégrer les formations correspondantes au système éducatif. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire hier, si le conseil régional de la Guadeloupe que président Madame le ministre Lucette Michaud-Chevry, décide de créer un lycée hôtelier pour implanter des formations professionnalisées jusqu'au BTS voir en IUP, l'État soutiendra cette initiative.

De la même manière, l'État participera à l'installation d'un lycée polyvalent supplémentaire dans le nord de votre département.

Ici, comme en métropole, la formation professionnelle, initiale et continue, mérite d'être développée pour que les parcours et les filières soient plus cohérents et mieux liés entre eux. De même, les formations complémentaires, courtes et adaptées à l'emploi, aident à entrer dans la vie active. Je sais que les élus et le recteur de l'académie ont l'intention de développer les filières professionnelles. Je vous y encourage pour permettre à celles et à ceux qui s'y engageront d'accéder à tous les niveaux de qualification, depuis le CAP jusqu'au diplôme d'ingénieur.

Ici plus qu'ailleurs, cette orientation est souhaitable, car il nous faut combattre ce fléau qui est le chômage des jeunes et rattraper certains retards : la fréquentation des dernières années de l'enseignement secondaire est moindre qu'en métropole, et le taux de présentation au baccalauréat plus faible. Or, le chômage frappe davantage les non-diplômés, et ce phénomène est encore plus sensible dans les DOM qu'en métropole. En Martinique, 6,1 % des titulaires d'un diplôme supérieur sont au chômage et 28,9 % de ceux qui ne sont pas diplômés.

Vous savez, en outre, l'intérêt que le gouvernement prête à la sécurité des établissements scolaires. Les Antilles-Guyane ne sont, bien sûr, pas oubliées : sur les 4 milliards de prêts bonifiés engagés dès maintenant, j'ai décidé de réserver 300 MF aux départements d'outre-mer. Les spécificités des DOM seront naturellement prises en compte dans la détermination des critères d'attribution et la définition des normes qui permettront aux collectivités locales d'en bénéficier. En outre, dans les mois qui viennent, je demanderai à la commission Schleret, d'examiner la situation de votre académie en ce domaine.

L'État ne se dérobera pas à ses responsabilités. Il fera face à la croissance démographique. Aux 90 postes que les services du ministère de l'Éducation nationale pour le second degré vous ont déjà attribués, j'ai décidé d'en ajouter 10 supplémentaires pour la Guyane.

Je n'aurais garde d'oublier l'université des Antilles et de la Guyane dont les multiples spécificités sont autant d'atouts pour votre département. Des difficultés viennent freiner vos possibilités. En particulier, depuis 2 ou 3 ans, votre université voit ses effectifs d'étudiants augmenter de plus de 10 % par an, et d'ici à l'an 2000 on prévoit un accroissement de plus de 40 %.

L'État est bien conscient de cette situation à la fois complexe et urgente. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche accélérera la négociation du contrat d'établissement qui le liera à l'université des Antilles et de la Guyane. L'objectif de ce contrat est, sur les quatre ans qu'il couvre, d'attribuer à cette université des moyens lui permettant à son terme d'être dotée d'une manière au moins égale à ceux des autres universités. D'ores et déjà, une avance de 1 million de francs lui a été accordée. Elle sera suivie d'une dotation contractuelle qui déterminera la progression nécessaire pour rattraper les retards constatés et atteindre l'objectif visé d'une remise à niveau du terme du contrat.

Ces efforts se conjugueront à ceux prévus dans la cadre des contrats de plan État-Région.

Ainsi, la construction, en Martinique, de l'unité de formation et de recherche de sciences médicales de troisième cycle, est décidée : son montant est de 13 millions de francs, entièrement financés par l'État. Le XIe plan lance, de plus, la construction d'un second pôle universitaire sur la côte Atlantique et prévoit l'extension de l'institut universitaire de formation des maîtres. Le contrat de plan de la Guadeloupe comporte des investissements pris en charge par l'État à hauteur de 111 millions de francs. Conformément au schéma « université 2000 », le campus de Fouillole sera agrandi, ainsi que l'unité de formation et de recherche médicale. Enfin, opération nouvelle du XIe plan, un département « agroalimentaire, d'IUT et sera ouvert.

Le contrat de plan de la Guyane prévoit, quant à lui, la construction d'une deuxième tranche de la faculté de technologie.

Enfin, 120 logements d'étudiants seront construits à Cayenne et livrés avant la fin 1994. La convention qui permettra de débloquer les fonds relatifs à cette opération sera bientôt signée.

Comme vous le constatez, l'État prend largement en compte les besoins de nos trois départements des Antilles-Guyane.

C'est d'abord à vous-même qu'il appartient d'apprécier les formations qui peuvent être développées sur place et celles qui, pour des raisons économiques ou de disponibilité du corps enseignant devront être, au moins dans l'immédiat, poursuivies en métropole.

Toutefois, la mobilité des étudiants ou de ceux qui recherchent une formation technique qu'ils ne peuvent acquérir dans les départements d'outre-mer, doit être suivie avec attention par l'État et par les collectivités locales, afin qu'elle puisse s'effectuer dans les meilleures conditions possibles, avec les meilleures chances de succès.

C'est un sujet pour lequel, à la suite des propositions qui ont été faites par Monsieur Dominique Perben, ministre des Départements et Territoires d'outre-mer, je souhaite que l'administration s'efforce, dans les mois qui viennent, d'améliorer ces dispositifs grâce à une coopération étroite des collectivités territoriales et des universités des DOM.

Il est un autre volet de l'action en faveur des jeunes auquel je prête une attention particulière : celui des activités sportives qu'il nous faut – État et collectivités locales – leur proposer et leur offrir.

Je me félicite du travail approfondi entre Monsieur Perben et Madame Alliot-Marie, ministre de la Jeunesse et des Sports qui va permettre de définir un ensemble de propositions pour accroître, dans les années à venir, l'effort réalisé en matière d'équipements sportifs et d'incitation à la pratique du sport. Les jeunes des départements d'outre-mer – et c'est une fierté pour notre pays tout entier – ont à maintes et maintes reprises, prouvé leur excellence dans ce domaine.

La formation est un enjeu national d'envergure. L'avenir de notre pays en dépend. À la politique ambitieuse du gouvernement, l'État répondra par les moyens qui s'imposent, pour que le système éducatif de demain soit plus efficace et plus juste. Nous devons y travailler ensemble. Je salue l'œuvre accomplie chaque jour par tous ceux qui se consacrent avec dévouement à la formation de notre jeunesse.

Le dynamisme démographique des Antilles et de la Guyane, la vitalité de leur population, sont autant de chances pour vos sociétés.

En venant ici inaugurer ce rectorat, j'ai voulu souligner la primauté du devoir de notre Nation à l'égard de cette jeunesse des départements d'outre-mer. Le destin de la Martinique comme celui des autres départements d'outre-mer est entre ses mains. Aidons-la à tirer le meilleur parti d'elle-même pour qu'elle assume les responsabilités qui seront bientôt les siennes.

Était-il donc lieu plus favorable à l'édification d'un rectorat que ce site de Schœlcher qui dote aujourd'hui la jeunesse de Martinique d'une institution aussi utile que symbolique ? Qu'en souvenir de cet homme qui, au siècle passé, la représenta, elle sache rester toujours fidèle à ces principes que la nation entière fit siennes, la défense de la liberté et de la dignité humaine !