Interviews de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à France-Info et dans "Les Dernières nouvelles d'Alsace", et de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, à France 2 le 22 septembre 1998, sur la journée "En ville, sans ma voiture ?".

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Opération "En ville, sans ma voiture ?" dans 35 villes, le 22 septembre 1998

Média : France 2 - France Info - Les Dernières Nouvelles d'Alsace - Télévision

Texte intégral

Voynet - France Info le 22 septembre 1998

Patrick Boyer : Journée sans voitures dans 35 villes de France : sans voitures ou presque car dans Paris, par exemple, on rencontre beaucoup de voitures. Vous avez mesuré ?

Dominique Voynet : 15 % environ de voitures en moins, mesuré par la préfecture de Paris. Ce qui veut dire une très bonne fluidité du trafic en dehors des zones d'accès restreint. Cette fluidité permet de circuler comme on circulerait un jour du mois d'août.

Patrick Boyer : Le bruit, la pollution ont été mesurés à la baisse ?

Dominique Voynet : On aura un bilan complet de l'opération seulement tard ce soir. Nous avons mesuré, non seulement l'indice de satisfaction des usagers, il y a aussi la qualité de l'air et le bruit. Ce qui domine dans tous les comptes-rendus que nous avons à cette heure de la journée, c'est la satisfaction des gens qui disent : la ville est moins bruyante, on peut se parler. On peut prendre un café à une terrasse sans crier. C'est ce qui domine dans les avis. Et c'est une surprise pour nous, parce qu'on s'attendait à avoir plutôt des satisfactions du côté de la qualité de l'air.

Patrick Boyer : Sait-on comment les gens ont réagi là où ils étaient concernés : est-ce qu'ils ont plutôt marché, ou plutôt pris les transports en commun ?

Dominique Voynet : Dans les villes qui ont organisé des mobilisations des non-automobilistes, ils ont très bien utilisés tous les transports collectifs. Je pense à La Rochelle. La Rochelle est une ville qui a déjà une longue expérience. D'une expérience à l'autre on apprend, on affine le dispositif, les gens s'habituent à utiliser d'autres modes de transport. Dans les villes qui n'avaient pas cette pratique ancienne, on a surtout marché, et utilisé des moyens plus ludiques que d'habitude : les rollers qui font une petite percée.

Patrick Boyer : Mais quand on reste dans le symbolique, dans un petit périmètre du centre-ville historique, que prouve-t-on en y arrêtant les voitures ?

Dominique Voynet : L'intérêt essentiel de la journée en ville sans voitures - avec le point d'interrogation, qui compte ! - c'est de permettre à tous de réfléchir sur le déplacement dans la ville. Donc, cela ne sert pas seulement à faire plaisir un jour par an, ça sert à se demander si on peut étendre la zone où des voitures roulent moins vite ; si on peut s'engager dans la réalisation de nouveaux transports collectifs ; si ça vaut le coup de faire une opération de pédagogie vers les scolaires pour leur permettre d'utiliser d'autres moyens de déplacement. Cette journée sert avant tout à ça. Certaines villes ont très très bien joué le jeu et ont proposé quasiment aux habitants de leur ville de circuler à pied ou en vélo sur la quasi totalité de la surface de la ville. Et puis d'autres ont eu plus de difficultés à monter cette opération, soit parce que leurs services techniques n'avaient pas la pratique ou la compétence encore, soit parce que la taille de la ville rendait les choses plus difficiles. C'est le cas de Paris. C'est le cas aussi de très grandes villes comme Lyon, Bordeaux, Marseille. L'opération n'était pas ciblée vers ces villes-là, mais plutôt vers des villes de taille moyenne qui se posent la question de savoir comment faire face à l’engorgement du centre-ville.

Patrick Boyer : Sur la Côte-d'Azur, où la pollution a été très forte cet été, ne faut-il pas s'étonner qu'aucune ville ne se soit associée à cette journée sans voitures.

Dominique Voynet : Je m'étonnes aussi. Peut-être les pics de pollution sont-ils survenus trop tard pour que les équipes municipales se mobilisent. Je fais le pari qu'elles seront beaucoup plus nombreuses l'année prochaine. J'invite les habitants à intervenir directement auprès de leur maire, pour leur donner l'envie de faire. Parce que bien des maires nous ont dit : j'aimerais bien, mais franchement, je ne suis pas sûr d'être suivi par les habitants de ma ville. Or, tous les sondages d'opinion montrent que des opérations de ce type correspondent à une attente forte des gens. Ils y sont prêts, et ils désirent des alternatives à la voiture. Les gens qui utilisent la voiture tous les jours sont des gens qui se sentent un petit peu contraints de le faire. Si on leur montre qu'il y a des alternatives, pas plus chères, plus confortables, aussi sûres et aussi régulières que la voiture, je crois qu'ils le feront.

Patrick Boyer : On s'attendait un peu à une fête. Vous n'auriez pas rêvé d'une vraie journée sans voitures, comme la fête de la musique ou du patrimoine ?

Dominique Voynet : Alors là on aurait dit que c'est un gadget. Alors là on aurait dit que la ministre de l'Environnement se faisait plaisir. J'ai fait exprès de proposer que ça se passe un jour ouvrable, pour montrer que sans efforts excessifs, sans se transformer en martyr ou en surhomme, on pouvait se déplacer d'un point à un autre dans une ville en ne modifiant pas complètement ses habitudes. Redécouvrir qu'on a des jambes, et que c'est pour s'en servir, redécouvrir que le muscle le moins polluant c'est le muscle des mollets quand on pédale sur son vélo, c'est quelque chose qui ne fait pas de vous un héros. Faire la journée en ville sans une voiture, un jour ordinaire, c'était vraiment important pour nous aujourd'hui.

Patrick Boyer : Jean Tibéri souhaite que la réduction de la circulation dans la capitale s'applique désormais au niveau 2 de pollution.

Dominique Voynet : Je ne crois pas à des mesures de restriction autoritaires. Je crois beaucoup à des responsabilités des citoyens. Si on dit aux gens : la qualité de l'air n'est pas bonne. Faites l'effort, demain, d'utiliser un autre mode de transport que votre voiture, une partie importante d'entre eux fera cet effort. C'est mon pari, en tout cas ! Si on constate, dans six mois, dans un an, dans deux ans, que ça n'est pas suffisant, que les gens ne jouent pas le jeu, qu'ils ne sont pas des citoyens responsables, alors on verra s'il faut un gros bâton pour punir ou un gros carnet à souches pour verbaliser. Franchement, la loi a six mois ; laissons lui le temps d'être efficace. On m'accuserait d'ailleurs de pas laisser la loi de Madame Lepage le temps de faire ses preuves, si je la changeais tout de suite.

Patrick Boyer : Vous êtes aussi leader politique. On crée en ce moment des ennuis à D. Cohn-Bendit en Allemagne pour son soutien passé au terroriste repenti H.-J. Klein. Qu'en pensez-vous ?

Dominique Voynet : Rien, en tout cas ça pas un lien direct avec la Journée en ville sans la voiture, vous en conviendrez ! Soyez concret pour vos éditeurs : Monsieur Klein a connu des actes de terrorisme il y a plus de vingt ans. Il a souhaité rompre avec le terrorisme, il a condamné le terrorisme, il a écrit un livre pour dire qu'il s'était trompé, et pour inciter les jeunes à ne pas s'engager dans cette voie sans issue. Je crois que, 20 ans plus tard, l'arrestation de Monsieur Klein, à quelques jours des élections allemandes, n'est pas tout à fait une anecdote sans intérêt. Je vous propose de rediscuter de cela la semaine prochaine, après les élections allemandes : on verra que ça sera très nettement dépassionné.

Patrick Boyer : De façon générale, vous avez annoncé que vous souhaitiez rencontrer à nouveau D. Cohn-Bendit avant de le parrainer dans la candidature européenne. Dans quel but, est que c'est pour mesurer son option européenne ou son option très libérale ?

Dominique Voynet : D. Cohn-Bendit est un européen convaincu, donc je n'ai pas besoin de mesurer quoi que ce soit. Je l'ai vu cette semaine pour lui expliquer la singularité de ce que nous faisons ici : une majorité pluraliste avec cinq composantes, dont chacune est indispensable à la réussite de l’ensemble ; lui expliquer ce que nous faisons : l'ambition, sans équivalent, de l'exercice, ses difficultés ; et en tous cas lui dire que notre succès aux élections européennes doit être Notre succès, et pas la conquête pénible et inutile d'électeurs sur le dos de nos partenaires de la majorité plurielle.

Voynet - Europe 1 - 22 septembre 1998

 

Ça n'est pas une journée-gadget, parce que, au-delà de la journée, l'initiative a pour but de faire réfléchir les élus, les citoyens, les associations sur les modalités de déplacement dans la ville. Donc, à l'occasion de cette organisation, on se rend compte que les services techniques des villes se mobilisent, les administrations se mobilisent, les habitants se disent : comment vais-je faire pour aller du point A au point B, d'une façon un petit peu différente que d'habitude, Et puis chacun va se rendre compte que c'est possible de faire autrement, qu'il n'y a pas de fatalité du tout-voiture. Et je pense que pour beaucoup de villes, cette journée ouvre en fait une réflexion de long terme sur les habitudes de déplacement, et sur l'offre des villes comme alternative à la voiture. Aujourd'hui, il faut rééquilibrer, il faut redonner de la place aux transports collectifs en ville. Il faut redonner aux habitants le goût de se déplacer autrement qu'avec leur voiture. Ça ne peut pas se faire en les montrant du doigt. Ça doit se faire en réfléchissant avec eux, à leurs contraintes, à leurs habitudes de déplacement, pour leur permettre d'évoluer.

 

D. Voynet - TF1

Le message d'aujourd'hui, c'est que les élus des villes concernées, les élus qui ont accepté de jouer le jeu sont des gens qui engagent une démarche de long cours pour repenser les déplacements dans la ville. C'est cela qui est intéressant. Sinon, ça sera un gadget, comme certains l'ont dit.

D. Voynet France 3

Ça pose des problèmes d'organisation de la vie quotidienne. Ce qui est nouveau, c'est que les citoyens sont prêts, ils attendent ça, ils demandent aux élus et aux services techniques d'organiser des alternatives à la voiture.

D. Voynet - DERNIÈRES NOUVELLES D’ALSACE - 22 septembre 1998

Olivier Picard : Pour lutter contre la pollution de l'air, vous avez souvent répété que les textes de loi et les dispositions radicales seraient toujours insuffisants, et qu'il s'agissait avant tout de mobiliser le civisme des Français. Est-ce toujours votre avis ?

Dominique Voynet : Oui. Je n'ai pas le goût d'imposer des contraintes pour des contraintes... Le choix de ce ministère, c'est la sensibilisation. Plutôt que de « punir » les automobilistes, on préfère les associer. Si ça ne suffit pas, nous serons peut-être amenés à aller plus loin, mais franchement je ne crois pas que ce sera nécessaire. Moi, je parie sur les changements de comportements. Cela suppose, c'est vrai, qu'on dispose d'une offre de transport répondant vraiment aux besoins des gens. Une prise de conscience beaucoup plus aiguë d'ailleurs en Alsace, et à Strasbourg en particulier. L'auto est séduisante, c'est sûr. Tellement séduisante qu'on en a tous abusé... Mais je veux faire comprendre qu'il faut réagir sans attendre le couperet d'une limitation, sans attendre que l'air soit irrémédiablement dégradé. C'est dans cet esprit que nous avons abaissé le niveau 2. C'est pour cela aussi que nous avons institué la pastille verte. C'est aussi l'optique de ce mardi sans voitures.

Olivier Picard : Qu'attendez-vous précisément de ce mardi pour qu'il soit autre chose qu'un événement isolé, sympathique mais qui pourrait apparaître aussi comme un gadget éphémère ?

Dominique Voynet : Cette journée doit d'abord être l'occasion, pour chacun d'entre nous, d'essayer d'autres moyens de transport pour se déplacer dans la ville. Mais, l'expérience l'a montré à Saint-Germain-en-Laye ou à La Rochelle, elle doit aussi donner des idées. Et dans bon nombre de communes. C'est une expérience qui permet de mesurer la qualité de l'air, mais aussi - c'est une pollution à laquelle on ne pense pas forcément - le niveau de bruit.

Olivier Picard : Pourquoi ne pas organiser l'opération plusieurs fois dans l'année pour prendre l'habitude de se passer de sa voiture ?

Dominique Voynet : « Il faut commencer par généraliser l'expérience l'année prochaine et j'aimerais mettre au point une journée européenne sans voiture pour l'an 2000. Et puis, beaucoup de sans être partenaires de l'opération, prennent déjà des initiatives intéressantes.

Olivier Picard : Pourquoi n'est-il pas question d'abaisser le niveau 3 qui déclenche la circulation alternée ?

Dominique Voynet : « Parce que la généralisation de la circulation alternée poserait des problèmes insurmontables à bon nombre d'automobilistes qui n'ont pas forcément choisi l'auto et qui n'ont simplement pas d'autre choix. Il y a encore des villes importantes en France où le réseau de transports en commun reste ridiculement peu développé... Il ne serait pas raisonnable de placer les gens dans des situations impossibles : ce n'est pas le but de la manœuvre…

Olivier Picard : La loi Pasqua-Hoeffel pour le développement et l'aménagement du territoire avait aux yeux de ses détracteurs de gauche, et aux vôtres semble-t-il, une orientation trop « ruralo-ruraliste ». Pourquoi vous êtes vous officiellement contentée de la « réviser »

Dominique Voynet : Ça ne m'intéressait pas d'avoir une « loi Voynet » ! Une loi de plus. Quant au caractère « ruralo-ruraliste » de la loi Pasqua-Hoeffel, on ne peut pas dire le contraire : Il n'y avait même pas le mot ville dans le texte et elle ne concernait que 20 % de là population française ! Mais surtout bon nombre de dispositions, a priori intéressantes, étaient de simples idées à caractère général qui renvoyaient, pour leur application, à d'autres loi et cohabitaient avec des priorités inapplicables et quasiment maniaques comme « pas un habitant à moins de 50 km d'une autoroute ». J'ai donc préféré remanier ce texte, et le rééquilibrer, pour en faire quelque chose qui fonctionne à l'horizon 2015.

Olivier Picard : Quelle est votre vision personnelle de l’aménagement du territoire ?

Dominique Voynet : Je constate que l'aménagement du territoire à la française, c'est seulement un discours ! Et quand il n'arrive pas à mobiliser, cela se traduit surtout par le déménagement du territoire... Je constate aussi que beaucoup d'élus confondent aménagement du territoire et redistribution d'infrastructures. Et on peut se demander, expériences à l'appui, si les équipements mis en place à grand frais pour le désenclavement ne conduisent pas parfois à la désertification de certains territoires ! Tous ces investissements lourds, cela représente beaucoup d'argent qu'on ne peut pas utiliser pour des développements locaux. Je revendique donc une approche pragmatique, très terre-à-terre donc humaine de l'aménagement du territoire.

Olivier Picard : Pour le TGV-Est, les Verts étaient réticents et favorables au train pendulaire. Quelle est votre approche aujourd'hui ? En toute transparence...

Dominique Voynet : Les Verts ont souvent été caricaturés "anti-tout". Alors que ce que nous voulions c'est un TGV qui relie les bassins de vie et qui garantissent aux citoyens qu'ils en auront pour leur argent. Je suis fatiguée de voir qu'on présente aux gens une seule alternative : le TGV ou la mort. Et je supplie à genoux RFF et la SNCF pour qu'ils veuillent bien mettre en parallèle l'option d'une ligne nouvelle d'un côté, et l'optimisation des infrastructures existantes et du matériel roulant de l'autre.

Olivier Picard : Mais concrètement, le projet existant du TGV-Est peut il être amélioré ? Et se fera-t-il tout simplement ?

Dominique Voynet : Que le projet existant puisse être amélioré c'est évident. « Il faut optimiser le trace », avait conclu la réunion interministérielle du 4 février dernier : voilà une façon bien peu administrative de dire qu'il n'est pas bon ? De nombreux choix on été faits sur des critères purement politiques - qui, en plus, ne respectent pas des exigences environnementales - et sur la base d'exigences horaires exorbitantes. Alors, le TGV-Est se fera t-il ? Je constate que cela fait des années qu'on discute et j'ai peur qu'on discute encore des mois et des mois sur la répartition du fardeau financier.... Le problème, c'est que pendant ce temps-là, on ne fait rien pour améliorer l'existant. Quant au TGV Rhin-Rhône, je regrette qu'on fasse miroiter des perspectives inaccessibles : chacun sait que l'on ne pourra sans doute pas financer la branche sud avant 2030 !

Olivier Picard : Sur l'abandon du canal Rhin-Rhône, pas de regrets ?

Dominique Voynet : Oh la la. Non ! Mais il a tout de même fait des dégâts. Pendant trente ans, il a fonctionné comme un leurre, ou plutôt comme un sédatif : on n'a rien fait en attendant sa réalisation. Mais L’État ne se désintéressera pas du territoire Saône-Rhin. Nous disons même à ses habitants : « chiche, nous allons vous aider à le faire vivre.

Olivier Picard : Une dernière question, strictement politique celle-là : Daniel Cohn-Bendit serait-il une bonne locomotive pour la liste des Verts aux Européennes ?

Dominique Voynet : J'aime bien l'idée de locomotive, ça fait transports en commun... Bien sûr que Dany serait une bonne tête de liste ! C'est une personnalité très riche qui nous interpelle sur bien des points et sa vision trans-européenne enrichit notre approche. Il m'a demandé de parrainer sa candidature, mais avant, je veux discuter avec lui pour que nous soyons bien d'accord sur nos objectifs...

Gayssot - France 2 le 22 septembre 1998

Claude Sérillon : N'y a-t-il pas une sorte de paradoxe à organiser une journée sans voitures alors que nous continuons à encourager la production automobile. 26 millions de véhicules en France ?

Jean Claude Gayssot : La voiture est vraiment utile. On ne peut pas dans toutes nos initiatives pour le développement des transports collectifs diaboliser la voiture. La voiture, les Français, les citoyens, la veulent, la souhaitent.

Claude Sérillon : Pas tous !

Jean Claude Gayssot : Pas tous, c’est vrai. Il y a des gens qui pensent pouvoir s'en passer, et ils le font. C'est leur droit. Mais ce que je veux dire, c'est que l'automobiliste lui-même aujourd'hui est handicapé par la situation qui s'est créée au fil des années. On a adapté la ville à la voiture ; résultat : il y a des embouteillages monstres, il y a la pollution, il y a des millions d'heures de perdues, le stress, des gâchis considérables. On ne peut pas continuer comme ça.

Claude Sérillon : Au fond, quand on est ministre des Transports, on est sous le coup de lobbies qui produisent des voitures ou des poids-lourds ; donc, les propos que vous tenez ce soir, tout le monde les a tenus, mais on n'a pas vraiment inversé la tendance.

Jean Claude Gayssot : En tout cas, pour ce qui est du Gouvernement et de mon action dans le Gouvernement, pour les transports collectifs, cela fera deux budgets consécutifs où l'effort gouvernemental progresse de plus de 20 % en deux ans. Pour ce qui est du ferroviaire, l'effort est réel pour transférer une partie des trafics routiers sur le rail. Mais je vais même vous dire quelque chose de tout à fait nouveau, tellement les comportements et les mentalités peuvent changer : je crois que la Journée sans voitures est un élément qui participe à cela ; j'ai rencontré récemment des constructeurs français et étrangers ; ce sont eux qui disent qu'ils sont prêts à aider les villes, les pouvoirs publics, pour aider à ce qu'il y ait une complémentarité. On se sert de la voiture là où elle est indispensable et où on en a besoin ; on fait un parking de rabattement et on prend le transport collectif. Encore faut-il qu'il existe, et il en manque, notamment dans les périphéries des villes, de banlieue à banlieue. Tout le monde le reconnaît. Et c'est là que les trajets se développent.

Claude Sérillon : Il y a surtout le fait que c'est souvent très cher, et que beaucoup de personnes qui ont à se déplacer longuement pour de petits emplois mal payés trouvent que c'est très cher !

Jean Claude Gayssot : Vous avez raison ! Il faut que le transport collectif soit accessible, qu'il soit attractif. Pour être attractif et accessible, il faut non seulement le confort, la régularité, la sécurité. Il faut aussi que les prix soient tels qu'on ait envie et on puisse le prendre. Vous savez qu'en région parisienne, nous avons mis en place le chèque-mobilité pour ceux qui sont le plus en difficulté : 170 000 familles vont en bénéficier ; cela va faire 2 millions de titres de transports gratuits qui auront été donnés ; on vient d'établir avec le ministre de l’Éducation nationale et avec le Conseil régional le tarif-jeunes : je vous assure que ça réduit de pratiquement 40 % le prix des transports collectifs sur la région parisienne ; de plus, on pourra utiliser sa carte lors des jours fériés, des week-end pour aller dans toutes les zones pour le même prix en région parisienne, aller voir son ami(e), aller faire du sport ! Bref, c'est attractif.

Claude Sérillon : Vous prenez le TGV de temps en temps, il y a une place pour personne handicapée par rame, vous prenez le métro, c'est hyper-compliqué pour ne pas dire impossible. Il y a cinq millions de personnes handicapées, qu'est-ce qu'on attend pour éviter ce genre de situation assez lamentable ?

Jean Claude Gayssot : Il s'agit d'un problème majeur et je suis décidé là aussi à le traiter pour apporter les réponses. J'ai décidé de lancer justement une mission dès ce mois-ci pour faire le point exact de la situation. Parce que la situation est souvent la suivante : dans les équipements nouveaux, il est prévu pour l'accessibilité, pour les handicapés... ça peut être aussi des handicapés physiques comme ça peut être aussi des personnes âgées ou des femmes avec des enfants...

Claude Sérillon : Tout à fait, des personnes qui se déplacent difficilement.

Jean Claude Gayssot : Des personnes qui se déplacent difficilement. Et alors on se rend compte qu'une grande partie des équipements n'a pas été conçue pour eux. Il faut là encore changer...

Claude Sérillon : Il y a un gros retard.

Jean Claude Gayssot : Nous avons reçu hier l'association des paralysés de France, dans le cadre de leur journée d'action, l'APF, j'ai discuté de cette question avant l'été avec le Colitrah, nous voulons avancer. II y a 400 millions dans le contrat de plan qui sont prévus pour avancer, évoluer de telle sorte que toutes les personnes sans exception puissent avoir accès aux transports collectifs. Et je vais même vous dire, je pense qu'il faut que nous soyons plus sévères et plus rigoureux par rapport aux places de stationnement qui sont prévues pour les handicapés quand elles sont occupées par d'autres. Je suis pour qu'il y ait la plus grande rigueur.