Déclaration de M. Georges Sarre, vice président du Mouvement des citoyens, sur la réforme du financement de la sécurité sociale et sur le projet de couverture maladie universelle, Paris le 30 septembre 1998.

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Notre premier sujet de préoccupation porte sur la réforme du financement de la Sécurité sociale. La substitution effectuée l'an dernier de la CSG aux cotisations maladie a permis un accroissement de pouvoir d'achat des salariés et n'est pas pour rien dans le pronostic d'équilibre des comptes dès l'année prochaine. La prévision de croissance de la masse salariale, par contre coup de la crise monétaire mondiale, n'est pas entièrement au rendez-vous, d'où l'intérêt de poursuivre la réforme du financement par celle des cotisations patronales. Nous avons depuis longtemps marqué notre préférence pour une taxation de la valeur ajoutée ; si le Gouvernement souhaite moduler les cotisations patronales selon le niveau de salaire, il faudrait au minimum obtenir des contre parties en matière d'embauches ou de préservation de l'emploi.

Sur la réforme du financement de la branche vieillesse, nous prenons acte sans surprise de la volonté du Gouvernement de préserver le principe de solidarité inter générationnelle à la base des retraites par répartition. Nous considérons la capitalisation de réserves comme une technique de bonne gestion et nous invitons le Gouvernement à faire preuve d'audace et à transférer vers la CSG les dernières cotisations salariales, celles du régime vieillesse. Cela viendrait utilement amoindrir le contre choc démographique de 2005-2015 en ôtant son caractère dramatique à l'évolution du ratio cotisants / retraités. Enfin, si le principe de ce fonds ne soulève pas de question, il n'en est pas de même de son mode de financement. Les fonds propres des Caisses d'Epargne peuvent-ils légitimement y être versés ? Les futurs besoins de trésorerie du Fonds de solidarité vieillesse seront-ils assurés par ce nouveau fonds sans que soit augmenté le taux de la CSG qui l'alimente ? Enfin, d'où proviendront les ressources qui devront nécessairement augmenter ce fonds pour qu'il atteigne la masse critique ?

Les économies réalisées sur les prestations de retraite de base ont sans doute atteint une limite en deçà de laquelle nous changerions de logique, quittant le système assurantiel imaginé en 1945 pour reprendre sans le dire le modèle de Beveridge : prestation de base obligatoire minimale et complémentaire privées facultatives.

Il est donc temps de revenir sur l'indexation des pensions des régimes obligatoires sur les prix. Celle-ci n'est ni juste, ni efficace et conduit à une paupérisation relative croissante des retraités ; dès 1999, il faut relever les minima ou réduire de deux mille francs l'assiette imposable à la CSG des revenus de substitution.

Au-delà de ces décisions qu'appellent l'équité et l'égalité, notre pays ne pourra faire l'économie d'une réflexion sur l'architecture d'ensemble du système de retraite, sans reconsidérer les rapports entre assurances de base, complémentaires et supplémentaires. L'avenir de l'AGIRC en particulier est préoccupant et pourrait exiger que le régime soit « racheté » par l'ARCCO. Si régimes supplémentaires il doit y avoir, ils ne peuvent voir le jour qu'à plusieurs conditions :

– ne pas être assortis d'exonérations sociales,
– être obligatoires à l'échelle des branches professionnelles,
– être gérés par des instances représentatives des salariés.

Ainsi éviterons-nous le piège des fonds de pension tout en redonnant un nouveau souffle au paritarisme.

Les réformes relatives aux ressources de la Sécurité sociale sont nécessaires mais cependant pas suffisantes pour assurer une maîtrise des comptes. Depuis longtemps en effet, le MDC a fait sienne l'idée que les dépenses, en particulier de santé, ne pouvaient croître indéfiniment plus vite que notre PIB, sauf à en assurer le financement par des systèmes d'assurance privée et facultative, tel n'est pas notre choix. La maîtrise des dépenses de santé dépasse ainsi de loin la seule exigence budgétaire et si le MDC est particulièrement critique à l'égard de la maîtrise comptable des dépenses de soins c'est d'abord parce que nous la croyons inefficace ; il est indispensable d'abandonner la logique comptable et bureaucratique initiée par le plan Juppé et poursuivie depuis.

Les mesures retenues par Martine Aubry dans le cadre de la loi de financement pour 1999 laissent sceptique quant au succès annoncé et conduiront à des inégalités supplémentaires face à la maladie :

– le droit de substitution au profit de médicaments génériques n'aura qu'une efficacité transitoire. Les industries pharmaceutiques finançant leurs activités globalement compenseront les pertes ainsi subies sur les molécules anciennes par un relèvement des tarifs des molécules nouvelles. L'opération sera blanche pour les comptes de la Sécurité sociale faute de pouvoir contrôler les coûts de production des industries pharmaceutiques,
– le contrôle budgétaire de l'activité des praticiens fait fi du principe de précaution qui s'impose de plus en plus à eux via les tribunaux. Dès lors, les exigences des caisses seront contournées et apparaîtra une médecine parallèle, hors remboursement Sécurité sociale, au bénéfice des plus fortunés.

Rien de solide ne se fera sans une réforme profonde du système de distribution des soins. Tout en développant les instruments existants de contrôle médicalisé des soins, il faut confier ce contrôle au corps médical lui-même ; ainsi cessera de lui-même le conflit récurrent et source de confusions entre l'administration et les professionnels.

La véritable réforme porte en fait sur la mise en concurrence des producteurs de soins. Elle seule nous permettra de faire l'économie de la mise en concurrence de l'assurance maladie. Pour cela le MDC propose de définir des objectifs de dépenses non plus en fonction des secteurs mais selon les catégories de soins dispensés et cela quelle que soit la structure privée ou publique qui le prodigue. Ainsi, le médecin spécialiste et cela quelle que soit la structure privée ou publique qui le prodigue. Ainsi, le médecin spécialiste serait tout aussi légitime que le généraliste ou le service de consultation de l'hôpital pour dispenser des soins de premier recours. Naturellement, chaque catégorie d'actes devrait alors être facturée au même prix. Moyennant la compensation des missions de service public de l'hôpital, chaque acteur du système de soins pourrait alors se consacrer aux soins qu'il prodigue le mieux et d'ailleurs, à prix égal, les patients choisiraient spontanément le meilleur soin. Définis par catégories de soins, les objectifs de dépenses auraient un autre davantage : celui de pouvoir faire évoluer sur la durée les taux de remboursements des soins. Il est aujourd'hui incompréhensible que les prothèses dentaires et visuelles soient si mal remboursées. Dans le cadre d'une loi de programmation quinquennale des dépenses de santé, le Parlement pourrait alors véritablement inscrire dans les faits ses priorités en matière de santé publique.

Dernier point, le projet annoncé en marge de la loi sur le financement de la Sécurité sociale pour d'ici la fin de l'année sur la couverture maladie universelle. Deux questions sont en jeu :

– l'accès de tous à l'assurance de base,
– l'extension de la couverture complémentaire.

Il est essentiel de ne pas créer une mutuelle des pauvres qui ne pourrait que renforcer les processus d'exclusion et de stigmatisation dont ils sont déjà victimes. En outre, il est astucieux de faire participer tous les acteurs de l'assurance complémentaire à cet effort de solidarité. Nous sommes en revanche plus critiques quant aux propositions relatives à l'accès au régime de base des 150 000 à 200 000 personnes qui en sont aujourd'hui exclues. Le rapport propose d'ajouter un énième critère d'affiliation, celui de la résidence, aux critères existants et d'abord celui de l'affiliation professionnelle. Il est à craindre que cela rencontre autant de difficultés d'application que la loi de 1994 restée lettre morte. Pour traiter tous les cas de rupture des droits, il ne faudrait retenir que le seul critère de résidence comme condition d'affiliation. Cela implique évidemment une unification des régimes ou, au moins, un alignement des prestations et des cotisations. La chose n'est nullement impossible. Le régime agricole est à peu près aligné depuis 3 ans. Restent les régimes des professions libérales, des artisans et des commerçants. L'alignement des prestations qu'ils versent coûterait environ 2 milliards de francs (estimation 1995). Si les cotisations étaient également alignées (ce qui peut se faire progressivement, sur 5 ans par exemple), il n'en coûterait que 300 millions de francs. Le seul obstacle est celui qu'opposent les compagnies d'assurance complémentaire qui n'ont nulle envie de voir diminuer leur marché mais pour un gouvernement de gauche cela ne doit pas être un frein.