Interview de M. Jean Puech, ministre de l'agriculture et de la pêche et président de l'APCG, dans "Le Figaro" du 13 septembre 1994, sur le rôle du département dans le cadre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et sur la fiscalité locale.

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Circonstance : 64e Congrès de l'Assemblée des présidents de conseils généraux (APCG) à Lille les 13 et 14 septembre 1994

Média : Le Figaro

Texte intégral

Jean Puech favorable à un impôt départemental

"Un pays moderne doit être administré de façon décentralisé et déconcentrée", affirme le président de l'APCG

L'Assemble des présidents des conseils généraux (APCG) réunit son 64e congrès à partir de ce matin à Lille, sous la présidence de Jean Puech, ministre de l'Agriculture et de la Mer. Pour la première fois, la quasi-totalité des présidents d'assemblées départementales seront présents, y compris les élus socialistes. Le président du Sénat, René Monory, sera à Lille aujourd'hui, cependant que le Premier ministre, Édouard Balladur, et le maire de Paris, Jacques Chirac, participe mercredi à la dernière journée des travaux. Jean Puech, en sa qualité de président de l'APCG, a répondu aux questions du Figaro.

Le Figaro : Votre congrès intervient à la veille de la reprise de la discussion parlementaire de la loi Pasqua sur l'aménagement du territoire. Qu'attendez-vous de ce débat ?

Jean Puech : Pour les collectivités locales, l'aménagement du territoire est avant tout un objectif. Pour l'atteindre, il faut mobiliser plusieurs niveaux d'administrations. Il appartient donc à l'État et au gouvernement de déterminer les orientations que l'on doit donner à une politique d'aménagement du territoire et de fixer ensuite précisément les compétences et les ressources des collectivités concernées. La loi est nécessaire et attendue par nos concitoyens. Mais elle doit surtout apporter une clarification des responsabilités entre l'État et les collectivités.

Le Figaro : Malgré les apaisements apportés par le gouvernement, le rôle du département se trouve toujours contesté. Certains le considèrent comme un intermédiaire qui n'a plus sa place entre la région et la commune …

Jean Puech : Le département a su remarquablement s'adapter tout au long des siècles. Le niveau départemental reste à échelle humaine où nos concitoyens se retrouvent dans un sentiment d'appartenance. Un pays moderne est un pays qui est administré de façon décentralisée et déconcentrée. Le département est un intermédiaire où les gens se reconnaissent comme faisant partie du même milieu géographique.

Effort de gestion

Le Figaro : La décentralisation de 1982 leur a peut-être donné trop de pouvoirs. Les principales réalisations, en fonction de la richesse de chaque département, se sont surtout traduites par la construction de "palais départementaux" et par un doublement des effectifs administratifs …

Jean Puech : Cette image est fausse. Bien souvent, les départements partagent les services et les locaux avec les préfets et ce sont eux aussi qui, bien souvent, hébergent les services de l'État. Les conseils généraux ne sont pas restés mais reconnus pour la qualité de leur gestion, ils ont su équilibrer leur budget, maitriser leurs dépenses de fonctionnement et engager des investissements pour l'avenir. Avant, on consultait en fin d'exercice les dépenses engagées, et on votait les impôts en conséquence. Aujourd'hui, chaque département définit sa propre politique dans les compétences qui lui sont attribuées. Et il vote son budget en fonction de ses choix.

Le Figaro : Les départements doivent-ils avoir un rôle plus incitatif en matière économique ?

Jean Puech : Au travers de ses responsabilités concernant l'entretien du réseau routier, des collèges, du patrimoine public, pour ne citer que celles-ci, le département a permis de maintenir une certaine activité économique. Nous avons un niveau d'investissement élevé qui permet d'assurer du travail aux petites et moyennes entreprises. Sans nous, le secteur du Bâtiment-Travaux publics aurait connu plus de difficultés. Mais, comme les départements ont fait un gros effort de gestion pour supprimer toutes les dépenses inutiles, ils ont pu consacrer une part plus importante à leurs investissements, pour construire l'avenir. Nous pouvons donc de plus en plus prendre des responsabilités économiques. L'essentiel est donc de bien définir les compétences des différentes collectivités. Si chacun connait bien sa partition – communale, départementale, régionale –, les différentes collectivités formeront un ensemble cohérent où nos concitoyens se retrouveront.

Le Figaro : Le gouvernement promet d'aborder prochainement la réforme de la fiscalité locale. C'est un grand chantier. Comment l'envisagez-vous ?

Jean Puech : La fiscalité représente un outil essentiel dans l'aménagement du territoire. On va dire que la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire ne le traite pas. Mais le rééquilibrage du territoire va de pair avec une telle réforme. Chaque partie de notre territoire doit bénéficier d'une politique différenciée en fonction de sa spécificité. La décentralisation l'a traité de façon uniforme, avec des règles et des dotations générales qui ne prennent pas en compte les disparités de département à département. La fiscalité locale doit permettre ce traitement différencié dans un souci de clarification pour le contribuable. Il doit savoir pour quoi et pour qui il paie. Mais je crois que, compte tenu du poids actuel de la fiscalité, elle devrait être spécialisée à une collectivité. Pour les départements, je pense que la perception de la taxe professionnelle (elle est actuellement partagée avec les communes) devrait leur permettre d'assurer une bonne péréquation entre toutes les communes du département.