Interview de M. Nicolas Sarkozy, secrétaire général du RPR, à France 2 le 9 octobre 1998, sur le débat parlementaire et le rejet de la proposition de loi sur le PACS à l'Assemblée nationale et sur la sécurité dans les transports en commun.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

BÉATRICE SCHONBERG
Nicolas SARKOZY, bonsoir Nous allons évidemment revenir sur ce coup de théâtre à l'Assemblée. J'imagine évidemment que l'opposition se félicite. Donc le PACS a été retiré, il n'y aura pas de débat, en tout cas pour l'instant. Vous souhaitez qu'il y ait un débat dans l'avenir ou vous souhaitez carrément que le PACS passe aux oubliettes ?

SARKOZY. SECRÉTAIRE GENERAL DU RPR
II faut d'abord dire que c'est très bien pour monsieur JOSPIN qu'il se rende compte que la démocratie, c'est une opposition et une majorité et qu'il ne peut pas faire toujours ce qu'il veut, surtout lorsque cela va contre le bon sens. Deuxièmement, c'est une interrogation. Où étaient les députés socialistes ? Soit ils ne viennent pas à l'Assemblée Nationale, ce qui n'est pas bien, soit ils n'étaient pas d'accord sur le qu'ils avaient eux-mêmes présenté et dans ce cas-là, ils ont menti à ceux qu'ils prétendaient défendre et représenter.

BÉATRICE SCHONBERG
Mais ça, on les écoutera, on ne va pas préjuger...

NICOLAS SARKOZY
S'agissant du PACS, maintenant le gouvernement s'est pris les pieds dans le tapis. C'était un monstre juridique. Nous, ce que nous avons voulu faire, c'est l'idée que l'on se fait de la famille depuis des années et des années. Nous ne voulons pas qu'on y touche. Alors, qu'est-ce que l'on fait maintenant ?

BEATRICE SCHONBERG
Alors avant... monsieur SARKOZY, je vais vous donner tout de suite la parole mais avant d'aller au fond parce que c'est vrai que c'est un problème de fond et on ne pourra d'ailleurs pas faire le débat complètement ce soir, vous avez gagné là sur une bataille de procédure. Vous imaginez bien que pour les citoyens, ce n'est pas satisfaisant.

NICOLAS SARKOZY
Madame excusez-moi, de quels citoyens parlez-vous ?

BEATRICE SCHONBERG
Pour les citoyens que nous sommes...

NICOLAS SARKOZY
Vous pensez que tous les citoyens étaient pour le PACS ?

BEATRICE SCHONBERG
Pas du tout mais je pense que le débat méritait d'être là ou peut-être faut-il qu'il y ait débat, c'est la question que je vous pose.

NICOLAS SARKOZY
Le débat, nous l'avons mené La question préalable a été défendue d'excellente manière. Quel est le problème aujourd'hui ? Et je veux notamment m'adresser - puisque j'ai vu dans les différents reportages un certain nombre de réactions de la communauté homosexuelle. Il y a des problèmes qui se posent aux homosexuels, personne ne le conteste. Personne et surtout pas nous, ne voulons nous attaquer à leur liberté. Nous disons simplement une chose simple et j'espère compréhensible par tous ceux qui nous regardent, on peut résoudre les problèmes des homosexuels au regard de la donation, au regard des successions dans un couple homosexuel en touchant aux mesures fiscales Ce que nous ne voulons pas, c'est que l'on touche à la famille, à notre code de la famille et que l'on crée un vrai faux sous-mariage. Si le gouvernement nous dit il s'agit de résoudre le problème des homosexuels par le biais de la fiscalité, nous discuterons bien volontiers. S'il veut porter atteinte à la famille, au mariage...

BEATRICE SCHONBERG
Mais quelle sera votre position le 24 octobre prochain où il y aura débat à l'Assemblée ?

NICOLAS SARKOZY
Madame je suis désolé, je crains que monsieur JOSPIN ne connaisse pas la procédure parlementaire car le 24 octobre, ce n'est pas la date pour les socialistes, car soit le texte est représenté sous forme de proposition de loi et la prochaine niche parlementaire pour les socialistes c'est en février, soit le texte est présenté sous forme de projet de loi à l'initiative du gouvernement et dans ce cas-là, il doit passer devant le conseil d'État. Il doit passer devant la CNIL parce que le gouvernement voulait ficher les homosexuels, il doit passer en commission et il doit revenir à l'Assemblée Nationale. Il ne suffit pas que de Dunkerque, monsieur JOSPIN qui sait tout sur tout dise « ce sera dans quinze jours » ! Il ne suffit pas que madame GUIGOU...

BEATRICE SCHONBERG
Donc, vous vous opposez à tout débat...

Nicolas SARKOZY
Mais pas du tout madame !

BEATRICE SCHONBERG
Donc vous répondrez... non mais qu'est-ce que vous allez répondre...

NICOLAS SARKOZY
Les débats, nous sommes d'accord mais il y a une procédure parlementaire. Savez-vous que dans une démocratie, il y a des votes ? Qu'est-ce qui s'est passé à l'Assemblée ? Une majorité de la représentation nationale a dit non à ce texte. Donc, on reviendra pour discuter de ce texte dans d'autres conditions qui respecteront les règles de la démocratie.

BEATRICE SCHONBERG
Donc, ces autres conditions, si je vous comprends bien et je vais essayer de résumer...

NICOLAS SARKOZY
Oui, aux réformes fiscales.

BEATRICE SCHONBERG
Mais pas le 24 octobre...

NICOLAS SARKOZY
Non au démantèlement de la famille.

BEATRICE SCHONBERG
Donc il n'y aura pas de débat le 24 octobre ?

NICOLAS SARKOZY
On voudrait nous faire dire qu'en deux semaines, il faut tout changer et recommencer ? Pourquoi ? Parce que les socialistes ont été battus ? C'est ça qui est gênant ?

BEATRICE SCHONBERG
Alors, une deuxième question tout aussi simple : est-ce que vous pensez que ce projet... enfin cette proposition de loi devrait devenir un projet de loi et que le gouvernement prenne une initiative de ce débat qui au fond est un vrai débat de société ?

NICOLAS SARKOZY
Non madame, c'est un faux débat de société. On veut faire croire à la communauté homosexuelle que l'on résoudra leurs problèmes en créant un faux mariage. Un sous-mariage. Nous disons qu'il suffit, tiens dans le cadre de la discussion budgétaire, que le gouvernement dépose des amendements fiscaux pour résoudre les problèmes de donation et de succession entre deux personnes homosexuelles et à ce moment-là, il n'y a plus de problème, madame. Si on ne veut pas toucher à la famille, alors on fait comme cela. Si on veut toucher à la famille, on trouvera l'opposition unie, déterminée et très combative.

BEATRICE SCHONBERG
On l'a compris, le PACS ne concerne pas exclusivement les homosexuels. Moi j'ai pris quelques chiffres, deux millions de personnes qui vivent en concubinage, un million de couples non mariés avec enfants, 39 % se font hors mariage aujourd'hui, c'est donc un débat qui concerne la société française.

NICOLAS SARKOZY
Mais pas du tout, pas du tout ! Qui conteste que l'on a le droit de vivre en concubinage ? Qui est contre ? Savez-vous madame qu'un enfant qui va naître dans le cadre du PACS, est-ce que vous savez qu'il n'aura pas la présomption de paternité ? Est-ce que vous savez qu'une femme unie dans le cadre du PACS n'aura le droit ni à prestations compensatoires, ni à pension alimentaire en cas de rupture de ce PACS ?  Est-ce que c'est cela que l'on veut ? Est-ce que c'est cela les grands débats de société ? De fragiliser la femme et l'enfant ? Non, vous savez, c'est un débat trop important pour que l'on s'en tienne à quelques slogans.

BEATRICE SCHONBERG
Alors, venons-en, parce qu'évidemment, on a beaucoup de choses à voir ensemble, le PACS. C'est un débat en lui-même, venons-en maintenant aux mesures concernant l'insécurité dans les transports. L'opposition a immédiatement réagi. Elle a multiplié peut-être les réticences ou les critiques à ce que pouvait annoncer monsieur JOSPIN hier. En tout cas, il y a au moins une chose sur laquelle vous pouvez être d'accord. C'est peut-être lorsque monsieur JOSPIN oppose l'ordre à la sécurité. Là, cela ne peut que vous satisfaire.

NICOLAS SARKOZY
Non mais madame, Je suis très satisfait que monsieur JOSPIN dise la même chose qu'il avait dit il y a un an à Villepinte mais est-ce que vous croyez vraiment que les usagers des transports en commun peuvent se satisfaire de ces discours ? Juste deux ou trois remarques : c'est un défaut bien socialiste que de croire que l'on résout les problèmes en modifiant la loi ou en augmentant les règlements. Ce n'est pas en faisant de nouvelles lois ou de nouvelles cathédrales juridiques que l'on va recréer les conditions de sécurité dans les transports en commun. La loi existe, elle doit être appliquée. La deuxième remarque. Pourquoi il y a ces phénomènes de délinquance extrêmement préoccupant ? Parce qu'il y a un sentiment d'impunité chez ceux qui commettent ces actes qui devient intolérable pour les usagers de ces transports en commun ?

BEATRICE SCHONBERG
Justement, l'impunité, monsieur JOSPIN en a parlé, l'impunité, il n'y en aura pas. IL l'a précisé, on ne va pas revenir en détail sur les mesures, on n'a pas le temps. Ce que l'on pourrait dire peut-être...

NICOLAS SARKOZY
Excusez-moi, monsieur JOSPIN est venu s'expliquer 50 minutes c'est normal, il est Premier ministre...

BEATRICE SCHONBERG
Mais vous allez avoir le temps !

NICOLAS SARKOZY
Je ne le conteste pas. Je voudrais juste terminer là-dessus. On a beaucoup parlé de la prévention ces dernières années. Je pense que l'on a oublié de dire que la sanction est le premier élément de la prévention et j'ajoute une grande absence dans le discours du Premier ministre, c'est l'affaire si préoccupante de la multiplication des délits commis par des mineurs. Il va bien falloir d'une manière ou d'une autre responsabiliser financièrement les parents des mineurs qui commettent des dégâts. Il va bien falloir d'une manière ou d'une autre se résoudre à poser le problème de l'éloignement de leur milieu et de leur quartier d'origine pour les mineurs multirécidivistes. Il va falloir poser la question des allocations familiales, que l'on en discute calmement, tranquillement. Il va falloir répondre à la question des usagers doublement victimes, victimes parce qu'ils ont peur et victimes parce qu'il n'y a pas un service minimum les jours de grève. Ce sont des sujets qui méritent mieux que des discours qui se suivent, qui se ressemblent et qui n'apportent pas de réponse. Je voyais que l'on demandait aux agents de la RATP maintenant de faire les contrôles d'identité. Alors vous voyez l'agent qui contrôle les billets, qui a déjà tant de mal à contrôler le billet – je pense à ce pauvre homme qui a un travail bien difficile - les bus qui vont maintenant dans les quartiers où la police n'ose pas aller.

BEATRICE SCHONBERG
Mais on est au-delà du problème politique. Vous savez bien que la délinquance touche à la fois les États-Unis, la Grande-Bretagne, vous parlez de la délinquance des mineurs, vous pensez que ce n'est pas un problème gauche/droite, c'est un problème de société et cette politique, là, aussi vous l'avez faite et vous en êtes responsable, vous comme d'autres, c'est l'échec d'une société.

NICOLAS SARKOZY
Madame, d'abord, quand on nous dit « ce n'est pas un problème gauche/droite », c'est une formule. Dans une démocratie, il y a une opposition et une majorité. Ne me reprochez pas ou qu'on ne me reproche pas d'être de droite. Vous me dites d'autres pays le connaissent. Justement, les États-Unis l'ont résolu et notamment à New York, il y a eu des reportages y compris dans votre journal. L'Angleterre est en train de s'attaquer à ce problème avec beaucoup de fermeté. La question finalement est assez simple, on ne peut pas mettre un policier derrière chaque conducteur d'autobus et on ne peut pas demander à un conducteur d'autobus dont le rôle c'est de conduire un bus, d'aller dans des zones de non-droit. Est-ce que oui ou non on est décidé à faire appliquer la loi avec sévérité parce que ce sentiment d'impunité aujourd'hui n'est plus acceptable par la population. C'est de cela dont il s'agit.

BEATRICE SCHONBERG
Merci monsieur SARKOZY.

NICOLAS SARKOZY
Merci madame !