Texte intégral
L’augmentation du forfait hospitalier, décidée alors que le débat annoncé par le Gouvernement sur la protection sociale était à peine amorcé, enlève toute crédibilité à la volonté de concertation affichée. Pourtant, un sujet aussi important aurait mérité mieux que les « messes basses » organisés dans l’enclos feutré de quelques assemblées d’initiés.
Il est plus confortable de laisser tomber, dans la presse, des chiffres ou des extrapolations pour justifier les mesures déjà prises et préparer les esprits sur ce que l’on a l’intention de faire que d’abaisser franchement les cartes.
Or le moment est venu de la faire.
Quel objectif poursuit réellement le Gouvernement ?
Sauver la protection sociale, comme il l’affirme chaque jour, ou dégager complètement les entreprises de toute responsabilité dans le financement et aller, pour cela, vers une étatisation et une fiscalisation des ressources ? La question mérite d’être posée car, à la lumière des mesures prises ou en préparation, il devient clair que plus on affirme le premier de ces objectifs, plus on travaille pour atteindre l’autre. Déjà, les mesures prises depuis douze ans ont conduit à faire cotiser plus les salariés et beaucoup moins les entreprises, et à compenser les exonérations qui bénéficient aux employeurs en faisant payer plus les assurés sociaux.
Aujourd’hui, le Gouvernement veut aller plus loin et plus vite. Favoriser la convergence des positions entre toutes les forces syndicales et mutualistes intéressées nécessite un grand débat.
Est-ce vraiment le niveau trop élevé de visite médicales, de radios, de soins, de médicaments qui est cause de l’essentiel du déficit de la caisse maladie ? La commission des comptes de la Sécu ne dit pas cela. Elle relève, par contre, que les dettes de l’État, ajoutées à celles des employeurs et aggravés par les transferts qui ponctionnent le régime général, représentent plus de 50 milliards de francs pour 1994, et qu’aller plus loin dans cette voie menace tout l’équilibre du système.
Le nœud gordien est là, car le patronat veut effectivement aller plus loin. Face à cet enjeu, le syndicalisme a le devoir de faire converger ses efforts. Les démarches paraissent différentes, mais regardons-y de près.
Chacune des organisations rejette toute idée de rationnement des dépenses sociale et admet que cela n’exclut nullement un effort plus grand pour une gestion efficace des fonds sociaux, une recherche de transparence des dépenses et une maîtrise dans l’évaluation des besoins.
Le problème clé de l’avenir est donc bien le problème des ressources. Nous proposons de faire participer les revenus financiers du capital à égalité de taux avec les salariés. L’esprit de cette proposition se retrouve dans les propos de la quasi-totalité des organisations syndicales, même si la formulation varie quelque peu.
Est-ce possible sans fiscalisation du système de financement ? À l’évidence, oui ! La solution pouvant se trouver dans une dotation de l’État déterminée en fonction de ce que représentent certaines dépenses liées à la solidarité nationale.
Il faut ensuite solidement arrimer le socle du financement de la Sécurité sociale à l’activité professionnelle salariée. Actuellement, celles des entreprises qui gagnent de l’argent en jetant les hommes et les femmes à la rue sont, de fait, privilégiées par rapport à celles qui conservent un nombre élevé de salariés. Est-il impossible d’imaginer d’élargir l’assiette du prélèvement social en faisant participer l’ensemble des richesses produites par l’entreprise et basculer une part de cotisations patronales sur le profit brut, appelé couramment excédent brut d’exploitation ?
Ainsi, une entreprise qui viserait à relever son profit brut en jetant des salariés à la rue pourrait être justement pénalisée. Ce serait un comble que les entreprises soient exonérées alors que la protection sociale, en contribuant à la productivité des salariés, conditionne leurs résultats. Les positions des différentes organisations sont donc plus proches qu’il n’y paraît. Il reste encore à clarifier, à préciser, pour que nous nous retrouvions sur ce qu’il faut faire, comment, dans quel délai et dans quelles conditions. Mais cela ne constitue nullement un préalable à la mobilisation.
Alors, engageons vite le débat avec les salariés, les retraités, les mutualistes, et, surtout, permettons-leur de s’exprimer vite et fort en assurant ensemble la réussite d’une vaste initiative interprofessionnelle et nationale, dans la période de la discussion parlementaire. Pour sa part la CGT fera tout pour y parvenir.