Texte intégral
Conférence de presse du mercredi 3 janvier 1996
Déclaration de M. Jean Arthuis, ministre de l’Économie et des Finances
Mesdames, Messieurs,
Le Conseil des ministres a adopté ce matin le projet de loi de modernisation des activités financières qui transpose en droit national la directive sur les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières. Il va être déposé sur le bureau du Sénat qui l’examinera très prochainement.
Le titre même que nous avons retenu pour ce projet de loi montre toute son importance pour la place de Paris et pour son avenir dans l’Europe unifiée de demain. C’est une réforme considérable qui nous a conduit à repenser profondément l’organisation de la place financière de Paris. Il m’a donc semblé nécessaire de vous le présenter brièvement aujourd’hui.
1) Présentation de la DSI : vers l’unification des marchés financiers européens
Je voudrais tout d’abord rappeler l’apport de la directive sur les services en investissement. Cette directive a pour objet de tracer le cadre qui régira le futur marché unifié des services financiers. Concrètement, elle fixe les conditions dans lesquelles une banque ou une société de bourse installée à Paris peut recevoir un ordre d’un client installé en Allemagne, effectuer une transaction sur le marché londonien ou ouvrir une succursale en Suède. Cette directive, comme les directives bancaires, résout les problèmes difficiles que peuvent soulever ces opérations transfrontalières en posant trois principes fondamentaux :
– premier principe : chaque État choisit les modalités pour agréer les établissements installés sur son territoire dès lors naturellement que ces modalités respectent quelques règles communes ;
– en second lieu, un établissement ainsi agréé pour effectuer un métier dans un pays de l’Union peut exercer ensuite ce même métier dans tous les autres États de l’Union soit directement (libre prestation de services), soit par l’intermédiaire d’une succursale (libre établissement) ;
– enfin, chaque établissement est soumis au contrôle prudentiel du pays d’origine.
Ce texte va donc modifier le fonctionnement des marchés financiers en Europe sur deux points essentiels : il instaure une concurrence générale et il unifie les marchés.
La concurrence tout d’abord. Par-delà leurs différences de statuts, toutes les entités qui en Europe fournissent des services d’investissement seront désormais placées en situation de concurrence. Les marchés eux-mêmes seront dans la même situation. Sous réserve des règles d’affiliation propres à chacun des marchés, une entreprise d’investissement pourra indifféremment passer un ordre à Paris ou à Londres.
Il en résulte que l’on ne peut plus raisonner en termes de cote officielle ou de second marché, de marché parisien ou de marché allemand : il y a désormais au sein de l’Union européenne plusieurs marchés réglementés, c’est-à-dire offrant des garanties en termes de sécurité des transactions et d’organisation des échanges, par opposition aux marchés de gré à gré, totalement libres.
L’unification ensuite puisque tous les marchés sont désormais soumis aux mêmes règles, qu’il s’agisse de marchés à terme ou au comptant, de marchés d’actions ou de produits de taux. La directive tire ainsi les conséquences de l’interprétation croissante des marchés.
Vous le voyez, la transposition de la directive va renforcer la concurrence déjà vive entre les places financières européennes. Elle doit donc les conduire à se préparer à l’échéance décisive de la monnaie unique qui effacera les dernières barrières entre marchés financiers nationaux.
Pour Paris, ai-je besoin de le souligner, l’enjeu est d’importance. La transposition de cette directive doit être l’occasion d’une réflexion collective sur nos atouts et sur nos handicaps et d’une mobilisation de tous pour assurer le développement de notre industrie financière.
2) Le processus d’élaboration du projet de loi : concertation et consensus
C’est cette réflexion, entamée en concertation avec les principaux acteurs de cette place, qui a guidé les choix du gouvernement sur le projet de loi.
Lorsque je suis arrivé du ministère des Finances, mon prédécesseur venait en effet de lancer une consultation sur un avant-projet de texte. Dans le courant de l’automne, nous avons recueilli de nombreuses réactions et propositions d’amendement émanant des institutions de place et des professionnels.
J’ai moi-même souhaité lorsque j’ai pris mes nouvelles fonctions, que cet avant-projet soit complété par une réforme de la Commission des opérations de bourse pour lui donner plus d’indépendance mais aussi plus de collégialité et de transparence.
La réflexion gouvernementale fut également nourrie par les travaux parlementaires. Je fais notamment allusion au rapport d’information du sénateur Marini et à la proposition de loi rédigée par la Commission des finances du Sénat.
Vous me permettrez de souligner à quel point sur ce dossier il y a eu de la part de l’administration à la fois la volonté d’être à l’écoute du monde économique et de dialoguer avec le Parlement. L’initiative prise par le Sénat de procéder à une étude approfondie des conditions dans lesquelles la directive pourrait être transposée me semble tracer la voie de ce que doit être une meilleure association du Parlement à la préparation des décisions dans le respect de l’indépendance de chacun et de la séparation des pouvoirs.
Au terme de ces consultations et de l’apport de la réflexion parlementaire, le gouvernement a choisi un juste milieu entre une transposition a minima, comme le recommandait certains, ou une restructuration complète de la place de Paris comme le préconisait la Commission des finances du Sénat. Ce choix me semble faire l’objet d’un très large consensus.
J’aimerais expliquer rapidement les raisons qui ont poussé le gouvernement à retenir ce choix :
– la transposition a minima aurait laissé subsister le CBV et le CMT. Est-ce réaliste au moment où, en Allemagne, le marché à terme et la Bourse de Francfort fusionnent ? Cette solution aurait été possible mais le texte dépassé sitôt adopté. Il nous faut armer la place de Paris pour la compétition qui s’annonce serrée avec Londres et Francfort ;
– la reconstruction du système financier français était une hypothèse intellectuellement séduisante. Mais je constate qu’elle ne correspondait pas aux vœux de la place alors que l’adhésion du plus grand nombre à la réforme est la condition de son succès.
Le parti que j’ai adopté a donc consisté à approfondir la concertation avec les uns et les autres pour construire une réforme d’ampleur qui soit en même temps enracinée dans la réalité française. Des institutions de place existent, elles ont créé leur jurisprudence, elles se sont insérées dans le paysage financier. Il est possible et nécessaire de les faire évoluer, sans remettre en cause leurs missions fondamentales, sans distraire les acteurs du combat essentiel qui se déroule hors de nos frontières.
Si ce texte n’a qu’un seul mérite, c’est celui de ranger la place en ordre de bataille dans les meilleures conditions pour gagner. C’est pourquoi j’ai tenu à prendre en compte aussi largement que possible l’avis des professionnels ; j’ai cherché à réunir autour de ce projet le consensus le plus large.
Permettez-moi d’illustrer de deux mots ce propos. L’avant-projet soumis à concertation avait 36 articles. Le texte actuel en compte 63. Sa structure a changé et est devenue plus lisible, sans contraindre le lecteur à d’incessants allers-retours avec les textes existants. Pas un article du projet initial qui n’ait fait l’objet d’amendements ! Sur bien des points fondamentaux, qu’il s’agisse de l’obligation de concentration, de l’obligation d’intermédiation ou encore de l’organisation et des compétences du Conseil des marchés financiers, des changements substantiels sont intervenus. La concertation a donc été réelle et fructueuse.
Naturellement, tout ceci a pris du temps, plus que je n’escomptai. La loi aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier. Nous sommes donc en retard.
J’ai la quasi-certitude que les conséquences de ce retard ne seront pas trop négatives pour les entreprises françaises. Il se trouve en effet que la grande majorité des pays européens connaît des difficultés pour transposer les directives nécessaires à la mise en place d’un marché financier européen, celle sur les services d’investissement et celle sur l’adéquation des fonds propres qui sont inséparables l’une de l’autre. Nos deux principaux concurrents et partenaires, l’Allemagne et le Royaume-Uni, en particulier, ne se trouvent pas dans une situation plus favorable que la nôtre.
Par ailleurs, je compte présenter très rapidement au Parlement des mesures transitoires destinées à permettre au nouveau marché d’être, dès le premier jour, en état de fonctionner dans un cadre conforme à la directive sur les services en investissement.
Notre retard n’est donc pas préjudiciable. Il me semble en tout cas que le temps passé à la concertation a amélioré significativement le texte. Celui-ci reflète bien aujourd’hui les préoccupations de la place.
3) Présentation du texte : unité, professionnalisme, sécurité
J’en viens à présent à la présentation même du projet de loi. Ce texte est basé sur trois principes simples : l’unité, le professionnalisme, la sécurité.
a) Le projet de loi est fondé sur l’idée d’une unité des métiers du titre, quel que soit le statut des entreprises qui les excusent, quel que soit le marché, réglementé ou non, sur lequel elles interviennent.
Aussi le MATIF, la SBF, la Société du nouveau marché, le Monep se trouvent-ils désormais tous soumis à la même autorité de tutelle, le Conseil des marchés financiers.
De même, le monopole d’accès aux marchés réglementés des sociétés de bourse est aboli. Sociétés de bourse et banques se trouvent de surcroît soumises aux mêmes autorités, qu’il s’agisse de la délivrance de l’agrément, du contrôle prudentiel, du contrôle déontologique ou des procédures de sanction.
Vous le voyez, l’unité des métiers du titre est synonyme d’une concurrence plus équitable et d’une simplification des procédures.
b) Notre deuxième mot d’ordre, c’est le professionnalisme. Tout d’abord ce texte donne plus de liberté aux entreprises de marché pour édicter leurs règles de fonctionnement et pour choisir leurs adhérents, dès lors naturellement que sont préservées les garanties données aux investisseurs par leur statut de marchés réglementés. Cette liberté est à mon sens le gage d’une plus grande efficacité. Elle incitera les entreprises de marché à adopter une démarche plus commerciale, à nouer les alliances internationales nécessaires à leur développement.
Le professionnalisme, c’est également le rôle conféré au Conseil des marchés financiers. Cet organisme agréera avec le Comité des établissements de crédit les entreprises d’investissement et les établissements de crédit offrant des services d’investissement. Il exercera la tutelle sur les marchés réglementés ; il édictera des règles déontologiques applicables à toutes les entreprises d’investissement, quel que soit le marché sur lequel elles interviennent. Conformément aux vœux de la place, le Conseil des marchés financiers est désormais qualifié organisme professionnel et élit en son sein son président. Au CMF seront représentés à la fois les émetteurs, les investisseurs et les professionnels. Je souhaite que cet organisme permette de renforcer l’esprit de place, qu’il favorise l’éclosion de nouvelles entreprises d’investissements nécessaires à la vitalité du marché parisien.
Le souci d’impliquer davantage les professionnels dans l’organisation des marchés ne signifie nullement à mon sens un effacement de l’autorité publique. Celle-ci intervient différemment. C’est vrai, il n’y aura plus de commissaire du gouvernement auprès de la SBF ou de MATIF mais les statuts des entreprises de marché devront être agréés par le ministre de même que les règlements élaborés par le CMF. Le rôle de l’État ne doit donc plus être d’intervenir dans le fonctionnement des marchés mais d’assurer la cohérence de l’action des différentes autorités de place.
Les autres intervenants publics voient également leur rôle réaffirmé, voire étendu. C’est le cas de la commission bancaire qui, désormais, sera compétente pour contrôler les sociétés de bourse. C’est également le cas de la Commission des opérations de bourse, dont le rôle est renforcé.
c) Notre troisième objectif, en effet, c’est la sécurité des marchés
Plusieurs dispositions y concourent. Je les rappelle brièvement.
La protection des investisseurs est renforcée par une obligation d’information de l’appartenance ou non à un fonds de garantie.
Le projet de loi énonce des règles déontologiques que devront respecter tous les intermédiaires, quel que soit le marché sur lequel ils interviennent.
Mais outre ces mesures, j’ai souhaité également renforcer le rôle et l’efficacité de la COB.
La COB est une autorité respectée, qui jouit d’une grande audience internationale. Elle a un rôle capital à jouer, pour assurer l’accès égal de tous les investisseurs aux informations, c’est-à-dire pour la protection des épargnants. J’ai souhaité prendre des mesures qui renforcent son autorité morale, son indépendance, son efficacité.
Pour que la COB soit pleinement efficace dans l’élaboration des projets de règlements soumis au ministre, j’ai souhaité que le collège puisse entendre un représentant du ministre de l’Économie et des Finances. Celui-ci ne participera naturellement pas au vote et n’assistera pas aux délibérations sur les dossiers individuels. L’objectif est d’assurer une meilleure cohérence dans la production de textes par les différentes autorités de tutelle des marchés.
Pour conforter l’autorité morale de la COB, il m’est apparu nécessaire que le règlement intérieur de cette institution soit rendu public et qu’il assure une meilleure collégialité des décisions. J’ai notamment tenu à ce que les droits de la défense soient mieux garantis par la désignation, dès le début d’une procédure d’enquête, d’un rapporteur désigné au sein du collège.
Surtout, le projet de loi affirme l’indépendance de la COB en associant le Parlement au fonctionnement de cette institution. Trois membres du collège seront désormais désignés par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique et social selon la procédure de nomination en vigueur pour le Comité de politique monétaire de la Banque de France.
De plus, le président de la COB pourra être entendu par les commissions des finances des assemblées. Il fera annuellement rapport au Parlement. Enfin, la loi institue la COB autorité administrative indépendante et lui permet d’ester en justice.
Je suis convaincu que ces dispositions sont de nature à renforcer la crédibilité de la place de Paris.
4) Une politique de promotion de la place de Paris
Ne l’oublions pas, l’objectif premier de cette réforme c’est l’émergence d’une place plus créative, plus réceptive à l’innovation financière, plus attractive pour le petit porteur ou l’investisseur étranger parce que plus sûre et plus transparente.
Il y a eu de nombreux débats autour de la transposition de la DSI ; beaucoup étaient légitimes. Mais ce qui doit nous guider et ce qui a justifié les choix du gouvernement, c’est l’objectif de faire de Paris l’un des centres financiers de l’Europe de demain.
Le projet de loi présenté en Conseil des ministres de ce matin n’est donc à mon sens que la première d’une série de mesures qui toutes convergent vers cet objectif stratégique, cohérent avec notre politique de construction de l’Europe monétaire.
Plusieurs chantiers doivent être ouverts dans les mois qui viennent :
a) J’ai ainsi lancé une concertation de place sur une réforme de la procédure d’élaboration des règlements comptables. Il s’agit de faciliter la modernisation de notre droit comptable de rendre plus aisé l’usage de normes internationales par les entreprises qui en ont besoin pour lever des capitaux sur les marchés internationaux. La contrepartie devrait être une plus grande rigueur dans les modifications de règles comptables par les entreprises. À cet égard, vous aurez noté l’innovation que constitue la présence d’un membre du Conseil national de la comptabilité au collège de la COB. À l’issue de la concertation de place dont les résultats devraient me parvenir dans les prochains jours, je m’efforcerai de prendre en compte les suggestions des professionnels avant de saisir le Conseil d’État, puis le Parlement, d’un projet de loi créant un comité de réglementation comptable. Le décret relatif au CNC sera également profondément remanié.
b) Le souci de transparence doit aussi nous conduire à être vigilant en matière de « gouvernement d’entreprise ». À leur initiative, les professionnels ont d’ores et déjà adopté des mesures très positives. Dans le cadre d’une mission sur la réforme du droit des sociétés qui lui a été confiée par le Premier ministre, le sénateur Marini devrait proposer aux pouvoirs publics une doctrine cohérente en ce domaine.
c) Notre troisième chantier doit être de conforter l’industrie de la gestion de capitaux. La France est aux tous premiers rangs mondiaux en ce domaine. Il faut mieux organiser cette industrie comme le suggère l’association Paris Europlace. J’engagerai bientôt une concertation approfondie avec toutes les parties prenantes pour apprécier ce qu’il est possible de faire en ce domaine.
d) Le gouvernement est également soucieux de promouvoir l’émergence à Paris d’investisseurs à long terme. C’est dans cette perspective qu’il étudie la création de mécanismes d’épargne-retraite, venant en complément des régimes de base et complémentaires.
e) Enfin, nous ne pouvons faire au cours de l’année l’économie d’une réflexion sur le démarchage financier dont les conditions d’exercice seront profondément modifiées par l’entrée en vigueur de la DSI.
Je pourrai citer d’autres réformes structurelles en cours qui visent également à promouvoir la place de Paris : la création du nouveau marché ou la libéralisation des investissements étrangers en France. Le Parlement en débattra très prochainement.
Ces mesures sont de surcroît cohérentes avec la réflexion plus générale sur l’avenir du système bancaire français. Ces travaux se poursuivent, ils déboucheront en cours d’année sur des propositions importantes. Notre place sera forte si nos banques sont en bonne santé.
Le véritable enjeu de la transposition de la DSI, c’est la préparation de la place de Paris à l’échéance de 1999. J’aimerais que cette réflexion éclaire les débats. Je voudrais que ceux-ci servent de point de départ à une réflexion sereine sur l’avenir.
Celui-ci est désormais plus prévisible : le sommet de Madrid a permis d’établir un scénario crédible de passage à la monnaie unique et a assuré l’irréversibilité de celui-ci. La France et le système financier français disposent d’atouts précieux pour affronter cette échéance : une bonne compétitivité, une épargne solide, l’existence à Paris d’un marché actif de l’écu et d’instruments financiers performants.
Ajoutons à ces atouts celui d’offrir une place sûre, transparente, ouverte à la modernisation. C’est l’ambition du projet de loi qui sera discuté dans les prochains jours devant le Parlement.
Conférence de presse de M. Jean Arthuis, le 3 janvier 1996, sur le projet de loi de modernisation des activités financières
J. Arthuis : Telles sont les indications générales que je souhaitais formuler pour présenter ce projet de loi. Je crois que l’on vous a remis ou que l’on va vous remettre un dossier comportant le texte que je viens de porter à votre connaissance, comportant le projet ainsi qu’une série de fiches, mais si vous souhaitez m’interroger ou si vous souhaitez des compléments de précision notamment au plan technique, je m’efforcerai d’y répondre avec l’aide précieuse de M. le directeur du Trésor et d’un certain nombre de techniciens et d’experts qui m’entourent aujourd’hui.
Q. : Cette étude sur les mécanismes d’épargne retraite que vous avez évoquée, quand pensez-vous qu’elle aboutira à un projet de loi ?
J. Arthuis : Le Premier ministre, lorsqu’il a présenté le projet portant réforme de la protection sociale, a lui-même indiqué la nécessité de doter la France de mécanismes d’épargne retraite. Nous y travaillons actuellement et dans les mois qui viennent nous devrions être en mesure de proposer un dispositif complet et équilibré. Ceci devrait être de nature à conforter le marché des actions, je crois qu’il faudra nous efforcer à privilégier des placements de longue durée et des placements qui permettent l’affectation de l’épargne à un investissement tant attendu par les entreprises. J’ajoute que la réduction des déficits publics doit permettre un rééquilibrage des investissements.
J.-B. Jacquin (L’Expansion) : C’est une question un peu concrète à propos des mesures transitoires qui vont devoir être prises avant que la loi DSI soit promulguée.
J. Arthuis : Je vais tenter d’utiliser le projet de loi sur les investissements étrangers, qui vient en discussion avant la fin du mois de janvier, pour y greffer les trois ou quatre articles dont nous avons besoin pour permettre le démarrage au 15 janvier du nouveau marché. L’idéal était naturellement d’inclure tout cela dans la transcription de la DSI et dans le projet dont je viens de vous présenter la conception et le contenu. Des contraintes chronologiques ne l’ont pas permis et donc nous allons devoir utiliser ce véhicule pour soumettre au Parlement dans l’urgence les dispositions dont nous avons besoin pour le lancement à échéance prévue du nouveau marché.
P. Mabille (Les Échos) : Il y a eu, tout au long de cette discussion, un débat sur la notion d’autonomie ou de séparation entre métier du titre et métier du crédit. Qu’est-ce qu’il en reste dans le texte que vous avez présenté au Conseil des ministres ce matin et est-ce qu’on va effectivement avoir cette séparation ou est-ce que finalement on a considéré que ça n’était pas nécessaire ?
J. Arthuis : Nous allons avoir deux types d’intervenants sur les marchés : les établissements de crédit proposant des services d’investissements, il pourra s’agir de banques ou de maisons de titres ; et puis, deuxième catégorie, les entreprises d’investissements correspondant aux sociétés de bourse, aux gestionnaires de portefeuilles ou aux anciens agents du marché interbancaire.
P. Mabille : Cela veut dire que les entreprises d’investissements n’auront pas accès en direct au marché interbancaire, qui reste réservé aux établissements de crédit ?
J. Arthuis : Le projet assure l’autonomie des métiers du titre par rapport à ceux du crédit, et l’unité de la famille des métiers de services d’investissements. S’agissant du marché interbancaire, ce sont les banques qui y ont accès, et puis dans la catégorie des entreprises d’investissements on pourra trouver les anciens agents du marché interbancaire.
F. Cartner (Société Jones) : Vous avez répété à plusieurs reprises que les grands enjeux c’était la place de Paris et sa place en Europe. Est-ce que vous craignez par exemple que d’ici quinze ans, vu que tout le monde va avoir plus ou moins les mêmes voies en Europe, qu’il y ait une sorte de conseil de marché financier européen à Bruxelles et qu’il y ait un mouvement de concentration à Londres ?
J. Arthuis : Je ne crains rien. Ma seule préoccupation est de faire en sorte qu’il y ait en France des opérateurs particulièrement créatifs, imaginatifs, dynamiques. Ceci ne dépend pas seulement des acteurs du marché. Ceci va dépendre aussi de l’enracinement de la culture d’entreprise, notre capacité à susciter des vocations d’entrepreneurs, de donner aux épargnants le goût de l’investissement dans d’autres produits que des placements à revenus fixes, et je ne doute pas que dans quinze ans il n’y aura plus de bons du Trésor puisque l’équilibre du budget sera systématiquement atteint.
Q. : J’ai une question sur l’indépendance de la Commission des opérations de Bourse, puisque vous avez dit que c’était important. Il y a quelques années, pour renforcer cette indépendance, on a supprimé le commissaire du gouvernement à la COB et aujourd’hui on réintroduit un représentant du gouvernement à la COB.
J. Arthuis : Oui, mais je vous l’ai dit, ceci c’est par souci de cohérence. Il ne participe pas aux délibérations, il n’est pas là lorsqu’il s’agit de dossiers individuels mais il assure la coordination, puisqu’en tout état de cause un certain nombre de textes réglementaires doivent être validés par le ministre. Il n’interfère pas dans le collège puisque, par sa composition, tous les gages d’indépendance me semblent rassemblés. L’autre exemple qu’on pourrait prendre, c’est celui du comité de politique monétaire car le ministre lui-même, peut y siéger. Lorsqu’il n’y est pas présent lui-même, il est représenté par le directeur du Trésor et, que je sache, ceci ne semble pas nuire à l’indépendance du comité de politique monétaire. Donc le mécanisme ici, le principe est le même.
M. Le Parmentier (Le Monde) : Quelles sont les incompatibilités pour les membres du collège de la COB… (inaudible absence de micro).
J. Arthuis : Sur les règles déontologiques, nous avons un certain nombre de principes. Il faut que les gages d’indépendance soient… « Tout membre de la Commission doit informer le président des intérêts qu’il détient ou vient à détenir et des fonctions qu’il exerce ou vient à exercer dans une activité économique ou financière, ainsi que tout mandat qu’il détient ou vient à détenir au sein d’une personne morale. Aucun membre de la Commission ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat a un intérêt. Il ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat à représenter une des parties intéressées au cours des trente-six mois précédant la délibération ». Donc il peut avoir une activité professionnelle, mais il doit clairement être en dehors des présomptions d’intérêt lorsqu’une affaire est soumise au collège. Vous pouvez apporter un complément.
Simplement un complément à ce que le ministre vient d’indiquer. Il paraît tout à fait logique dans une instance indépendante mais traitant de questions difficiles et engageant des responsabilités lourdes, d’avoir des spécialistes et des personnes qui connaissent bien la matière qu’elles abordent.
Donc il s’agissait d’établir un bon équilibre entre à la fois la grande compétence professionnelle, la légitimité du collège et de chacun de ses membres et leur stricte indépendance, le point essentiel étant à cet égard la transparence et la neutralité dans les affaires qu’ils ont pu connaître. Donc la déontologie est assurée à la fois par les textes et aussi par les personnes bien entendu.
Q. : Vous avez évoqué un avenir radieux lorsque le gouvernement n’aurait pratiquement plus de besoins de financement. Pour 1996, est-ce que vous avez décidé de combien seraient les émissions en OAT et en Bétane ?
J. Arthuis : (Inaudible – Absence de micro.)
Q. : C’est quand même la première fois que le Trésor va émettre demain une OAT depuis la création des OAT sans que le programme d’emprunts de l’année soit connu.
C. Tricot (La Vie française) : Deux questions techniques rapides. Vous avez évoqué l’appartenance à des fonds de garantie. Est-ce que votre projet prévoit une réforme du fonds de garantie des clientèles des sociétés de bourse ? C’est la première question. Deuxième question : vous avez évoqué les principes de libre établissement et de libre prestation, qui laissent subsister des règles d’affiliation aux différents marchés. Est-ce que le (?) à la Bourse de Paris restera soumis à une prise de participation en capital de la société ?
J. Arthuis : (Inaudible – Absence de micro.)
C. Tricot : La loi de 89 avait instauré un fonds de garantie, est-ce que les articles prévoyant ce fonds de garantie sont abrogés ?
J. Arthuis : (Inaudible.)
Q. : Autre petite question technique sur le rôle de la Banque de France concernant les titres de créances négociables. Il y avait eu dans l’avant-projet de M. Madelin un certain nombre de… En fait, on abrogeait le rôle de la Banque de France et on le conférait au CMF concernant la réglementation des TCN.
J. Arthuis : (Inaudible)… La Banque de France veillera au respect par les émetteurs de ces titres… (inaudible).
Q. : Et la réglementation sera faite par le CMF.
J. Arthuis : (Inaudible.)
Q. : Est-ce que vous avez élaboré les prévisions macro-économiques nouvelles compte tenu du ralentissement de l’économie française ?
J. Arthuis : Cela fera l’objet d’une autre communication. Il faut que vous nous laissiez encore quelques jours pour recadrer les prévisions macro-économiques.
Q. : Le président de la COB doit être nommé par le président de la République. Est-ce à dire que M. Prada est confirmé, ou bien est-ce qu’il y aura un changement tout de suite après la loi ?
J. Arthuis : Je ne peux pas préjuger cela. Ce sera une décision, en effet, prise en Conseil des ministres. Mais après votre interrogation je ne voudrais pas que M. Prada vive un sentiment d’instabilité et d’insécurité. J’ai dit que ce texte devait contribuer à la sécurité.
(Question inaudible.)
J. Arthuis : Nous y travaillons. Il faut trouver les mécanismes qui permettent une bonne représentativité et que ceux qui siégeront dans ce Conseil soit reconnus par leurs pairs. Donc nous verrons, en particulier pour les sociétés cotées, comment on peut assurer la représentation de celles-ci. Il y a 25 membres, dont 15 qui siègent en collège général, 10 dans les sections disciplinaires ou spécialisées, et la seule délibération qui soit commune c’est l’élection du président. Le Conseil élit en son sein le président. Vous voyez que, là, le gouvernement n’interfère pas. C’est un signe d’ouverture, de responsabilité. Il me reste à vous remercier de vous être déplacés. De toute façon je reste et mes collaborateurs restent à votre disposition. Nous sommes là sur des textes quand même très techniques et donc n’hésitez pas à solliciter toutes les précisions que vous pourriez souhaiter.