Déclaration de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sur la protection sociale à l'épreuve de la mondialisation, le modèle social européen, le projet de loi de cohésion sociale et l'organisation de l'action sociale et médico-sociale par la négociation de conventions entre l'Etat et le secteur associatif, Paris le 27 mai 1997.

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Circonstance : 50ème anniversaire de l'UNIOPSS (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) à Paris le 27 mai 1997

Texte intégral

Fiche n° 1 - Introduction

Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs,

Votre réunion aujourd’hui a un caractère un peu plus solennel que d’habitude.

Vous fêtez votre 50e anniversaire et j’ai tenu à être parmi vous précisément pour cet événement-là.

Car 50 ans, c’est plus que la moitié d’une vie humaine, c’est la preuve de la pérennité de l’UNIOPSS et de son rôle irremplaçable au-delà des personnes éminentes qui ont toujours dirigé votre mouvement. À une époque où fleurissent les collectifs éphémères, les revendications les plus opportunistes, votre longévité atteste de la communauté de valeurs qui vous réunit, de la communauté d’intentions qui guide votre action.

Un ministre ne recherche pas toujours les compliments, mais je suis très fier, cher René Lenoir, de vous entendre dire que j’ai tenté, avec mes collaborateurs, de faciliter le dialogue car, quels qu’aient été les noms successifs des ministères que j’ai dirigés, j’ai toujours voulu qu’ils soient les ministères du dialogue social.

Il n’y a pas de démocratie sans dialogue, il n’y a pas de progrès sans recherche, en commun des solutions à des problèmes qui, il faut bien le dire, sont toujours plus difficiles à résoudre parce qu’ils mettent en jeu des intérêts toujours plus nombreux et en interrelation de plus en plus complexe.

Vous avez souhaité vous réunir autour du thème : la protection sociale à l’épreuve de la mondialisation.

Oui, vous avez raison. C’est bien une épreuve nouvelle qui nous est imposée. Le temps est bien loin où la France, comme les autres grands pays industriels, vivait en économie relativement fermée. Nous nous sommes ouverts progressivement à la concurrence mondiale et, ce qu’on appelait les échanges extérieurs ont pris une place déterminante dans la croissance. Aujourd’hui, nous avons franchi une autre étape. Nous sommes de plain-pied dans une économie mondiale, nous sommes confrontés à la mondialisation, c’est-à-dire, à la contrainte des avantages comparatifs qui peut, si l’on n’y prend garde, balayer les équilibres sociaux…

C’est donc aussi une épreuve décisive. Car nous sommes exposés au double risque de l’ultra-libéralisme et de l’ultra-providentialisme. Deux formes de fuite en avant. D’un côté, ceux qui sont portés à voir le salut dans la déréglementation, la dérégulation de l’ensemble de la société. De l’autre, ceux qui sont portés à rechercher le salut dans toujours plus d’État et toujours plus d’État providence.

Je viens d’évoquer la contrainte des avantages comparatifs. Mais les contraintes économiques ne sont pas des contraintes désincarnées. À nous d’en faire une lecture humaine, intelligente et créatrice pour préserver ce qui fait notre originalité et notre force, c'est-à-dire, notre modèle social. À nous de montrer dans les faits que nous sommes capables de lier l’économique et le social, la responsabilité et la solidarité, dans un modèle original de progrès pour l’homme.

Nous ne devons pas craindre de vivre en économie ouverte. J’ai la conviction que la mondialisation de l’économie est plus une chance qu’un risque pour l’Europe et pour la France :
     - si nous savons promouvoir les adaptations structurelles nécessaires ;
     - si nous avons la capacité d’une gestion économique capable d’assurer la stabilité de la monnaie ;
     - et si nous avons l’audace de proposer au monde notre modèle de civilisation.

Fiche n° 2 - Trois convictions européennes de base

1. L’Europe, espace de croissance et d’investissement

La croissance lente que nous connaissons est largement due aux conditions nouvelles de la concurrence internationale. Dans ce monde, nous ne pourrons créer des emplois que si nous faisons de l’Europe un lieu attractif pour les investissements. C’est l’investissement et notamment les investissements des entreprises étrangers en Europe et des entreprises européennes à l’étranger qui est le bon critère.

Mon choix est donc celui de la valeur ajoutée, c’est-à-dire, le choix de l’innovation et de l’investissement, le choix de la création de richesse.

La concurrence mondiale est bien sûr une menace car elle fait peser sur nous une contrainte d’adaptation et de changements structurels. Mais elle est aussi une chance parce que l’extension du commerce mondial et la division du travail dans le monde permettent plus de productivité et plus de bien-être. Mais un pays ne peut y participer que lorsqu’il parvient à s’adapter aux conditions du marché et qu’il se montre capable de faire valoir ses avantages comparatifs dans la concurrence.

La mondialisation est un facteur d’enrichissement général de nos économies. Elle une chance pour un plus grand progrès, à condition que nous acceptions les adaptations et les modernisations de nos économies et de nos systèmes sociaux qu’elle impose.

2. L’Europe, espace de stabilité économique et monétaire

1° L’indispensable stabilité
La France a connu dans le passé de longues périodes de laxisme monétaire. Mais toutes nos expériences de dévaluation et d’inflation ont montré qu’une politique économique et monétaire laxiste mène toujours, sur le long terme, à plus de difficultés et plus de chômage parce que les États s'exonèrent des efforts de maîtrise des dépenses publiques et les peuples s'exonèrent des réformes de structures.

Les désordres monétaires des dernières années à l’intérieur de l’Europe (lire, livre) ont aussi déstabilisé de nombreuses entreprises françaises.

La France d’aujourd’hui a définitivement renoncé à ces recettes. La croissance a besoin de stabilité économique et monétaire. L’euro nous permettra d’éviter ces dérives, à l’avenir.

2° L'indispensable dialogue social
L'euro doit être au service de l’ensemble des citoyens et non pas de certaines catégories. Non seulement cela doit être effectivement le cas mais les citoyens doivent le ressentir.

Ceci nécessite une concertation à tous les niveaux :
    - entre les gouvernements, pour coordonner leurs politiques économiques ;
    - entre les organisations patronales et syndicales européennes, pour coordonner les adaptations nécessaires ;
    - entre les mouvements associatifs de nos différents pays.

3. L’Europe, comme projet social

Dans ce contexte, l’Union européenne doit s’affirmer comme un pôle autonome de croissance, de stabilité et de démocratie. Elle doit aussi affirmer son originalité :
    - en refusant le modèle américain, fondé sur le seul culte de la réussite individuelle, de la mobilité, du contrat individuel et, en un mot, de l’adaptation automatique et à tout prix aux nouvelles exigences ;
    - en récusant aussi le modèle que nous offrent certains pays d’Asie, qui subordonne l’intérêt individuel à l’intérêt collectif, qui développe une croissance sans capital fixe social, c'est-à-dire, avec un système de protection sociale embryonnaire.

Bien au contraire, l’Europe doit offrir un haut niveau de protection sociale, un haut niveau de salaire, un haut niveau des conditions de travail et de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Nous en avons donné l’exemple avec la directive sur les travailleurs détachés qui impose de verser aux salariés détachés le même niveau de rémunération que celui des travailleurs nationaux, afin d'éviter tout dumping social.

Nous ne devons laisser personne au bord du chemin et nous devons offrir à tous la sécurité sans laquelle il n’y a pas de créativité. C’est à ce prix social élevé que nous aurons une Europe dynamique, une Europe de producteurs et de travailleurs et non pas une Europe vieillissante vivant sur son acquis et faisant travailler d’autres peuples. L’Europe ne peut pas se résigner à être un espace de consommation pour le troisième âge. Nous voulons une Europe de producteurs et non une Europe vivant du produit de ses placements dans le reste du monde.

Il faut que nous portions collectivement un projet européen de société, car individuellement chaque pays européen est trop petit pour résister à une compétition au moins disant social et parce qu’en ayant un marché de 360 millions de consommateurs avec un minimum de règles sociales communes, nous garantissons une certaine stabilité.

L’Europe doit donc bâtir son propre modèle. La France est mieux placée que d’autres pour cela, parce que ce modèle doit être une économie concertée dans laquelle les pouvoirs publics et les forces vives du pays, chacun dans son domaine de compétence, organisent ensemble la croissance équilibrée.

4. La société concertée dans l’économie libérale

Ma conviction est que nous devons mettre en œuvre résolument les conditions d’une croissance équilibrée et durable.

Tournons le regard vers l’Allemagne. Le modèle social allemand est en pleine mutation. On ne peut que louer l’entreprise courageuse menée par le Gouvernement fédéral et l’ensemble des partenaires sociaux en vue de réduire les dépenses publiques, d’abaisser le coût du travail et d’équilibrer les régimes sociaux.

La détermination est aussi forte en France. Le Gouvernement d’Alain Juppé a conduit une politique de développement destinée à maintenir la compétitivité des entreprises françaises, à soutenir la croissance et à respecter, dans les calendriers voulus, nos engagements européens.

Grâce à des réformes historiques, on est sorti de la longue période de croissance incontrôlée des dépenses et aujourd’hui, la part des prestations tend à croître comme le PIB.

Il ne s’agit pas de démanteler l’État providence. Il s’agit plutôt d’enrayer la dérive de l’État providence. Les marges existent pour un moindre coût de nos systèmes sociaux sans démantèlement social.

Voilà, mon cher René Lenoir, ce que je souhaitais dire à votre assemblée, en réponse à vos questions.

Oui, nous sommes en mesure de résister à la pression mondiale.

Oui, l’Europe peut nous appuyer et nous aider à sauver notre modèle social et, plus encore, c'est à nous à promouvoir notre modèle social en Europe.

Le Gouvernement en a la conviction. Il en a aussi la volonté. Il s’en est donné les moyens.

Nous devons être convaincus que les efforts de rigueur que nous avons entrepris déboucheront sur la croissance et sur l’emploi, pour peu que nous sachions organiser le dialogue social.

J'en viens maintenant aux deux grandes lois sociales évoquées par René Lenoir : la loi de renforcement de la cohésion sociale et la réforme de la loi de 75.

Fiche n° 3 - La loi de cohésion sociale

Je n’ai plus besoin de présenter cette grande loi.

Vous avez bien voulu reconnaître qu’elle a donné lieu à une concertation exemplaire.

Le Gouvernement a lui-même présenté plusieurs amendements importants :
    - l’ouverture du CEC aux jeunes défavorisés ;
    - la retraite anticipée pour les allocataires de l’ASS et du RMI, qui ont cotisé 40 ans ;
    - le cumul du RMI avec une activité professionnelle ;
    - la domiciliation des SDF dans la commune du siège de l’association qui les suit. C’était un amendement de l’UNIOPSS.

Le Gouvernement a accepté plusieurs amendements, notamment le fonds d’initiative locale pour l’emploi, qui permet de recycler les économies liées au CIL.

Enfin, je veux redire ici que je ne suis pas formé à la faillite civile mais j’ai proposé qu’une mission parlementaire examine l’intérêt et les conditions d’une transposition dans notre droit de ce régime particulier à l’Alsace-Moselle.

Permettez-moi de vous dire que la loi de cohésion sociale est une grande loi.

Bien sûr, vous avez regretté l’insuffisance des moyens. C’est néanmoins un peu injuste.

Cette loi mobilise 3 milliards d’argent frais qui viennent se fondre dans les 126 milliards que l’État consacre en 1997 à la lutte contre toutes les exclusions. Voilà encore un budget social en hausse de 8,3 % après une hausse de 5,7 % en 1996.

En outre, elle prend date. Il faudra bien que les gouvernements successifs honorent les engagements qui ont été pris. On ne peut pas tout faire tout de suite. Mais on a désormais une feuille de route, si j’ose dire.

C'est une grande loi parce qu’elle porte un autre regard sur l’exclusion et parce qu’elle dessine les traits des politiques sociales de l'avenir.

Elle affirme et met en œuvre l’accès de tous à tous les droits.

Elle affirme et met en œuvre la priorité de l’insertion sur l’assistance.

Elle affirme et met en œuvre une politique globale, personnalisée et unifiée de lutte contre l’exclusion.

Elle fait du département le lieu privilégié des politiques sociales.

Elle organise clairement la fonction de réflexion prospective et d’évaluation et la fonction de décision.

Je sais que vous avez été déçu par l’interruption inattendue des débats.

Peut-être en serait-il allé autrement si les débats n’avaient été ralentis par 4 heures de motion d’irrecevabilité, 3 heures de question préalable, et plusieurs heures de suspensions de séances. Quoi qu’il en soit, les 13 articles amendés par les députés ont été repris par le Gouvernement, le Conseil d’État a été de nouveau saisi, et son assemblée générale se réunit après-demain.

Le Président de la République a, en effet, voulu que la loi de cohésion sociale soit la première loi inscrite à l’ordre du jour du conseil des ministres dès la formation du prochain gouvernement et, le jour même, la loi sera à nouveau sur le bureau de l'Assemblée nationale, avec la plupart des amendements votés par les députés.

Cette loi fera date par son contenu. Elle ouvre des perspectives nouvelles aux politiques sociales.

Elle fera date aussi par sa méthode. Elle a été faite avec vous et elle sera mise en œuvre avec vous.

Fiche n° 4 - La réforme de la loi de 75

Cette réforme, vous la connaissez bien. Vous l’avez souhaitée. Vous y avez été associés. Elle porte votre empreinte. Je sais qu’il y a encore des inquiétudes, des interrogations. Mais nous devons encore y travailler ensemble. Rien n’est définitivement arrêté. Le texte dont nous disposons aujourd’hui va être affiné pour ne pas laisser l’impression que certains ont ressentie, d’un texte peut-être trop long, trop détaillé, trop compliqué.

Mon sentiment est que nous devons être d’accord sur ce qui doit impérativement figurer dans le texte de loi, sans trop nous demander s’il faut une réécriture totale de la loi ou simplement un complément à cette véritable charte du secteur, pour reprendre l’expression de René Lenoir.

1. D’abord, il faut énoncer explicitement la philosophie de la loi

Nous l’avons fait pour la loi de cohésion sociale. Nous le ferons pour la loi de 75. J’ai bien compris que c’était un de vos souhaits les plus chers et je le partage.

À cet égard, je pense que l’article 1er est perfectible. Mais l’orientation est donnée et elle n’est pas équivoque. Les établissements sociaux ou médico-sociaux, les services, l’ensemble des institutions sociales ou médico-sociales, doivent être au service des personnes les plus vulnérables, au service de leurs besoins et de leurs aspirations.

Au-delà de l’article 1er, il me paraît très symbolique en même temps que d’une immense portée pratique de réaffirmer que l’action sociale et médico-sociale a pour but de construire des projets pour l’usager. C'est pourquoi, le projet de loi doit énoncer les principes fondamentaux qui doivent structurer l’offre sociale et médico-sociale de manière à :
    - viser l’autonomie des personnes, l'expression de leurs besoins ;
    - respecter le libre choix de la personne, entre le maintien à domicile et le placement en établissement ;
    - respecter les convictions et la vie privée de la personne ;
    - reconnaître le droit de la personne à l’information sur les garanties qui lui sont apportées ;
    - poser le principe que chaque établissement ou service définit ses objectifs généraux dans un projet d’établissement et les concrétise dans un règlement intérieur.

Sur ce premier point, vous savez que nous sommes en parfaite communion de pensée et j’espère vous avoir complètement rassuré.

2. Vous avez aussi abordé la question des schémas d’action sociale et médico-sociale. Vous en reconnaissez l’utilité. Mais vous refusez des schémas imposés d’en haut et vous demandez qu’ils soient assortis d’une programmation.

Nous sommes là dans le domaine de la régulation du secteur social et médico­social qui comprend trois piliers :
    - les schémas ;
    - les autorisations ;
    - et la tarification.

Oui, il y a besoin de schémas, d’action sociale et médico-sociale. Bien sûr, il n'est pas question d’imaginer une carte sociale comme on parle de carte sanitaire. Mais il faut des orientations opérationnelles structurantes et les schémas joueront ce rôle.

Je ne souhaite pas, moi non plus, des schémas qui seraient en quelque sorte l’expression d’une volonté planificatrice et centralisatrice de l’État.

Dans mon esprit, ces schémas ne sont pas des corsets.

Ils doivent être le lieu et l’opportunité d’un dialogue fécond entre tous les acteurs : l’État, bien sûr, mais aussi les associations, les caisses d’assurance maladie, les conseils généraux, pour dessiner ensemble les lignes du possible et du souhaitable compte tenu des contraintes qui pèsent sur chacun. L’élaboration de ces schémas doit être le moment privilégié de la concertation que j’évoquais tout à l’heure, pour organiser ensemble la croissance équilibrée du secteur.

Ces schémas doivent demeurer des cadres de référence, des lieux d’harmonisation de la demande sociale, dont les associations sont les porteurs légitimes, et de l’offre que les différents financeurs peuvent apporter sans compromettre les équilibres auxquels ils sont tenus.

Ces schémas ne restreignent pas la capacité de propositions des associations, ils ne limitent pas l’initiative associative. Ils la développent. Et, d’ailleurs, le projet de réforme maintient la spécificité des autorisations du secteur social et médico-social puisque l’autorisation continue d’être distincte de l’habilitation, ce qui est une autre façon de dire que le besoin pourra être reconnu même en l’absence de moyens financiers, que le besoin a vocation à être financé et que finalement, il le sera, car l’autorisation c’est en quelque sorte une promesse de financement.

Enfin, je souhaite que soit écarté le malentendu sur ce qu’on a appelé « l’opposabilité des enveloppes ».

J’observe d’abord que ces enveloppes fermées existent déjà pour les CAT et les CHRS (pour en rester au budget de l’État) et que cela n’a pas empêché le dynamisme que vous connaissez de création de places dans ces établissements. Dois-je rappeler que nous avons commencé cette décennie avec 72 000 places de CA, que nous en sommes aujourd’hui à 90 000 et que nous la finirons probablement avec 100 000 places ? Dois-je rappeler que nous avons inscrits, au budget 1997, 1 000 places supplémentaires de CHRS ?

L’extension de la notion de dotations limitatives aux financements de l’assurance maladie a été votée par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.

Mais, soyez rassurés. La spécificité du social continuera d’être reconnue. Je n'ai jamais pensé qu’on pouvait unifier les règles du sanitaire et celles du social. Par contre, je suis convaincu qu’il faudra accepter des redéploiements du sanitaire vers le médico­social, tout en respectant, bien entendu, la contrainte spécifique du secteur social et médico-social, c’est-à-dire, des établissements à taille humaine.

Quoi qu’il en soit, l’allocation de ressources aux projets locaux reste garantie par une procédure budgétaire contradictoire qui permettra aux établissements de faire valoir leurs projets et leurs besoins spécifiques, sous le contrôle du juge.

Que l’État reste le garant de l’égalité, oui, bien sûr, et d’autant plus que cela n’empêche pas des modalités particulières de mise en œuvre au plan local.

Quant aux avenants aux conventions collectives, je dirai que je reste attaché au principe de l’article 16 mais qu’il me semble que le mécanisme est à revoir.

L’actualisation de la loi de 75 n’a pas vocation à remettre en cause la procédure instituée par l’article 16 (agrément préalable par les pouvoirs publics des accords de travail et des conventions collectives du secteur sanitaire et social), qui est la seule qui concilie la liberté de négociation collective entre les partenaires sociaux et la capacité des pouvoirs publics à réguler les évolutions des dépenses de personnels. Mais la mise en œuvre de l’article 16 devrait être éclairée, en amont, par les informations et les cadrages que les financeurs publics du secteur social et sanitaire pourraient fournir aux partenaires sociaux.

***

Je voudrais, enfin, rendre hommage à votre action, à celle des 800 000 professionnels et bénévoles qui font vivre le secteur social et médico-social.

Je voudrais vous apporter le témoignage de l’attention que le Gouvernement porte à votre mouvement et à votre action.

Je n’ai pas besoin de dire que c’est très largement grâce aux associations rassemblées au sein de l’UNIOPSS que notre société a pris conscience de la vulnérabilité d’une partie de la population. Il n’y a pas si longtemps vous avez su organiser le Collectif Alerte contre l’exclusion et il en est sorti la loi de cohésion sociale.

Les associations tirent leur légitimité de leur action et de leur capacité irremplaçable à révéler les problèmes et à alerter les pouvoirs publics.

Aujourd’hui, conformément à la volonté du Président de la République, et comme le Premier ministre l’a souligné à différentes reprises devant le Conseil national de la vie associative, elles sont reconnues comme un véritable partenaire dans l’élaboration des politiques publiques et, ajouterai-je, en ce qui concerne mon département ministériel, dans leur mise en œuvre.

Ce renouveau du dialogue avec le monde associatif s’est accompagné de plusieurs mesures importantes :
    - amélioration des conditions de financement grâce aux conventions cadres pluriannuelles ;
    - régime fiscal des dons organisé par la loi du 24 juin 1996 qui place l’État, à parité avec l’initiative du citoyen puisque à 1 franc de don, correspond 1 franc de réduction d’impôt ;
    - exonération de charges sociales patronales pour l’emploi d’un premier salarié ;
    - congé représentation ;
    - couverture des risques maladie et invalidité pour les bénévoles ;
    - droit pour les chômeurs d’exercer une activité bénévole ;
    - enfin, je vais m’assurer que le doublement des crédits du fonds national de développement de la vie associative, voulu par le Premier ministre, sera rapidement débloqué.

Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs,

Vous m’avez interrogé sur un thème aussi passionnant que difficile : la protection sociale à l’épreuve de la mondialisation.

J’ai essayé de vous faire partager ma conviction que nous avions toutes les chances de résister à la pression mondiale, si nous étions capables de promouvoir notre modèle social en Europe.

L’élan donné au dialogue avec la société civile, au partenariat avec le mouvement associatif, attestent la volonté du gouvernement de fonder, dans ce domaine comme dans les autres, une dynamique sociale nouvelle pour façonner le monde nouveau dans lequel nous entrons.