Déclaration de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sur le bilan et les perspectives des mesures pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes et les résultats positifs de la mobilisation locale des partenaires sociaux, Toulouse le 28 avril 1997.

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Circonstance : Réunion du forum régional "Cap sur l'avenir" pour l'insertion professionnelle des jeunes, à Toulouse le 28 avril 1997

Texte intégral

1. À voir le nombre des participants à cette deuxième rencontre régionale « Cap sur l’avenir 97 », je ne peux que constater l’ampleur de la mobilisation de tous pour l’emploi des jeunes. C’était bien là la vocation affirmée de l’année 97, celle de sceller une sorte de pacte de la nation toute entière pour aider les jeunes à trouver leur place dans le monde du travail. La salle de ce soir témoigne de la force de cet engagement collectif.

2. C’est bien en effet d’un pacte dont il s’agit : pacte de confiance réciproque dont les conditions sont à mettre en place progressivement.

Il faut d’abord affirmer haut et fort notre confiance dans la jeunesse de notre pays : elle est notre avenir, notre dynamisme et donc notre richesse. Toute communauté doit offrir à ses jeunes la possibilité de s’insérer et de progresser dans une économie en mutation permanente.

Il n’y a pas en effet de fatalité au chômage des jeunes et les résultats récents sont significatifs. En 1996, le chômage des jeunes s’est stabilisé et depuis six mois, grâce aux actions menées par vous tous, il a baissé continûment. D’ici la fin du mois de juin 97, si la tendance observée se poursuit, il y aura 100 000 jeunes de moins au chômage qu’à la fin de 1993.

Mais la vulnérabilité des jeunes, face au chômage, demeure forte de même que demeure vive la tentation de se réfugier dans le système scolaire et de rester au seuil de la vie active, en poursuivant des formations parfois mal adaptées.

Il me semble résider dans ce double mouvement de confiance et de solidarité : celui des adultes envers les jeunes, celui des jeunes faces au monde que nous leur avons préparé et qu’ils se doivent de transformer à l’image des défis du deuxième millénaire. Sans eux nous ne pourrons rien, sauf reproduire des schémas de relations du travail et une approche des mutations économiques ou technologiques qui seront vite dépassés.

3. C’est pourquoi l’action du Gouvernement à l’égard des jeunes s’est engagée dans une triple direction qu’il convient de maintenir dans la durée pour conforter les premiers résultats obtenus.

A. Première direction. Il s’agit d’abord de rapprocher la formation de l’entreprise, notamment par le développement de l’apprentissage qui donne aux jeunes un métier et une connaissance de l’entreprise et par là-même un accès plus rapide à l’emploi. Depuis 1993, on constate un très net accroissement du nombre d’apprentis, avec une hausse de + 15 % en 93. En 96, le seuil de 300 000 apprentis a été dépassé avec un nombre d’entrées à hauteur de plus de 190 000. La prolongation de la tendance observée ces derniers mois justifie un objectif de 350 000 apprentis à la fin de l’année 97, soit environ 230 000 entrées en cours d’année.

Plus largement, c’est l’alternance sous toutes ses formes qu’il faut favoriser. Ce mode de formation permet aux jeunes, au cœur même du processus d’acquisition des compétences, d’expérimenter en situation de travail, les connaissances acquises. C’est là pour eux un atout fondamental qui s’appuie sur un transfert de savoirs entre générations et va donc bien au-delà de la simple transmission de connaissances. Vous tous qui connaissez la vie quotidienne telle qu’elle se déroule dans les ateliers, dans les bureaux, sur les chantiers, vous savez bien que c’est en aidant les jeunes à franchir ce passage difficile de la formation à la vie active que nous redonnerons à notre société cette confiance face à l’emploi.

Les partenaires de la conférence nationale pour l’emploi des jeunes du 10 février se sont donc donnés des objectifs ambitieux : objectif de 400 000 entrées en apprentissage et en alternance en 97 ; 2 % des effectifs en alternance pour les grandes entreprises. Former les jeunes et les accrocher au monde du travail, créer ce premier lien avec l’entreprise qui assure leur avenir professionnel, telle est la gageure qu’il faut tenir, même si l’embauche ne se fait pas dans l’entreprise formatrice mais ailleurs, dans une autre entreprise ou chez un sous-traitant.

Cette manifestation d’aujourd’hui est bien le signe de l’implication de chacun et de cette conviction nouvelle que c’est par la mise en réseaux de tous les acteurs que se fera l’intégration des jeunes dans le monde du travail.

De nouveaux outils vont être mis à la disposition des entreprises pour mieux répondre à la diversité de leurs besoins et aux attentes des jeunes : création d’un nouveau contrat d’orientation qui, par l’augmentation de la durée du contrat et des périodes de formation, permettra aux jeunes sans qualification de mieux se familiariser avec l’entreprise et de déboucher plus facilement sur un contrat d’apprentissage. De même, l’ouverture de ce contrat aux jeunes étudiants de moins de 25 ans, qui n’ont pu acquérir un diplôme en fin de premier cycle d’université, élargira les possibilités d’embauche.

Par ailleurs, la création d’un nouveau contrat d’adaptation, appelé « contrat avenir international », permettra d’offrir aux jeunes une expérience professionnelle à l’étranger, enjeu essentiel en cette période de mondialisation de l’économie.

Il n’y a pas pour moi la moindre ambiguïté : ce n’est pas en donnant aux jeunes massivement des emplois d’attente, pendant cinq ans, dans la fonction publique, sans débouchés ultérieurs que l’on peut régler le problème de l’emploi des jeunes. Le risque serait grand d’une dévalorisation massive des compétences et d’une cassure de la confiance, y compris en soi-même. Ce sont de vraies embauches, comme le sont celles sous alternance, qu’il faut privilégier. Et je ne peux que redire ici l’immense enjeu que représente pour nous tous le succès de ce rapprochement du monde de l’école et de l’entreprise.

B. Deuxième direction. Il s’agit ensuite de promouvoir des solutions diversifiées d’accès à l’emploi des jeunes, adaptées à chaque situation et mobilisant chacun d’entre vous sur son terrain.

Je suis heureux de me trouver précisément en région, à Toulouse et non pas à Paris, pour réaffirmer avec force que la véritable bataille de l’emploi se gagnera sur le terrain, grâce aux initiatives locales.

Le gouvernement a lancé ce mouvement de solidarité locale dès 96 avec la mise en place des PREJ, les programmes régionaux pour l’emploi des jeunes qui ont été négociés et signés dans chaque région. L’État, les régions, les entreprises et les partenaires sociaux ont, chacun dans son domaine de compétence, assumé ses responsabilités.

Plus récemment ont été créés, dans chaque département, des fonds départementaux pour l’emploi des jeunes. Dotés d’un milliard de francs, ces fonds sont destinés à financer des initiatives locales originales, sur la base de contrats entre l’État et les collectivités locales ou les organismes paritaires et consulaires.

Cette implication locale mobilise également les agences locales pour l’emploi et les missions locales : depuis le mois de mars et jusqu’en septembre 1997, 100 000 jeunes chômeurs de longue durée vont se voir proposer soit un emploi, soit une formation. À la fin du mois de mars, 20 000 jeunes ont déjà été reçus dans la France entière.

Enfin la loi de cohésion sociale mettra en place des itinéraires personnalisés d’insertion professionnelle pour les jeunes en grande difficulté qu’il convient d’accompagner plus fortement afin qu’ils retrouvent le chemin de l’emploi.

Ainsi, pour chaque public, nous avons eu le souci d’apporter une solution appropriée à sa situation particulière. En tout état de cause, ce ne sont jamais des mots d’ordre ou des slogans imposés d’en haut qui résolvent les problèmes, mais l’implication des acteurs de terrain avec des outils appropriés.

Des résultats significatifs témoignent déjà du succès de cette mobilisation locale. Ainsi, au cours des quatre derniers mois de l’année 96, 40 000 jeunes de plus qu’en 95 ont pu accéder à l’emploi grâce aux aides publiques. L’ARPE, dispositif de l’UNEDIC qui permet à des salariés ayant cotisé quarante ans à la Sécurité sociale de partir en préretraite, a permis l’embauche de 20 000 jeunes en 96. L’apprentissage et l’alternance ont été relancés, comme je l’ai souligné plus haut. Il faut poursuivre cet effort.

C. Troisième direction. Enfin je voudrais terminer en affirmant que la promotion sociale des hommes et des femmes ne doit pas dépendre seulement de la longueur initiale des études, comme si tout se jouait avant 25 ans. Les mêmes chances professionnelles doivent être offertes à tous, et surtout aux jeunes qui accèdent aujourd’hui au marché du travail, quel que soit le mode de leur formation, initiale ou continue. C’est à la promotion d’une égalité des chances permanente, telle qu’elle est inscrite dans les fondements de la République, que je vous convie.

J’ai souhaité, Monsieur Gandois, comme je vous l’ai écrit le 17 mars dernier, que vous donniez l’impulsion à ce chantier en entraînant tous les partenaires sociaux, chantier dont l’enjeu social est si fort qu’il devra mobiliser dans l’année à venir de multiples énergies. C’est en effet de la qualité du travail paritaire et des négociations interprofessionnelles qui s’ensuivront que dépendra la qualité et la pertinence de cette nouvelle loi-cadre que je compte déposer prochainement.

Nous devons donc assurer à chaque Français ses droits à une formation tout au long de la vie. Elle doit permettre de faire reconnaître objectivement les compétences acquises, de s’adapter aux évolutions du travail, et donc, si cela s’avère nécessaire, de changer avec plus de facilité de métier ou d’entreprise. Pour cela, il nous faut sortir de la qualification exclusive par les diplômes initiaux, valider les savoir-faire acquis dans le travail, construire une véritable progression professionnelle au-delà des frontières d’une seule entreprise.

Cette réforme exigera de l’entreprise un nouveau contrat avec ses salariés. Les employeurs devront retrouver et assurer cette mission de formateurs inhérente à leurs responsabilités. C’est la contrepartie obligée des moyens accordés aux entreprises pour adapter leurs effectifs, en cas de nécessité.

Les jeunes y trouveront une opportunité nouvelle, celle d’entrer plus rapidement et plus hardiment dans la vie active avec l’assurance, grâce à une formation différée, de pouvoir reprendre des formations longues en cours de parcours professionnels. Ainsi, comme l’a souhaité le président de la République, nous devrons mettre au point, ensemble, une sorte de « chèque formation », c’est-à-dire une prime accordée à tout jeune sortant de formation initiale avec un niveau de qualification inférieur au bac, afin qu’il puisse reprendre ultérieurement une formation qualifiante, après avoir élaboré plus précisément un projet professionnel.

4. Les chantiers ouverts sont donc ambitieux. Ils s’inscrivent dans une dynamique lancée depuis deux ans, mais qui a pris un essor nouveau en ce début 97.

Vous avez appelé votre opération « Cap sur l’avenir ». Cette formulation reflète bien le refus de toute démagogie. Vous inscrivez en effet votre action dans la durée car ce qui est proposé aujourd’hui aux jeunes, répond à leurs aspirations présentes, c’est à dire trouver un emploi, sans obérer l’avenir. Rien ne serait plus dangereux en effet que d’imaginer des solutions séduisantes à court terme, mais terriblement coûteuses, que cette jeunesse traînera comme un boulet pendant des années.

Orienter son action vers l’avenir, c’est bien veiller à ce que les réponses d’aujourd’hui ne constituent pas les problèmes de demain. C’est avec ce souci permanent de ne pas reporter dans le futur les difficultés d’aujourd’hui qu’il faut poursuivre l’effort. C’est là le vrai sens d’une solidarité et la manifestation de ce jour qui réunit jeunes, employeurs, responsables locaux, et tous les partenaires concernés par l’emploi des jeunes, m’apparaît être un témoignage fort de cette solidarité entre les générations.