Déclarations de MM. Louis Besson, secrétaire d’État au logement, et Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur la politique du logement, Lille les 18 et 20 juin 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de l'Union nationale des organismes HLM à Lille les 18, 19 et 20 juin 1997

Texte intégral

Discours de M. Louis Besson - 18 juin 1997

Monsieur le président,
Messieurs les présidents des fédérations,
Monsieur le délégué général

C’est pour moi un plaisir fort de lier responsabilités gouvernementales et amitié en répondant aujourd’hui au président Roger Quilliot. Aussi pousserai-je ce plaisir jusqu’à le citer lui-même pour exprimer la similitude de nos approches.

« L’indifférence il la faut éloigner comme la peste, l’extrême sensibilité, il faut nous en garder comme du choléra. Il nous importe de distinguer l’essentiel de l’accessoire même s’il n’est rien de secondaire, même si chaque interlocuteur est un cas unique qui mérite considération » (extrait « Misères et grandeur des maires de France » de Roger Quilliot).

Monsieur le président, nous nous retrouvons, pour ce congrès annuel du mouvement HLM, dans des conditions un peu nouvelles cette année. Mais si les conditions sont différentes, mon intérêt pour les préoccupations qui sont les vôtres est au moins égal et j’entends bien les prendre en compte avec cœur et détermination dans mon action ou sein du gouvernement qui vient d’être constitué.

Ces préoccupations, vous avez tenu à les exprimer clairement et je vous en remercie car ce rendez-vous doit être celui de l’ouverture d’un dialogue entre nous. C’est le souhait du gouvernement, c’est celui de Jean-Claude Gayssot et le mien. Je crois comprendre que c’est le vôtre.

Il me semble essentiel d’engager entre nous une réelle concertation pour élaborer pour votre secteur un véritable plan de travail.

L’avenir du logement social va tenir une place fondamentale dans la politique du logement que le Gouvernement entend mener à un moment où chacun peut faire le constat d’une situation sociale qui s’aggrave.

Dans ce contexte les organismes d’HLM doivent assurer un service du logement social dans toutes ses dimensions, avec le coût croissant qu’il implique, notamment dans les quartiers. Ils doivent aussi s’efforcer de modérer au maximum les quittances car certains loyers sont trop élevés, notamment ceux des PLA récents. Ils doivent enfin assurer l’équilibre de leurs comptes, dans un contexte difficile.

Le rôle du mouvement HLM mérite d’être renforcé et pérennisé. Pour les plus modestes de nos concitoyens le logement est la condition de l’autonomie, du respect de la dignité, de l’exercice de la citoyenneté, un facteur essentiel de la cohésion sociale. Le logement locatif social doit retrouver la place prioritaire qu’il a perdu ces dernières années, avec de moins en moins de constructions et de réhabilitations : pour moi, ce n’est pas un sujet de polémique et encore moins un message promotionnel masquant des ressources financières insuffisantes ou inadaptées aux exigences de la justice sociale.

Même dans le nouvel environnement européen que nous ne pouvons ignorer, il est impératif de maintenir les systèmes de financement privilégiés afin d’éviter le recours massif à l’aide à la personne.

Le livret « A » et la centralisation de sa ressource est aujourd’hui le socle du financement du logement social. Ce financement doit continuer à reposer sur la transformation de ressources à court terme d’un coût modéré, sauf à faire payer inutilement par le contribuable le prix d’un financement à long terme. C’est pour cela, qu’en 1990, en période difficile pour le livret A, nous étions intervenus auprès du Premier ministre P. Bérégovoy avec succès, pour que l’utilisation de cette ressource soit intégralement réservée au logement social.

Je serai aussi vigilant à l’avenir car je sais combien le logement social, qui consacre la moitié de ses recettes au service de la dette, est sensible aux conditions de financement. Je crois plus profondément qu’il y a un écart maximum qu’on ne peut pas dépasser trop longtemps entre le taux d’intérêt des prêts et le taux de progression des loyers, et qu’il serait souhaitable, si c’est techniquement possible, de réguler ce qui est en quelque sorte votre taux d’intérêt réel.

Toutefois, nous aurons aussi à démontrer ensemble, dans cette période difficile pour les finances publiques, que tout le monde conjugue ses efforts, qu’ils sont équitablement répartis et que l’on ne compte pas uniquement sur l’État.
La consolidation de l’action en faveur du logement social passe par l’amélioration du fonctionnement des dispositifs en vigueur, l’adaptation des outils, l’optimisation du rapport qualité/coût, l’amélioration de l’utilisation des capacités d’autofinancement.

Ce souci implique, dès le départ, d’engager la concertation et le dialogue, puis-je dire de retrouver l’esprit de la concertation et du dialogue, ce que nous n’aurons pas de mal à faire car ni vous, ni moi ne l’avons jamais perdu, et d’examiner avec attention, dès ce congrès, vos propositions. Vous êtes en effet les mieux placés pour connaître les difficultés auxquelles se heurte aujourd’hui le logement social.

À ce jour vos inquiétudes sont nombreuses.

Elles portent sur les conditions de la production de logements neufs. Nous allons regarder cela ensemble.

Nous devrons développer une réflexion sur la gamme des produits existants afin d’optimiser leur utilisation et leur consommation, qu’il s’agisse des PLA, PLA TS ou produits intermédiaires tels que le prêt conventionné pour le locatif social ou le PLI.

Il est temps de vérifier si le dispositif reste adapté et les loyers accessibles. C’est la cohérence de la gamme de produits qui doit être réexaminée, avec le souci de préserver les conditions de la mixité sociale dans le peuplement de nos quartiers et de nos villes.

Cette cohérence ne peut être véritablement assurée qu’en observant ce qui se passe concrètement dans la réalité locale, en analysant le fonctionnement des marchés que nous connaissons encore trop mal. Sur cette base les partenaires locaux doivent travailler ensemble, et ouvrir un nouvel espace à des politiques contractuelles avec les collectivités locales.

Vous vous posez aussi des questions nouvelles en matière de réhabilitation du parc existant.

Je voudrais insister, à ce stade sur la méthode : à partir des ressources disponibles ; évaluons les besoins, confrontons-les ensuite avec les ressources, négocions et programmons dans le temps sans perdre de vue les objectifs de départ. C’est dans cet ordre qu’il faut prendre les problèmes, et non en sens inverse.

L’instauration du taux de TVA à taux réduit sur la construction neuve peut être interprétée comme une certaine reconnaissance que le logement social est un service de première nécessité. Dès lors, comment ne pas s’interroger sur l’intérêt d’une extension du dispositif à l’ensemble des dépenses d’investissement, donc à la réhabilitation ? Il y a manifestement là un vrai sujet de réflexion. Veiller à l’adaptation des produits aux attentes des habitants, conjuguer réhabilitation des quartiers avec amélioration des conditions de vie et capacité financière des habitants sont des soucis légitimes.

L’intervention sur le patrimoine est plus que nécessaire pour assurer la qualité du service. Elle a l’avantage de contribuer au maintien de l’emploi mais elle a toujours un coût, payé en dernier ressort par les locataires ou par l’aide publique.

Veillons à ce que la réhabilitation ne soit pas source d’une telle augmentation des loyers, qu’elle aboutisse à empêcher le maintien en place des populations ou qu’elle contribue à leur fragilisation budgétaire puis sociale…

Qu’il s’agisse de construction neuve ou d’intervention sur l’existant, l’optimisation du rapport valeur d’usage/prix est indispensable. Il nous faudra, mieux qu’on ne l’a fait jusqu’ici, articuler et mettre en cohérence les actions de restructuration urbaine, la réhabilitation et la maintenance régulière du parc. La réhabilitation est descendue a moins de 100 000 PALULOS par an, c’est inacceptable.

Je vous demande d’être en liaison avec les habitants, en liaison avec les maires, une force de proposition sur ce chantier et je suis prêt, pour ma part, à réexaminer les réglementations si elles se traduisent par des surcoûts inutiles.

Réhabiliter, rénover, remodeler, autant de choix à faire en tenant compte de l’état effectif d’un parc de logements que vous connaissez et de certaines tendances négatives qu’il faut redresser avant qu’elles ne deviennent alarmantes. J’entends notamment par ce phénomène de vacance constaté dans des secteurs où, les loyers n’étant pas élevés, il correspondrait à un problème de qualité du bâti et des logements.

La vacance peut également être liée au coût du loyer. C’est dans le cadre de la réflexion sur l’adaptation des produits financiers et l’amélioration du rapport qualité/coût que nous pourrons l’aborder.

S’il nous paraît important de soutenir la création et la réhabilitation de logements sociaux, il faudra également, ensemble, développer des produits-logements qui correspondent aux besoins des demandeurs. Les attentes se situent en terme de qualité, de coût, de service, de montant des charges qui soient compatibles avec la solvabilisation et les priorités des candidats locataires.

Le logement social a connu des réformes des modalités de financement de la construction neuve. Vous ne les remettez pas forcément en question mais il faut examiner les inquiétudes que ces réformes ont pu faire naître et qui peuvent être en partie à l’origine d’un ralentissement de l’activité.

C’est urgent – la relance de l’activité sur votre secteur est indispensable pour répondre à deux exigences que vous prenez soin de lier, loger les plus démunis tout en assurant la mixité au sein du parc HLM.

Ce lien est essentiel et il est juste de le faire quand il correspond à un souci de loger les personnes à revenus modestes et très modestes dans de bonnes conditions. Ce lien deviendrait par contre inacceptable s’il était un prétexte pour écarter une frange de la population qui a un besoin impérieux et urgent d’être logée puisqu’elle vit dans des conditions indécentes.

Pour résoudre ce double problème, le logement des plus démunis et la mixité sociale, nous devrons donc rechercher ensemble l’efficacité en harmonisant les moyens et non en les opposant.

Mais notre action sur ce terrain ne s’arrêtera pas au patrimoine HLM. La politique en faveur du logement des plus démunis associera et articulera les moyens à mettre en œuvre en amont du logement stable pour des conditions efficaces d’hébergement et d’insertion. Elle veillera, en ce qui concerne le logement stable des personnes et des familles, à mobiliser simultanément le parc social et le parc privé.

La politique du gouvernement doit se donner pour ambition de consolider le mouvement HLM autour de la prise en compte de la mixité et du logement des démunis dans un équilibre entre le logement social et le logement privé.

Retrouvons l’esprit de la loi d’orientation pour la ville concernant la mixité des populations logées. Le parc social doit se développer là où il contribue à cette mixité et non là où il la compromet.

J’ai la charge au sein du ministère de l’équipement, des transports et du logement, du logement et de l’urbanisme. Ce rapprochement a pour ambition d’aborder le problème des quartiers urbains dans sa globalité, en collaboration avec les ministères concernés, ministère de l’emploi et de la solidarité, ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, ministère de l’intérieur, notamment.

L’urbanisme et le logement doivent faire l’objet d’une approche cohérente pour répondre aux principaux enjeux de la ville. La diversité et la mixité de l’habitat ne peuvent être traitées sous leurs aspects sociaux et spatiaux qu’à l’échelle minimale de toute une ville, et mieux d’une agglomération.

La requalification des sites urbains dégradés, qu’il s’agisse des quartiers en difficulté ou des centres anciens, ne peut être abordée du seul point de vue de la réhabilitation du bâti, mais doit traiter du cadre urbain et de son fonctionnement. L’équilibre des agglomérations dépend en effet sans doute autant des mécanismes d’attribution des logements que des instruments de l’aménagement foncier et de la planification.
Ce rapprochement des deux domaines devra faciliter le traitement des problèmes de la ville par l’État et les collectivités locales, dans une démarche concertée, soucieuse à la fois de qualité urbaine et de solidarité sociale.

Vos travaux préparatoires à ce congrès vous ont permis, en partant des nouveaux modes de financement, de faire la liste des moyens complémentaires pour renforcer l’activité. Ces moyens seront étudiés avec vous.

Encore faut-il accepter de les hiérarchiser et de lier le renforcement du financement à un effort sur le coût de la production. Nous aurons à vérifier la volonté des opérateurs et des partenaires locaux de mettre en œuvre les mécanismes existants avec détermination.

Au-delà des propositions sur les moyens supplémentaires vous suggérez de nouvelles logiques.

Ainsi vous réfléchissez à une réforme du conventionnement. Ceci mérite d’être abordé avec discernement. Si les plafonds de ressources pour l’accès au logement de certaines catégories de ménages peuvent être à adapter, la demande d’une suppression des plafonds dans des zones sensibles doit s’accompagner de mesures complémentaires pour rendre réaliste l’espoir d’attirer des ménages à revenus moyens dans ces quartiers. Quant à la demande d’une suppression des plafonds là où le parc privé est trop cher, nous devons prendre garde à ne pas abandonner toute logique de maîtrise du niveau du marché par l’État et à ne pas exaspérer les demandeurs déjà souvent trop nombreux en liste d’attente.

Dans votre recherche de nouveaux modes d’action en faveur du logement social, vous suggérez d’engager des expérimentations sur la mise en œuvre d’un niveau territorial de décision. Cette réflexion sur un lieu de décision pertinent m’intéresse beaucoup. De plus, la démarche expérimentale est séduisante. Elle pousse à mettre au point un mode de fonctionnement et à le tester, ce qui permet de vérifier la réalité et la pertinence des volontés locales.

Parmi vos inquiétudes vient en bonne place celle relative à l’actualisation des barèmes des aides personnelles au logement. Quoi de plus légitime après des années de baisse de leur pouvoir solvabilisateur ? Aucun crédit n’avait été prévu pour actualiser au 1er juillet le barème des aides personnelles mais Jean-Claude Gayssot et moi-même partageons votre conviction sur l’urgence et l’importance de ce dossier et nous l’avons souligné avec force.

Le logement social est en première ligne face aux effets de la crise sociale. Les bailleurs sociaux doivent à la fois maintenir et améliorer la qualité du service qu’ils rendent aux locataires, en limiter la répercussion sur les quittances et préserver leur propre équilibre financier. Dans ces conditions, le désengagement de l’État n’est pas acceptable. L’aide publique grâce à laquelle le patrimoine social s’est progressivement constitué continue à être indispensable pour assurer la pérennité du service du logement social.

Outre l’énumération des inquiétudes qui sont les vôtres, je sais que vos réflexions vous ont permis de repérer d’autres domaines sur lesquels vous pouvez être force de proposition.

Vous avez récemment élaboré des propositions pour améliorer les procédures d’attribution des logements sociaux. Il me paraît important de reprendre cette réflexion sur les principes de transparence et d’égalité des chances dans un souci d’efficacité et de justice et de la mettre en œuvre.

Comment concevoir que le droit au logement soit inscrit dans la loi depuis des années, que nul ne le conteste, et que simultanément des personnes sans logement ou mal logées puissent attendre des années avant d’obtenir un logement, sans même être informées, au fil de cette attente, de l’évolution de leur dossier ?

En ce qui concerne votre savoir-faire, vous rappelez celui relatif à l’accession sociale à la propriété dont vous souhaitez la pérennité.

Ce dossier est lourd au niveau des engagements financiers puisqu’en l’état les moyens du 1 % sont largement obérés et que la solution arrêtée ne l’a été que pour deux ans. La recherche concertée des solutions financières pourra être liée à la réflexion sur la qualité des produits et des circuits. Mais j’ai besoin de connaître vos suggestions pour combler la lacune relative à la sécurisation des personnes qui sont poussées à des choix économiques parfois dangereux.

La société a évolué, le monde du travail a changé, nous ne pouvons pas à ce jour maintenir un outil aussi intéressant que l’accession à la propriété sans adapter les mesures qui l’accompagnent pour la sécurisation de chacun. La solidarité, la mutualisation, ·la possibilité de modifier des statuts d’occupation en cas de difficultés majeures doivent être au cœur de nos réflexions.

Nous ne pouvons aujourd’hui tout évoquer mais la volonté de concertation du gouvernement concernera tous les interlocuteurs, et portera sur le soutien le plus adapté possible au logement social.

Par interlocuteurs, j’entends les différents partenaires de votre mouvement que vous associez vous-mêmes à votre réflexion et qui siègent au sein du conseil social, placé auprès du comité directeur de votre union nationale, et notamment les représentants des habitants.

En effet les habitants sont les premiers concernés par l’état et le coût du patrimoine qu’ils occupent et qu’ils financent en partie. Le financement du logement social par ses habitants sera d’ailleurs à étudier car outre leur participation au coût de gestion par le paiement des loyers et des charges, les locataires HLM sont actuellement les seuls à alimenter les fonds de solidarité logement. Cette situation induite par la taxe sur le surloyer limite le champ de la solidarité en faveur des personnes en difficulté aux seuls locataires HLM. Les moyens de redonner une assise nationale à ce financement devront être dégagés.

L’État doit jouer son rôle de garant de la solidarité nationale et nous examinerons les modalités selon lesquelles il peut effectivement mieux remplir cette fonction dans le domaine du logement. L’action à consacrer au logement d’insertion des plus défavorisés devra être conduite sans confondre les plus défavorisés avec ceux dont la seule difficulté est l’insuffisance de ressources et qu’il convient de mieux solvabiliser. La collectivité doit porter attention aux uns et aux autres dans un souci solidaire mais dans des formes différentes qui doivent être adaptées aux difficultés de chacun.

Vous avez choisi, pour ce congrès le thème « les moyens de la cohésion sociale », j’approuve ce choix qui sous-entend l’utilisation par chacun de toutes ses ressources, de toute son énergie, de toute sa volonté pour avancer, bâtir ensemble et porter les moyens au maximum de leur efficacité.

Avant de clore mon propos permettez-moi de saluer votre travail relatif à un corps de déontologie applicable à tous vos organismes.

Il vous a conduit à lier la réflexion sur la CGLS, à une démarche préventive, à une mise en commun des moyens et à une mutualisation des risques. Cette voie est intéressante car elle permettra de confirmer la réelle volonté de chacun.

Parce que les marges de manœuvre sont faibles, vous avez raison de souligner la nécessité de veiller à une « utilisation optimale de la trésorerie » et de vouloir développer une action professionnelle en ce domaine. Les ministres successifs du logement ont toujours eu du mal à justifier aux yeux de leurs collègues des finances pourquoi les capacités d’autofinancement de certains organismes, qui résultent de l’effort public et de l’effort accumulé des locataires, n’étaient pas mieux utilisées. Je serai attentif à toute suggestion ou initiative venant de vos rangs sur cette question.

Sans doute tous les organismes ne sont-ils pas à égalité de chances, n’ont-ils pas tous le même parcours. Vous aurez sûrement à définir les conditions d’une certaine mutualisation et vous aurez à ne pas en faire une prime à la mauvaise gestion.

Si vous faites face à trois défis, optimiser l’intervention sur le patrimoine, mieux répartir l’effort des locataires, mieux utiliser vos capacités d’autofinancement, rien ne pourra justifier que l’État ne fasse pas sa propre part du chemin.

L’État détient en effet beaucoup de clés et il lui revient de faire en sorte que votre action puisse s’exercer dans un cadre cohérent. Il détermine les aides à la pierre et les conditions de financement qui ont un impact direct sur les loyers d’équilibre. Il détermine les plafonds de loyers et les plafonds de ressources. Je crois que l’État qui régule ainsi l’ensemble du dispositif a un devoir de cohérence et je sais que vous ne manquerez pas de me le rappeler à l’occasion.

Nous nous connaissons suffisamment pour que je puisse vous dire qu’en ce domaine aussi je sais pouvoir vous faire confiance !

 

Intervention de Monsieur Jean-Claude Gayssot - 20 juin 1997

Monsieur le président,
Messieurs les présidents des fédérations,
Monsieur le délégué général,
Mesdames, Messieurs

Permettez-moi de vous dire l’intérêt que j’éprouve à me retrouver parmi vous. Lorsque j’ai participé à votre initiative comme maire, en début d’année, je n’imaginais pas me retrouver parmi vous au titre de ministre, dans ce ministère de l’équipement, des transports et du logement.

Vous avez choisi de retenir pour ce congrès le thème de la cohésion sociale – et plus exactement « les moyens de la cohésion sociale ». C’est en effet à mes yeux le cœur du problème de société auquel nous sommes confrontés. Comment imaginer une cohésion sociale, une solidarité réelle, une citoyenneté nouvelle avec 5 millions de mal-logés, avec 900 000 locataires vivant en dessous du seuil de pauvreté. Aujourd’hui, dans notre société les sans-droits, les sans logement, les sans travail s’ajoutent aux salariés aux revenus trop faibles, vivent dans une précarité qui n’épargne désormais aucun moment de leur vie. Comment s’étonner, dès lors que les inégalités, les injustices deviennent insupportables non seulement aux citoyens mais aussi aux valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité qui constituent pourtant la cohérence de la nation.

Oui, reconstruire les liens qui tissent la cohésion de notre nation, pour simplement rendre notre société plus humaine, plus juste, plus rigoureuse, plus efficace. C’est une des raisons qui expliquent le bouleversement électoral qui a conduit à la constitution sur la base d’une majorité de gauche pluraliste, d’un nouveau gouvernement qui me vaut le plaisir de m’adresser à vous aujourd’hui. Vous connaissez mieux que quiconque la situation du logement social en France, je sais votre mobilisation sur ce front, j’imagine votre inquiétude en constatant le désengagement méthodique de ces dernières années.

Je l’ai dit, je ne serai pas le ministre de la déréglementation, de la privatisation, de l’ultralibéralisme. Je veux vous assurer de notre détermination commune à Louis Besson et à moi-même, à choisir dans ce domaine aussi le changement. Hier après-midi, le Premier ministre dans son discours d’investiture en a exprimé la volonté gouvernementale.

Le logement a subi durement les conséquences des politiques passées.

Ces dernières années, la France est descendue en dessous de la barre des 300 000 logements construits par an. 1997 connaîtra encore un résultat semblable.

Les indispensables réhabilitations dans le parc social et aussi dans le parc privé ont été victimes des coupes budgétaires. Conséquences : on ne peut faire face aux immenses besoins de logement de la population française. Et, le bâtiment a perdu 45 000 emplois en 1996. C’est une situation grave.

Les aides à la personne n’ont pas été réactualisées depuis 3 ans, frappant ainsi le pouvoir d’achat de millions de salariés modestes, de chômeurs ou de bénéficiaires du RMI !

Frappé de plein fouet par la crise que connaît notre pays, le parc social se dégrade, les quartiers populaires de nos villes s’enfoncent dans les difficultés auxquelles, les élus locaux, les responsables et les personnels des organismes, les habitants eux-mêmes font face avec courage, avec créativité et je veux, à tous, rendre hommage à leur compétence, leur dévouement à la cause publique ! Mais ne nous voilons pas la face, les moyens dont ils disposent ne sont pas à la hauteur des défis qu’ils ont désormais à relever. Je pense à la dégradation de l’environnement, aux questions d’insécurité notamment.

Eh bien, je crois que reconquérir son droit au logement dans un contexte urbain humanisé et beau est une revendication citoyenne de dignité à laquelle je veux porter la plus grande attention. Je voudrais que partout on retrouve ce plaisir d’inviter chez soi ses parents, ses amis, sans être gêné parce que son immeuble, son quartier sont trop dégradés.

 

Ce n’est pas faire preuve d’esprit polémique que de dire que la politique du logement n’a pas été la priorité du précédent gouvernement. En témoignent les coupes budgétaires sans précédent, notamment celles de 1997.

À ce propos, nous avons pu constater que la plupart des politiques en cours ne sont pas financées sur le moyen terme et je crains que l’évaluation des comptes publics décidée par le Gouvernement et dont nous disposerons à la mi-juillet ne vienne aggraver encore ce constat.

Il en est ainsi du prêt à taux zéro. Sans même s’interroger sur le bien-fondé du prélèvement de 14 milliards sur le 1 %, que se passera-t-il dans 18 mois à l’achèvement de la période prévue par la convention signée l’an passé ?

Il en est ainsi des crédits de paiements dus à vos organismes sur les opérations engagées depuis plusieurs années : la diminution des crédits budgétaires conduit les organismes HLM les plus fragiles à des situations de rupture financière.

En définitive, on a progressivement vidé la notion de droit au logement de son contenu en enlevant à l’État la plupart de ses outils d’interventions et, Monsieur le président, vous en avez cité de nombreux exemples.

Une chose est sûre : les Français ne comprendraient pas qu’on ne s’attaque pas résolument à la question du logement dans un grand pays comme le nôtre à la veille de l’an 2000.

Vous avez entendu, ou peut-être avez-vous lu, la déclaration du Premier ministre hier devant l’Assemblée nationale.

Sur ma proposition et celle de Monsieur Besson, la visée de la politique du gouvernement en matière de logement est désormais bien différente de celle du gouvernement précédent.

Il s’agit d’abord d’un programme exceptionnel de réhabilitation d’un million de logements à réaliser d’ici la fin de la législature permettant, non seulement d’achever toute la réhabilitation du parc HLM français, mais de l’accompagner d’un effort comparable sur le parc privé social.

Dès 1997, l’objectif fixé est de réhabiliter 100 000 logements supplémentaires : 50 000 pour le parc HLM et 50 000 pour le parc privé.

Vous savez que ces décisions ont des effets induits en matière d’emploi évalués par nos services à environ 35 000 empois.

À compter du 1er juillet, le barème de l’aide personnalisée au logement sera actualisé et même revalorisé pour marquer un début d’inflexion de tendance.

C’est une mesure légitime qui marque notre volonté de commencer à corriger le déficit en matière de politique sociale accumulé depuis plusieurs années avec les conséquences que vous connaissez sur les plus défavorisés. Cela correspond à une augmentation de 2,5 milliards en volume des prestations de l’APL, en année pleine.

Enfin, la taxation du surloyer dit de solidarité sera réexaminée.

Le Premier ministre, Lionel Jospin a choisi, dans la déclaration de politique du gouvernement d’illustrer la volonté du gouvernement de proposer aux Français un pacte de développement et de croissance par des mesures immédiates.

Il n’aura échappé à personne, dans l’assemblée attentive et vigilante du congrès HLM qu’il a placé le logement en tâte des actions à développer sans délai.

Cette place exige, au-delà des priorités budgétaires ainsi retenues, que nous accompagnions ces actions d’initiatives nouvelles complémentaires, en particulier dans le domaine de la construction de logements sociaux.

C’est dans cet esprit que Louis Besson et moi-même avons pris l’initiative d’une réflexion avec le ministère de l’économie et des finances et la Caisse des dépôts et consignations pour accompagner et faciliter les actions nouvelles.

Une politique, ce sont des priorités, et vous connaissez maintenant les toutes premières du gouvernement en matière de logement. Mais une politique, ce sont aussi des orientations et simultanément la méthode choisie pour les arrêter et les mettre en œuvre.

Vous avez dit, Monsieur le président Roger Quilliot, que l’alternance démocratique amène devant vous des femmes et des hommes nouveaux et qu’elle suscite de votre part espoirs et attentes : espoir d’être mieux écouté et mieux compris, espoir de pouvoir rendre encore plus efficace l’action de vos organismes.

Je veux vous assurer que vous nous trouverez avec Louis Besson ouverts et prêts au dialogue, à la concertation à partir de vos préoccupations comme de celles du logement privé dans l’élaboration des orientations qui traduisent ces choix et naturellement dans les solutions techniques et financières les plus appropriées à la réalité et à la pratique et croyez-moi sur toutes les réflexions et propositions que vous avez formulées vous trouverez cette volonté de rencontre et de concertation.

Les grands choix se résument simplement : nous voulons accroître la justice sociale et garantir la solidarité publique, à commencer par la solidarité de l’État à tous ceux que le libéralisme économique sans contrôle a frappé, parfois si rudement.

Les orientations, nous vous proposons d’en débattre, à vous qui êtes en charge du logement social, comme nous le proposerons aux autres partenaires de la politique du logement, ceux qui agissent dans le champ de l’accession à la propriété comme dans celui de la location privée.

Sur quoi devraient-elles porter ?

D’abord sur la façon de traduire concrètement une réalité que je connais bien comme maire : la politique du logement ne peut se concevoir et se réaliser indépendamment d’une politique urbaine globale. Voilà pourquoi notre dialogue doit immédiatement s’élargir aux collectivités locales, qui en sont et en resteront les premiers responsables.

La politique du logement ne s’arrête pas à la porte du logement.

En proposant au Premier ministre, qui l’a immédiatement accepté, de confier au secrétaire d’État au logement la double responsabilité du logement et de l’urbanisme, nous n’avons pas fait, Louis Besson et moi, un simple choix d’organisation administrative.

Nous avons voulu mettre le logement au service d’un développement plus harmonieux de nos villes, et nous assurer réciproquement que tous les choix d’organisation et d’équilibre urbains prendraient en compte les objectifs propres à une politique réussie du logement, au service d’une véritable politique de la ville.

Notre proposition est de fédérer les interventions de l’État autour d’une préoccupation centrale : combattre pour réduire les tendances aux ségrégations, aux concentrations excessives, aux quartiers réservés. Cela signifie pour moi favoriser la mixité sociale.

Cette ambition concerne naturellement plusieurs autres ministres en charge d’importantes responsabilités au sein du gouvernement, qui sont autant de volets essentiels à la mise en œuvre de ces orientations. En citant notamment Martine Aubry, avec l’emploi et la politique sociale, Dominique Voynet, avec l’aménagement du territoire et l’environnement, Jean-Pierre Chevènement, avec l’intérieur donc les collectivités locales, ainsi qu’Émile Zuccarelli, chargé de la réforme de l’État et de la décentralisation, Claude Allègre et Ségolène Royal, en raison du rôle essentiel de l’école dans la mixité sociale, je ne fais que mentionner les principaux, et j’aurais garde d’oublier Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports, et aussi, vous vous en doutez, Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter, en charge des finances et du budget.

C’est vous dire que nous sommes déterminés à travailler ensemble, en respectant le domaine de compétence de chacun. Pour ma part, je donnerai les impulsions nécessaires, au-delà du logement et de l’urbanisme, aux transports urbains, avec un effort prioritaire en faveur des transports collectifs.

Une seconde orientation me paraît devoir porter sur le choix des territoires locaux les plus appropriés pour développer et réussir cette politique, ceux autour desquels l’État pourra en priorité proposer ses moyens d’intervention aux collectivités locales en favorisant leur coopération. Il y a, là aussi matière à réflexion, concertation, débat.

Pour rendre cette politique crédible, nous aurons à travailler avec vous et d’autres à d’urgents progrès.

Mais avant tout, je veux d’abord réaffirmer devant vous, et cela ne vous surprendra pas que l’expulsion est la pire des solutions. Elle devient inacceptable quand les mesures de soutien destinées à l’éviter n’ont pas été mises en œuvre.

J’en viens aux sujets qui me paraissent devoir être traités avec une attention particulière :
 – celui des copropriétés dégradées, où le double obstacle de situations économiques parfois très difficiles des habitants et l’insuffisante pratique de la coresponsabilité des propriétaires aboutit souvent à de sérieux échecs ;
 – celui de la résorption de l’habitat insalubre, qui n’a pas de raison de passer par les fausses solutions d’éloignement des populations concernées. Cette question resurgit aujourd’hui, il nous faudra savoir y répondre ;
 – celui de la vacance de logements : Louis Besson me rappelait qu’on estime cette vacance à près de deux millions de logements, en écartant naturellement les résidences secondaires et qu’à créer les conditions de location pour 20 % d’entre eux, soit 400 000 logements, nous modifierions les conditions de logement de la population. L’État doit réfléchir à ce sujet aux lacunes actuelles de ses systèmes fiscaux, qui rendent, par certains aspects, fiscalement plus intéressante la possession d’un logement vide que d’un logement occupé.

L’équilibre des comptes des organismes, s’il n’est pas suffisant pour définir une politique nationale du logement est sans aucun doute nécessaire à sa mise en œuvre. Il y a quelque paradoxe à découvrir que les offices et les sociétés anonymes qui se sont engagés courageusement et résolument dans les voies souvent difficiles de la justice sociale et de la solidarité publique envers les plus démunis rencontrent de réelles difficultés à assurer cet équilibre. Il me semble que la contractualisation avec laquelle vous êtes déjà familiers ne pourra laisser ce sujet longtemps de côté.

Mesdames, Messieurs, vous l’avez bien compris, le logement social redevient une des priorités.

Le politique du logement ne s’arrête pas à la porte du logement et la méthode de relations avec vous et tous les intéressés change.

Nous accueillons très favorablement votre proposition que nous organisions un vrai débat sur le logement social.

J’’exprime devant vous le vœu sincère que l’union HLM nourrisse sa cohésion du dialogue renouvelé que nous lui proposons. C’est pour nous un gage important de réussite. Cela me paraît être également la meilleure façon d’aborder, pour les réduire, les problèmes financiers réels de certains organismes.

Pour réussir dans le dialogue et la concertation la mise en œuvre de ces changements, nous avons besoin d’une union forte, pour paraphraser le proverbe.

Permettez-moi de faire de ce souhait ardent la conclusion de mon intervention. Je vous remercie.