Interview de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique de la réforme de l’État et de la décentralisation, dans "Service public" de juin - juillet 1996, sur la réforme de l’État, l'amélioration des relations entre l'administration et les usagers et sur une meilleure répartition entre administrations centrales et services déconcentrés.

Prononcé le 1er juin 1996

Intervenant(s) : 
  • Dominique Perben - ministre de la fonction publique de la réforme de l’État et de la décentralisation

Média : Service public

Texte intégral

Service Public : Monsieur le ministre, la réforme de l’État est-elle vraiment indispensable ?

Dominique Perben : Incontestablement, oui. Tous les contacts que j'ai eus, toutes les études que j'ai demandées montrent qu'il y a une grande attente des Français concernant tout ce qui touche la solidarité sociale.

Or les services de l'État sont perçus comme porteurs de cette solidarité. Cette attente, importante, justifie que nous nous penchions sur cette question et c'est la première raison de notre réflexion.

La seconde raison, importante elle aussi, c'est que nos concitoyens sont perdus devant ce qui leur semble de plus en plus complexe et éloigné de leurs préoccupations. Il faut donc rendre plus facile l'accès à l'administration et permettre à cette dernière de fonctionner plus simplement, de retrouver ce qui est son essence même. Il faut se rendre compte en effet qu’au fil des années, on a mis en place des procédures très complexes qui empêchent les fonctionnaires de se consacrer à ce qui est, au fond, l'essentiel : leur mission de contact et le service.

Service Public : Que faut-il changer en priorité ?

Dominique Perben : Ma préoccupation première est de simplifier. Simplifier le fonctionnement de l'administration en s'attaquant, par exemple, au système des autorisations. Simplifier la vie des usagers, c'est également simplifier celle des fonctionnaires et leur redonner du temps pour le contact avec le public. Ce n’est pas tout. Il faut aussi déconcentrer, c’est-à-dire, en fait, responsabiliser les fonctionnaires sur le terrain, en donnant du sens à leur métier, et rendre le processus de décision plus rapide. De ces deux éléments et de la réussite de leur application dépend le succès de la réforme.

Service Public : Cette réforme inquiète pourtant des fonctionnaires. Elle est mal perçue.

Dominique Perben : Que les choses soient claires. Cette réforme n’est en aucun cas celle du statut de la fonction publique. Il n'est pas question d'y toucher. Du fait de son intitulé, la réforme a été perçue comme susceptible de remettre en cause les fondements de la fonction publique. Je le dis nettement. Il n'en est rien. C'est une réforme des rapports entre usagers et fonctionnaires. Il faut le dire haut et fort et ne pas se tromper de réforme.

Bien sûr, et c'est un des éléments qui perturbent la perception de notre action, cette réforme va s’appliquer à un moment où l'État doit plus que jamais se montrer rigoureux sur le montant de ses dépenses. Mais quelles que soient les circonstances, cette réforme qui est, au fond, la recherche de la qualité du fonctionnement de l’administration, s’impose. Elle est, à mon sens, le meilleur moyen de répondre à une certaine morosité d’une partie des fonctionnaires, peu satisfaits des conditions d’exercice de leur métier.

Je vous l'ai indiqué précédemment, on a accumulé des réglementations ingérables. Il convient donc de simplifier. Les premiers décrets vont paraître prochainement.

On dénombre, par exemple, 4 200 régimes d'autorisations administratives. Je considère que les systèmes d'autorisations peuvent, dans une assez large mesure, être transformés en régimes de déclaration. Dans certains cas, une non-réponse de l'administration équivaudrait alors à un accord tacite.

Service Public : Quels sont les enjeux de cette réforme ?

Dominique Perben : L'enjeu essentiel, c'est l'amélioration de la qualité de la décision publique. Il est indispensable de redonner à la fonction publique toute sa fierté. Ainsi ce doit être l'administration centrale qui élabore les politiques publiques et évalue leur mise en œuvre. L'administration de droit commun doit incontestablement être l'administration locale. Si nous réussissons, nous serons dotés d'un outil performant et motivant pour les fonctionnaires. Nous lancerons, à la base, une politique contractuelle avec des objectifs précis.

Les personnels eux-mêmes peuvent en effet être porteurs de projets d'amélioration du service public. Lorsque nous parlons de contrats de service, c’est bien dans cet esprit de participation des salariés.

Service Public : Que faut-il entendre par « contrat » ? Pouvez-vous nous préciser cette notion ?

Dominique Perben : C'est une procédure fondée sur la participation des fonctionnaires à leur propre organisation et à l'amélioration des services rendus au public. C'est en ce sens que je vous parlais de responsabilisation.

Service Public : Quelles sont les échéances ?

Dominique Perben : Le calendrier est nécessairement divers. La simplification peut commencer très vite. D'autres mesures prendront du temps. C'est une démarche globale que nous étalerons. D'ici à la fin de l'année, nous aurons franchi un grand pas dans la simplification. L'année 1997 verra la réorganisation des directions centrales des ministères et l'expérimentation sur le terrain d'une meilleure organisation des services dans les départements. Les ministres devront faire des propositions pour l'automne prochain, de manière à simplifier le fonctionnement de leur ministère en réduisant le nombre de leurs directions, ce qui sera possible en raison des efforts de déconcentration. Cela ne changera rien, bien évidemment, mais je préfère insister sur ce point afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté ni erreur d'interprétation, quant au statut et aux rémunérations des fonctionnaires. C'est une réforme essentiellement qualitative qui devrait amener un mieux-vivre des fonctionnaires et une amélioration du service aux usagers.

Service Public : Pour conclure, les fonctionnaires n'ont-ils donc rien à craindre ?

Dominique Perben : Bien sûr que non. Cette réforme ne peut que faciliter leur tâche et leurs relations avec le public, donc améliorer leurs conditions de vie et leur image, en retrouvant les fondements du service public.