Texte intégral
D. Strauss-Kahn : Merci de vous être dérangés. Christian Pierret et moi allons tâcher de ne pas vous retenir trop longtemps. Comme vous le savez sans doute, l'objet de ce point de presse est de vous parler des décisions du gouvernement concernant France Télécom. Vous vous souvenez de ce que le 17 juillet dernier le Gouvernement a chargé Michel Delebarre, ancien ministre d'État, député du Nord, d'une mission de consultation approfondie sur l'avenir de France Télécom. Il a rendu son rapport au Premier ministre vendredi dernier et c'est de ce rapport que s'inspirent largement les décisions du gouvernement, que Christian Pierret et moi allons vous présenter.
Évidemment, il ne s'agit pas de n'importe quel secteur. Le secteur des télécoms est un secteur à évolution technologique et réglementaire, d'ailleurs extrêmement rapide, et dans lequel la France dispose d'une entreprise qui est de grande qualité, chacun la connaît, et l'objectif de la mission de Michel Delebarre était, dans le cadre de cette concertation, de voir comment assurer au mieux l'avenir de France Télécom.
Le premier point sur lequel je veux insister c'est qu'il s'agit d'un avenir qui nous engage tous, parce que c'est une des premières entreprises nationales mais surtout au moins autant parce que c'est un secteur qui est au cœur du développement futur, et enfin parce que c'est une entreprise qui assure des missions de service public, si bien qu'il est clair que les grandes orientations de France Télécom sont des décisions qui relèvent de l'État. L'approche qui a été sélectionnée repose sur un mot simple, c'est l'idée d'avoir une approche globale sur l'avenir de France Télécom. Une approche globale sur l'avenir de France Télécom ça concerne les problèmes d'ouverture de capital, dont on va parler, mais aussi bien d'autres questions qui touchent aux relations sociales dans l'entreprise, à la recherche-développement, à la mission de service public elle-même, à l'organisation de l'autorité régulatrice des communications et c'est l'ensemble de ces points qui forme un tout sur lesquels on voudrait vous dire quelques mots et pour lesquels vous trouverez dans le dossier de presse des explications un peu plus détaillées.
Je reprends les cinq points qui sont importants. D'abord, le premier point de cette approche, ne nous le cachons pas, ce sont les moyens d'assurer le rayonnement international de l'entreprise et ceci passe pat l'ouverture du capital. Ça n'est pas une privatisation. De temps en temps je vois dans vos colonnes ou dans la bouche de responsables politiques, de responsables syndicaux, de chefs d'entreprise une certaine confusion entre les termes d'ouverture de capital et de privatisation. L'entreprise France Télécom est une entreprise publique qui restera publique, la décision qui est prise est d'ouvrir son capital pour assurer son rayonnement international notamment - j'y reviendrai tout à l'heure - dans ses alliances avec Deutsche Telekom, et je veux de ce point de vue saluer le travail de préparation de cette alliance qui a été réalisé par le président de l'entreprise, Michel Bon. Deuxième grande ligne que j'évoquais d'un mot tout à l'heure, la mise en œuvre d'une politique de ressources humaines, de pratiques sociales correspondant aux aspirations du personnel de France Télécom. Troisième sujet, une nouvelle organisation de la recherche et du développement dans le domaine des télécommunications sur l'ensemble du territoire. Quatrième sujet, le renforcement du service public des télécommunications et l'adaptation de ce service public aux nouvelles technologies et, enfin, je le disais d'un mot, l'adaptation du dispositif de régulation du secteur à un peu plus de transparence et un peu plus d'efficacité. Si bien que le Gouvernement veillera à ce que soit très rapidement recréés au sein de France Télécom par le dialogue, par la négociation, les dispositifs qui permettront un suivi individualisé des carrières de façon à ce que les agents de cette grande entreprise aient une vision claire qui aujourd'hui sans doute, après des atermoiements divers, leur fait défaut de ce que sont les valeurs de l'entreprise et l'avenir de l'entreprise. À cette fin un nouveau contrat sera signé entre l'État et l'entreprise nationale. Enfin, et j'aurai terminé ces quelques mots d'introduction, la nécessité de redévelopper ou de redéployer, d'augmenter l'effort de rechercher vers les besoins du futur comme celle d'enrichir le service public vont conduire à un certain nombre de propositions qui feront partie de l'ensemble du paysage de France Télécom et sur lesquelles Christian Pierret commentera après moi.
Je prends le premier point, qui est celui de l'ouverture du capital de France Télécom au service d'une ambition internationale. France Télécom est le quatrième opérateur mondial de télécommunications et donc il est clair que l'objectif de l'État ne peut être autre que de vouloir lui préserver son rang, voire de l'améliorer. Pour cela, et compte tenu de la proximité du 1er janvier 98 où la concurrence, comme vous le savez, connaîtra un regain important, le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre un processus permettant l'ouverture du capital de façon à obtenir une estimation de sa valeur de marché et de façon à lui permettre une création d'alliance avec Deutsche Telekom, notamment sanctionnée par un échange de participation, ouverture de capital qui se caractérise de la façon suivante. D'une part, l'État restera largement majoritaire dans France Télécom ; deuxièmement, le partenariat avec Deutsche Telekom donner lieu à un échange de participation de l'ordre de 7,5 % et, enfin, une augmentation de capital sera proposée au marché de façon à ce que l'opération ne se limite pas à transférer une part du capital au marché mais aussi à renforcer l'entreprise en lui donnant de nouveaux moyens pour son développement. Les personnels actionnaires de cette nouvelle entreprise seront représentés au conseil d'administration et des conditions préférentielles seront mises en œuvre pour une catégorie de personnels un peu particuliers, qui est celle des retraités de la DGT des PTT disons, d'avant 91 puisque la loi telle qu'elle existe aujourd'hui ne prévoit de l'actionnariat salarié que pour les salariés retraités de France Télécom et France Télécom n'existe que depuis 91. Et donc il convient, puisque ces personnels ont participé à la création de ce qu'est aujourd'hui France Télécom - ça leur est en partie redevable -, de ne pas oublier ceux qui sont aujourd'hui retraités mais pas formellement des retraités de France Télécom, des retraités des télécommunications avant et pour lesquels un dispositif spécifique sera mis en œuvre.
Pour vous donner tout de suite quelques précisions, que sinon vous demanderiez derechef sur cette opération, les grandes lignes sont les suivantes. Environ 20 % du capital de France Télécom seront très rapidement mis sur le marché en direction de particuliers et d'investisseurs institutionnels. Le reste, jusqu'à 33 %, sera totalement dédié aux alliances internationales et au développement externe de France Télécom. Je vous ai dit tout à l'heure que ce que nous envisagions c'était 7,5 %, à cela se rajoutera, conformément à la loi qui prévoit que 10 % de ce qui a été cédé au privé doit être offert aux salariés, entre 3,5 et 4 % du capital qui seront mis à la disposition des salariés dans des conditions évidemment toujours très satisfaisantes. À l'issue de l'ensemble de ces opérations et de l'ouverture du capital par augmentation du capital dont je parlais il y a une minute, l'État continuera à détenir lui-même nettement plus que 60 %, 62, 63 %, selon exactement les derniers pourcentages qui seront retenus.
Je me résume. Lorsque le processus aura atteint son terme et que l'augmentation de capital elle-même aura été effectuée, nous aurons une situation où l'État disposera de 62-63 % du capital de l'entreprise ; les salariés, 3 à 4 % ; Deutsche Telekom, 7 à 8 % et le reste sera dans le public.
Pour ce qui est des dates de cette opération, il est envisagé de lancer les réservations d'actions aux alentours du 22 septembre. L'offre ferme de vente démarrera dans ces conditions le 6 octobre et la première cotation de France Télécom à Paris devrait pouvoir être obtenue pour le 20 octobre.
Je précise, pour éviter toute interprétation non pas malveillante mais insuffisamment informée, mais beaucoup d'entre vous le savent, que les ressources qui seront issues de cette ouverture de l'ordre de 20 % à des actionnaires institutionnels ou bien à des détenteurs individuels, des particuliers, ne contribuent en rien à l'équilibre du budget pour 1998. Vous savez que ces sommes, ce qui s'appelle le compte d'affection spécial, peuvent être utilisées pour des opérations en capital si l'État décide en capital de faire telle ou telle opération, doter une entreprise ou que sais-je encore, mais en aucun cas ces ressources ne concourent à l'équilibre dépenses-recettes du budget de 98. J'ai vu, parfois dans des bouches très haut dans la hiérarchie de l'État, que la confusion existait et que l'on prétendait que le précédent gouvernement n'aurait eu aucune difficulté à bouder le budget 98 puisqu'il l'aurait fait grâce à des recettes de France Télécom. Ceci est évidemment complètement erroné puisque, comme je vous le disais à l'instant, les recettes en capital, ne peuvent être utilisées qu'à des dépenses en capital et pas à des dépenses courantes. Donc voilà sur le premier point.
Le deuxième point concerne les pratiques sociales et, dans une stéréo bien orchestrée, c'est M. Pierret qui va vous en dire quelques mots.
C. Pierret : La politique de ressources humaines est naturellement extrêmement importante à nos yeux, et France Télécom se doit d'être, comme il l'a toujours été, dans le peloton de tête des entreprises publiques dans ce domaine. J'insisterai sur quatre points essentiels. Tout d'abord, il est important qu'on puisse mettre en œuvre chez France Télécom dans la nouvelle configuration qui va être la sienne un véritable renouveau du dialogue social. Nous estimons en effet qu'une entreprise de cette importante, qui doit conquérir de nouvelles parts de marché au plan mondial, qui doit s'internationaliser avec succès doit motiver ses équipes, et la meilleure motivation des équipes d'une entreprise aussi prestigieuse que celle-là doit être de poursuivre dans la voie déjà engagée et de renouveler le dialogue social en son sein pour parvenir à de nouveaux progrès dans la négociation interne qu'elle sera appelée à mener au cours des prochaines années.
Entreprise leader, entreprise qui au niveau des emplois « jeunes » doit être également partenaire des efforts qu'engage l'État au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Elle a déjà donné beaucoup puisqu'un accord signé en début de cette année prévoit que, d'ici à la fin de 1997, 6 000 jeunes seraient recrutés par France Télécom. Nous souhaitons que France Télécom complète son offre d'emploi en direction des jeunes en proposant, dans le cadre du dispositif gouvernemental dont on évoque actuellement la construction et dont le Parlement va se saisir dans quelques jours, la possibilité pour des jeunes sans emploi de bénéficier d'une formation et d'un premier métier. Nous invitons donc France Télécom à définir rapidement les emplois nouveaux auxquels elle peut penser, notamment dans les métiers du commercial, dans ceux de contact avec la clientèle et elle doit faire évoluer à notre sens fortement la population de ses agents de métier technique traditionnel où les besoins sont en baisse vers les nouveaux métiers, notamment vers les métiers du relationnel avec les clients. Nous souhaitons également, et on y reviendra dans un instant, que France Télécom joue pleinement la partie des nouvelles technologies - Dominique Strauss-Kahn en parlera dans une seconde - au niveau du grand public et l'accueil dans les agences de France Télécom, et notamment dans les quartiers sensibles de ces nouvelles technologies et le fait de tourner l'entreprise à ce niveau vers le grand public sera un des axes forts du développement de celle-ci.
Un point est signalé fort heureusement par Michel Delebarre, qui est celui de la formation professionnelle. En effet, l'évolution rapide de ces métiers doit aller de pair avec une élévation très importante de ce que peut apporter la formation professionnelle dans l'enrichissement des tâches, la responsabilisation des agents de France Télécom dans ces différents métiers et la possibilité de passer d'un métier traditionnel à un métier appuyé sur les nouvelles technologies. Enfin, Dominique l'a évoqué il y a une minute, la situation des reclassés non classifiés sera également au cœur du débat, puisque Michel Delebarre en parle longuement. Il s'agit d'une quinzaine de milliers de fonctionnaires qui n'ont pas souhaité être reclassifiés dans les nouvelles grilles de France Télécom après 1990 et qui se trouvent dans une situation un peu étrange, où ces fonctionnaires ne réussissent pas à s'épanouir dans leur métier. Nous souhaitons que des perspectives de carrière leur soit offertes et le Gouvernement souhaite que France Télécom propose un déroulement de carrière en son sein pour ces agents reclassés. Un véritable droit à la carrière est reconnu à tous les fonctionnaires, il doit être appliqué au sein de France Télécom pour tous dans le statut de leur choix. C'est pourquoi nous souhaitons que France Télécom intègre ceux des agents reclassés qui le souhaitent dans sa propre démarche et l'entreprise mettra en œuvre un dispositif permanent d'accompagnement et de suivi des reconversions, reconversions qui pourront se faire soit à France Télécom elle-même, soit dans l'ensemble de la fonction publique, les postes vacants pouvant être offerts aux intéressés l'étant à partir de la création d'une véritable bourse d'emploi interministérielle. Et puis, pour ces personnels-là, nous souhaitons que la loi qui a prévu une limite dans le temps pour exercer le choix vers la reclassification et puisse permettre de donner un an de plus à ces agents afin de choisir un nouveau rebond permettant leur insertion dans la démarche de l'entreprise, une nouvelle chance pour ceux qui seraient amenés soit à être reclassifiés, soit à participer à une démarche de fonction publique plus classique dans les conditions de la bourse d'emploi dont je viens de vous parler. Voilà les quatre points que je souhaitais développer sur le social.
D. Strauss-Kahn : Un mot sur le point suivant, qui est la recherche-développement. L'activité de France Télécom en matière de recherche-développement est tout à fait considérable, puisque ça fait plus de 5 milliards de francs par an. Le labo principal, vous le savez, c'est le CNET (Centre national d'études des télécommunications), et ce fameux CNET qui a plusieurs milliers de personnes, 3 000 chercheurs, 150 à 170 thésards selon les années, est un des éléments majeurs de recherche en France en matière de télécoms. Mais, pour autant ce n'est pas tout, et donc la décision qui a été prise est la suivante. Il va être créé un réseau national de recherche en télécommunications. Ce réseau national de recherche en télécommunications a vocation à fédérer l'ensemble des laboratoires, évidemment le CNET qui est celui de France Télécom, mais il y en a bien d'autres, à l'INRIA, au CNRS, dans les écoles, dans les universités, l'ensemble des laboratoires qui travaillent dans les télécommunications, l'ensemble de ce réseau étant piloté par un comité national des télécommunications dans lequel l'État aura son rôle à jouer, mais pas seulement l'État. Dès 98 des crédits de recherche industrielle seront dégagés pour permettre de financer les recherches en coopération menées par ce réseau. Il s'agit donc de faire en sorte que ce qui a existé dans d'autres pays et qui n'existe pas encore dans le nôtre en matière de télécoms se mette à jour, à savoir que l'ensemble des centres de recherche, quelle que soit la structure à laquelle ils appartiennent, et qui travaillent sur ces questions ou sur des questions qui en sont très directement dérivées, la micro-électronique, l'optronique, etc., c'est-à-dire toutes les questions qui d'une manière ou d'une autre touchent aux télécoms fonctionnent en réseau à partir d'une structuration centrale et, d'autre part, de crédits mis à la disposition de ce réseau par la puissance publique pour donner un coup d'accélérateur très massif à la recherche dans le domaine des télécoms. Le réseau sera donc mis en place très rapidement, les crédits de recherche industrielle qui lui seront affectés seront dégagés au budget de 1998 et la synergie de compétence dont on a besoin dans ce domaine, dont le cœur est à France Télécom et pour lequel il existe bien d'autres éléments aujourd'hui encore beaucoup trop épars sur le territoire, cette synergie devra donc pouvoir commencer extrêmement rapidement. Ça, c'était le point de recherche et de développement. Je redonne la parole à Christian Pierret pour les deux derniers points : l'enrichissement du service public et l'autorité de régulation.
C. Pierret : Le service public, chacun le sait, est pour nous un enjeu de politique majeur de la société française. Nous le vivons comme un outil fondamental de la cohésion économique et sociale du pays, car il est au cœur des valeurs d'égalité et d'universalité. Nous souhaitons donc que ce qui va se dérouler au cours des prochaines années à France Télécom permette d'enrichir le service public dont France Télécom est porteur et de poursuivre dans la voie de la qualité pour ce service public, qui est pour nous une ambition majeure de l'entreprise nationale. Aujourd'hui au sein du service public des télécommunications, le service universel est une tradition forte. Il a été défini au niveau européen par différents traits fondamentaux : fourniture du service téléphonique à un prix abordable par la totalité de la population et des entreprises, élaboration d'un annuaire universel et desserte du territoire en cabines téléphoniques, le tout étant assorti de la constitution d'un service de renseignements qui rentre explicitement dans la définition du service universel. L'entrée de notre pays dans la société de l'information constitue un enjeu essentiel pour l'avenir et est une priorité de l'action du gouvernement, comme le Premier ministre l'a rappelé il y a quelques jours à Hourtin. Il rend donc nécessaire une meilleure adéquation du service public et du service universel.
Le champ de celui-ci devra donc être élargi, ceci est fondamental, afin que soit assuré l'accès de l'ensemble des établissements d'enseignement à internet et aux nouveaux services multimédias à des conditions tarifaires privilégiées. À ce titre, nous demandons que France Télécom soit en mesure rapidement et accélère la mise à dispositif de ces services sur l'ensemble du territoire. Les modalités des offres nouvelles dans ce secteur devront permettre d'éviter les distorsions de prix et de concurrence selon les zones géographiques desservies. Parallèlement, nous allons proposer dans les prochaines semaines au cours des prochaines réunions des conseils des ministres européens d'enrichir la définition même, le contenu même du service universel pour prendre en compte la nécessité prioritaire de favoriser l'accès à internet, pour inclure cette démarche qui n'y est pas aujourd'hui dans le service universel et pour permettre l'utilisation d'internet dans l'enseignement initial et dans l'enseignement continu.
L'ensemble de cette démarche s'effectue dans un contexte dont la loi de 1996 définit les contours et qui est celui de conditions objectives au respect des autorisations d'activité de télécommunications, transparence des activités et non-discrimination et proportionnalité des moyens aux objectifs poursuivis. Ce sont les termes même de l'article 32 de la loi. Il est donc nécessaire que ces objectifs, qui sont partagés par le Gouvernement, puissent bien être mis en œuvre dans des conditions d'ailleurs techniques très complexes, qui sont celles de l'intervention désormais de l'Agence de régulation des télécommunications et de la répartition des compétences et responsabilités que la loi organise entre !'Agence de régulation des télécommunications, le Gouvernement, le Parlement et à l'intérieur de celui-ci aux responsabilités spéciales qui sont dévolues à la Commission supérieure du service public de la Poste et des télécommunications.
C'est dans ce contexte que nous souhaitons - l'expérience est encore très récente et donc très brève - que soient clarifiés les rôles respectifs du Parlement d'une part, du gouvernement d'autre part et de l'autorité indépendante de régulation. En particulier, nous voulons que le Gouvernement soit en situation de pouvoir affirmer et faire prévaloir des règles générales et des orientations stratégiques en matière de régulation du marché. Nous avons été plutôt, comme le dit le rapport Delebarre, de bons élèves dans ce domaine lorsque nous avons créé l'Autorité de régulation des télécommunications, de bons élèves en ce sens que nous avons été plus loin que les autres pays dans les compétences dévolues à cette ART. Nous ne souhaitons pas naturellement revenir en arrière et nous considérons que le travail technique, le travail de fond effectué par l'ART est tout à fait remarquable, encore une fois dans un contexte d'une très grande difficulté technique et d'une très grande rapidité d'évolution de ces questions. Nous souhaitons que, à la lumière de l'expérience courte acquise sur le fonctionnement du marché, il soit possible d'engager une réflexion sur le cadre dans lequel l'opérateur de service public sera le mieux à même de remplir sa mission. À cet égard, nous voudrions que la Commission supérieure du service public de la Poste et des télécommunications soit mieux informée et que la représentation nationale, l'Assemblée nationale et le Sénat, puisse mieux suivre l'évolution du secteur des télécommunications et d'être en mesure de préparer les évolutions législatives qui s'avèrent ou qui s'avéreront au cours des prochains mois nécessaires dans ce secteur.
Dans l'immédiat le Gouvernement entreprend une réflexion en liaison avec la commission supérieure, dont les membres, en ce qui concerne l'Assemblée nationale, viennent d'être désignés il y a peu de temps, sur la base d'une analyse approfondie des réglementations en vigueur dans quelques grands pays, qui eux aussi disposent d'une autorité ou d'une agence sur les éventuelles adaptations qui doivent être apportées à la loi de réglementation des télécommunications. Nous le faisons dans le droit fil de l'esprit de la loi de 96 et avec le souci de parfaire un mécanisme qui commence bien, qui marche bien et qui doit être clarifié en ce qui concerne le Gouvernement, le Parlement, l'autorité de régulation.
D. Strauss-Kahn : Je suppose que vous avez peut-être quelques questions.
(Question inaudible - Absence de micro).
D. Strauss-Kahn : La valeur du titre n'a pas encore été définie. Le rapport de Michel Delebarre ne date que de vendredi, mais les estimations les plus courantes qui courent sont que 1 % de France Télécom ça vaut un peu moins de 2 milliards de francs.
(Question inaudible).
D. Strauss-Kahn : Il y aura l'estimation qui convient. Cette opération est une opération d'ouverture de capital. Ce n'est pas une opération de privatisation.
Il reste que l'estimation de la valeur de l'actif doit être faite dans des conditions qui ne souffrent aucune discussion.
Q. : Est-ce que vous avez déjà une idée sur le montant de l'augmentation du capital ? Deuxième question : l'échange de participation avec Deutsche Telekom et l'introduction en Bourse seront faits dans le même temps ?
D. Strauss-Kahn : Je vais répondre d'abord à la deuxième question. Il faut que vous compreniez bien la logique de cette affaire. Nous pensons que le secteur des télécoms a besoin d'être reconfiguré. Il y a donc dans ce qu'on vous a présenté un ensemble de considérations qui touchent évidemment à France Télécom et qui vont au-delà de France Télécom, c'est les questions de recherche, les questions d'autorité de régulation. Il y a des questions qui touchent directement France Télécom : les problèmes de personnel qui ne sont pas réglées et les problèmes d'alliance internationale. C'est pour permettre dans de bonnes conditions cette alliance internationale que nous mettons sur le marché une partie qui permet la cotation. Vous savez très bien que si nous engageons un échange de titres avec Deutsche Telekom sans qu'il y ait eu cotation, la valorisation sera moins forte, nous aurons une décote et donc évidemment ça pose un problème dans une participation croisée avec Deutsche Telekom. Pour pouvoir mener patrimonialement, pour l'intérêt du service public français un échange avec Deutsche Telekom dans des conditions satisfaisantes, il faut qu'il y ait eu une valorisation par le marché et c'est pour cela que nous en mettons une partie sur le marché et même uniquement pour cela. Dans ces conditions, la part que nous avons choisi d'échanger avec France Télécom - mais ce sera l'affaire de l'entreprise dorénavant, qui devra conduire cette opération - est de 7,5 %, comme je l'ai dit, et ça permet de répondre un peu à votre première question puisque je vous ai dit qu'on allait mettre environ 20 % sur le marché, 7,5 pour l'échange avec Deutsche Telekom, ça fait 27,5-28, plus 3,5-4 pour les salariés, ça nous met à 31-32, et je vous ai dit par ailleurs qu'au bout du processus l'État resterait à 62-63. Il reste donc une marge de 5-6 de dilution pour l'augmentation de capital.
Q. : Pourriez-vous nous dire en résumé en quoi l'opération que vous proposez est différente de celle que proposait Alain Juppé ?
D. Strauss-Kahn : Une question à laquelle je ne m'attendais pas. Elle est complètement différente. L'opération du gouvernement précédent visait à se mettre en situation d'ouvrir au maximum le capital, 49 %, avec - je ne veux pas faire de procès d'intention - l'idée que quand on est près de 49 % on n'est pas loin de passer de l'autre côté. Ça découlait donc assez largement d'une procédure qui a été mise en œuvre par le précédent gouvernement de façon assez systématique, consistant à mettre le plus possible du patrimoine public sur le marché. L'opération à laquelle nous nous livrons là deux points de différence majeure, le premier c'est qu'il ne s'agit pas de mettre le plus possible de France Télécom sur le marché mais juste ce qu'il faut pour pouvoir avoir une cotation et donc une alliance avec Deutsche Telekom dans des conditions de parité qui soient satisfaisantes. L'ouverture de capital apparaît donc comme un élément technique des alliances internationales et non pas comme une volonté idéologique d'ouvrir au maximum, voire de privatiser ensuite. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième point qui fait la différence c'est qu'il ne s'agit pas d'une opération d'ouverture de capital à soi seul, mais d'un ensemble de mesures qui seront reprises par le nouveau contrat entre l'État et l'entreprise, d'un ensemble de mesures de restructuration de l'avenir de France Télécom. Autrement dit d'un côté il y avait, et c'est une logique que pour ma part je critique politiquement mais qui était la logique du précédent gouvernement, une opération principalement en capital, même uniquement en capital, dont l'objectif était de se rapprocher le plus près possible de la privatisation comme ça a été le cas, en allant jusqu'à la privatisation, pour beaucoup d'autres entreprises au cours des quatre années qui se sont passées. Notre démarche n'est pas du tout de se rapprocher le plus près possible de la privatisation pour basculer dans la privatisation, notre démarche est d'accepter une ouverture de capital parce qu'elle est utile à l'entreprise et qu'elle permet à l'entreprise d'avoir dans de bonnes conditions ces alliances internationales. Par ailleurs, comme je le disais, il y a l'ensemble des autres mesures qui visent à réorganiser le secteur des télécoms et donc à assurer l'avenir de France Télécom.
Enfin dernier élément - j'ai dit qu'il y en avait deux, il y en a trois -, c'est que dans cette affaire il y aura une augmentation de capital au profit de France Télécom qui justement lui donnera les moyens d'assurer ce développement que l'approche globale que j'évoquais tout à l'heure vise à conforter. Donc c'est un plan d'ensemble sur France Télécom qui comprend effectivement, et c'est le point de ressemblance avec la proposition du gouvernement précédent, une ouverture minoritaire du capital. Elle est à 20 % ici, elle était sans doute vers 45 ou 50 % dans l'autre cas.
Q. : J'ai trois petites questions. Premièrement, est-ce que vous allez empêcher les programmes de stocks options, comme vous l'avait conseillé M. Delebarre ? Deuxième question : je pense que le timing va être tout à fait en même temps que l'ouverture de Telecom Italia. Quelles sont vos réflexions là-dessus ? Troisième question : le Gouvernement précédent avait pensé à une cotation à New York. Est-ce que ça n'est plus le cas et est-ce qu'il y aura une partie de l'offre pour les internationaux ?
D. Strauss-Kahn : Je commence par la fin. Oui, il y aura une partie de l'offre pour les internationaux et, oui, il y aura une cotation à New York. Pour ce qui est des stocks options, non. Nous avons considéré qu'il n'était pas souhaitable dans une entreprise dont l'un des objectifs était de continuer à assurer des missions de service public qu'une partie de l'encadrement soit rémunéré au travers de stocks options et donc nous ne mettrons pas ça en œuvre. Troisièmement, le problème du calendrier de mise sur le marché que vous évoquez a été élaboré de façon justement à ne pas gêner nos amis italiens, qui s'apprêtent à lancer une très grande opération de cession de titres de Telecom Italia, et il n'y aura pas de chevauchement puisque tel que c'est prévu aujourd'hui l'opération française sera terminée au moment où s'ouvrira exactement l'opération italienne. De toute façon, regardons les choses. Il y aura pour l'opération française une assez grande part sur les particuliers français, qui ne sont pas le public visé par Telecom Italia, une assez grande part sur les institutionnels français qui ne sont pas directement non plus le public visé par Telecom Italia, et donc le recoupement, si tant est qu'il existe, ne concerne que les investisseurs institutionnels extérieurs et à la France et à l'Italie. Là, il y a effectivement un petit recoupement mais qui n'est pas pour des montants considérables, et de toute façon qui seront légèrement décalés dans le temps.
Q. : En quoi un échange de participation croisée de 7,5 % avec Deutsche Telekom permet de resserrer l'alliance ? Ne pensez-vous pas qu'il aurait mieux fallu faire fusionner, comme par exemple BT-NIC les deux entreprises ?
D. Strauss-Kahn : D'abord, vous avez apporté vous-même la réponse à votre première question par la seconde, car si vous pensez que pour avoir des alliances il faut fusionner, alors vous avez la réponse de la raison pour laquelle il faut au moins des échanges de participation. En effet, il n'y a pas d'alliance durable qui ne se traduise par des participations croisées en capital qui font que l'engagement est un engagement qui va au-delà de mise en commun d'activités de recherche ou d'activités commerciales. Vous, vous allez encore plus loin et vous dites : mais est-ce qu'il ne faut pas aller jusqu'à la fusion ? Nous en parlerons plus tard. Peut-être qu'un jour en effet Deutsche Telekom et France Télécom réfléchiront à cette opportunité. Je dois dire que la situation du débat BT-NIC me conduit à rester prudent sur ce sujet.
Q. : Quel est le partage entre les institutionnels français et les institutionnels étrangers ?
D. Strauss-Kahn : Le partage n'a pas encore été rendu public parce qu'il y a encore deux ou trois interrogations là-dessus qui doivent être levées dans les deux jours qui viennent.
Q. : Sur la défense des intérêts patrimoniaux de l'État, on peut supposer que dans le cas d'une cotation de ce type où l'État reste majoritaire ou bien à des obligations diverses sur le personnel, etc., le titre va subir une certaine décote par rapport à ce qu'aurait été sa valeur en cas de privatisation totale. Il n'y avait pas de possibilité de négocier une parité d'échange avec France Télécom sans passer par cette mise sur le marché ?
D. Strauss-Kahn : Il y a une possibilité de négocier avec un partenaire, une parité d'échange. Il est clair que cette parité est très fortement décotée et même dans l'hypothèse que vous évoquez où, pour une raison que je ne vois pas bien, il y aurait une décote à la mise sur le marché, elle est bien moindre que celle qu'il y aurait dans une négociation de gré à gré sur des participations en plus. Je ne vois pas très bien pourquoi il y aurait une forte décote. Je suis prêt à parier avec vous que l'opération d'ouverture de capital, très minoritaire, de 20 % de France Télécom, sera un très grand succès de marché.
C. Pierret : Les conditions sociales qui ont été évoquées tout à l'heure ne sont pas une charge au niveau de la cotation, mais bien au contraire une motivation des équipes encore plus proches de la tension vers les objectifs de l'entreprise qui ne peuvent recouvrer leur pleine identité, leur pleine force que si elles sont vraiment motivées, et aujourd'hui il y a un certain problème au niveau de l'entreprise et il faut sortir d'une situation où les gens se demandent ce qu'ils vont devenir, ce qui va se passer, etc. Nous donnons les conditions ainsi d'avoir une valeur beaucoup plus soutenue parce qu'on sait que l'ensemble de l'entreprise sera tendu vers les objectifs.
Q. : Vous voulez redéfinir le service universel ?
D. Strauss-Kahn : Le service universel c'est la notion européenne, vous la connaissez par cœur.
Q. : Ou le service public si vous voulez, peu importe. Vous allez le faire après redéfinition au niveau européen ou bien vous allez le faire quand même, même si ça ne passe pas au niveau européen ? Je n'ai pas très bien compris ce point. Ça veut dire aussi renchérissement du service public, si vous l'enrichissez, et qui va payer ? Je ne sais pas la répartition qui se fera.
C. Pierret : Pour l'instant le service universel tel qu'il est défini au niveau européen ne comprend pas ce que nous avons évoqué tout à l'heure et donc nous souhaitons qu'avec nos partenaires on définisse un contenu plus moderne du service universel, qui comprenne notamment les questions liées à internet dont nous avons parlé tout à l'heure.
Q. : Sur l'ART, quel est le point de dysfonctionnement qui vous permet de réfléchir sur ses nouvelles compétences ?
D. Strauss-Kahn : Vous avez déjà regardé les papiers qui sortent de l'ART ? C'est d'un niveau de complexité tel qu'il faut plusieurs heures par paragraphe, ou en tout cas pour les individus qui ne sont pas comme vous, spécialistes de la chose. Donc il me semble que dans un domaine qui est aussi important que cela, en ternie même de démocratie parce que les télécommunications, on le voit bien, auront dans les décennies qui viennent un impact sur l'information et donc sur la démocratie. La transparence et la lisibilité, la compréhension par le plus grand nombre même si ce n'est pas, ne rêvons pas, par tous les Français, mais par le plus grand nombre de ce qui se fait en matière de régulation sont des éléments importants et donc de ce côté-là en matière de transparence, de lisibilité et de compréhension de ce qui se fait et donc la manière de peser sur les choix, il y a beaucoup à faire avec l'autorité de régulation.
Q. : Donc l'indépendance de l'ART n'est pas remise en cause.
D. Strauss-Kahn : Absolument pas.
C. Pierret : Je confirme tout à fait, et les orientations de l'ART et la qualité de son travail jusqu'à présent.
Q. : Vous excluez tout rapprochement avec le CSA ?
D. Strauss-Kahn : Ce n'est pas à l'ordre du jour.
Q. : Est-ce que les modifications que vous avez en tête sur l'ART sont susceptibles de modifier les conditions de concurrence ?
C. Pierret : Elles devront se dérouler dans les conditions de concurrence prévues par la loi, j'en ai rappelé tout à l'heure les termes sur la transparence, l'égalité d'accès, les obligations de service public et rien ne sera entrepris qui ne gêne l'évolution qui a été acquise depuis l'année dernière par les textes législatifs.
Q. : Une question sur le moyen terme. Est-ce que vous excluez toute nouvelle évolution du capital sur la durée de la législature ? Est-ce que vous excluez d'aller au-delà des 50 % ?
D. Strauss-Kahn : Je vous ai dit que la part du capital détenu par l'État sera sensiblement supérieure à 60 % et elle restera ainsi. L'alliance avec Deutsche Telekom est déjà très importante. 7,5 %, compte tenu de la valeur des entreprises, c'est une part assez considérable. Pour France Télécom c'est plus de 15 milliards, et donc il n'y a pas de diminution de la part qui est la part d'État à prévoir dans les volontés du gouvernement.
Q. : Votre collaboration avec Deutsche Telekom vise entre autres à acquérir une position sur le marché téléphonique italien avec (?). Vous avez parlé de ça ? (Fin de la face A)
D. Strauss-Kahn : Autant quand il s'agit des orientations des télécommunications en général dans ce pays, c'est l'ART. Quand il s'agit d'organiser la recherche publique en télécommunications, c'est le réseau national qui va être créé. Quand il s'agit des opérations en capital de France Télécom, tout cela concerne l'État, soit l'État actionnaire, soit l'État régulateur, soit l'État dispensateur de crédits de recherche. Quand il s'agit de la stratégie de l'entreprise, ça concerne les entreprises.
Q. : Deux petites questions. M. Delebarre avait préconisé une lettre personnelle à tous les salariés de France Télécom de la part de M. Jospin. Est-ce que vous retenez cette idée, et est-ce que France Télécom doit pouvoir recruter des fonctionnaires au-delà de la date qui avait été envisagée, ou non ? C'était également une proposition de M. Delebarre.
D. Strauss-Kahn : Michel Delebarre a fait un travail considérable de très grande qualité dont, vous avez pu le constater, s'inspirent très largement les décisions du gouvernement. Si je n'ai pas évoqué les deux points que vous venez de rappeler, c'est qu'ils n'ont pas été retenus.
(Question inaudible).
C. Pierret : Je ne pense pas que dans l'immédiat nous ayons suffisamment d'expérience dans l'ART pour envisager de modifier son champ de compétence. Donc, comme l'a dit Dominique, on essaie déjà de comprendre ce qui en sort au niveau technique et ensuite on applique la loi et l'esprit de la loi. Comme nous sommes déjà allés très loin dans les mécanismes de régulation et dans l'indépendance nécessaire de cette autorité, je crois qu'il faut déjà une période de stabilisation avant d'envisager de modifier les compétences.
Q. : France Télécom aura quel pourcentage de Deutsche Telekom ?
D. Strauss-Kahn : 7,5.
Q. : Et ça le met dans quelle position par rapport à d'autres actionnaires ? Ça lui donne quel rôle dans l'actionnariat ?
D. Strauss-Kahn : Ça en fait un des actionnaires majeurs. Je ne peux pas vous donner le classement exact parce que je ne l'ai pas en tête, mais ça en fait évidemment un des actionnaires majeurs de Deutsche Telekom. Je me permets de rappeler que Deutsche Telekom a une valeur sensiblement supérieure à celle de France Télécom et donc les 7,5 % dans Deutsche Telekom représente plus de 20 milliards de francs français. Je ne veux pas dire de bêtise et dire si c'est le premier ou le second. Evidemment le premier ça reste la partie publique de Deutsche Telekom. C'est le premier ? C'est le premier industriel, alors. Je n'étais pas absolument sûr. Il faut dire qu'à hauteur de plus de 20 milliards de francs, il est rare qu'on trouve beaucoup d'investisseurs.
Q. : Et compte tenu de l'expérience de valorisation, est-ce que France Télécom versera une soulte ?
D. Strauss-Kahn : Il y aura un achat de 7,5 %. 7,5 % de Deutsche Telekom, je viens de le dire, ça vaut plus que 7,5 % de France Télécom. On peut le regretter mais c'est comme ça. Donc Deutsche Telekom achètera 7,5 % de France Télécom et France Télécom achètera 7,5 % de Deutsche Telekom.
(Question inaudible).
D. Strauss-Kahn : Je crois qu'elle avait déjà été choisie dans la version antérieure du gouvernement. Si j'ai bonne mémoire, c'était Paribas et donc ça restera la banque conseil du gouvernement, même si l'opération n'est pas la même.
Q. : Le rapport de M. Delebarre émettait une réserve quant à la participation des fonds de pension américains au capital. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous avez la même réserve sur ces fonds de pension ?
D. Strauss-Kahn : Je n'ai pas de réserve de principe. Je remarquais simplement tout à l'heure que l'ouverture du capital est relativement limitée, qu'une part importante sera consacrée aux particuliers en France, une autre part importante aux investisseurs institutionnels en France, et que donc de toute façon il n'y a qu'une part relativement limitée qui sera disponible à la disposition des investisseurs institutionnels étrangers, dont les fonds de pension américains.
Q. : Vous avez un pourcentage ?
D. Strauss-Kahn : J'ai déjà répondu, ou plutôt pas répondu à cette question tout à l'heure.
Q. : L'augmentation de capital devrait suivre l'ouverture de capital, c'est bien cela ?
D. Strauss-Kahn : Oui.
Q. : Dans quel délai et est-ce que les conditions seront précisées au moment de l'ouverture du capital, puisque ça pourra conditionner l'offre. Par ailleurs, est-ce que vous justifiez l'augmentation de capital pour financer la prise de participation égale de 7,5 % de France Télécom dans Deutsche Telekom ?
D. Strauss-Kahn : Sur le dernier point, non, je ne la justifie pas comme ça. Simplement, ça fera des moyens importants. 5 % d'augmentation du capital c'est une dizaine de milliards, pour aller vite. Ça fera des moyens très importants pour France Télécom. On peut dire que ce sont ces moyens-là qui vont être utilisés en situation croisée, mais ça veut bien dire que s'il n'y avait pas l'augmentation de capital ce sont d'autres moyens qui auraient manqué, donc au total ça fait quand même bien 10 milliards de plus pour le développement de France Télécom. Vous prenez ça dans le sens que vous voulez, mais ça revient au même. Quant à la première question, elle aura lieu dans un délai qui n'est pas totalement fixé. Il faut qu'on profite au maximum en terme de valorisation justement de ce que l'ouverture du capital s'est faite, que le cours s'est stabilisé, et on sait bien que la décote qui a lieu lors d'une mise sur le marché disparaîtra petit à petit. C'est à ce moment-là qu'aura lieu l'augmentation de capital, c'est la meilleure manière pour l'État de valoriser le patrimoine public.
Q. : Michel Delebarre a mis en lumière quelques dysfonctionnements à l'international entre France Télécom et Deutsche Telekom. Il a notamment demandé qu'un accord soit signé entre les deux partenaires pour expliquer un peu les objectifs. Cette lettre ou cet accord constitue-t-il toujours un préalable à la prise de participation croisée ?
D. Strauss-Kahn : Il est évident qu'avant que la participation croisée se fasse formellement, les conditions de collaboration sur les marchés tiers, sur les problèmes de recherche, etc., auront été totalement explicitées entre les deux entreprises. Un contrat de mariage se signe au moment du mariage.
Q. : Vous pensez que France Télécom devra embaucher combien de jeunes ?
D. Strauss-Kahn : Ça, c'est une question pour Christian Pierret.
C. Pierret : Non, c'est une question pour l'entreprise. J'ai dit tout à l'heure qu'elle a fait un effort de 6 000 jeunes sur 1997 à partir de l'accord du 1er février dernier, et c'est à elle de déterminer comment raisonnablement elle peut participer à l'effort du gouvernement.
(Question inaudible).
D. Strauss-Kahn : C'est une présentation extrêmement erronée de ce qu'on a dit, presque polémique. Internet, c'est émerger de l'iceberg. Ce qui compte pour nous c'est de faire rentrer dans le service universel l'ensemble des considérations sur les services à haute valeur ajoutée, l'ensemble des multimédias, pour aller vite internet. Mais c'est bien d'autres choses que simplement internet. La procédure consiste à faire adopter ça par nos partenaires à Bruxelles et à l'inclure dans le service universel. Cette inclusion, une fois faite, la charge, s'il y en a, est une charge collective pour tous les opérateurs européens publics ou privés. Deuxième élément, pour les contrats « jeunes » France Télécom sera dans la même situation que l'ensemble des structures de ce pays qui, d'une manière ou d'une autre, vont mettre en œuvre l'accueil des jeunes. En termes de coûts ça ne va pas très loin puisque, comme vous le savez, 80 % du coût de ces jeunes sont financés par l'État et donc la réalité c'est que c'est plutôt un avantage qui est donné à France Télécom que le contraire. Regardez Claude Allègre, qui souhaite mettre en œuvre par dizaines de milliers ces contrats « jeunes » dans l'éducation nationale, il ne considère pas ça comme un handicap pour lui mais bien comme un avantage pour remplir la mission qui est celle de l'éducation nationale, compte tenu du coût extrêmement limité qui reste à l'opérateur, l'éducation national dans un cas, France Télécom dans l'autre, pour ces jeunes. Donc c'est un avantage et si ça peut avoir une influence, ce qui ne sera pas le cas, sur le marché, ça irait à une meilleure cotation du titre de France Télécom.
Q. : Pour quand voyez-vous le mariage Deutsche Telekom et France Télécom ? Les préalables risquent d'être longs.
D. Strauss-Kahn : Je vous ai annoncé les dates pour ce qui est de l'OPV. Ensuite la procédure, qui est engagée depuis longtemps de discussion de rapprochement avec Deutsche Telekom, restait coincée sur ce problème de comment valoriser la part de France Télécom. Ce problème sera résolu assez rapidement après la cotation, et donc assez rapidement là aussi les entreprises vont pouvoir valoriser et effectuer les calculs qui leur permettront de faire cet échange de participation. Il faut bien comprendre la logique de cette affaire. On peut la partager ou ne pas la partager. Certains peuvent dire qu'il ne fallait pas faire des alliances avec Deutsche Telekom. D'autres peuvent dire qu'il faut privatiser totalement à cent pour cent France Télécom. Toute opinion est légitime. L'opinion du gouvernement est qu'il faut faire l'opération avec Deutsche Telekom et que pour la faire dans de bonnes conditions patrimoniales il faut qu'il y ait cotation, ça c'est la réalité de la vie financière, et donc nous acceptons qu'il y ait la cotation de 20 %. Donc l'opération Deutsche Telekom doit pouvoir s'enclencher immédiatement derrière.
Q. : Vous avez souligné tout à l'heure la qualité du travail de l'ART. Il se trouve que l'ART a rendu un certain nombre de décisions importantes depuis sa création, et je pense particulièrement à deux d'entre elles, le décret sur l'interconnexion et l'arbitrage qui opposait France Télécom aux câbles opérateurs sur les réseaux câblés. Il se trouve que France Télécom a fait appel de ces deux décisions. En quelque sorte, elle conteste soit la compétence, soit l'autorité de l'autorité. Comment vous trouvez ce comportement, à quelques semaines ou quelques mois de l'entrée en concurrence ? Est-ce que vous avez un commentaire ?
D. Strauss-Kahn : Votre interprétation est tendancieuse. L'État a le plus grand respect des tribunaux administratifs, n'en conteste ni la compétence ni la légitimité. Ça n'empêche que quand il est battu il lui arrive de se pourvoir en appel au Conseil d'État. Le fait d'avoir un arbitrage qui vous est défavorable et de contester cet arbitrage ne veut pas dire que vous mettez en cause l'instance qui a rendu cet arbitrage, et donc il n'y a pas de contradiction dans le fait de dire que l'ART fait du bon travail, mais que d'un autre côté France Télécom en tant qu'entreprise est tout à fait susceptible, si elle n'est pas d'accord avec les appréciations, de la contester.
Q. : Le sentiment que ça donne, c'est que c'est habile mais pas très fair-play.
D. Strauss-Kahn : De la part de France Télécom ?
R. : Tout à fait.
D. Strauss-Kahn : Christian Pierret me glisse quelque chose, il faut que je lise. Non, je ne dirais pas que c'est habile et pas très fair-play. Je trouve que nous sommes dans un système dans lequel chaque structure vit sa vie et c'est bien comme ça. France Télécom est une entreprise publique et elle a donc une stratégie d'entreprise. Lorsqu'elle est dans un conflit, quelle que soit l'instance qui juge ce conflit, et que le jugement qui est rendu lui est défavorable, si elle a des voies de recours et si elle pense qu'elle a raison de continuer, personne ne peut le lui reprocher. C'est le fonctionnement même de notre système soit judiciaire soit de régulation en l'occurrence, qui veut qu'on ait le droit à un recours. Vous avez l'impression que j'essaie d'emballer l'affaire. Pas du tout. Je crois que ce n'est pas illégitime de la part de France Télécom. Ce n'est pas une remise en cause de l'existence de l'ART.
Q. : Mais c'est sur l'esprit dans lequel va se dérouler la concurrence. En général ce sont plutôt les nouveaux entrants qui ont du mal à se faire une place au soleil. Or là, c'est un opérateur historique qui est aujourd'hui largement dominant, qui par avance chercher à déminer un peu le terrain tout en se déclarant très favorable à la concurrence.
D. Strauss-Kahn : C'est un opérateur dominant qui entend le rester, ça c'est clair.
(Question inaudible).
C. Pierret : On l'a dit tout à l'heure, par des reconsidérations du contenu du service universel au niveau européen. Dans le fonds de service universel on veut inclure non seulement internet mais l'ensemble des multimédias, et donc pour l'instant il s'agit d'obtenir l'accord de nos partenaires sur cette acception.
Q. : Concrètement, est-ce que ça va remplacer le Minitel ?
C. Pierret : Le Minitel remplit encore des fonctions très importantes en France et il ne s'agit pas de l'abandonner pour passer à un autre système comme celui d'internet. Nous essayons actuellement de mettre sur pied un produit qui sera à la fois Minitel et internet et qui sera prêt je pense l'année prochaine, au premier semestre 1998. Nous aurons une sorte de produit hybride qui sera à la fois internet et Minitel, et qui permettra d'assurer la transition entre les deux.
Q. : Vous avez parlé de France Télécom comme vitrine sociale et vous avez parlé d'une volonté d'ouvrir le capital. Vous n'avez pas du tout parlé en quoi ça intéresserait un investisseur potentiel, pourquoi quelqu'un aimerait acheter ?
D. Strauss-Kahn : Absolument. D'abord, on n'a pas dit vitrine sociale. On a dit qu'il y avait des choses à améliorer dans les pratiques sociales de France Télécom. Maintenant vous avez raison mais, ça, ça fait partie du rock show qui va commencer du côté de France Télécom. C'est France Télécom qui est en charge de mettre sur le marché une partie de ses titres et ce n'est pas le Gouvernement français qui va le faire. Donc ça va commencer très rapidement, vous n'allez pas être déçu dans les semaines qui viennent. Merci.