Texte intégral
TF1 - 20 août 1997
B. Schönberg : A partir de quand pourra-t-on signer ces premiers contrats d’emplois ?
M. Aubry : Très vite. Le Premier ministre a fait de l’emploi la priorité du Gouvernement. Donc, on commence tout de suite dès le vote de la loi, qui sera le premier texte adopté par le Parlement. Dès le mois d’octobre, les premiers contrats pourront être signés.
B. Schönberg : Quelle filière ces jeunes vont suivre pour obtenir ces emplois ? Où doivent-ils se diriger : est-ce vers les mairies, l’ANPE, la région ?
M. Aubry : Vers toutes les filières en même temps. Comme vous le verrez, c’est un dispositif que l’on veut très souple, qui s’adresse à tous les jeunes quelles que soient leurs qualifications ou leurs expériences, et à des jeunes qui n’ont pas travaillé bien évidemment, pour la plupart. Ils pourront s’adresser à leur mairie, à l’ANPE, à la mission locale, donc à leurs interlocuteurs habituels pour rechercher du travail.
B. Schönberg : Votre dispositif est simple et clair, mais malgré les bonnes volontés et la rage que vous y mettez, en quoi ce plan va différer des cinquante mesures prises depuis vingt ans par les gouvernements successifs ?
M. Aubry : Il va être très différent pour diverses raisons. La première est qu’il ne s’agit pas simplement d’accompagner des personnes en difficulté, même s’il faut continuer à le faire. Il s’agit bien de faire émerger dans notre pays des nouvelles activités, des nouveaux emplois qui seront des vrais emplois. C’est-à-dire des métiers pour lesquels on sera des professionnels, pour lesquels on aura une reconnaissance, des diplômes, des salaires qui correspondent effectivement à ces métiers. Il s’agit, pour la première fois, d’une aide de l’Etat sur le long terme. Pendant cinq ans, l’Etat va accompagner – et nous savons bien, parce qu’il y a déjà des expériences, notamment celle que nous avons réalisée à Lille avec Pierre Mauroy - qu’il y a derrière des sources de financement possibles, à savoir des clients, des usagers qui peuvent payer ces emplois. Mais aussi d’autres sources de financement : par exemple, une mutuelle préférera aider une personne âgée à rester à domicile que de payer l’hospitalisation qui coûte 2 000 francs par jour. Il s’agit de vrais métiers, de vrais emplois. Les jeunes sont désespérés, de ne pas s’insérer, de ne pas avoir d’emploi, mais ils ne veulent plus d’emplois précaires, de petits boulots, boucher les trous. Ce que nous leur proposons ce sont des vrais métiers qui vont durer après le dispositif et vont donner des qualifications.
B. Schönberg : C’est bien là toute la question. Au bout du compte, au bout des cinq ans, y aura-t-il embauche à la clef, ou une nouvelle voie de garage pour les chômeurs ?
M. Aubry : Je vais vous dire très simplement les choses. On a plus de trois millions de chômeurs dans notre pays, et on a en même temps des besoins immenses qui ne sont pas remplis. Ce sont des services aux personnes, comme accompagner les enfants après l’école, les enfants qui peuvent avoir accès à la musique et la culture, les personnes âgées qui ont besoin de soins à domicile, la sécurité dans nos quartiers, des logements qui se dégradent, un environnement, un patrimoine qui ne sont pas suffisamment valorisés – ce sont de vrais besoins. Ne soyons pas sceptiques et arrêtons d’être grincheux ! On a des besoins dans notre pays. L’Etat, pour une fois, met des moyens pour que nous apportions des réponses qui redonnent de l’espoir à des jeunes désespérés, et à leurs parents, et qui nous permettent de mieux vivre ensemble aussi. Alors mobilisons-nous tous – et c’est d’ailleurs ce que je vois auprès des élus, des associations – pour ensemble être capables de financer par une priorité que l’Etat a décidée, et que demain d’autres acteurs –ils viennent déjà dès aujourd’hui – nous aideront à consolider pour que l’on vive mieux tous ensemble et pour que les jeunes aient des emplois.
B. Schönberg : Très concrètement, sur quels critères seront jugés les projets des employeurs qui vont proposer ces emplois ? Il y a un cahier des charges ?
M. Aubry : Oui, tout à fait. Mais en même temps nous sommes dans un domaine d’imagination. Pour une fois, il n’y aura pas de papiers à remplir dans tous les sens avec des tampons de l’administration. Cela va être souple. Il faut que cela soit innovant, il faut que ce soit de nouveaux besoins. Et on peut faire confiance aux élus, aux associations pour savoir ce dont ont besoin les gens avec lesquels ils travaillent depuis des années. Donc des nouveaux besoins remplis par tous les jeunes qui souhaitent travailler et acquérir cette qualification lorsqu’ils ne l’ont pas déjà, mais aussi par des adultes, car il faudra bien des adultes pour les encadrer, pour les aider. Donc, c’est très souple, très innovant, avec un suivi, une évaluation pour qu’encore une fois, on professionnalise ces métiers qui sont des vrais métiers pour demain.
B. Schönberg : Vous ne craignez pas l’effet d’aubaine autrement dit faire financer par l’Etat des emplois que les entreprises auraient de toute façon pris ?
M. Aubry : Ce ne sont pas des entreprises privées en l’occurrence, mais ce sont des services publics, des collectivités locales, des réseaux associatifs, et pourquoi pas des nouvelles structures qui vont se former, et qui pourront répondre à ces besoins auxquels ni l’Etat aujourd’hui, ni le marché ne répond, et qui pourtant correspond à ce que ressemblent profondément nos concitoyens. On veut vivre plus en sécurité, on veut vivre mieux ensemble, on veut que tout le monde ait accès aux loisirs, à la culture. Et ces emplois-là vont y contribuer largement.
Ce sont les élus locaux qui sont en première ligne. Parmi ces élus locaux, il y a évidemment des villes qui sont pauvres et qui sont même les plus concernées. Comment vont-elles arriver à financer ces 20 % qui sont à leur charge ?
M. Aubry : Je vais vous dire très simplement les choses : quand on fait de la politique dans ce pays aujourd’hui, on choisit ses priorités. C’est ce que Lionel Jospin a fait dans l’action du Gouvernement et dans le budget de l’Etat. De la même manière, les élus choisiront les priorités. Si pour eux, le chômage, et celui des jeunes particulièrement, est quelque chose d’inacceptable, eh bien on décidera de financer d’abord ces 20 %. Et puis, je tiens à vous le dire – puisque nous l’avons fait à Lille – nous trouvons des partenaires parmi les caisses d’allocations familiales, les comités d’entreprise, les cliniques privées qui achètent certains services, des maisons de retraite, des mutuelles. Ils viennent nous aider à financer ces emplois. Je n’ai pas d’inquiétude. Soyons imaginatif ! Les jeunes ont bien besoin de cela. Soyons aussi innovants pour pouvoir répondre aux besoins de nos concitoyens, et je suis convaincue que ce pays va trouver des solutions et qu’il y a effectivement derrière ces programmes des centaines de milliers d’emplois – des millions nous disent certains experts – qui nous permettront de vivre ensemble. Maintenant, il faut y aller !
B. Schönberg : Jacques Chirac s’est exprimé, ce matin, au Conseil des ministres. Je vais lire les phrases qui nous ont été reproduites. Il approuve l’aspiration de votre projet mais il craint la création massive d’emplois publics permanents. Vous lui répondez la même chose ?
M. Aubry : Je ne la crains pas car elle n’aura pas lieu. Moi, j’ai senti cela comme une adhésion à ce que nous disions, de la part du Président de la République. Nous avons dit qu’il ne s’agissait pas de créer 350 000 fonctionnaires en plus, mais il s’agissait de faire émerger dans notre pays de nouveaux métiers que le marché ne met pas en place aujourd’hui. Il s’agit de les professionnaliser afin qu’ils durent après coup, et je crois que nous nous y mettons tous, et particulièrement l’Etat, par un effort financier sans précédent. Pendant cinq ans, nous allons apporter l’équivalent de 80 % du SMIC comme financement pour des emplois qui pourront d’ailleurs être payés au-delà du SMIC. Moi, j’ai senti chez le Président de la République plutôt une adhésion à ce programme, et en tout cas, je pense qu’il ne pouvait pas dire autre chose. La certitude aujourd’hui est que l’emploi, est, et doit être, la priorité numéro un. Un pays qui ne s’occupe pas de ses jeunes ne serait pas un pays qui remplit son devoir. Et c’est pourquoi nous avons décidé de le faire ainsi.
B. Schönberg : Au fond, est-ce que la réussite de votre plan ne tient pas simplement à la croissance ?
M. Aubry : La croissance, par ailleurs, pour créer des emplois.
B. Schönberg : Ou d’abord ?!
M. Aubry : Il faut attaquer le chômage par tous les bouts. C’est la croissance la plus forte possible, et c’est pour cela qu’aujourd’hui nous relançons la consommation et que nous essayons de mieux répartir les revenus entre les revenus du travail et du capital. C’est la réduction de la durée du travail, mais aussi cette innovation : créer des emplois là où il y a des besoins. Dans le fond c’est cela l’activité économique. Une économie ne fonctionne que pour répondre aux besoins des concitoyens et pour procurer de l’activité. Eh bien, nous essayons de le faire. Je pense que c’est peut-être cela le modèle européen : à savoir arriver, à terme, à avoir des emplois qui correspondent aux besoins de nos concitoyens et à être capables de les financer et de les organiser.
B. Schönberg : Votre projet a un coût : 35 milliards de francs. Est-ce que vous êtes condamnée à réussir ?
M. Aubry : Je crois que l’on est condamné à réussir parce que dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres, le chômage et inacceptable, car il crée des difficultés immenses pour beaucoup d’entre nous, une désespérance chez les jeunes et chez beaucoup d’adultes. Nous sommes donc condamnés à trouver des solutions : les élus, les associations, mais aussi les entreprises privées qui vont nous aider à embaucher des jeunes dans les entreprises. Et à la rentrée nous en parlerons.
B. Schönberg : Il y a pas mal de questions, pas mal de réactions au dispositif que vous avez présenté, hier, en Conseil des ministres, pas mal d’interprétations aussi sur les propos de Jacques Chirac. Ce que je remarque, c’est que, pour l’opposition et pour le Président de la République aussi, semble-t-il, les emplois que vous proposez sont des emplois publics permanents alors que, pour les syndicats, ce sont au contraire des emplois qui sont précaires. Alors, il y a quelqu’un qui a tort et quelqu’un qui a raison.
M. Aubry : Moi, ce qui m’importe le plus c’est que les Français se rendent compte dans quelques mois qu’à la fois beaucoup de jeunes – 350 000 d’ici deux ans et demi, trois ans – aient retrouvé un emploi et donc aient retrouvé l’espoir et, deuxièmement, que ces emplois nous permettent à nous tous de mieux vivre, en faisant en sorte que des enfants soient gardés après l’école, que des personnes âgées aient accès aux loisirs et à la culture, qu’on ait un environnement de qualité, qu’il y ait plus de sécurité dans les transports, dans les immeubles, etc. Moi, ce qui m’importe ce ne sont pas les propos de sceptiques ou de gens qui doutent ou de grincheux – car il y en a toujours. On a 3 500 000 chômeurs dans notre pays, on a bien vu que tout ce qu’on a fait jusqu’à présent n’a pas marché ; eh bien, pour une fois, nous prenons des mesures qui sont fortes, qui sont dans le domaine économique. Il s’agit de créer des emplois et non pas d’exonérer une fois de plus des contrats, il ne s’agit pas de contrats précaires mais de vrais emplois ; il ne s’agit pas de petits boulots. Les français jugeront. C’est tout ce que j’ai envie de dire.
B. Schönberg : C’est bien de leur dire si ce sont de vrais emplois d’avenir ou si ce sont des emplois provisoires. Vous dites que ce sont des emplois d’avenir ?
M. Aubry : C’est extrêmement simple : dans notre pays, aujourd’hui, il y a des emplois publics qui sont des emplois de fonctionnaire, qui font en sorte que notre pays fonctionne, que tout le monde ait accès à la santé, à l’éducation, à la sécurité et puis il y a le marché qui organise tous les emplois individuels des biens durables et au milieu, on sait très bien qu’il y a des besoins immenses, des besoins collectifs, des besoins qui sont immatériels et que n’organisent ni le marché, ni l’Etat. Nous devrons inventer ensemble une façon de répondre à ces besoins ; encore une fois, la garde des enfants, des handicapés, des personnes âgées, de la sécurité, un environnement de meilleure qualité que nous léguerons à nos enfants, un accès à la culture, une valorisation du patrimoine. Ce que fait l’Etat, là, c’est qu’il met un effort sans précédent, un effort d’investissement pour que ces activités se créent, pour qu’il y ait de vrais emplois qui durent ensuite, et deuxièmement, qu’ils soient professionnalisés. Ce sont de vrais métiers.
B. Schönberg : Qu’est-ce qui prouve que l’Etat maintiendra sa contribution ad vitam aeternam ? Il y a des gens qui commencent à dire que dans cinq ans, la contribution de l’Etat disparaîtra s’il y a un changement politique.
M. Aubry : Le gouvernement qui décidera – s’il y avait un changement politique, ce que je ne crois pas – d’arrêter des emplois dont on aura remarqué qu’au-delà des 350 000 jeunes, ils ont créé des dizaines de milliers d’emplois pour des adultes – le gouvernement qui prendra la responsabilité d’arrêter cela alors, brutalement, tout le monde vivra moins bien dans une collectivité, à mon avis, ce gouvernement-là y réfléchira à deux fois.
B. Schönberg : Ce sont des mesures très ambitieuses mais qui ont un coût. Il faut le rappeler : ce sont 32 milliards en 2001. Est-ce que vous savez où vous allez d’un point de vue budgétaire ? Est-ce qu’on n’aura pas droit d’ici un an à une augmentation des impôts ? Il faudra bien les financer.
M. Aubry : Vous verrez en 1998 que, grâce d’ailleurs aux priorités que Lionel Jospin a fixées – il avait dit que l’emploi était la priorité numéro un et notamment pour l’emploi des jeunes – sans augmentation des impôts majeure, nous finançons ce plan. Encore une fois, pour une fois, on ne va pas dépenser des centaines de milliards à payer des chômeurs ou des Rmistes mais à créer de vrais emplois qui vont remplir des services pour l’ensemble de la population qui le verra très concrètement dans sa vie quotidienne.
B. Schönberg : Est-ce que le système va se substituer aux autres aides à l’emploi ? Il en avait été question à un moment.
M. Aubry : Non, parce que les autres aides à l’emploi sont des aides qui s’adressent à des chômeurs en grande difficulté, à des jeunes non qualifiées. Or malheureusement, dans notre pays, aussi nombreux soient les vrais emplois que nous allons créer, il restera, au moins pendant un certain temps, un nombre important de personnes qui ont besoin d’être aidées par de l’insertion, par de la formation, par des emplois comme les contrats-emploi solidarité qui doivent à nouveau s’adresser essentiellement à ces personnes en difficulté. Donc, ces dispositifs resteront. Nous ne voulons pas que ce soit les plus en difficulté qui payent cet emploi des jeunes. Donc, nous avons fait d’autres choix. La politique c’est cela, c’est faire des priorités. La priorité, c’est l’emploi, l’emploi des jeunes et c’est comme cela que le Budget a été conçu pour 1998.
B. Schönberg : Certains disent déjà que vous innovez dans la flexibilité parce que ces contrats à durée déterminée de cinq ans renouvelables tous les ans, ou de cinq ans, il y a beaucoup d’entreprises privées qui aimeraient bien pouvoir les utiliser.
M. Aubry : D’abord, ce que je voudrais dire c’est que la règle générale sera le contrat à durée indéterminée. Il n’y a que pour les collectivités locales, les municipalités que ces contrats seront des contrats à durée déterminée. Pourquoi ? Parce que, au fur et à mesure, ils vont être financés par d’autres sources. Moi, je vais vous donner un exemple : à Lille, depuis 1995, nous avons créé 300 emplois, justement dans ces nouveaux emplois et je peux vous dire que les Lillois savent que ce sont de vrais emplois. Quand on met des animateurs de lecture dans les bibliothèques qui apportent des livres à des personnes âgées, qui aident des enfants à apprécier la lecture, qui vont dans des maisons de retraite, qui vont dans des cliniques privées ; quand on met des agents d’écologie urbaine qui aident, dans un quartier, des habitants à maintenir le quartier avec un bon niveau de propreté, à utiliser l’électricité à bon escient pour ne pas avoir des factures trop lourdes, ces emplois-là, ils existent. Au bout de deux ans, déjà, à Lille, la municipalité a réduit de moitié son aide car nous avons trouvé des marchés qui financent ces emplois et nous avons trouvé d’autres opérateurs qui les financent.
B. Schönberg : Puisque vous permettez à certaines entreprises publiques d’utiliser des contrats à durée déterminée, au nom de quoi pouvez-vous empêcher éternellement les entreprises privées d’avoir recours à cela ?
M. Aubry : Parce que nous sommes là dans un mécanisme extrêmement particulier : l’Etat, par l’argent qu’il met sur la table, accélère le processus de réponse à des besoins qui existent dans notre pays, des besoins qui seront remplis pour la plupart par le marché demain et qui d’ailleurs, dans les pays libéraux, sont aujourd’hui très bien remplis pour les gens qui ont de l’argent. Aujourd’hui, on a des cliniques pour chiens aux Etats-Unis, mais on a 50 millions de personnes qui n’ont pas accès aux soins. En France, nous souhaitons que tout le monde ait accès à la culture, à la sécurité, à un environnement qui ne soit pas dégradé, que les enfants ne traînent pas dans la rue après l’école lorsque leurs parents travaillent, qu’ils soient pris en charge, qu’ils aient accès au théâtre, à la musique, aux sports. Voilà ce que sont ces emplois. Vous verrez que demain tout le monde considérera qu’on vit mieux grâce à ces emplois non seulement parce qu’il y a moins d’enfants désespérés, qu’il y a moins de parents qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants mais aussi parce qu’ils sont utiles pour améliorer notre qualité de vie.
B. Schönberg : Autre inquiétude de certains : qui va définir les besoins ? Votre ministère ? Les préfets ? Les maires ? Les maires voudraient que ce soit eux qui décident.
M. Aubry : Les maires, comme les associations d’ailleurs, sont ceux qui connaissent le mieux les besoins des habitants. C’est la raison pour laquelle j’ai rencontré toutes les grandes associations des maires de France et je discute actuellement avec d’énormes quantités – si je puis dire – de maires qui viennent nous dire « Moi, ça m’intéresse. J’ai des besoins. Je n’arrivais pas à les financer. Vous me donnez l’occasion pendant cinq ans d’arriver à les faire sortir, à répondre aux besoins de mes habitants et en même temps à trouver d’autres formes de financement. » Ce sont évidemment les maires qui seront au cœur du dispositif. Ce sont les associations qui travaillent sur le terrain, qui connaissent bien les problèmes des gens. Vous allez voir que pour une fois, ce ne sera pas un mécanisme bureaucratique administratif : on ne va pas remplir 15 pages avec des tampons partout ; ce sera souple ; on évaluera ensuite ; on suivra ; on fera circuler l’information. Je suis convaincue que c’est comme ça aujourd’hui qu’on fait bouger le pays.
B. Schönberg : Autre sujet de débat : pas mal de gens se demandent s’il y a un vrai problème du chômage des jeunes – il est vrai qu’ils sont à 25 % au chômage – mais on remarque qu’ils y restent moins longtemps que ceux qui sont plus âgés. On se demande si le chômage de courte durée ne fait pas partie de l’apprentissage de la vie professionnelle. On vous reproche de réserver ces mesures à des jeunes.
M. Aubry : Mais ces mesures ne sont pas réservées à des jeunes. L’Etat finance l’embauche des jeunes. Mais pour réaliser ces activités, comme je l’ai dit, il y a d’autres sources de financement : les Caf, les mutuelles, les comités d’entreprise. Des entreprises privées achèteront un certain nombre de ces services. Avec ces autres sources de financement, il y aura des créations d’emplois d’adultes. Je le vois à Lille puisque nous l’avons pratiqué avant toute chose. Il y aura des emplois d’encadrement, d’autre emplois. L’Etat aide et se sert comme d’un levier de ces emplois-jeunes, mais il y aura des adultes qui seront embauchés tout autour. Vous verrez que dans trois ans, au-delà des 350 000 jeunes, il y aura des dizaines de milliers d’emplois qui auront été réservés pour des adultes.
B. Schönberg : Qu’a dit exactement le chef de l’Etat hier ? S’est-il inquiété que ce soit des emplois de fonctionnaires ? On n’est pas au Conseil des ministres : on ne peut pas savoir exactement ce qu’il a dit !
M. Aubry : C’est vrai.
B. Schönberg : Est-il d’accord avec votre plan ? Pas d’accord ?
M. Aubry : Il faut aussi dire ce qu’il a fait dire.
B. Schönberg : Il fait dire, puis après il fait dire autre chose. On ne sait pas !
M. Aubry : Je n’en sais rien. J’ai entendu le Président de la République : il a dit qu’il fallait faire des choses pour l’emploi des jeunes et qu’il comprenait notre souci.
B. Schönberg : Mais… ?
M. Aubry : Non, non. Il a dit aussi : « Je ne souhaite pas qu’au bout de cinq ans… » Il a très bien compris qu’aujourd’hui ce n’était pas des emplois de fonctionnaire – je le dis tout de suite. Il a dit : « Je ne souhaite pas qu’au bout de cinq ans, ce soit des emplois publics. » Comme je venais exactement de dire cela, ainsi que le Premier ministre qui a parlé derrière moi, nous avons tous compris que le Président de la République était d’accord avec notre projet. Maintenant, s’il fait dire – je ne l’ai pas entendu, mais c’est vous qui me le dites – qu’il n’est pas d’accord avec ce projet, les Français jugeront, notamment les jeunes, tous ceux qui sont au chômage. Je ne peux pas en dire plus. Je l’ai entendu parler. Je n’ai pas entendu ce qu’on vous a dit.
B. Schönberg : Il ne vous a pas dit « Bravo Martine Aubry, bravo le Gouvernement ! »
M. Aubry : C’est d’ailleurs assez frappant. Tout ça passe dans un très grand climat, je ne dirais même pas de correction, je dirais de sympathie. A plusieurs reprises hier, le Président de la République a félicité le Gouvernement du travail qui était fait. Je pense que l’intérêt général du pays, et notamment les problèmes d’emploi passent au-dessus d’un certain nombre d’autres problèmes. Mais encore une fois, si aujourd’hui l’opposition – je ne parle pas du Président de la République car je ne l’ai pas entendu dire cela – considère que s’occuper de l’emploi des jeunes dans le pays, mettre 35 milliards – alors qu’il y a des centaines de milliards qui servent aujourd’hui à payer des chômeurs – et ce en année pleine, l’année la plus lourde, mettre 35 milliards, c’est trop et que vraiment ce n’est pas le problème d’aujourd’hui, qu’ils aillent l’expliquer aux Français ! Moi, je les attends. Et je les attends surtout quand ces emplois seront là. D’ailleurs, je suis étonnée de voir ces critiques quand je vois le nombre de maires d’opposition qui viennent me voir pour avoir ces emplois qu’ils critiquent par ailleurs, mais qu’ils considèrent en effet comme étant une bonne chose quand il s’agit de leur ville.
B. Schönberg : Quand il y a des critiques et que ça ne gêne pas le cours des choses, vous préférez ne pas les entendre ?
M. Aubry : Non, ça m’est égal. Sur ce sujet-là, je suis extrêmement calme et pas du tout sceptique. Je suis convaincue qu’il y a…
B. Schönberg : Il ne manquerait plus que vous soyez sceptique !
M. Aubry : Non, mais on peut se dire « On essaye. » Il faut tout essayer sur le chômage. On n’est pas sûr que ça va marcher. Là, je suis sûre que ça va marcher parce qu’il y a des besoins, parce qu’ils sont majeurs, parce que nous nous donnons les conditions, avec l’ensemble des membres du Gouvernement qui vont travailler chacun dans leur domaine, pour que ces emplois soient des emplois pérennes, soient des emplois professionnalisés et parce que l’on peut compter sur tous les élus en France et sur tout le réseau associatif pour se mobiliser autour de ces emplois. Donc, je suis excessivement confiante et je suis convaincue que les grincheux le seront de moins en moins.
(Manque Europe 1)