Texte intégral
Le projet de budget pour 1998 que je vous présente s’élève à 35,2 milliards de francs soit - 0,2%. Hors crédits de bonification et BAPSA, il augmente de 0,2%.
Il s’inscrit dans la démarche nouvelle que je souhaite promouvoir pour l’Agriculture et la Pêche.
Le Gouvernement en préservant, à ma demande, les crédits du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, donne tort à ceux qui pensent que la diminution du nombre d’agriculteurs et de pêcheurs doit se traduire mathématiquement par une réduction de l’effort budgétaire national.
Je souhaite au contraire que mon ministère dispose de moyens significatifs pour accompagner le développement de l’agriculture et de la pêche de demain.
La France est certes la première puissance agricole de l’Union Européenne et figure parmi les grands exportateurs mondiaux de produits agricoles et agro-alimentaires. Mais personne ne contestera demain les 174 milliards de francs de concours français et européens consacrés à l’agriculture, si celle-ci sait se donner les moyens de relever les défis auxquels elle est confrontée et si les agriculteurs savent retrouvera la légitimité et la place qui était la leur dans la communauté nationale dans les années 1960.
Aujourd’hui, nous avons moins besoin de crédits pour favoriser la modernisation des exploitations agricoles ou l’accroissement des quantités produites.
Il s’agit maintenant de répondre rapidement aux difficultés qui se font jour, le risque d’abandon de parties importantes de notre territoire, la concentration excessive des exploitations et des ateliers de production, les risques sanitaires, les difficultés d’adaptation de l’offre et de la demande.
J’ai donc choisi de retenir dans ce budget 1998 trois priorités qui mènent le monde agricole vers l’avenir avec un fort accroissement des crédits consacrés à l’installation, à la sécurité sanitaire et à la qualité de l’alimentation, et à l’enseignement.
Les autres dotations d’interventions du Ministère sont quasiment maintenues en francs courants, pour conserver les moyens d’assurer un développement durable et harmonieux de l’agriculture et de la pêche dans le cadre d’une vraie politique d’aménagement rural et d’environnement.
Examinons tout d’abord les trois priorités que j’ai souhaitées voir conforter par ce budget :
La première d’entre elle est l’installation en agriculture.
J’en ai fait un élément essentiel de mon budget 1998 en y affectant près de 1000 MF ça je considère – à l’instar d’une partie des organisations professionnelles et des jeunes du milieu rural – que la mise en place de moyens adaptés à l’évolution du monde rural est le gage du maintien du rôle de l’agriculture dans la société.
Je sais que l’installation est difficile aujourd’hui et qu’elle appelle les conditions que tous nos jeunes ne peuvent réunir : l’installation dans notre système actuel se heurte à trois difficultés :
- La première vient de l’importance croissante des capitaux à mobiliser pour s’installer,
- La seconde vient de notre politique de structures, qui a poussé à l’excès la course à l’agrandissement. La Loi d’Orientation sera évidemment l’un des éléments-clé du contrôle des structures,
- La troisième vient de notre incapacité à attirer l’attention sur le métier d’agriculteur de jeunes non-issus du monde agricole.
Aussi, pour répondre à ces questions, j’ai mis en place un instrument financier nouveau, le Fonds d’Installation en Agriculture, doté de 160 MF. Je souhaite que nous puissions, avec la profession avec laquelle nous allons discuter des modalités concrètes d’application du dispositif, favoriser l’installation notamment en dehors du cadre familial.
Le FIA permettra de soutenir l’installation de jeunes en agriculture, en facilitant la transmission de l’exploitation du cédant pour réaliser des installations supplémentaires ; il s’agit d’offrir un revenu de substitutions aux agriculteurs en situation de difficulté financière, qui doivent cesser l’exploitation entre 59 et 60 ans.
Avec 160 MF, le budget 1998 nous permettra donc de répondre à une double ambition : l’entrée des jeunes dans le milieu d’agriculteurs et le développement de l’emploi des jeunes.
Par ailleurs, un dispositif spécifique permettra de traiter le cas des agriculteurs en situation difficile qui ne pourront pas bénéficier du système de pré-retraite qui arrive à échéance. J’y consacrerai 40 MF.
A côté de ce nouvel instrument, j’ai veillé à maintenir à l’identique les moyens traditionnels d’aide à l’installation. Il ne faut évidemment pas rejeter l’ensemble des dispositifs qui ont fait leurs preuves : 10 000 DJA pourront ainsi être financées cette année et seront accompagnées par les crédits d’OGAF (Opération de Groupements d’Aménagement Foncier).
Il faut aussi réorienter ces dispositifs. Il faut donc, parallèlement à l’effort engagé avec le FIA, donner au maximum de jeunes issus ou non du milieu rural la possibilité de s’installer. C’est pourquoi j’ai augmenté de près de 30% les crédits consacrés aux stages à l’installation. C’est une dotation conséquente de 100 MF qui permettra d’accueillir plus de jeunes, et d’accueillir des jeunes non issus familialement du milieu agricole.
LE budget 1998 avec 1 milliard de francs nous donne ainsi les moyens d’engager dans le cadre de la loi d’orientation les discussions sur l’évolution de la politique d’installation et de structures.
La deuxième priorité concerne la sécurité et la qualité de l’alimentation pour laquelle les crédits augmentent de 14%.
C’est un sujet qui a toujours été au cœur des préoccupations du monde agricole. Aujourd’hui, il devient plus prégnant et nous devons nous attacher à défendre la qualité de nos produits, la sécurité des consommateurs. Si la France est aujourd’hui l’un des premiers exportateurs mondiaux de produits agricoles et alimentaires, c’est aussi dû à l’état sanitaire de ses produits. L’Agence de Sécurité Sanitaire des aliments devra rationaliser les instances d’expertises relative à l’alimentation humaine et animale.
Le budget 1998 se donne donc les moyens de répondre à ces préoccupations :
- Les crédits consacrés aux contrôles et à la santé animale connaissent une progression jamais égalée de + 23,3% par rapport à 1997. La protection sanitaire des végétaux est renforcée dans la même ligne avec une augmentation de 16,7%. Les crédits consacrés aux analyses vétérinaires et phytosanitaires, ainsi qu’au fonctionnement de postes d’inspection frontaliers atteignent 43,6 MF, en progression de 13%.
- Un effort particulier est réalisé en matière de recherche avec l’augmentation de 6,4% des crédits du Centre National d’Études Vétérinaires et Alimentaires (le CNEVA) qui s’élèvent ainsi à 186,4 MF.
La qualité des produits est marquée cette année par une remise à niveau des crédits de l’Institut National des Appellations Contrôlées (INAO), qui progressent de 8,7% pour atteindre une dotation de 72 MF.
Enfin, les crédits affectés à la pratique des labels et à la promotion des signes de qualité permettront de mener une véritable politique dans ce domaine : ils s’accroissent de 21 %.
Nous avons donc pour 1998 les moyens de renforcer nos atouts de compétitivité sur le marché des produits de consommation et notamment sur le Marché Européen.
Enfin, j’accorde aussi un rôle prioritaire à l’enseignement et à la formation professionnelle agricoles ainsi qu’à l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire.
Ils constituent une originalité essentielle du monde rural. Ils apportent une part essentielle es talents dont l’économie agricole et alimentaire a besoin. Notre système d’enseignement, la qualité de ses contenus, ses performances en matière d’insertion professionnelle nous sont enviées. Les Gouvernements précédents n’avaient pas mis l’éducation au cœur de leurs actions alors que la demande des familles et des élèves est considérable.
Le Premier Ministre dès son arrivée a décidé que « le retour de la priorité à l’éducation, abandonnée depuis 4 ans, était une obligation nationale ». Dans ce cadre, j’ai inversé les tendances du passé dans mon budget 1998 : les crédits destinés à l’enseignement et à la formation professionnelle s’élèvent à 6,438 milliards, avec un accroissement de 4,9%.
Cette priorité se marque aussi par des créations d’emplois – 150 créations dont 135 dans l’enseignement technique, 5 dans l’enseignement supérieur, et 10 ATOSS. Ce chiffre de 10 peut paraître peu élevé mais il marque enfin une inversion de la longue série des réductions d’emplois pour ces catégories de personnels essentielles aux établissements d’enseignement.
Par ailleurs, j’ai veillé à ce que l’on engage pour l’agriculture le mouvement de résorption de la précarisation avec la transformation, obtenue pour la première fois dans ce Ministère, des crédits de vacation et d’heures supplémentaires en emplois nouveaux : 65 emplois d’enseignants seront ainsi créés.
La priorité à l’enseignement et à la formation se marque aussi par l’augmentation des moyens du secteur public qui s’établissent à 3,687 milliards de francs, ce qui permettre notamment d’accroître de plus de 9% les dépenses de formation pédagogique de l’enseignement technique.
L’enseignement supérieur fait l’objet en 198 d’une remise à niveau importante puisque la quasi-totalité des formations du 3ème cycle seront désormais assurées.
J’ai trouvé en effet, choquant que l’enseignement supérieur ne dispose pas des moyens de s’inscrire dans le mouvement général de modernisation des modes d’enseignement. En plus de l’ouverture sur l’université, l’ouverture sur l’extérieur est indispensable : les bourses à l’étranger voient leurs crédits majorés de 40%. J’ai souhaité également prévoir les crédits nécessaires à l’entretien des bâtiments, laissés trop souvent en déshérence.
J’ai également voulu que la situation des familles défavorisées ne soit pas oubliée et j’ai donc lancé dès la rentrée 1997 la première étape du dispositif du Fonds Social Lycéen. Le budget 1998 y affiche 7 MF.
Enfin, et vous savez que je suis attaché pour l’enseignement privé au respect de la loi de 1984 élaborée par Michel Rocard ; les crédits de l’enseignement privé augmentent donc également de 8%.
Au total, les dotations de l’enseignement, de la formation professionnelle sont fortement majorées. Elles reflètent les formidables atouts de notre dispositif. Elles permettront ainsi de répondre aux défis auxquels il est confronté : la diversification constante des activités de la filière agricole et alimentaire.
La multifonctionnalité de l’agriculture est une réalité que l’enseignement se doit de prendre en compte. Nombre d’agriculteurs sont déjà et seront encore plus demain, des actifs à fonctions multiples, exerçant en complément de leur production, des métiers relevant de la transformation et de la commercialisation de produits identifiés et de qualité, de l’accueil sous toutes ses formes et de la gestion de l’environnement.
A côté des trois priorités que je viens de vous exposer, engageant l’agriculture vers l’avenir, le budget 1998 tel que je l’ai conçu sera – à côté de la loi d’orientation – un moyen de mener une politique agricole axée sur une politique d’occupation de l’espace rural et une politique de développement rural.
L’agriculture, comme toutes les autres activités économiques, est confrontée à un processus lourd de concentration territoriale et de délocalisation.
Mon ambition est de construire une politique agricole, qui sans négliger les marchés, privilégie le territoire : politique d’installation, politique de structure, politique de compensation des handicaps et de rétribution des services environnementaux.
La loi d’orientation devra privilégier l’occupation de l’espace.
C’est une autre logique que je veux construire afin que le territoire agricole français (la moitié de la surface du pays) cesse de se déséquilibrer.
J’insisterai donc ici sur le maintien des crédits consacrés à l’aménagement rural et à la politique de l’environnement.
Les crédits du FGER (Fonds de Gestion de l’Espace Rural) sont pratiquement reconduits à hauteur de 140 MF ; ils sont au cœur de mon projet centré sur l’aménagement et l’ancrage territorial.
Le développement de la compétitivité et de la qualité de l’agriculture ne va pas de pair avec l’occupation du territoire. Plus l’agriculture se développe, plus elle se concentre. Il nous faut donc une politique volontariste de localisation des productions et de gestion du territoire pour la production. Le FGER ce n’est pas les bordures des fossés, c’est le développement d’une agriculture qui s’étend sur tout le territoire, qui s’expérimente en montagne, qui gère les problèmes d’érosion et de nappe phréatique. Ce n’est pas la périphérie de l’agriculture, c’est le cœur du territoire.
Cette dotation doit également être un élément important du partenariat avec les organisations professionnelles. Et précisément les commissions départementales d’attribution de crédits sont le lieu de la concertation et du dialogue entre les organisations professionnelles, les élus et l’administration. Même si les procédures actuelles sont lentes, et nous allons revoir ce point – je tiens à la concertation locale, gage de succès des projets retenus.
Le FGER est donc l’illustration de ma priorité accordée à l’approche territoriale de l’Agriculture et ma réponse à la question pressante de l’opinion publique qui attend de l’agriculture et de son ministre de mieux gérer l’espace rural.
Les crédits de prime à l’herbe et de mesures agro-environnementales sont également maintenus.
Ils sont un élément essentiel de l’occupation du territoire. Dans le cadre de l’enveloppe de 835 MF inscrite sur le budget 1998, je vais engager avec la profession les discussions sur la meilleure allocation possible de ces dotations.
Dans le cadre d’une politique d’aménagement rural, soucieuse de l’environnement, j’ai tenu à préserver les crédits affectés (175 MF en 1998) au Programme de Maîtrise des Pollutions d’Origine Agricole. Je reste très attaché aux objectifs du PMPOA et des programmes de résorption. Je travaille en très étroite concertation avec Dominique Voynet à la mise en œuvre de ce programme.
Je vais donc adapter le PMPOA afin d’accélérer les programmes de résorption, de restaurer un traitement plus juste entre les élevages.
Ce projet que je défends d’une agriculture centrée sur l’aménagement et l’ancrage territorial ne signifie pas pour autant l’abandon des moyens destinés à le soutenir, les productions agricoles.
Les dotations d’intervention en faveur des marchés et de moderniser des filières sont pratiquement reconduits, qu’il s’agisse des crédits des offices agricoles avec 3.059 MF ou des crédits du FIOM avec 125,3 MF.
Hier après-midi, j’ai défendu la loi d’orientation sur la pêche maritime et les cultures marines à l’Assemblée Nationale.
La filière pêche est engagée dans une profonde démarche d’organisation et de restructuration.
Il s’agit de mieux positionner l’offre française sur des marchés concurrentiels, mais porteurs, de façon à revaloriser les produits débarqués pour garantir la rémunération de la production.
La filière est encore insuffisamment structurée et le FIOM, dont les moyens sont préservés, se consacrera aux actions structurelles.
Parallèlement, les actions en faveur de la flotte de pêche et des investissements à terme seront poursuivis dans le cadre du POP IV.
Voici donc les principaux points d’ancrage de mon budget 1998. Il me permettra de conduire l’agriculture et la pêche vers de nouveaux modes de productions, pour rétablir et renforcer la place et le rôle des agriculteurs, des pêcheurs dans la communauté nationale.
Nous devons nous efforcer dans le cadre changeant de l’Europe agricole et de la réforme de la PAC d’anticiper sur les évolutions et pour cela de continuer à dire fortement à Bruxelles notre projet pour l’Agriculture et la Pêche.