Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Dès ma prise de fonction, j’ai souhaité m’entretenir avec chaque organisation syndicale afin de connaître ses préoccupations majeures et d’en faire part au Premier ministre avant sa déclaration de politique générale.
En m’exprimant à nouveau devant vous, mais également devant les représentants des administrations, dans ce cadre privilégié du paritarisme que constitue le Conseil supérieur de la fonction publique, je voudrais tout d’abord rappeler quelques principes qui me sont chers et qui guideront mon action à la tête de ce ministère.
Comme vous le savez, je suis particulièrement attaché à la notion de service public, qui est au cœur de la conception française de l’État républicain, et dont les vertus mériteraient d’être mieux connues hors de nos frontières, vertus qui ont été décriées ces dernières années, y compris parfois même au sein de l’État.
Le service public se définit pourtant par des principes qui fondent le lien social et la conception française de la solidarité nationale et dont la mise en œuvre se révèle exigeante : neutralité, égalité, continuité, adaptation.
Dans le contexte économique et social difficile qui est le nôtre, faire vivre ces principes requiert une capacité d’innovation et un souci constant d’amélioration de la gestion publique qui font la noblesse et justifient l’utilité sociale du métier de fonctionnaire.
Il s’agit là d’une grande ambition à travers laquelle s’expriment à la fois le civisme et l’aspiration au progrès. Or, dans un passé récent, les attaques dirigées contre l’État et les fonctionnaires ont pu blesser ou décourager ceux qui ont fait le choix conscient de servir l’État et, à travers lui, leurs concitoyens.
Le Gouvernement auquel j’appartiens accordera à ses agents toute la considération que leur fonction sociale appelle.
Je ne suis d’ailleurs pas certain que le discrédit que d’aucuns ont voulu jeter sur les fonctionnaires ait réellement eu prise sur les Français qui connaissent d’expérience l’étendue des services rendus par l’État, ses services, ses agents.
Le Premier ministre, dans le discours qu’il a prononcé le 24 juin dernier devant le corps préfectoral, a adressé solennellement l’expression de la considération du Gouvernement aux fonctionnaires.
Permettez-moi de réitérer devant votre assemblée cet hommage mérité de l’État à ses agents.
La première expression de la considération d’un employeur à l’égard de ses employés réside sans conteste dans sa volonté de concertation.
J’entends nouer avec vous tous, et singulièrement avec les organisations syndicales, un dialogue sincère, approfondi et lucide.
Sincère, ce dialogue le sera d’autant plus que ce Gouvernement considère que les garanties dont bénéficient les fonctionnaires ne sont pas usurpées. La garantie d’un emploi et d’une carrière ont en effet pour finalité de permettre aux fonctionnaires d’accomplir leur mission en toute impartialité, au service de l’intérêt général.
Approfondi et lucide, il doit l’être car tout n’est pas possible tout de suite.
Je sais que les attentes sont grandes : attentes des fonctionnaires, mais également attentes de nos concitoyens à l’égard des services publics et de leurs agents.
Pour autant, les difficultés financières et budgétaires, qui résultent dans une large mesure de l’atonie de la croissance économique, mais aussi des engagements pris par nos prédécesseurs, nous enjoignent de hiérarchiser les priorités et de programmer l’entrée en vigueur sur la durée des décisions que nous serons amenés à négocier.
En ce qui concerne le cœur même de la politique gouvernementale, c’est-à-dire la prise en compte simultanée des questions relatives aux salaires, à l’emploi et à la réduction du temps de travail, je vous confirme que la fonction publique ne saurait être tenue à l’écart de la concertation qui s’engagera au mois de septembre.
J’ai bien entendu les messages que les organisations syndicales ici représentées m’ont adressé lors de nos premiers entretiens, notamment en ce qui concerne le problème posé par les bas salaires dans la fonction publique.
J’observe également que vous êtes tous conscients de l’extrême diversité des situations en matière de temps de travail. Cette diversité induit la nécessité d’un examen particulièrement approfondi de toutes les questions sous-jacentes au mouvement de réduction du temps de travail qui s’accomplira pendant la législature.
Comme je l’indiquais tout à l’heure, ces thèmes dominants de la concertation à venir supposent de notre part à tous une attitude de grande responsabilité.
Sur tous ces sujets, il n’est pas possible, à cette date, d’anticiper les grandes orientations qui seront tracées dans le cadre de la préparation de la conférence nationale. Cette préparation interviendra après la remise des conclusions de l’audit des finances publiques.
Vous comprendrez que je ne souhaite dès lors pas m’exprimer davantage sur ces dossiers essentiels dont je vous assure toutefois qu’ils ne seront pas esquivés.
L’étroitesse actuelle des marges de manœuvre budgétaires, qui sera prochainement précisée, constitue davantage un fait qu’une fatalité à laquelle le Gouvernement se résignerait. Elle ne doit pas vous conduire à penser que la considération et la volonté de dialogue qu’il vous exprime seraient de simples pétitions de principe destinées à reculer sans fin la date d’application des mesures permettant de les traduire en actes.
À cet égard, le Premier ministre a fait l’annonce, dans sa déclaration de politique générale, de la fin de la politique de réduction globale des effectifs de l’administration de l’État.
Je sais que vous êtes tous attachés à ce que les services publics soient reconnus, développés et mieux à même de remplir leurs missions.
Cette annonce est donc plus qu’un symbole. Elle est l’expression vivante de la volonté du Gouvernement de prendre en compte le besoin de service public de la Nation.
Ce premier acte du Premier ministre, acte fort et concret, témoigne également de son souci premier de contribuer, à travers l’action des services publics, à une politique délibérément orientée en direction de l’emploi, principalement de l’emploi des jeunes.
Le Gouvernement se donnera tout d’abord, les moyens d’assurer une application satisfaisante du protocole de résorption de l’emploi précaire du 14 mai 1996.
Vous m’avez tous indiqué vos graves préoccupations quant à l’application de cet accord et vous avez souhaité une mise à plat du dossier.
Je crois, comme vous, que cet accord doit être appliqué parce que c’est ma conception des engagements de la République. Or, j’observe que le nombre de postes offerts en 1997 aux concours réservés, s’il était maintenu à ce niveau en rythme annuel pendant les quatre années prévues pour l’exécution de l’accord, ne permettrait de procéder qu’à une insertion dans la fonction publique limitée à la moitié de la population qui, au sein des agents non titulaires, se trouve dans une situation de précarité.
Vous savez que le Premier ministre a décidé que les dégels d’emplois devaient être utilisés en priorité pour permettre de résorber l’emploi précaire.
Il s’agit là d’une première réponse d’urgence, pour assurer la bonne exécution de ces mesures et permettre une augmentation du nombre de postes offerts aux concours réservés.
Au-delà d’un accès élargi aux concours réservés, le protocole d’accord sur la résorption de l’emploi précaire prévoit une amélioration du régime de protection sociale des agents non titulaires.
Mon prédécesseur avait dessiné quelques perspectives qui vous sont apparues insuffisantes.
Il convient, à cet égard, de tracer les contours d’un régime de protection sociale équilibré dans l’étendue et l’importance de ses prestations et surtout plus efficace dans sa mise en œuvre.
Avant la fin de cet été, j’adresserai au Premier ministre des propositions concrètes sur ce point.
Le troisième volet du protocole de résorption de l’emploi précaire doit permettre d’éviter sa reconstitution. Le recours à des agents non titulaires ne devra plus intervenir que dans les cas et dans les conditions déterminées par le statut général. Les formes d’emploi non statutaire qui ne reposeraient plus sur cette base légale, et qui sont à l’origine du problème traité par le protocole, ne peuvent plus être tolérées.
Une autre de vos préoccupations, la gestion du congé de fin d’activité, me paraît également prioritaire.
Vous souhaitez que ce dispositif, destiné à favoriser l’emploi des jeunes, soit prorogé au-delà du 31 décembre 1997. Je crois toutefois nécessaire de procéder à un bilan sérieux de son application, afin de nous prononcer dès la rentrée sur son efficacité.
Le congé de fin d’activité ne s’appliquant que depuis 6 mois, mes services seront en mesure de procéder à une première analyse d’ici la fin du mois de juillet, ce qui laissera le temps de décider dans quelles conditions il peut être prorogé avant la fin de cette année.
Toujours au chapitre de l’emploi, le Gouvernement, fidèle aux engagements pris devant les citoyens lors de la campagne électorale, a décidé de créer 350 000 emplois de services de proximité pour les jeunes.
Le recensement des besoins est en cours et un projet de loi sera présenté au conseil des ministres avant la fin de l’été pour préciser le cadre juridique et financier dans lequel s’inscriront les emplois correspondants.
Nous serons donc conduits à reparler bientôt de ce dossier complexe qui nécessite de la part du Gouvernement, un vaste effort de coordination et de concertation.
Permettez-moi d’insister néanmoins sur quelques points :
Ces emplois n’ont pas vocation à être occupés par des fonctionnaires, mais il ne s’agira pas non plus de « petits boulots ». De vrais métiers, à plein temps, pour 5 ans, dans des domaines où les besoins sociaux sont importants, voilà ce qui sera proposé.
Il faudra bien sûr réfléchir aux modalités de recrutement en raison de la diversité des publics visés et des emplois offerts.
De la même manière, une attention particulière sera apportée aux conditions d’accueil de ces jeunes, en développant par exemple le tutorat et l’apprentissage.
Enfin, il faudra veiller à mettre en place des formations adaptées afin de leur ouvrir, au terme de leur contrat, de véritables perspectives de débouchés sur le marché du travail.
En tout état de cause, les partenaires sociaux seront associés à la réflexion sur ce programme ambitieux. Je souhaite, pour ma part, vous entendre pour mieux apprécier ce qui peut être fait, ce qui doit être fait et ce qu’il ne conviendrait pas d’envisager.
Parmi les engagements de l’État, et bien que celui-ci dépasse le strict cadre de la politique de l’emploi public, je n’oublierai pas de procéder à un bilan de l’exécution du protocole Durafour.
Cet accord global et pluriannuel, négocié en 1990, a permis de mettre en œuvre une réforme de grande ampleur, intégrant les positions relatives des corps sur la grille et impliquant l’ensemble des ministères.
Je réunirai, dans la première quinzaine du mois d’octobre, une dernière fois, la commission de suivi pour procéder à un bilan de son application.
La gestion de l’emploi public, c’est non seulement la gestion des emplois budgétaires, mais également l’attention accordée aux fonctionnaires qui les occupent.
Dans cette perspective, la politique d’action sociale interministérielle doit être reconsidérée afin d’aider ceux des fonctionnaires qui disposent des moyens les plus modestes à mieux s’insérer dans leur cadre de travail ou dans la société.
Sur le plan de la méthode, je suis également soucieux de donner à la concertation dans le domaine de l’action sociale sa pleine dimension. Cette concertation devra également s’exercer sur le plan régional.
Le cadre interministériel me semble en effet particulièrement adapté. Les inégalités constatées entre les ministères, en matière de politique d’action sociale, ne peuvent, à mon sens, être corrigées que dans ce cadre géré avec les partenaires sociaux.
Une forte priorité pourrait être accordée au logement des fonctionnaires, notamment en région parisienne, dans les grandes agglomérations ou dans les quartiers en difficulté.
J’ai l’intention de vous consulter sur ces différents sujets avant de préciser les grandes orientations qui pourraient être retenues, en étroite relation avec le comité interministériel de l’action sociale.
D’autres volets de l’action sociale, entendue au sens large, pourraient également faire l’objet d’une réflexion. Je pense à l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, pour laquelle mon prédécesseur avait annoncé une concertation que je vous confirme et dont je souhaite qu’elle permette l’accueil d’un plus grand nombre de travailleurs handicapés au sein des services.
La formation professionnelle, notamment lorsqu’elle s’applique dans un cadre interministériel, doit constituer aussi une priorité du Gouvernement. J’ai demandé au Premier ministre de bien vouloir atténuer la rigueur de la politique de mise en réserve des crédits interministériels de formation continue.
Au cours de mes premiers entretiens avec les organisations syndicales, une interrogation sur l’intitulé même de mon ministère est apparue.
Depuis lors, le Premier ministre a eu l’occasion de rappeler la nécessité d’une modernisation du fonctionnement de l’État et des services publics.
La réforme de l’État que nous entendons mettre en œuvre ne relève pas d’un a priori idéologique participant d’une attitude de défiance à l’égard des fonctionnaires.
Bien au contraire, le Gouvernement entend faire en sorte que les fonctionnaires deviennent les premiers acteurs de la réforme de l’État qu’attendent nos concitoyens et qu’appelle le souci de bonne gestion des services publics au nom des grands principes que j’ai rappelés.
Chacun ici, comme dans l’ensemble des administrations, voit bien la nécessité d’une adaptation des services publics aux évolutions de la société, du monde et des nouvelles technologies.
Nous sommes tous conscients en effet que le crédit dont bénéficie le service public dans la population représente pour les fonctionnaires la meilleure garantie de pérennité de leur statut.
L’exigence d’adaptation constante, qui s’impose au Gouvernement comme à ses agents, n’est donc pas sans enjeu.
Pour autant, la réforme de l’État ne consistera pas en une reprise pure et simple des projets de mes prédécesseurs. Si certains objectifs, d’ailleurs formulés en des termes très généraux, peuvent être conservés, les propositions qui en résultent seront réexaminées.
L’État doit avant tout être accessible aux citoyens.
Proche, il le sera par la qualité et la simplicité de l’accueil réservé, notamment à l’égard de ceux qui rencontrent les difficultés sociales et culturelles les plus grandes. Les attentes en la matière sont grandes. Je pense qu’une plus large, et surtout une meilleure utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, représente un atout privilégié pour répondre très rapidement aux demandes de proximité et d’accessibilité qui sont adressées aux services publics.
Proche, l’État le sera encore par la recherche d’une meilleure couverture du territoire, dans les zones rurales comme dans les quartiers urbains. Les expériences de maisons de services publics ou de plateformes de services publics méritent d’être évaluées et sans doute prolongées. Elles montrent en tout état de cause la capacité d’adaptation de l’administration à des besoins nouveaux.
Proche, l’État le sera enfin par la simplicité, la transparence et la rapidité des décisions qu’il est amené à prendre. Des décisions trop lentes ou opaques minent la confiance qui lui est plus que jamais nécessaire car elle conditionne, dans une société démocratique et ouverte sur l’extérieur, sa légitimité même.
Je procéderai en conséquence à un réexamen attentif des dispositions contenues dans le projet de loi du précédent gouvernement sur l’amélioration des relations avec le public. Certaines seront reprises, d’autres abandonnées, des propositions nouvelles seront faites, notamment en ce qui concerne l’harmonisation des dispositions relatives à la transparence administrative, dans un nouveau projet de loi.
De même, je proposerai un nouveau départ à l’évaluation des politiques publiques, à partir du dispositif interministériel de 1990, qu’il faudra élargir aux politiques locales et auquel j’associerai les élus locaux, les organisations syndicales, les usagers et leurs représentants.
Pour toutes ces raisons, et parce que le service public doit s’adapter à cet impératif de proximité, la politique de déconcentration administrative sera la priorité du Gouvernement en matière de réforme de l’État.
La déconcentration doit en effet devenir le principe de l’administration de demain, proche et efficace. La globalisation de certains crédits, la reconnaissance d’une compétence de droit commun des préfets pour les décisions individuelles, conformément à la loi du 6 février 1992, vont dans le bon sens.
Je demanderai au Premier ministre que les administrations locales puissent bénéficier des moyens humains et matériels nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Il sera mis fin aux expériences mal vécues de regroupements autoritaires de services. D’autres seront poursuivies. La réflexion en la matière doit être dépourvue d’a priori, et privilégier la pratique et l’adhésion des agents pour qui la réforme de l’État ne saurait être un jeu de meccano.
En dernier lieu, j’engagerai avec vous une réflexion sur la déontologie dans la fonction publique, afin de donner aux fonctionnaires les instruments et la formation qui leur font parfois défaut dans l’exercice de leurs missions et réaffirmer aux yeux de l’opinion l’impératif démocratique d’impartialité qui s’impose à l’État.
Ce grand chantier de la réforme de l’État concerne tous les départements ministériels et je veux le conduire avec vous.
Les fonctionnaires en seront les principaux acteurs, je l’ai dit. Les collectivités territoriales, les organisations professionnelles, les associations et les usagers doivent également y concourir.
J’attacherai beaucoup de prix à recueillir les propositions des organisations syndicales, notamment celles qui émaneront de la commission de la modernisation des services publics du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État.
Une large concertation sera ensuite engagée au niveau central et local, je m’y engage.
Je mettrai un accent tout particulier sur la conduite du changement. Je souhaite que le Commissariat à la réforme de l’État en soit un des leviers, et ne soit plus perçu comme une institution se situant hors du champ normal de la réflexion concertée.
Le Premier ministre l’a déclaré sans ambiguïté en s’adressant au corps préfectoral : « il ne peut y avoir aujourd’hui d’exercice de l’autorité sans dialogue ».
J’attacherai le plus grand prix à ce que cette consigne soit appliquée tant au niveau central qu’au plus près du terrain.
Dans ce dialogue, votre rôle est essentiel car nous avons l’obligation, envers le pays et envers les fonctionnaires, de dégager ensemble des solutions réalistes aux problèmes de l’heure.
La volonté de dialogue que j’exprime aujourd’hui n’est pas sans contrepartie de la part des fonctionnaires.
La période qui s’ouvre est l’occasion de démontrer l’apport des services publics et de leurs agents au mouvement de solidarité qui doit être dirigé vers ceux qui souffrent le plus des difficultés économiques et sociales.
Pour réussir dans cette entreprise au service de la Nation, ensemble nous devrons conjuguer ambition, innovation et responsabilité.