Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi "Nouveaux services, nouveaux emplois" relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, à l'Assemblée nationale le 15 septembre 1997.

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Circonstance : Présentation du projet de loi sur le développement d'activités pour l'emploi des jeunes à l'Assemblée nationale le 15 septembre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les députés.

Il me revient d’ouvrir cette session extraordinaire du parlement et de vous présenter le texte relatif au développement d’activités pour l’emploi des jeunes, projet de loi adopté par le Conseil des ministres du 20 août dernier.

Le Premier ministre avait indiqué ici même, lors de sa déclaration de politique générale le 19 juin dernier, que l’emploi constituait la priorité du Gouvernement.

Nous ne pouvons, en effet, espérer aller vers une société plus solidaire, redonner confiance à notre pays que si nous sommes capables de faire reculer durablement le chômage en imaginant ensemble un nouveau modèle de développement plus riche en emplois.

Le texte que nous allons examiner à partir d’aujourd’hui, constitue un des volets du programme et de la mobilisation de l’ensemble du Gouvernement en faveur de l’emploi.

Même si nous devons tout faire pour qu’elle soit la plus forte possible, nous ne pouvons tout attendre de la croissance. Avec une croissance de 3 %, le taux de chômage resterait autour de 12 % dans les années qui viennent.

Le premier axe de notre politique est la relance de la croissance qui passe aujourd’hui prioritairement par une augmentation de la consommation : il faut redonner du pouvoir d’achat, particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin…

C’est ce que nous avons commencé à faire depuis le mois de juin avec l’augmentation du SMIC de 4 % au 1er juillet, le quadruplement de l’allocation de rentrée scolaire, la revalorisation de l’APL, et c’est ce que nous allons poursuivre dans les prochains jours avec le basculement de cotisations salariales maladie vers la CSG.

Le second volet, qui sera abordé dans quelques jours avec les partenaires sociaux dans le cadre de la Conférence salariale, concerne la réduction du temps de travail.

Le troisième axe concerne la recherche des métiers de demain et leur soutien qu’il s’agisse des emplois dans les nouvelles technologies comme celles de l’information ou la réponse à des besoins nouveaux.

Ce projet de loi vise justement à répondre à des besoins émergents ou non satisfaits, par la création d’activités d’utilité sociale, culturelle, sportive, d’environnement, et de proximité.

Il permettra à 350 000 jeunes de rentrer durablement dans la vie active en faisant d’eux de véritables agents du développement économique.

Avant de vous exposer la philosophie et la démarche qui ont prévalu au sein du Gouvernement pour la préparation de ce projet, je voudrais saluer ici la qualité du travail que nous avons accompli durant tout l’été avec beaucoup de Parlementaires sous la conduite de Claude Bartolone, Jean-Claude Boulard et Jean le Garrec. Mais aussi, au-delà des bancs de cette Assemblée, le travail important réalisé avec de nombreux élus : maires directement ou au travers de leurs associations (l’Association des Maires de France, les Associations des Maires des Grandes Villes, des Villes Moyennes, des Petites Villes et des Villes de banlieue), les présidents de Collectivités Territoriales avec l’Association des Présidents de Conseils Généraux… Mais aussi avec les grands réseaux associatifs (bailleurs sociaux, associations d’éducation populaire, associations sportives, Mutuelles…) ce qui nous a permis de prendre en compte certaines de vos préoccupations afin d’enrichir les orientations essentielles de ce texte.

La situation du chômage des jeunes est, comme chacun le sait, très préoccupante. Plusieurs indicateurs le confirment : leur insertion de plus en plus tardive sur le marché du travail, une précarité de l’emploi et des revenus, une montée préoccupante de la pauvreté.

Aujourd’hui, plus de 25 % des jeunes actifs de moins de 27 ans sont au chômage.

Ainsi parce que nous n’avons pas su répondre aux nouveaux enjeux qui se posent à notre pays, parce que nous n’avons pas su mobiliser l’ensemble des acteurs économiques et sociaux, nous avons laissé se développer peu à peu des situations de désespérance dans la jeunesse.

Les années 90 ont donc, hélas, été marquées par le chômage, la précarité et l’instabilité pour les jeunes. Du reste, les nombreuses mobilisations des jeunes, ces dernières années, révèlent avant tout leur angoisse, voire la colère de l’ensemble d’une génération qui a le sentiment que l’évolution de notre société les conduit à une impasse, que notre société refuse tout simplement de leur laisser une place.

C’est bien la revendication d’un droit à l’avenir qui s’exprime avec force et que nous voulons traduire dans ce projet.

L’impression dominante est que la société française n’est plus capable de faire une place aux jeunes et de leur proposer un projet collectif. Le chômage, un environnement international incertain et mouvant, le Sida, la montée du racisme sont autant de causes d’une peur qui conduit beaucoup de jeunes au repli sur soi.

La difficulté croissante des jeunes à se projeter dans l’avenir et à bâtir un projet de vie personnel témoigne d’une société qui cherche son souffle.

C’est pourquoi, il faut aujourd’hui que la représentation nationale donne en direction de notre jeunesse un signal fort.

Ce qui est en jeu, c’est aussi le modèle d’organisation sociale, économique et culturelle que nous voulons bâtir.

La cohésion sociale repose sur la capacité d’une collectivité à différencier ce qui relève de l’intérêt général de ce qui relève de la compétition économique. Aujourd’hui à bien des égards, cette frontière est devenue floue.

Préparer l’avenir, préparer l’avenir des jeunes, construire une société plus solidaire nécessitent donc de reconstruire le lien social, notamment par la création d’activités qui répondent à des besoins non satisfaits.

Préparer l’avenir nécessite aussi l’engagement d’une politique volontariste de création d’emplois pour les jeunes.

Ces objectifs vertèbres notre projet et constituent une forte ambition.

La mobilisation des moyens financiers dont nous parlerons dans un instant pour le mettre en œuvre indique avec quelle détermination le Gouvernement entend s’engager dans cette voie.

La seconde raison qui nous a conduit à l’élaboration de ce projet sur les nouvelles activités tient à la persistance d’un paradoxe dans notre pays. Notre pays est riche et pourtant des besoins essentiels ne sont pas ou mal satisfaits.

Des besoins existent dans notre pays. Des besoins essentiels – logement, éducation, santé, sécurité – qui relèvent principalement de l’action publique, mais aussi des besoins nouveaux dus à l’évolution de notre société : ce sont les services aux personnes, la préservation de l’environnement et du patrimoine, la qualité du cadre de vie.

Répondre à ces besoins pour améliorer notre vie collective, développer des services pour mieux vivre ensemble, créer des emplois durables, telle est l’ambition du Gouvernement.

Comme je l’ai dit au commencement de mon propos, ce programme de développement d’activités et d’emplois pour les jeune s’inscrit dans la cohérence de l’action gouvernementale visant à enrichir la croissance en emplois.

Aujourd’hui, la juxtaposition, d’une part d’un chômage massif – 5 millions de personnes sont peu ou prou à la recherche d’un emploi – et, d’autre part de besoins non satisfaits est inacceptable. Or, à l’évidence, il ne suffit plus de laisser faire le temps ou le marché pour satisfaire les attentes légitimes de chacun.

Depuis la seconde guerre mondiale et principalement durant les Trente Glorieuses, la croissance a principalement été tirée par la consommation des ménages en biens individuels et durables : logement, équipement de la personne, automobile, équipement ménager et aujourd’hui audiovisuel.

« Avoir plus » était alors le ressort des Français. Aujourd’hui, pour la grande majorité des foyers, nous sommes là sur des marchés de renouvellement et non sur des marchés en grand développement, même si de nouveaux produits naissent, comme la micro-informatique, les multimédias, etc.

Ainsi la satisfaction de ces besoins ne peut à elle seule entraîner une croissance suffisante.

Les besoins prioritaires maintenant touchent principalement les services. Il en est ainsi des services aux personnes.

Je donnerai ici quelques exemples.

L’évolution de la démographie et les progrès médicaux conduisent à un accroissement très important du nombre de personnes âgées et à l’allongement de leur durée de vie. Cela implique en même temps un renforcement massif de leur prise en charge sous tous ses aspects, santé, vie quotidienne, loisirs… qui ne peut être assurée par les seules familles.

Il en est de même pour l’environnement. La nature est menacée dans une société plus peuplée et qui consomme davantage. La protection de l’environnement, le traitement des déchets par exemple ne sont pas un luxe, mais une condition indispensable pour transmettre aux générations futures un monde agréable à vivre.

De même, le maintien de liens sociaux, dans la ville, à l’école, entre les générations implique le développement d’activités nouvelles de médiation, d’animation, de prévention…

Enfin, l’épanouissement de la personne, la maîtrise d’un monde de plus en plus complexe et l’exercice de la démocratie impliquent de développer fortement l’accès à l’information, à l’éducation, à la culture tout au long de la vie.

Dans tous ces domaines, des associations, des collectivités locales, des entreprises ont déjà développé des initiatives. De nombreuses collectivités locales ont mené des expériences, comme pardonnez-moi de citer l’exemple de Lille avec les initiatives que nous avons mené avec Pierre Mauroy en créant de nouvelles activités répondant à des besoins nouveaux.

Mais je pourrais aussi citer Strasbourg, Rennes, Marseille, Epinal, Amiens…

Si nous nous inspirons de toutes ces expériences, il faut bien reconnaître que nous devons souvent faire face à deux types de difficultés : l’organisation de l’offre et la solvabilisation de la demande.

Les réponses à ces besoins émergents doivent trouver leur traduction dans des prestations identifiées, de qualité et qui correspondent à de vrais métiers.

C’est l’ambition de notre programme « Nouveaux services, nouveaux emplois » qui ne se limitent pas bien entendu à 22 métiers comme il a été dit ou écrit ici ou là ces dernières semaines. Je tiens donc à rassurer peut-être certains d’entre vous, ou des élus qui s’inquiétaient que certains besoins existants dans leurs communes ne « rentraient » pas dans les métiers que nous avions présentés. Ce n’était que des exemples. Il y a en fait des dizaines de métiers possibles.

Laissons, courir nos imaginations, identifions les besoins, faisons preuve de créativité et d’audace.

Identifier les besoins de nos concitoyens, construire une offre susceptible d’y répondre, leur donner un contenu en termes de métiers constituent bien la logique de la démarche.

Le financement de ces besoins, non directement solvables et donc non pris en charge par le marché, est le second axe de l’action du Gouvernement.

Ainsi, il a été décidé d’impulser fortement au sein de ces activités la création de 350 000 emplois par une aide financière sans précédent – 92 000 francs par poste et par an pendant cinq ans.

Cet effet de levier sur l’emploi conduire à l’émergence de nouveaux secteurs d’activité et de nouvelles filières professionnelles pour lesquelles il faudra bâtir progressivement des formations et des parcours de qualification.

Dans les services qui se mettront en place, il y aura à l’évidence, comme c’est le cas aujourd’hui dans l’industrie et les services traditionnels, toute une échelle de qualifications. Cela nécessitera d’organiser des filières avec des opérateurs, des référentiels de métiers, des diplômes reconnus, parfois de concours nouveaux, des valorisations d’acquis professionnels. Des fonctions simples côtoieront des métiers très qualifiés.

Ce programme s’adressera en priorité aux jeunes, quel que soit leur niveau de qualification. Cela permettra à des jeunes âgées de 18 à 26 ans – et aussi à des moins de 30 ans dès lors qu’ils ne touchent pas les allocations d’assurance chômage – d’être les acteurs du développement d’activités nouvelles, de métiers nouveaux, et d’y investir leur énergie et leurs compétences.

Inverser la logique, c’est aussi inventer de nouvelles formes d’action publique. C’est ce que nous avons fait, et la mobilisation déjà forte de nombreuses collectivités territoriales, des grands réseaux associatifs témoignent que nous sommes certainement sur le bon chemin.

Inverser la logique, casser la logique du guichet qui prévaut depuis de nombreuses années, c’est promouvoir une action publique qui valorise la notion de projets.

Ainsi les appels à projets, encadrés par des cahiers des charges souples et très simples, favoriseront les initiatives locales et permettront de mobiliser l’ensemble des acteurs de terrain. Une action publique qui, à travers des financements spécifiques de la promotion de l’emploi, apporte une aide au montage des projets.

Une action publique qui reconnaît les acteurs locaux.

J’y reviendrai dans un instant.

Bien évidemment, comme je viens de le souligner, il convient de rechercher la pérennisation et la solvabilisation de ces emplois.

C’est le sens de l’aide sans précédent apportée par l’Etat pendant cinq ans. Cette période de 5 ans doit être mise à profit pour trouver des sources de financement d’origines multiples, propres à pérenniser les projets : fonds publics sans doute, mais aussi fonds mutualisés, contributions individuelles, concours de comités d’entreprises et aussi financements privés.

Là encore, il y a, dans ce domaine, un grand effort d’innovation à fournir, qui permettra de surmonter les clivages entre fonds publics et fonds privés, entre les apports individuels et les financements collectifs.

C’est en mettant en œuvre des formules mixtes que l’on pourra promouvoir un développement massif de ces activités nouvelles.

Les principales orientations du projet de loi.

Ce sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement a décidé d’impulser un programme sans précédent pour le développement de ces activités qui doit permettre la création de 350 000 emplois pour les jeunes.

Il n’est pas question ici d’embaucher des jeunes sous contrats précaires pour occuper des tâches mineures dans les administrations ou les associations, ou encore de remplacer des personnels titulaires.

Notre projet, je le dis clairement après avoir entendu certaines critiques, très peu nombreuses à ce jour, ce n’est pas de mettre des jeunes dans des emplois publics existants.

Je dis clairement à des maires qui seraient tentés de remplacer des agents partant en retraite par des jeunes ou d’embaucher des jeunes pour améliorer l’accueil de la mairie, qu’il ne s’agit pas de cela.

Il s’agit bien de répondre à de nouveaux besoins dont j’ai cité des exemples en offrant de vrais emplois qui devront être pérennisés et professionnalisés.

Les emplois seront portés par les collectivités, les personnes morales de droit public, les associations. A l’exception des adjoints de sécurité auprès des officiers de police, l’Etat ne sera pas employeur.

Nous avons aussi prévu que des entreprises gestionnaires d’un service public, comme les Sociétés Anonymes d’HLM, les entreprises de transports urbains puissent embaucher des jeunes dans le cadre de ce dispositif sous réserve qu’il s’agisse bien d’activités nouvelles s’inscrivant dans le champ du service public qui leur est confié.

Ces emplois devront être pérennisés. Je voudrais donner deux directions. En premier lieu, beaucoup de ces emplois, une fois que l’offre de service sera bien structurée et professionnalisée, pourront être financés par des usagers, des organismes qui offriront un service complémentaire (Exemples : S.A. HLM, mutuelles, Maisons de retraite, comités d’entreprise…) ou encore des entreprises privées (Exemple : transports urbains, entreprises de services…).

En second lieu, il nous faut améliorer l’efficacité de nos dépenses sociales. C’est l’intérêt de la collectivité mais c’est aussi celui de nos concitoyens. Il vaut mieux en effet financer le maintien des personnes âgées à domicile que financer leur hospitalisation.

Il vaut mieux organiser la prévention que financer la prison.

Il vaut mieux préserver un environnement de qualité que de payer le rétablissement d’un cadre de vie… On pourrait multiplier les exemples.

Dans le même esprit, on peut souhaiter que des dépenses passives, d’insertion ou de chômage soient activées à cette occasion. Vous êtes nombreux à le demander.

Ces emplois devront aussi être professionnalisés en créant de vrais métiers. Il ne saurait bien sûr être question de proposer une liste limitative de métiers. Il faudra un contraire faire preuve d’imagination pour inventer des métiers nouveaux. En complément, des efforts de formation devront être consentis pour ces jeunes lorsqu’ils en auront besoin pour leur permettre d’accéder à des qualifications reconnues. Les Conseils Régionaux de parts leurs compétences en matière de formation professionnelle des jeunes auront, je le souhaite vivement, à se mobiliser ou à contribuer directement à la mise en œuvre de ce programme. Et je me réjouis d’ores et déjà que plusieurs Présidents m’aient fait connaître leur volonté de conclure un accord cadre avec l’Etat.

Le contrat de travail proposé est un contrat de droit privé auquel toutes les dispositions prévues par le Code du Travail s’appliquent. Et c’est le contrat à durée indéterminée qui devra être la règle générale.

Nous avons cependant prévu un contrat à durée déterminée de 60 mois qui s’imposera aux collectivités et aux personnes morales de droit public parce que des contrats à durée indéterminée dans les collectivités locales pourraient être requalifiés en emplois publics et parce qu’il convient de montrer qu’au bout de 5 ans la plupart de ces emplois devront être portés par une autre structure.

Les associations de maires et de nombreux élus m’ont fait savoir tout au long de cet été que c’est bien la formule du contrat à durée déterminée qui devait s’imposer aux collectivités.

Nous offrons donc aux jeunes une réelle stabilité et de réelles perspectives pour s’insérer dans la société. Ils pourront avoir des projets, construire leur avenir, sortir de l’instabilité et de la précarité dans laquelle ils se trouvaient.

Pour assurer le développement de ces activités, pour avoir un puissant effet levier sur l’emploi et faire émerger de nouveaux secteurs d’activité, de nouvelles filières professionnelles, l’aide de l’Etat sera importante : un financement pendant 5 ans à hauteur de 80 % d’un SMIC chargé (soit 92 000 francs par an aujourd’hui, revalorisé chaque année au 1er juillet).

Jamais l’Etat ne s’est engagé en faveur de l’emploi pour un tel montant et sur une telle durée.

Cette aide doit permettre de consolider l’activité, d’assurer sa pérennisation. Le budget à mobiliser en 1998, avoisinera les 10 milliards de francs. J’ajoute que nous avons également prévu des crédits d’accompagnement, pour de l’ingénierie, de l’expertise et l’évaluation, qui sont nécessaires pour assurer la qualité des projets.

La mise en œuvre.

Comme je l’ai dit précédemment, au-delà des dispositions législatives et réglementaires, la réussite d’un tel programme dépendra largement de l’esprit et des modalités qui présideront à sa mise en œuvre.

Je souhaite fortement, et je m’y engage devant vous ce soir, que la mise en œuvre de ce programme :

-se fasse au plus près des acteurs locaux que vous êtes,
-et qu’elle soit la plus simple et la plus efficace possible.

Il faudra dans un premier temps recenser les besoins, faire émerger des projets, les travailler, envisager leur pérennisation. Cette démarche doit se faire avec les acteurs de terrain : élus, responsables associatifs, partenaires économiques, responsables de services publics impliqués directement dans la vie sociale.

Les appels à projets devront être lancés au niveau d’un bassin d’emploi, d’un bassin de vie, d’une agglomération urbaine, d’une Communauté de communes, d’une zone d’emploi.

L’objet n’est pas ici de définir un nouveau zonage, mais de retenir celui qui permettra tout à la fois une forte mobilisation des acteurs et la structuration d’une offre de services de proximité.

Les Préfets désigneront par zone, un pilote, qui devra être un facilitateur, une personne qui s’impliquera dans les projets, qui aura à nouer des partenariats. Lorsque le bassin d’emploi est constitué par une commune, je souhaite vivement que le maire soit notre interlocuteur parlant pour lui-même et pour les acteurs de sa ville. Dans les autres cas, nous trouverons la personne la mieux placée pour mobiliser les opérateurs et apprécier les projets.

La simplicité doit également présider à la mise en œuvre. Les appels à projets seront permanents, les réponses devront faire l’objet d’une demande sur la base d’un cahier des charges « général », qui mentionnera les points de passage obligés pour que le projet soit retenu.

Je souhaite, à cet égard, que le Parlement confirme l’orientation qui est la nôtre, celle visant à la simplicité des procédures, au maximum de souplesse dans la mise en œuvre des projets au plus proche des dynamiques locales, conditions à mes yeux indispensables pour la réussite de ce programme.

Les collectivités locales – communes, conseils régionaux et généraux – pourront passer un contrat d’objectif avec l’Etat qui définira le contingent d’emplois souhaitables. Puis une convention sera établie avec chaque employeur : elle mentionnera les activités concernées, le nombre d’emplois à créer ainsi que les conditions de travail y afférent.

L’efficacité et la rapidité de la procédure font aussi partie de mes préoccupations.

Les services de l’Etat auront bien sûr à instruire les projets, à vérifier leur conformité avec le cahier des charges. Je souhaite que la décision soit prise rapidement, c’est pour cette raison que le projet de Loi ne prévoit pas la consultation obligatoire d’une commission, qui alourdirait la procédure. La DDTEFP aura cependant à prendre les avis des services de l’Etat compétents et surtout à consulter les collectivités locales concernées lorsqu’elles ne sont pas des interlocuteurs directs. La décision définitive appartiendra au Préfet. La mise en œuvre devra ainsi se faire au niveau déconcentré. Il ne s’agit pas de mettre en place des grandes tuyauteries nationales, qui seraient contraignantes.

Je voudrais également préciser que le circuit de paiement sera rapide puisque l’aide de l’Etat sera payable mensuellement et au début du mois, ce qui permettra d’éviter les problèmes de trésorerie auxquels sont souvent confrontées les associations.

Toutes les garanties sont ainsi réunies pour faciliter la mise en œuvre de ce programme.

Je suis convaincue que notre pays est prêt à se mobiliser. Pour cela, il faut s’appuyer sur toutes les énergies et faire preuve d’imagination et de créativité pour repérer ces besoins nouveaux qui correspondent à des attentes fortes de nos concitoyens.

Je voudrais, pour conclure, insister sur la nécessité d’un partenariat actif. Dans tous ces domaines, les initiatives sont déjà nombreuses, celles des collectivités locales, des associations, des entreprises aussi. Il nous faut maintenant les démultiplier pour créer de vraies filières professionnalisées.

C’est dans cet état d’esprit que je souhaite la conclusion de contrats d’objectifs au niveau national avec les grands réseaux associatifs dans le domaine social, de la mutualité, de l’environnement par exemple, mais aussi avec l’union des HLM ou des employeurs publics comme la SNCF, la RATP et la Poste.

Ces contrats-cadre devront identifier les activités concernées, les métiers et les modalités de professionnalisation, les engagements de cofinancement.

La conclusion de contrats d’objectifs avec les communes, les régions, les départements, en fonction de leurs compétences propres, offrira le cadre idéal. Elle permettra de tenir compte des initiatives existantes, qu’il s’agisse du programme de développement des emplois de proximité, de la contractualisation sur les emplois-villes ou les emplois verts, sans oublier les expérimentations déjà réalisées, et de prévoir des modalités adaptées et souples de mise en œuvre.

Nombre d’entre vous m’ont déjà sollicitée et ont proposé de conclure de tels contrats d’objectifs, je souhaite que nous allions vite pour que les premiers soient signés dès la promulgation de la Loi.

Ce programme doit nous mobiliser tous.

Je suis en effet persuadée, que loin d’être un programme « conjoncturel », une énième mesure pour l’emploi, ce programme nous offre l’opportunité d’améliorer la qualité de vie de nombreux concitoyens et par là-même de consolider le lien social entre les générations, en offrant de véritables perspectives d’emplois aux jeunes et surtout une perspective d’avenir.

Pour gagner ce pari, faisons confiance à la responsabilité de tous :

- responsabilité du Gouvernement qui avec ce projet tient là un des engagements pris devant les Français lors de la campagne des législatives. La mobilisation sans précédent de l’ensemble des ministères pour faire émerger de nouveaux besoins montre que l’emploi est bien notre priorité.

A cet égard le travail des 10 personnalités qualifiées – désignées par chacun des ministères directement concernés par ce programme – et qui nous ont été remis en juillet un rapport d’étape avant de donner leurs conclusions définitives dans quelques jours, nous a permis d’identifier de nombreux besoins aujourd’hui non satisfaits.

-responsabilité des jeunes qui bénéficieront des aides de l’Etat et seront des salariés à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs et contribueront à construire une société moins dure et plus solidaire.
-responsabilité des employeurs -, collectivités, associations, établissements publics – qui exerceront pleinement leur responsabilité sociale, et assumeront la charge de procurer des services de qualité et d’en professionnaliser les ressources humaines.
-responsabilité enfin de ces milliers d’élus, de responsables de services publics, d’acteurs associatifs, de chefs d’entreprise qui assureront la promotion de ces nouveaux services, de ces nouveaux emplois.

Je voudrais enfin vous dire très simplement qu’en ouvrant un champ immense d’activités nouvelles, nous n’avons certainement pas tout imaginé. Des contraintes verront certainement le jour au fur et à mesure que nous avancerons. Mais aussi des ressorts nouveaux que nous ne prévoyons pas encore à ce jour viendront dynamiser et amplifier notre ambition.

Nous innovons et donc nous ne pouvons pas tout prévoir à ce jour. Que les sceptiques pensent aux jeunes à qui nous devons aujourd’hui tendra la main.

Quand on connaît, au-delà des statistiques, la désespérance des jeunes dans certains quartiers qui passent depuis des années de stages en petits boulots, des jeunes qui sont parfois incapables de se projeter dans un avenir au-delà de quelques semaines, parfois de quelques jours, d’autres qui tombent dans la délinquance je me dis que nous ne pouvons pas une nouvelle fois échouer. Nous n’avons plus le droit à l’erreur.

Je suis la première à reconnaître nos échecs. Reconnaissons que les mesures que nous avons adoptées, collectivement, tout au long de ces dernières années, n’ont pas résolu le problème d’emploi de notre jeunesse. Les chiffres que je rappelais sonne bien comme un désaveu.

Ce texte simple, court n’est peut-être pas parfait. Il ne prévoit pas tout. Il ne verrouille pas tout puisque nous sommes précisément sur un domaine nouveau.

Et bien, nous ferons chaque année un bilan, nous corrigerons ensemble ce qui ne fonctionne pas, et nous aiderons des initiatives qui n’arrivent pas à voir le jour.

Laissons vivre les initiatives, faisons un peu éclater les carcans de notre société qui bloque les énergies.

C’est comme cela que nous mobiliserons l’ensemble de la société.
C’est comme cela que nous recréerons de la solidarité.
C’est notre responsabilité à tous.