Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les maires,
C'est avec un grand plaisir que, dans le cadre de ce 80e congrès de l'Association des maires de France, j'interviens en clôture de cet atelier sur la coopération intercommunale.
Dans la mesure où je participais précédemment à l'atelier n° 3 consacré aux initiatives locales pour l'emploi, je n'ai pu, et je le regrette, assister à vos travaux.
Le nombre de maires inscrits à cet atelier montre, s'il en était besoin, l'intérêt que vous portez à l'intercommunalité et à son avenir.
La coopération intercommunale est, dans la France d'aujourd'hui, une réalité forte, vivante et bien enracinée. Elle est le fruit de plus d'un siècle d'histoire rythmée par des avancées successives (SIVU, SIVOM, districts, communautés urbaines, syndicats d'agglomération nouvelle).
La loi du 6 février 1992 a marqué une étape importante dans cette évolution en incitant les communes à s'engager dans une intercommunalité toujours volontaire mais plus structurée et reposant sur la mise en œuvre d'un projet commun de développement. Beaucoup d'entre vous en sont les acteurs au quotidien, tout particulièrement dans le cadre des communautés de communes.
Notre pays compte aujourd’hui près de 1 500 structures intercommunales à fiscalité propre qui rassemblent plus de 31 millions d'habitants et environ 16 500 communes. Ce renforcement du poids de l’intercommunalité constitue un véritable facteur de mutation de notre vie locale. Il apparaît comme un substitut efficace à la restructuration en profondeur de la carte communale que notre pays ne souhaite pas.
Pourtant, malgré cette indéniable réussite, la situation actuelle n'est pas satisfaisante pour au moins trois raisons :
- l’intercommunalité n’a pas progressé au même rythme dans toutes les régions, ce qui peut entraîner, à terme, un risque pour la cohésion du territoire national, tant en milieu rural qu'en zone urbaine ;
- l'architecture de la coopération intercommunale est devenue de plus en plus complexe : la stratification des dispositifs successifs, l'enchevêtrement ou la superposition des périmètres et des compétences, ont fait de l’intercommunalité une réalité peu lisible et donc mal identifiée par beaucoup de citoyens ;
- enfin, la solidarité fiscale n'a été mise en œuvre que par un nombre limité de groupements : seules 65 des 1 500 structures intercommunales à fiscalité propre ont fait le choix du partage de la taxe professionnelle.
Il est devenu indispensable de procéder à une refonte du cadre législatif et réglementaire de l'intercommunalité et de mettre en œuvre à cette fin une réforme tirant les enseignements des principales évolutions constatées ces dernières années.
Telle est l’intention du gouvernement. Mon collègue Jean-Pierre Chevènement et moi-même faisons nôtres un certain nombre des orientations dégagées par mon prédécesseur Dominique Perben et qui figuraient dans le projet de loi élaboré sous son égide, même si - c'est bien naturel - nous nous réservons un droit d'inventaire et également d'initiative pour enrichir ce texte et le rendre plus ambitieux. Nous avons fait le choix de ne pas travailler dans la précipitation mais, au contraire, de prendre le temps de la réflexion et de la concertation, pour préparer un texte qui réponde au mieux aux attentes des élus locaux.
1. Le projet de loi visera, en premier lieu, à simplifier le cadre institutionnel de la coopération intercommunale.
Certains types de structures intercommunales (je pense en particulier aux communautés de communes et aux districts) présentent de nombreuses similitudes qui pourraient justifier leur regroupement en une seule catégorie, moyennant une harmonisation des règles régissant leur création, leur fonctionnement et leurs compétences.
2. Une deuxième question devra impérativement être traitée par le projet de loi : le partage de la taxe professionnelle.
L’unification progressive des taux et la mise en commun des ressources de la taxe professionnelle dans le cadre de l'intercommunalité à fiscalité propre apparaissent aujourd'hui comme deux conditions indispensables de la réussite de politiques cohérentes de développement local dans les agglomérations urbaines bien sûr, mais aussi en milieu rural.
D'une part, parce qu'elles permettent de mettre fin à des distorsions de concurrence, le plus souvent injustifiées, entre entreprises. D'autre part, parce qu'elles favorisent une répartition des richesses fiscales plus équitable entre les communes, tenant compte des charges dites de centralité.
Je souhaite que des mesures volontaristes soient prises, permettant d'aboutir, dans des délais raisonnables, à l'adoption de la taxe professionnelle unique par un plus grand nombre de structures intercommunales (le débat reste ouvert sur ces mesures : fiscalité mixte incitations financières par le biais de la DGF...).
3. Troisième question qu'il nous faudra aborder : l'avenir des relations financières entre l'État et les groupements à fiscalité propre.
Le système actuel de financement de la DGF des groupements par prélèvement sur la masse globale de la DGF des communes suscite de fréquentes critiques.
La proposition visant à la création d'une part autonome de la DGF destinée aux groupements (s'ajoutant à la DGF des communes et à la DGF des départements) est fréquemment avancée (Jean-Pierre FOURCADE, Marc CENSI...). Elle est actuellement expertisée par la direction générale des collectivités locales.
Par ailleurs, il serait à la fois logique et équitable, sans bouleverser la répartition de la DGF des groupements, que l'effort financier de l'État soit prioritairement consenti en faveur des groupements qui ont fait le choix d'une réelle intégration et qui se consacrent à la mise en œuvre effective de projets de développement.
4. Un autre sujet est également au cœur de tous les débats actuels sur !'avenir de l'intercommunalité : le renforcement de la légitimité démocratique des structures intercommunales levant l'impôt.
C'est un thème sensible à propos duquel s'opposent partisans et adversaires de l’élection au suffrage universel direct de l'assemblée délibérante. Des enquêtes d'opinion réalisées au cours de ces derniers mois montrent que nos concitoyens sont très partagés sur ce sujet.
Cette question devra, le moment venu, être tranchée et pas nécessairement, d’ailleurs, avec une réponse uniforme quelles que soient les structures intercommunales. Si le choix de l'élection au suffrage universel devait, au bout du compte, être jugé prématuré, je suis convaincu qu'il ne serait pas pour autant souhaitable d'en rester au statu quo. Il y a place pour des mesures qui permettent de renforcer l'enracinement démocratique des structures intercommunales et la transparence de leur gestion, notamment en assurant une meilleure information des citoyens mais aussi, et surtout, des conseils municipaux des communes membres sur les décisions prises par les EPCI.
Telles sont les grandes orientations qui présideront à la réforme de l’intercommunalité souhaitée par le gouvernement.
L'Association des maires de France aura bien sûr un rôle très important à jouer dans la concertation que le gouvernement engagera prochainement.
J’ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de dix propositions sur l’intercommunalité formulées par le bureau de l'AMF. Je me réjouis de constater la proximité de nos approches respectives qui ne pourra que faciliter nos échanges à venir tant sur le cadre institutionnel que sur le régime financier et fiscal de la coopération intercommunale.
Nous poursuivons un objectif commun : faire, grâce à des mesures pragmatiques, de la coopération intercommunale un levier encore plus performant du développement local et de l'aménagement du territoire.
C'est un chantier difficile mais essentiel qui a été ouvert.
Pour le mener à bien, le gouvernement sait pouvoir compter sur l’engagement actif de l’Association des maires de France.
Je vous remercie de votre attention.