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On me pose souvent la question : quels impôts réduire ? J'ai envie de répondre : l'ensemble, car notre problème en France concerne la pression globale des charges fiscales et sociales autant que leur répartition. S'il faut les réduire, c'est parce que, objectivement, elles pénalisent la créativité et la compétitivité.
Cela n'a pas toujours été la position de la gauche ? Sans doute. Mais je maintiens et c'est pourquoi je me suis engagé fortement dans cette direction, que c'est la position juste, celle qu'il faut adopter, celle qui dès maintenant et dans les années qui viennent doit se traduire par des décisions et par des faits.
Je relève cependant que quand on aborde la question de la baisse des impôts, on se heurte à une assez vaste scepticisme. Difficile de faire comprendre à un public qui n'est pas nécessairement spécialiste qu'une baisse des impôts peut coexister avec une hausse des prélèvements obligatoires : il y a des explications qui sont peut-être pertinentes mais pas très compréhensibles. Ce n'est pas une raison pour se décourager. Si on veut traiter sérieusement la question des impôts et des charges sociales, il me paraît essentiel de regarder sérieusement aussi du côté des dépenses. Car c'est là que tout se joue. Je formulerai volontiers la loi politico-économique suivante : en matière de baisse d'impôts, c'est l'évolution des dépenses qui fait à long terme la différence.
Depuis trente ans en effet, les dépenses de l'État ont doublé en francs constants, les dépenses des collectivités locales ont quintuplé, celles de la Sécurité sociale ont été multipliées par 8. Je suis de ceux qui croient que l'État a des fonctions indispensables à exercer dans notre société, que tout ne peut dépendre du marché, et que le service public a besoin de moyens corrects pour fonctionner. Mais qui pourrait soutenir que l'argent public est toujours dépensé au mieux ? Dépenser mieux pour prélever moins : voilà l'enjeu. Le revendiquer nous fait obligation de dire comment.
Le groupe de travail que j'ai animé l'an dernier sur le contrôle parlementaire et l'efficacité de la dépense publique, auquel toutes les formations représentées à l'Assemblée nationale ont participé, a proposé une stratégie précise. Il s'agit de placer l'évaluation des politiques publiques et le contrôle des dépenses engagées au coeur de l'activité budgétaire des assemblées, revenant ainsi à la source même du parlementarisme. Fixer des objectifs précis en termes de résultats, vérifier si oui ou non ils sont atteints, faire en sorte que l'argent public soit utilisé avec parcimonie.
L'Assemblée nationale s'est donc mise au travail et a constitué, au sein de sa commission des finances, une mission d'évaluation et de contrôle (MEC) en collaboration avec la Cour des comptes. Il faut maintenant que le gouvernement prenne en compte ses préconisations, dans le cadre du budget dont nous allons débattre et des projets de loi sur la formation professionnelle et sur les autoroutes qu'il va prochainement déposer. Là sera le juge de paix. À cet égard, la nouvelle méthode d'examen budgétaire que l'Assemblée va expérimenter dès les prochains jours sur cinq budgets importants (affaires étrangères, défense, justice, jeunesse et sports, logement) devrait rendre le travail plus efficace.
Je ne me berce toutefois pas d'illusions. Le contrôle parlementaire ne portera pleinement ses fruits que si est modifié le dispositif imposé par la fameuse ordonnance du 2 janvier 1959, à l'époque justifiée mais aujourd'hui dépassée, et qui régit l'examen des lois de finances. Comment admettre, en effet, que l'archaïsme de sa comptabilité permette à l'État de faire silence sur des dizaines de milliards de francs de recettes qu'il a encaissés, comme la Cour des comptes l'a récemment noté à propos du budget de 1998 ? Pourquoi se focaliser, lors de la discussion du budget, seulement sur 5 % des dépenses nouvelles et reconduire, sans véritable examen et en un seul vote, 95 % de « services votés » ? A Quand une comptabilité patrimoniale ? Ne faudrait-il pas obliger l'État à voter son budget de fonctionnement en équilibre, comme les collectivités locales le font depuis toujours, ce qui éviterait de réduire l'effort d'investissement à la portion congrue ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles nous devons répondre en concertation avec le gouvernement et l'ensemble des groupes. L'objectif doit être d'alléger substantiellement la charge qui pèse sur les ménages et sur les entreprises et pour cela de mieux évaluer et de renforcer le contrôle de l'usage des fonds publics. Cette année, dans la conjoncture porteuse que connaît la France et dont il serait injuste de ne pas créditer le gouvernement, la RTVA sur les logements baissera ainsi que les droits de mutation. L'effort devra être poursuivi et étendu notamment à l'impôt sur le revenu, à la taxe d'habitation, aux cotisations sociales. Les surplus de recettes enregistrés des 1999 devraient, eux, être consacrés, je l'espère, en bonne partie à l'abondement du fonds spécial de financement des retraites afin de préparer l'avenir.
Quand aux dépenses – importantes – de fonctionnement de l'administration, inutile d'espérer les limiter, voire les réduire, si on ne responsabilise pas davantage les administrations concernées. Dans cet esprit, je suggère de fixer aux ministères un plafond précis de dépenses et de redistribuer à ces ministères une partie des économies qu'ils réalisent effectivement, afin de les « intéresser » financièrement aux efforts de meilleure gestion.
Seuls les adversaires de l'État peuvent souhaiter que celui-ci soit mal géré : ceux qui, comme moi, croient que l'État ne doit pas être omniprésent mais qu'il a un vrai rôle de régulation et d'arbitrage à remplir doivent souhaiter un État pleinement efficace. À cette condition, la baisse des impôts sera concrète et durable.