Texte intégral
RTL - Mercredi 15 septembre 1999
Q - Le premier commentaire concernant le projet de loi de finances vient du Président de la République. Il se dit « préoccupé » par le niveau des prélèvements obligatoires qui atteignent selon lui « un niveau record ». Vous avez entendu aussi le responsable du MEDEF, Monsieur Kessler dire : augmentation de la masse des impôts, les dépenses publiques augmentent - 15 milliards. Alors d'un côté, le Gouvernement dit : les impôts baissent et de l'autre on entend : une augmentation des impôts. Alors qu'est-ce qui se passe exactement, qui croire ?
- « Deux points rapidement. Premièrement, la croissance ne tombe pas du ciel ; la croissance c'est l'oeuvre des Français, c'est l'oeuvre des entreprises, c'est l'oeuvre des salariés ! c'est aussi un peu l'action du Gouvernement qui a stimulé la consommation, le logement. Donc nous avons les fruits de la croissance mais nous avons la croissance. Et aujourd'hui nous avons plus de croissance que l'Allemagne ou que l'Italie. Avant 97 c'était l'inverse. Alors Monsieur Kessler, je vais m'adresser surtout à lui, défend des positions d'un libéralisme outrancier : il considère que tout ce qui est relatif à l'Etat est en quelque sorte satanique. Il faut dépenser moins. Ce que nous avons voulu, faire, D. Strauss-Kahn et moi-même, sous l'autorité de L. Jospin, c'est dépensé mieux. Vous avez dit tout à l'heure dans votre présentation : les dépenses de l'Etat sont stables, compte tenu de la hausse des prix. On n'a pas fait ça depuis très très longtemps. Mais à l'intérieur de cette stabilité ce n'est pas l'immobilisme, il y a plus d'argent pour l'emploi, plus pour la solidarité, plus pour la justice, plus pour la sécurité. Est-ce que Monsieur Kessler veut qu'il y ait moins de policiers, moins d'enseignants, moins de magistrats ? Je crois que nous avons une vision qui est dynamique, équilibrée. Lui, a vision dogmatique. »
Q - Mais Monsieur Sautter est-ce qu'il y a des Français qui vont profiter de cette baisse d'impôts et d'autres pas ? Comme le souhaite le Président Chirac ?
- « Alors sur les impôts, bon, premièrement les Français bénéficient de la croissance par le fait qu'il y a plus d'emploi, et que les salariés ont davantage de gain de pouvoir d'achat Et en termes d'impôts, les 40 milliards de francs de baisses qui sont proposées intéressent tous les Français. Je prends deux exemple : la TVA sur les travaux d'entretien, cela intéresse 10 millions de familles françaises sur 30 millions car chacun, une fois dans l'année, a à faire réparer tel équipement qui ne fonctionne pas ou à améliorer son logement, ça intéresse les locataires, ça intéresse les propriétaires. Donc je crois que c'est une mesure, c'est un retour. »
Q - Ce sont des impôts indirects ça.
- « Ça, ce sont des impôts indirects qui sont réputés être « injustes » et qui reviennent aux Français. Ça va développer l'emploi, ça va permettre de lutter contre le travail clandestin, c'est un premier exemple. Deuxième exemple, vous en avez parlé: le droit de bail. Ca veut dire quoi ? Ça veut dire que quelqu'un qui habite dans une HLM, dont le loyer va être stable pendant deux ans - ça fait partie d'une négociation avec l'Etat qui apporte des soutiens supplémentaires - eh bien la quittance de loyer, à partir du 1er janvier 2000, va baisser de 2,5 % de ce fameux droit de bail. Vous avez parlé du baccalauréat ; on ne paiera plus d'impôt pour passer le bac, c'est quand même quelque chose qui n'est pas négligeable. Et il n'y a pas que ça : on ne demandera plus de certificat de scolarité pour demander une réduction d'impôt. Donc nous cherchons à simplifier la vie des Français ; nous cherchons à ce que les impôts soient plus justes et calculés au plus juste. Alors les prélèvements obligatoires c'est compliqué. Les baisses d'impôts que nous proposons elles sont simples, elles sont concrètes, et les Français les verront Et en dernier terme, ce seront les Français qui jugeront »
Q - Et donc les impôts directs c'est pour l'année prochaine ?
- « Tout à fait. Nous allons par étape. Première étape, 98 : on a supprimé un certain nombre d'inégalités, de privilèges fiscaux ; 99 : la taxe professionnelle ; 2000 : les impôts indirects ; 2001-2002 : les impôts directs et au pluriel : impôt sur le revenu et taxe d'habitation. »
Q - C'est une modification de la façon de prélever l'impôt ou une baisse réelle ?
- « Alors si nous avons une bonne croissance en en 2001 comme les 2,6 à 5 % ça serait un beau cru l'an 2000. Si nous avons une bonne croissance, nous aurons de bons dividendes de la croissance. Donc nous aurons une marge pour baisser les impôts. Mais ce que nous chercherons, sur la taxe d'habitation qui intéresse tous les Français et l'impôt sur le revenu qui intéresse la moitié des Français, nous chercherons à faire juste. Pas simplement comme Monsieur Juppé l'a fait autrefois : ne toucher que les tranches supérieures. Nous chercherons à ce que tout le monde bénéficie d'impôts directs plus simples, plus justes et moins lourds. »
Q - Vous pensez que vous allez rassurer L. Fabius qui disait il y a quelques jours que « en fait, pour la gauche, le principal risque d'être battue, c'était pas la droite c'était les impôts » ?
« Je crois que nous allons tout à fait, enfin ce budget que nous présentons, va tout à fait dans le sens qui est souhaité, non seulement par L. Fabius, mais je crois par l'immense majorité des Français. Vous avez parlé des réactions favorables des parlementaires de la majorité, ce qui est relativement normal. Mais j'ai entendu Monsieur Mehaignerie dire qu'il avait « des satisfactions » en la matière, Monsieur Barre aussi a eu quelques commentaires pas trop désagréables sur ce budget. Non, je crois vraiment que ce budget va dans le sens de l'intérêt général : plus d'emploi, une vie quotidienne plus simple, moins d'inégalités entre nos concitoyens. Je pense qu'on va dans la bonne direction mais il faut persévérer. »
France 2 - jeudi 16 septembre 1999
Q - Nous allons parler du budget de la France, puis aussi des impôts. On a un peu le sentiment que ce budget, quand on lit la presse, laisse perplexes les observateurs, qu'ils soient de droite ou de gauche. Est-ce qu'au fond, à force de vouloir faire plaisir un peu à tout le monde, il n y a pas à la fois une prise de risques minimum et un budget qui n'est ni de droite ni de gauche, ni libéral si social ?
- « Je crois que ce budget est audacieux dans la mesure où il diminue les impôts de 40 milliards de francs. C'est la plus forte baisse depuis dix ans, et c'est un budget peut-être pas spectaculaire mais très tourné vers la vie quotidienne de nos concitoyens, vers ceux qui entretiennent, qui réparent leur logement. »
Q -C'est la baisse de la TVA pour ceux qui font des travaux ?
- « C'est la baisse de la TVA. C'est une mesure importante qui va concerner 10 millions de familles l'an prochain. Ce sont les jeunes ménages qui vont pouvoir accéder à la propriété en payant des frais de notaire plus faibles ; c'est l'ensemble des locataires ou 80 % des locataires qui ne vont plus payer ce droit de bail de 2,5 % qui disparaît ; c'est le fait que l'on va passer le baccalauréat sans payer 150 francs. C'est un budget pour la vie quotidienne. »
Q -Mais tout cela, ce sont des mesures certes concrètes, mais on est loin de la deuxième étape, d'un nouvel élan, d'une alliance nouvelle. On croyait savoir qu'en période de croissance économique, on peut entamer de grandes réformes fiscales. Or franchement, on n'a pas cela dans ce budget ?
- « C'est un budget qui traite cette année des impôts qui pèsent sur le plus grand nombre, les impôts indirects. Nous regardons les impôts étape par étape. L'an dernier, on a baissé la taxe professionnelle qui intéresse près de 1 million d'artisans. Je crois qu'il n'y a pas l'idée du grand matin ou du grand soir fiscal. C'est une fausse idée. Le Gouvernement auquel j'appartiens travaille dans la durée. Vous verrez qu'au bout de cinq ans, nous aurons changé les impôts tout à fait en profondeur. »
Q -Il y a eu quand même un petit choc pour certains qui ont reçu à la rentrée leur avis d'imposition. Ca n'a rien à voir avec le budget 2000. Mais franchement ce n'était pas de la baisse d'impôts.
- « Il est vrai qu'en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, les feuilles du 15 septembre, un certain nombre de familles, un petit nombre mais un nombre pas négligeable du tout, du fait que le quotient familial a été diminué - c'est un peu technique, mais ceci a été fait pour rétablir les allocations familiales aux revenus relativement élevés. L'effet du quotient familial a pu jouer pour certaines familles. Mais l'an prochain, ce sont vraiment des baisses d'impôts franches, massives et qui vont intéresser tout le monde, comme vous l'avez dit »
Q -Parmi les critiques que certains vous adressent, il y a le fait que les dépenses de l'Etat ne baissent pas véritablement, que du coup, la dette reste à un niveau extrêmement élevé, c'est ce qu'expliquait P.-M. Thiaville tout à l'heure. C'est quand même un peu préoccupant. On n'est pas très bons élèves de ce point de vue.
- « En ce qui concerne les dépenses, elles vont être stables... »
Q -Compte tenu de l'inflation.
- « Compte tenu de l'inflation. Je dois dire que c'est la première fois depuis très longtemps qu'on arrive à cela, et si cette dépense est stable, elle n'est pas immobile. Il y a plus d'argent pour l'école, il y a plus d'argent pour la sécurité, pour la police, pour la justice. Il y a plus d'argent pour assurer une Couverture maladie universelle à tous. Donc, je pense que là aussi, nous réformons en profondeur la dépense. Alors, diminuer la dépense publique, c'est-à-dire moins de fonctionnaires ? Qui veut moins d'instituteurs, moins de policiers, moins de juges, moins de gardiens de prison? Je pense que ceux qui nous critiquent à droite - cela fait partie du jeu démocratique - ils ne l'ont pas fait dans le passé. Donc, je crois qu'ils pourraient être un peu modestes. Et quant à la dette, en 2000, c'est la première fois depuis de longues années que la dette va être diminuée. »
Q -La dette d'aujourd'hui, ce sont les impôts de nos enfants ?
- « Absolument. Quand on vit trop à crédit, ce sont les générations d'après qui devront supporter le poids. D. Strauss-Kahn avait promis en 97 que la dette cesserait de croître. Je ne vais pas vous montrer des graphiques, mais elle a vraiment beaucoup cru depuis 1992. Eh bien, maintenant, la décrue est amorcée. Je pense que c'est une bonne nouvelle pour les jeunes et aussi pour leurs parents. »
Q -La croissance aidant, il y a ce qu'on appelle les recettes spontanées, c'est-à-dire les impôts qui rentrent davantage, plus facilement que prévu. Il y en a plus de 10 milliards à peu près. Vous allez en faire quoi ?
- « Là, on revient en 1999. Les entreprises ont payé - au fond, vont payer - plus d'impôts que prévu : la dizaine de milliards dont vous parlez. C'est une bonne nouvelle. D'abord ce sont les entreprises qui payent et ensuite, ça montre qu'elles sont dans une bonne situation financière. Qu'est-ce qu'on va en faire ? D'abord, cela va permettre de financer la baisse de la TV A, la baisse des frais de notaire à partir du 15 septembre, parce que ça a commencé hier. Ca va en prendre à peu près la moitié; l'autre moitié, on verra en fin d'année ce que l'on peut en faire : soit réduire les déficits, soit faire encore un petit effort dans le domaine de l'impôt »
Q -Quand le Président de la République trouve que vous n'allez pas assez loin, qu'il est préoccupé par la tournure du budget, vous lui répondez quoi ?
- « Je lui réponds que les Français jugeront en 2002. »
Q -Une toute dernière question : Daewoo en Lorraine menace de fermer. Daewoo s'est installé grâce à l'aide publique, grâce donc aux impôts des Français. Vous avez des informations, êtes-vous tenu au courant ?
- « Oui, je suis évidemment tenu au courant, et le Gouvernement est préoccupé. C'est un très grand groupe coréen qui avait fait le pari de l'investissement en France. Ce groupe est en difficulté et tous ses investissements en Europe sont, si je puis dire, sur la sellette. Le Gouvernement suit de très près - mon collègue C. Pierret en particulier - la situation, car Daewoo est un très grand employeur en Lorraine. »
Q -Pour l'instant, vous n'en savez pas plus ?
- « Pour l'instant, nous attendons de voir ce que le groupe Daewoo va véritablement décider »