Interview de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à RTL le 19 septembre 1999, sur les grands axes de la politique gouvernementale, notamment les 35 heures et l'emploi et le projet de budget 2000, sur les Verts et la campagne "la journée sans voiture".

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Entretien télévisé de M. Lionel Jospin, Premier ministre, à France 2 le 13 septembre 1999

Média : Emission L'Invité de RTL - Emission Le Grand Jury RTL Le Monde LCI - RTL

Texte intégral

Olivier MAZEROLLE
Bonsoir Madame VOYNET.

Dominique VOYNET
Bonsoir.

Olivier MAZEROLLE :
La gauche plurielle est-elle toujours aussi solidaire. Tout au long de l’été, plusieurs membres de votre parti n’ont pas ménagé leurs critiques envers Lionel JOSPIN. De son côté, Robert HUE propose une manifestation contre les licenciements et jusque dans les rangs socialistes, certains n’ont pas caché leur déception après l’intervention télévisée du Premier ministre lundi dernier. Sa politique, celle du gouvernement, est-elle suffisamment à gauche, est-elle suffisamment volontariste, c’est ce que nous allons voir avec vous au cours de ce Grand Jury avec Anita HAUSSER et Patrick JARREAU.

Auparavant, si vous le voulez bien, la Corse parce que c’est dans l’actualité, le Premier ministre s’y est rendu récemment en demandant aux nationalistes l’abandon de la violence en préalable à toute discussion. Ceci n’a pas empêché les attentats de reprendre, vous même, vous devez vous rendre en Corse cette semaine, allez-vous reprendre le discours de Lionel JOSPIN sur le nécessaire abandon de la violence ?

Dominique VOYNET :
Ça me paraît évident. L’ensemble des forces politiques démocratiques savent que la violence ne permettra pas de sortir de la spirale dans laquelle se trouve la Corse et les Corses.

Dans le discours de Lionel JOSPIN, il y avait bien sûr le rappel de cette exigence et aussi quelques pas en direction des Corses qui permettent à ceux-ci de se sentir reconnus et respectés, je pense notamment à l’affirmation du droit des Corses à apprendre et à parler leur langue, cela dit, je crois que ceux qui aujourd’hui ont intérêt à bloquer cette politique des ouvertures, des petits pas, de part et d’autre, ne représentent pas tous les corses une fois de plus.

Patrick JARREAU :
Est-ce que, au fond en présentant comme une condition de toute discussion sur le statut de la Corse, l’arrêt de la violence, est-ce que le Premier ministre ne donne pas une espèce de pouvoir de veto de fait, la fraction violente des nationalistes, qui en continuant les attentats comme on en a encore vu en cette fin de semaine, au fond tiennent le haut du pavé et bloquent le processus.

Dominique VOYNET :
Je crois qu’on doit éviter de s’enfermer dans un espèce de jeu stérile où chacun tiendrait son partenaire par la barbichette.

Faut-il faire des ouvertures avant l’arrêt de la violence ou faut-il exiger qu’elle cesse pour faire des ouvertures, je crois que l’essentiel demeure un dialogue constant, direct avec la majorité des Corses qui ne se satisfont pas de la violence. J’ai cru comprendre qu’une majorité des organisations nationalistes s’était engagée sous cette voie, et je crois qu’on ne doit pas uniquement s’intéresser au comportement de forces qui sont minoritaires, qui restent marginales et qui ne représentent pas les corses.

Anita HAUSSER :
Oui mais la situation semble inextricable puisqu’il suffit que l’on prononce une parole un peu d’autorité pour que l’on réponde, les clandestins, entre guillemets parce qu’après tout on doit bien savoir qui c’est, répondent par des attentats et d’une manière massive !

Dominique VOYNET :
Moi je n’ai pas senti chez Lionel JOSPIN un discours d’autorité mais un discours de respect et de reconnaissance de ce que sont les corses. Je crois qu’il est normal à la fois de dire clairement quelle est la règle du jeu et de dire, vous avez des droits, bien sûr, vous avez des aspirations, bien sûr, mais vous avez aussi des devoirs, il est normal que l’Etat s’intéresse à l’utilisation des fonds publics en Corse, il est normal que l’Etat s’intéresse au respect des lois en matière d’urbanisme et de protection du littoral, il est normal que l’on sache ce que l’on fait avec les fonds européens et pourquoi les collines brûlent. Ce sont autant d’interpellations auxquelles les Corses, aussi attachés au dialogue qu’ils le sont, doivent répondre.

Olivier MAZEROLLE :
Alors parlons maintenant de la politique du gouvernement. Lundi dernier, alors qu’habituellement Lionel JOSPIN insiste beaucoup sur le volontarisme qui permet de corriger les règles de l’économie, le volontarisme politique, il a manifesté une certaine impuissance devant notamment l’affaire Michelin et les licenciements ou tout au moins les suppressions d’emplois. Est-ce que vous avez été déçue vous aussi par cette intervention ?

Dominique VOYNET :
Alors sur la forme, les choses sont claires, le Premier ministre a souvent été meilleur qu’il ne l’a été la semaine dernière mais ce n’est pas de cela que vous souhaitiez me faire parler j’imagine. Sur le fond, moi je crois qu’il a fallu, non seulement un certain courage et même un courage certain à Lionel JOSPIN pour dire les choses comme elles sont, il a dit en substance aux Français, vous ne tolérez pas qu’on en revienne à une économie rigoureusement administrée, vous savez que ce n’est plus le rôle de l’Etat de fixer le prix du pain, de fabriquer des voitures et de vous imposer des monopoles en matière de services par exemple…

Patrick JARREAU :
Il n’était question d’aucune de ces trois choses !

Dominique VOYNET :
Je crois qu’il a plaidé pour un renouvellement des liens entre la société, le monde économique et l’Etat en disant, ce n’est pas à l’Etat d’administrer l’économie et je me permettrais d’ajouter, ce n’est pas non plus à l’économie d’administrer la société mais à l’ensemble de ses composantes. Et moi j’ai entendu, dans le discours du Premier ministre, une interpellation des différentes composantes de la société, des salariés, des consommateurs qui sont appelés à se mobiliser pour défendre un modèle de vie en commun auquel il croit, je crois qu’il faut aussi qu’on interpelle les entreprises elles-mêmes. Moi je crois que la répartition des tâches ne serait pas acceptable pour nous tous si on considérait que l’Etat a simplement organisé les conditions d’un profit maximum à cours terme pour les entreprises qui ne se considéraient pas responsables de la marche de la société. Moi je pense que nous devons collectivement interpeller ces entreprises et leur dire, vous demandez des services de qualité, vous demandez des infrastructures de qualité, vous demandez des salariés bien formés, et bien vous avez aussi des comptes à rendre et vous êtes responsable des équilibres dans cette société.

Je le dis aux entreprises qui réclament des primes à l’aménagement du territoire ou des aides publiques pour créer des emplois, qu’apportez-vous, quelles garanties donnez vous à la collectivité, quelle démarche citoyenne allez-vous engager ?

Olivier MAZEROLLE :
Mais regardez, le Premier ministre est satisfait du fait que par exemple les entreprises au moment du redémarrage pratiquent l’embauche par le biais du CDD, alors qu’il n’y a pas si longtemps, les membres du gouvernement…

Dominique VOYNET :
Soyons clairs, les membres du gouvernement ne se satisfont pas de cette façon de procéder. J’ai entendu Martine AUBRY dire, mais il y a des entreprises qui utilisent les CDD, le travail précaire, l’intérim, d’une façon courante, habituelle comme une façon de réguler leurs besoins en effectifs, je l’ai entendu dire qu’il fallait regarder la possibilité de taxer ces entreprises.

Patrick JARREAU :
Oui mais enfin Lionel JOSPIN a eu l’air d’écarter les mesures qu’avait laissé entendre Martine AUBRY lorsqu’elle était devant les socialistes à La Rochelle !

Dominique VOYNET :
Je crois qu’il faut qu’on en rediscute, j’ai entendu aussi une idée très intéressante de la part d’un des animateurs du parti socialiste cette semaine qui disait, les entreprises qui licencient alors qu’elles ont des bénéfices tout à fait conséquents, alors il faut qu’elles assument le coût de ces licenciements.

Moi, ça me paraît juste, on ne peut pas considérer qu’il serait fonctionnel, acceptable, d’avoir systématiquement une privatisation des profits et une mutualisation des coûts pour les sociétés.

Anita HAUSSER :
Madame VOYNET, qu’est-ce que vous attendiez, puisque vous dites que vous reconnaissez que le Premier ministre n’a pas été excellent lundi dernier, qu’est-ce que vous attendiez de la deuxième étape de la politique gouvernementale, qu’attendez-vous ?

Dominique VOYNET :
Beaucoup a déjà été fait en 28 mois, vraiment beaucoup…

Anita HAUSSER :
Oui mais là, nous sommes dans la deuxième étape !

Dominique VOYNET :
Notamment sur le terrain de l’emploi et sur le terrain de la lutte contre l’exclusion, je ne suis pas sûre qu’il faille relâcher notre effort, il y a encore énormément de chômeurs, énormément de précaire et même à certains égards, la précarité augmente alors que l’activité redémarre, je crois donc qu’il faut intensifier et soutenir cet effort de longue haleine sur cette priorité que reste la lutte contre la pauvreté et le chômage.

Patrick JARREAU :
Concrètement, ça veut dire quoi, parce que là…

Dominique VOYNET :
Concrètement, je crois que les grands axes de la politique économique du gouvernement ne sont pas mauvais et qu’il faut poursuivre sur ce terrain là et continuer à utiliser les marges de manoeuvre pour créer de l’emploi, pour suivre la réduction du temps de travail, les 35 heures bien sûr, d’une façon généralisée et rapide et aussi de plus en plus souvent les 32 heures…

Olivier MAZEROLLE :
Voilà parce que les 35 heures tel que le projet de seconde loi est proposé par Martine AUBRY, il vous semble suffisant ?

Dominique VOYNET :
Alors la démarche choisie par le gouvernement était originale, elle me semble rétrospectivement avoir été la bonne.

Une première loi qui aide à la négociation, qui incite, qui impulse et puis une deuxième loi qui fixe le cadre durable. Evidemment, nous serons extrêmement vigilants quant au contenu de cette deuxième loi parce qu’il va dessiner l’avenir des 35 heures et de la réduction du temps de travail pour longtemps. Deux enjeux : la diminution du temps de travail pour chacun d’entre nous et donc la conquête de temps libre mais aussi la création d’emplois.

Et pour que les 35 heures soient réellement un succès, nous connaissons d’ores et déjà les conditions de la réussite.

Olivier MAZEROLLE :
Quelles sont-elles ?

Dominique VOYNET :
Et bien, inscrire de façon claire dans la deuxième loi que le temps de travail effectif, c’est bien le temps de travail où le salarié est à disposition de son employeur.

Taxer de façon suffisante les heures supplémentaires sinon les 35 heures ne créeront pas suffisamment d’emplois…

Olivier MAZEROLLE :
Suffisante, çà veut dire quoi ?

Dominique VOYNET :
10 %, c’est pas assez, clairement donc… La discussion commence à peine au Parlement…

Anita HAUSSER :
C’est çà qui n’est pas acceptable pour vous, c’est-à-dire que ce soit uniquement 10 % puisque les verts ont dit que le texte n’est pas acceptable en l’état !

Dominique VOYNET :
Il faut que le recours aux heures supplémentaires soit beaucoup plus coûteux pour un employeur que la création d’emploi, sinon effectivement ils préfèreront tous des heures supplémentaires…

Olivier MAZEROLLE :
Et ensuite alors ?

Dominique VOYNET :
Et puis, il me semble également que si les entreprises ont abondamment mis en avant des difficultés liées au passage des 35 heures, la réalité est aujourd’hui bien connue, les 35 heures ne constituent pas un handicap pour les entreprises, les dispositifs de soutien, de baisse des charges, d’aide à la création des emplois, sont tout à fait conséquents.

Bien des entreprises ont utilisé les 35 heures pour revoir les rythmes de travail dans l’entreprise, certaines d’entre elles sont allées un peu au-delà et en ont profité pour revenir sur certains avantages acquis, par exemple, le calcul des temps d’habillage et de déshabillage, des pauses… etc.

Donc je crois indispensable de bien cadrer le passage aux 35 heures en veillant à redonner du sens et du dynamisme au dialogue social dans l’entreprise pour éviter cette remise en cause des avantages acquis.

Olivier MAZEROLLE :
Dans l’accord que votre parti avait signé avec le PS en janvier 97, il était stipulé que ces 35 heures ne devaient être qu’une première étape pour arriver aux 32 heures et à la semaine de 4 jours, alors cet objectif existe t-il toujours et croyez-vous que cette loi, seconde loi telle que vous la définissez va amener les 32 heures et la semaine de 4 jours ?

Dominique VOYNET :
Alors il semblerait qu’un nombre d’accords importants concernent d’ores et déjà une diminution du temps de travail en dessous des 35 heures et dans un certain nombre de cas donc, prévoit les 32 heures et la semaine de 4 jours, je crois que des aides publiques plus conséquentes doivent être mises en place pour les entreprises qui passeraient d’emblée aux 32 heures si elles créent des emplois. On l’a vu, le coût du passage au 35 heures ou plutôt le coût des aides et de la baisse des charges pour les entreprises qui passent à 35 heures va être tout à fait important pour l’Etat, il me semble que ces aides devraient être préservées…

Anita HAUSSER :
Il n’est pas budgété pour le moment !

Dominique VOYNET :
Une partie l’est et Martine AUBRY va annoncer la semaine prochaine les décisions prises pour le reste de cette enveloppe.

Il me semble que ces aides devraient être réservées aux entreprises qui créent effectivement des emplois et notamment aux entreprises qui passent à 32 heures.

Olivier MAZEROLLE :
Alors vous disiez tout à l’heure, il ne faut pas relâcher la pression, il faut continuer à travailler pour l’emploi, pour les exclus.

Est-ce que vous approuvez la position de Robert HUE qui, lui, lance un appel à une grande manifestation nationale contre les licenciements dans les entreprises ?

Patrick JARREAU :
Pour un moratoire sur les licenciements et pour la transformation des emplois jeunes en emplois fixes.

Dominique VOYNET :
Alors vous le savez, j’ai rencontré Robert HUE cette semaine, ça fait pratiquement 6 mois qu’on n’avait pas fait le point ensemble donc il était normal de le faire comme on l’a fait très régulièrement depuis quelques années, il était normal donc qu’on se voit et qu’on fasse le point.

J’ai eu donc l’occasion de dire à Robert HUE que je considérais comme nécessaire la mobilisation des salariés, des associations, des contre pouvoir en général contre les prétentions d’une partie du patronat qui décrit d’une façon apocalyptique une situation économique qui n’est pas la situation réelle, cela dit je continue à penser qu’il ne faut pas mélanger les responsabilités des contre pouvoirs et les responsabilités des partis de gouvernement. A la société d’interpeller le gouvernement pour que ça aille plus vite mais soyons clairs, je n’imagine pas bien Martine AUBRY allant défiler pour demander des mesures courageuses en faveur de l’emploi, ce n’est pas son travail, ce n’est pas sa responsabilité. Sa responsabilité c’est d’animer le ministère de l’emploi et de l’industrie…

Anita HAUSSER :
Et est-ce que vous imaginez une délégation des verts défiler ?

Dominique VOYNET :
Il y aura les verts, il y aura les verts, s’il y a une manifestation dont les mots d’ordre sont clairs, oui à des 35 heures qui permettent et de gagner du temps pour vivre, et de créer des emplois, oui à un infléchissement encore plus social et plus déterminé contre la pauvreté du travail du gouvernement, les verts en seront !

Patrick JARREAU :
Votre position c’est qu’il ne faut pas qu’il y ait le PS, c’est çà ! S’il y a le PS dans cette manifestation…

Dominique VOYNET :
Non pas du tout, je pense que le PS y sera aussi. Non, ce que je veux dire c’est que le mot d’ordre doit être clarifié, les partis ne doivent pas se substituer aux syndicats, aux partenaires sociaux, aux associations, aux réseaux qui aujourd’hui luttent contre l’exclusion ou pour la création d’emplois dans le secteur de l’économie alternative par exemple. Je crois que c’est… Pour être encore plus clair, des partis de gouvernement défilant contre le chômage…

Patrick JARREAU :
C’est vrai que ça fait bizarre…

Dominique VOYNET :
Çà ne peut pas donner l’impression qu’on ne peut rien faire, çà peut être une occasion de dire nous sommes convaincus que tous ensembles nous réussirons et que le retour à la pleine activité et à une situation de redistribution équitable des richesses considérables qui sont produites en France en ce moment, c’est possible.

Olivier MAZEROLLE :
Mais après tout le Premier ministre lui-même a lancé un appel à la mobilisation l’autre soir !

Dominique VOYNET :
Oui mais la mobilisation du gouvernement, est existe, depuis 2 ans, il n’y a pas eu une réunion de ministres où on ne nous ait pas rappelé que la priorité des priorités c’est la lutte contre le chômage donc chacun des ministres se mobilise !

Patrick JARREAU :
Ça fait 15 ans comme çà que tous les gouvernements ont pour priorité des priorités la lutte contre le chômage !

Dominique VOYNET :
Oui mais depuis 28 mois on a créé 700 000 emplois, il y a 350 000 chômeurs de moins et c’est peut être la première fois que ça arrive çà donc moi je suis très fière des 16 000 emplois dans le domaine de l’environnement qui ont été créés depuis un an, des emplois qui sont dans des secteurs nouveaux, qui répondent à des besoins nouveaux exprimés par la population et qui ne sont pas des petits boulots précaires. Je crois qu’on fait un énorme travail d’accompagnement des jeunes et d’accompagnement de leurs employeurs pour que ces nouveaux métiers, ces nouveaux besoins soient pérennisés dans la durée.

Patrick JARREAU :
Vous souhaitez que ces emplois 35 heures donc soient pérennisés ?

Dominique VOYNET :
Là j’étais en train de parler des emplois jeunes…

Patrick JARREAU :
Des emplois jeunes, pardon excusez-moi !

Dominique VOYNET :
Et j’espère bien que les emplois jeunes seront à 35 heures !

Patrick JARREAU :
Les emplois jeunes, vous souhaitez qu’ils soient pérennisés ?

Dominique VOYNET :
Alors ils ne seront pas pérennisés sous forme d’un fonctionnarisation mais là où ils répondent à un vrai besoin, leur solvabilité est d’ores et déjà assuré. Dans le secteur des déchets, les ambassadeurs du tri répondent à un vrai besoin, ils sont économiquement solvables et rentables et leur rentabilité sera acquises avant les 5 années du programme emplois jeunes.

Olivier MAZEROLLE :
Alors à propos du budget, il y a, ce qui a été surtout remarqué c’est une diminution de la TVA sur un certain nombre de postes et notamment pour la rénovation des logements.

Certains disent, mais ça bénéficie d’avantage aux gens qui ont de l’argent qu’à ceux qui en ont moins puisque eux seuls peuvent faire des travaux, ensuite le gouvernement annonce une réforme des impôts directs pour l’année suivante, et Lionel JOSPIN avait annoncé sa nouvelle alliance qui allait des exclus aux classes moyennes en passant par les classes populaires, est-ce que vous avez le sentiment que le gouvernement est parti de la gauche dans sa politique pour aller progressivement d’avantage vers le centre afin de ratisser plus large ?

Dominique VOYNET :
Si vous me le permettez, je vois deux sujets assez différents. La nouvelle alliance dessinée par Lionel JOSPIN à La Rochelle, elle dit à qui le parti socialiste entend s’adresser en priorité, moi j’ai bien entendu que Lionel JOSPIN s’adressait devant les troupes socialistes à La Rochelle. Les exclus, le couches populaires, les couches moyennes, je pense que c’est intéressant de dire à qui on s’adresse, c’est intéressant aussi de dire, qu’est-ce qu’on dit à ces personnes à qui on s’adresse, mais même dans cette définition, je pense qu’on ne couvre pas l’ensemble du champs, respirer un air pur et manger des aliments sains, est-ce que çà s’adresse aux couches moyennes, aux couches populaires, aux exclus, je ne sais pas bien.

Olivier MAZEROLLE :
Mais enfin, attendez, ma question était simple. Est-ce que vous avez le sentiment qu’il y a un recentrage de Lionel JOSPIN en vue d’autres échéances tout simplement, est-ce que les choix fiscaux traduisent ce recentrage ?

Dominique VOYNET :
Non, je ne crois pas qu’il y ait un recentrage mais je crois en même temps qu’un projet politique qui pourrait faire référence à une nouvelle alliance n’est pas un projet politique qui doit simplement additionner une mesure en direction des exclus, la diminution ou la suppression du droit de bail, une mesure en direction des classes moyennes, puis une mesure en direction des classes populaires et puis on considérerait qu’on a fait son travail, non, moi je crois qu’une nouvelle alliance çà suppose un projet partagé pour une société qui redémarre et ça suppose donc qu’on additionne pas non plus les concessions à telle ou telle composante…

Anita HAUSSER :
Ce serait la troisième gauche ?

Dominique VOYNET :
Donc j’en reviens à la fiscalité puisque c’était votre question. Aujourd’hui la diminution de la TVA sur les travaux du bâtiment est évidemment un signe en direction des classes moyennes, celles qui ont recours à des artisans pour faire des travaux, çà a le mérite de relancer l’activité et de créer des emplois dans un secteur qui est riche en emplois par franc investi, ce que ne serait pas par exemple le secteur des travaux publics.

Mais ça ne suffit pas, çà ne suffit pas et je crois effectivement que la réforme des prélèvements obligatoires doit être pensée à partir d’un débat beaucoup plus large. Tout d’abord, moi je ne suis pas convaincue qu’on puisse reprendre à notre compte l’idée qu’il y a trop de prélèvements obligatoires en France, d’abord parce qu’on ne pose jamais les deux questions qui doivent être posées absolument en même temps que cette question là, c’est est ce que la dépense publique est efficace ou pas, si elle est efficace, si elle permet d’avoir des établissements scolaires de qualité, des hôpitaux de qualité, des services publics qui répondent aux besoins de la population, si elle permet de redistribuer de façon plus équitable les richesses, si elle permet à des gens modestes d’avoir accès à des services culturels ou à une formation de qualité, alors je crois qu’il faut assumer au niveau des prélèvements obligatoires.

Patrick JARREAU :
Mais quand vous dites « si, si, si… », ça veut dire que pour vous c’est le cas ou ça ne l’est pas ?

Dominique VOYNET :
Dans mon secteur d’activité, je traque la dépense inutile et je crois que la dépense publique est plutôt efficace. Et globalement j’ai l’impression que la dépense publique en France est plutôt efficace.

Anita HAUSSER :
Là vous parlez de la dépense publique mais vous avez aussi dit que la cagnotte de Bercy doit profiter aux plus pauvres !

Dominique VOYNET :
Bien sûr. Alors est-ce que le poids des prélèvements est excessif, il faut le comparer à ce qui se passe dans les grands pays développés qui ont, je dirais, le même niveaux d’exigence de leur population, là encore je ne crois pas qu’il soit excessif. En revanche, je crois que nous devons, au moment de faire des choix en matière d’utilisation des fonds publics, faire porter en priorité notre effort sur les populations les plus modestes et sur des efforts de redistribution et de justice.

Patrick JARREAU :
Ce qui n’est pas le cas dans le budget 2000 tel qu’il se dessine là ?

Dominique VOYNET :
Ce qui est quand même le cas avec la distribution du droit de bail. Je crois que ce sont, pour les millions de locataires, une mesure tout à fait intéressante.

Olivier MAZEROLLE :
Vous avez toujours à l’esprit la revendication de l’extension du RMI aux moins de 25 ans ?

Dominique VOYNET :
C’est un sujet assez douloureux, assez difficile, parce qu’on voit bien comment la mise en place d’un revenu pour les plus jeunes pourrait être démobilisateur en ce qui concerne l’accès ou le retour à l’emploi, en même temps, il est parfaitement évident qu’une bonne partie des familles modestes ne peuvent plus assumer aujourd’hui le coût de l’entretien de leurs enfants jeunes adultes, qui ne peuvent pas commencer leur vie d’adulte, trouver un logement… etc., donc je considère qu’il est absolument indispensable d’avoir un revenu minimum pour les 18-25 ans mais je crois aussi qu’il faudra être très attentif à ne pas présenter ce revenu comme une solution de long terme, c’est une solution d’urgence, l’objectif c’est bien l’accès à l’emploi et l’insertion dans la vie professionnelle.

Patrick JARREAU :
Quand vous dites que le taux de prélèvements obligatoires en France n’est pas trop élevé d’après vous, est-ce que vous regrettez que le gouvernement et notamment le ministre de l’économie et des finances Dominique STRAUSS-KAHN ait éprouvé le besoin d’adresser un signal en disant en 2001 on réduira les prélèvements sur le revenu ?

Dominique VOYNET :
Je crois qu’il n’y a pas un seul parti en période pré-électorale qui résiste à l’envie de donner des signes de connivence aux catégories considérées, enfin qui sont concernées par les impôts directs et notamment par l’impôt sur le revenu…

Olivier MAZEROLLE :
Donc votre parti n’adhère pas à cette tentation non plus ?

Dominique VOYNET :
Moi je considère que l’impôt sur le revenu c’est le seul impôt qui est progressif, qui touche plus les hauts revenus que les bas revenus et qui épargne les plus précaires, les plus modestes. Ce n’est pas le cas de la fiscalité locale et notamment de la taxe d’habitation qui me paraît injuste, complexe, inégalitaire donc si Dominique STRAUSS-KAHN s’attaque au dossier de la fiscalité directe, alors j’aimerais qu’il commence par la taxe d’habitation et par les impôts locaux.

Olivier MAZEROLLE :
Alors parlons… Est-ce que de vous même personnellement et puis de votre parti, est-ce que vous êtes satisfait, vous et votre parti, de votre place dans la majorité plurielle. Il n’y a pas eu le rééquilibrage au sein du gouvernement que vous souhaitez, vous avez eu un bon budget en revanche en forte augmentation mais Lionel JOSPIN, il vous a un peu tapé sur les doigts l’autre jour à La Rochelle, il a dit « les verts, après tout ils reçoivent beaucoup et notamment grâce à nous ils ont obtenu la crédibilité politique » ?

Patrick JARREAU :
Enfin il avait l’air d’avoir un doute…

Dominique VOYNET :
Mais c’est grâce à eux mêmes que les verts ont obtenu la crédibilité politique !

Olivier MAZEROLLE :
C’est pas moi qui parle là c’est Lionel JOSPIN !

Dominique VOYNET :
Parce que jour après jour dans mon travail, j’estime faire preuve de responsabilité et j’estime faire avancer un certain nombre de dossiers qui correspondent à des attentes fortes des citoyens.

Jusqu’à une époque très récente, on a abandonné ricané de l’aspiration des français à mieux vivre, comme si la qualité de la vie, un air pur, une eau propre, des aliments qui ne nuisent pas à la santé, c’était quelque chose de farfelu ou de secondaire. Aujourd’hui, ça devient un vrai enjeu et je m’en réjoui…

Mais j’ai l’impression de faire mon travail, j’ai l’impression que les députés verts font bien leur travail et que des amendements adoptés à l’initiative des députés verts sur la loi d’orientation agricole, sur la loi transposant la directive électricité, sur la loi sur l’exclusion, sont très intéressants et d’autant plus intéressant que les députés quand même ne sont pas nombreux et…

Olivier MAZEROLLE :
Alors Lionel JOSPIN voulait dire par là, dans le fond les verts çà donne parfois l’impression d’un parti qui n’est pas vraiment tenu parce qu’on entend Daniel COHN-BENDIT puis Noël MAMERE puis d’autres encore…

Dominique VOYNET :
Alors qu’au parti socialiste on entend Lionel JOSPIN, Laurent FABIUS et François HOLLANDE qui disent toujours rigoureusement la même chose !

Patrick JARREAU :
Mais votre rentrée, la rentrée des verts a quand même été curieuse parce qu’on a entendu une casquette d’ultimatum, si jamais on fait si, nous partirons, on a entendu votre ami Daniel COHN-BENDIT expliquer que le Premier ministre au gouvernement duquel vous appartenez est un homme qui n’a pas de parole, donc on a une rentrée un peu…

Vous dites que les députés verts font bien leur travail, est-ce que le parti vert, ses porte-paroles, ses organisateurs font aussi bien leur travail ?

Dominique VOYNET :
Non mais il n’y a pas de distance entre la ministre verte, les députés verts, les conseillers régionaux verts et le parti des verts, je crois simplement que les verts sont plus jeunes, plus fougueux, parfois encore sans doute maladroit dans leur expression mais j’ai l’impression que les français ne leur en veulent pas, qu’ils apprécient notre travail et qu’une écrasante majorité d’entre eux souhaite que les verts restent au gouvernement, assument leur responsabilité tout en gardant une certaine liberté de parole et une certaine fraîcheur de l’expression. Cela dit, c’est vrai que ça a été un peu cacophonique le mois d’août pour les verts, nous venions de vivre un très beau score électoral qu’on doit très largement à la dynamique de la campagne européenne et à Daniel COHN-BENDIT mais c’est vrai qu’on aurait peut-être pu, si on avait mieux pensé notre communication, mieux écouté les pro en la matière, être plus tranquilles, plus sereins, on avait tout à fait mérité de l’être.

Anita HAUSSER :
Mais vous avez refusé vous même la proposition de Lionel JOSPIN pour un secrétariat d’Etat à un de vos collègues vert et vous même passant à la santé, etc… Vous avez expliqué que le Premier ministre vous a proposé un vert à moitié vide…

Dominique VOYNET :
Ou à moitié plein !

Anita HAUSSER :
Ou à moitié plein mais enfin çà ce n’est pas un problème de communication, c’est un calcul politique, c’est un choix politique !

Dominique VOYNET :
Voilà, le Premier ministre a fait le choix de nous proposer une solution un peu bancale et nous avons fait le choix de la refuser mais ça ne s’est pas fait dans un climat tendu ou guerrier, nous avons réuni un certain nombre d’animateurs des verts, nous avons discuté ensemble de la proposition qui nous a été faite et nous avons convenu qu’elle n’était pas intéressante pour permettre de répondre encore mieux aux attentes de la population à notre égard et pour permettre aux verts de mener à bien les chantiers qu’ils ont engagés.

Olivier MAZEROLLE :
Alors, estimez-vous comme Daniel COHN-BENDIT que les rapports avec les autres composantes de la majorité et en particulier les rapports avec Lionel JOSPIN sont basés sur un langage de rapport de force ?

Dominique VOYNET :
Mais alors c’est pas nouveau ! Dans la vie politique, ça se passe en général comme çà…

Olivier MAZEROLLE :
Alors comment le marquez-vous ce rapport de force ?

Dominique VOYNET :
Aux élections, on se bat pour convaincre un maximum d’électeurs de la justesse de nos propositions et de la capacité de nos candidats à assumer donc…

Olivier MAZEROLLE :
Alors Daniel COHN-BENDIT vous dit « dans ces conditions il faut aller seul aux municipales au premier tour en tout cas pour bien montrer qui nous sommes et quelles est notre puissance » !

Dominique VOYNET :
Je ne suis pas certaine que ça résume l’ampleur et la complexité du débat sur les municipales. Moi je vais vous résumer en une phrase ma proposition pour les municipales : je suis pour toute stratégie qui gagne ! Et quand je dis « qui gagne », qui permette à la majorité plurielle et aux verts, au sein de cette majorité, de gagner un maximum de communes pour y faire une politique comprise, assumée, accompagnée par les citoyens.

Olivier MAZEROLLE :
Alors donc çà veut dire accord ?

Anita HAUSSER :
Un stratégie qui gagne c’est une stratégie d’union ?

Dominique VOYNET :
Alors dans certains cas c’est une stratégie d’union, dans d’autres cas c’est au contraire des listes séparées pour permettre à chacun de convaincre son électorat de la prise en compte de ses préoccupations.

Anita HAUSSER :
Vous pourriez préciser un peu les villes ?

Dominique VOYNET :
Non.

Anita HAUSSER :
Dommage !

Dominique VOYNET :
Non parce que la négociation commence à peine. Vous l’aurez noté je ne me suis pas exprimée sur les municipales parce que je considère que j’ai assez de travail avec le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement et que l’équipe qui anime les verts est parfaitement capable de mener les négociations non pas avec Lionel JOSPIN mais avec le parti socialiste, le parti communiste ou les radicaux…

Anita HAUSSER :
Vous ne vous en désintéressez pas quand même !

Dominique VOYNET :
Ça m’intéresse beaucoup et je suis en état aujourd’hui de dire ce qui pourrait se passer dans ma région mais pas de décrire la situation dans 22 régions. Et puis en plus, je crois que l’état d’esprit dans lequel on travaille n’est pas un état d’esprit je dirais agressif, revendicatif, nous souhaitons être respectés…

Olivier MAZEROLLE :
Justement quand vous entendez Lionel JOSPIN vous dire non à une réforme du scrutin pour les législatives et non à la proportionnelle, est-ce que vous dites, tiens il ne lit pas beaucoup les accords que son parti a conclu avec le mien ?

Dominique VOYNET :
Et puis il ne lit pas beaucoup le programme de son parti aux dernières élections présidentielles par exemple…

Olivier MAZEROLLE :
Ça vous choque ça ?

Dominique VOYNET :
Mais oui ça me choque, mais oui ça me choque, les accords sont faits pour être respectés…

Olivier MAZEROLLE :
Et alors ?

Dominique VOYNET :
Mais en même temps je crois que l’on est pas en train d’utiliser les accords verts/socialistes comme sorte de feuille de route appliquée de façon maniaque et procédurière, le dialogue a lieu entre nos partis tous les jours, il n’y avait pas lieu suffisamment avant l’été et nous l’avons dit. Nous avons besoin de rencontrer nos partenaires régulièrement.

Anita HAUSSER :
Et ça a changé maintenant ?

Dominique VOYNET :
Je crois qu’un bilan a été fait des accords verts/PS entre les verts et le parti socialiste il y a quelques semaines et nous avons listé les points où les avancées ont été positives et puis nous avons listé les points sur lesquels nous attendons plus et mieux du gouvernement. Mais en même temps, je voudrais quand même bien expliquer l’état d’esprit dans lequel je travaille, dans lequel nous travaillons. Moi je ne considère pas que la réussite de la majorité plurielle soit le travail de Lionel JOSPIN point final.

Je considère que chacune des 5 forces politiques qui participent à la majorité est comptable de la réussite de cette majorité, la responsabilité elle est partagée entre je dirais les responsables et les électeurs de ces 5 forces là. Donc je ne suis pas simplement en train d’interpeller le parti socialiste pour dire « alors qu’est-ce que vous faites ? », mais je suis en train aussi de réfléchir à la façon dont les verts peuvent prendre leur part du fardeau, peuvent aider cette majorité à faire ce pourquoi elle a été élue.

Olivier MAZEROLLE :
Madame VOYNET nous marquons une pause pour les informations de 19 heures puis nous parlons du nucléaire, de la chasse, des OGM et des voitures.

Olivier MAZEROLLE :
Et bien nous parlons de la chasse et une question d’Anita HAUSSER.

Anita HAUSSER :
Madame VOYNET, le Premier ministre a confié à un député socialiste chasseur, à François PATRIAT, le soin de faire un certain nombre de propositions pour rétablir le dialogue entre vous-même, les Verts et les chasseurs. Alors, il progresse mais il semble assez désabusé et déjà assez découragé. Comment vous allez résoudre ce problème avec les chasseurs, parce que indépendamment des chasseurs regroupés en association, il y a CPNT qui a aussi fait un joli score aux européennes ? Pas aussi beau que les Verts mais enfin par loin. Donc, on a l’impression que là il y a deux catégories de la ruralité qui ne se parlent plus ou qui défendent la qualité de la vie et qui sont complètement antagonisées.

Dominique VOYNET :
François PATRIAT est député et c’est au Premier ministre de placer un parlementaire en mission auprès d’un ministre. Il l’a fait alors que je lui ai suggéré le nom de François PATRIAT ; qui par son métier, ses goûts, son expérience antérieur me paraissait idéalement placé pour dialoguer et avec les chasseurs et avec les associations de protection de l’environnement.

Je crois que le mérite de François PATRIAT qui a effectivement connu des mouvements de découragement, ce qui ne m’étonne pas, le problème est très complexe, a été de dire et aux associations et aux chasseurs qu’il n’y avait pas de solutions qui puissent éviter des compromis de part et d’autre. Depuis des années, nous avons les associations sûres de leur bon droit et les directives européennes. Formellement, elles ont raison. Et les chasseurs qui disent pour seules réponses, on s’en fiche on n’en veut pas. Et aujourd’hui, je crois que PATRIAT a réussi à formuler un certain nombre de proposition qui répondent et à la soif de dialogue des uns et des autres et à la complexité des problèmes.

Alors, cela dit, je crois que les choses avancent bien, mieux d’ailleurs que je ne l’avais imaginé. Vendredi une réunion s’est tenue sous la houlette de François PATRIAT qui a permis donc aux associations de protection de la nature et aux chasseurs de se parler à nouveau directement, dans une même salle et je crois savoir que les uns et les autres ne sont pas sortis de là avec du goudron et des plumes, mais plutôt satisfaits de ce dialogue. Comme vous le savez, le mouvement politique, « Chasse, Pêche, Nature et Tradition » n’a pas souhaité y participer. Cela ne m’étonne pas.

Depuis des mois, ce mouvement politique pratique l’insulte, la caricature. Il refuse systématiquement le dialogue. Je ne suis pas sûre qu’il puisse apparaître durablement, y compris aux plus naïfs de ses électeurs, comme un bon défenseur de la ruralité et des intérêts des chasseurs. Encore une fois, nier le réel, nier l’existence des directives européennes et le mauvais rapport de force en faveur de la France à cet égard, c’est exposer les chasseurs à des décisions juridiques beaucoup plus dures que les animateurs ne l’espèrent.

Anita HAUSSER :
Le Parlement européen est passé à droite. On va moins nous embêter, globalement c’est ça.

Dominique VOYNET :
Ça, je n’y crois pas une seconde. D’une part parce que vouloir protéger les milieux de façon responsable, Ça n’est ni de droite ni de gauche et que la plupart, l’écrasante majorité des pays européens se sont accommodées très largement de la directive concernant les oiseaux migrateurs, parce que 13 pays sur 15 ont déjà transposé dans leur relationnel, cette directive.

Alors c’est vrai que selon les pays, des marges de manoeuvre ont été négociées aussi avec la commission. Des exceptions, des interprétations. Ça n’est pas imaginable en France que si chasseurs et protecteurs ensemble se mettent d’accord sur une formulation qui pourrait être acceptée par la commission.

Olivier MAZEROLLE :
Mais n’avez-vous pas le sentiment tout de même de susciter une hostilité un peu particulière. Parce qu’on a vu au printemps dernier, au Sénat, quelque chose de tout à fait inhabituel. Les sénateurs ont voté à l’unanimité une loi qui permettait de chasser le gibier d’eau la nuit dans 42 départements. Un vote à l’unanimité, c’est quelque chose de tout à fait exceptionnel, pour ne pas dire jamais vue.

Dominique VOYNET :
Je suis absolument convaincue moi que les hommes et les femmes politiques réfléchissent de façon erronée à la signification du vote en faveur de CPNT. Ça n’est pas un mouvement de défense de la ruralité. C’est un mouvement qui répond à une certaine inquiétude, à une certaine angoisse, mais qui donne du monde rural une image absolument caricaturale et qui propose comme seule solution un retour en arrière. Je ne suis pas sûre que les progressistes, les gens de gauche aient intérêt à se prêter à cette manipulation.

Patrick JARREAU :
Je crois que vous allez avoir du travail pour convaincre à la fois les socialistes, Jean-Pierre Chevènement…

Dominique VOYNET :
Je crois que c’est également un nouvel avatar du populisme. Je n’ai pas vu à l’époque du CIDUNATI, à l’époque du CDCA les députés et les sénateurs de gauche aller au devant des attentes des citoyens qui demandaient des passe-droits et qui exigeaient d’une façon brutale des décisions qui n’allaient pas dans le sens de l’intérêt général.

Alors j’espère moi qu’à gauche comme à droite, on va se ressaisir et qu’on va comprendre qu’il est tout à fait possible de trouver des solutions acceptées par la commission qui respectent les droits des non chasseurs, le droit des espèces vivantes et une chasse responsable.

Patrick JARREAU :
Mais là apparemment, ça n’en prend pas le chemin. Encore une fois, vous êtes très isolée. A gauche, pratiquement les Communistes, les Socialistes, les Chevènementistes ont fait grand cas du vote de CPNT en juin, l’ont presque commis à égalité avec le vote Vert et manifestement, les décisions prises vont dans le sens d’une attitude très accommodante vis à vis des chasseurs. Et puis on a entendu le Président de la République la semaine dernière dire tout le bien qu’il pensait et tout le cas qu’il faisait de la chasse dans le mode de vie rural comme quelque chose qui doit être respecté.

Dominique VOYNET :
Le Président de la République donne son avis, comme n’importe quel citoyen sur ce dossier. Il appartient au gouvernement de résoudre les problèmes posés par vingt ans de paralysie et d’impéritie dans le domaine de la chasse, notamment sur le plan communautaire. Alors, la plupart des conflits sont des conflits anciens. Je ne suis pas pour grand chose dans le fait que ces conflits soient aujourd’hui tranchés par les tribunaux, mais je n’entends pas non plus fuir mes responsabilités. On n’est pas ministre pour gérer des problèmes à plat ventre devant telle ou telle catégorie socioprofessionnelle. On est là pour régler les problèmes en fonction du contexte communautaire. Ce serait quand même paradoxal que nos engagements européens doivent être tenus dans tous les domaines, mais pas dans le domaine de la chasse.

Patrick JARREAU :
On a dit à un moment, on parlait tout à l’heure du remaniement gouvernemental du début de l’été, on a dit à un moment qu’au fond, ça ne vous aurez pas déplu d’être déchargée du dossier de la chasse. Est-ce que c’était vrai ?

Dominique VOYNET :
Je n’aurais pas trouvé ça normal. On ne va décharger les ministres de tous les dossiers difficiles. C’est un dossier difficile. Pendant vingt ans, les ministres de l’environnement ont soigneusement éviter de s’y coller. Aujourd’hui, les tribunaux me contraignent à me charger de ce dossier. Je le fait d’autant plus volontiers que les associations et les chasseurs responsables sont aujourd’hui convaincues qu’il faut trouver une solution. Ils l’ont dit vendredi.

Olivier MAZEROLLE :
Autre sujet qui peut être riche de conflits entre les Verts et les autres partis de la majorité plurielle le cas échéant, c’est le nucléaire. Alors, là dessus, vous êtes extrêmement ardente. Lionel JOSPIN vous a promis un grand débat scientifique et démocratique. Mais qui tranchera en bout de course ? Il n’y a pas de référendum à la clef.

Dominique VOYNET :
J’aimerais bien que ça soit possible, mais il semblerait donc que nos textes constitutionnels ne le permettent pas.

Je suis convaincus, moi, de la nécessité de ce grand débat pour mettre en évidence les atouts du nucléaire, les coûts du nucléaire, les conséquences délétères du nucléaire. Ce choix est un choix qu’aucun autre pays développé n’a fait, avec cette ampleur, cette fougue, cet enthousiasme et je dirai ce refus de regarder un certain nombre de difficultés en face, je souhaite que le travail qui a été confié au Premier ministre à trois économistes soit mené à son terme, pour permettre d’avoir une vision claire des coûts du nucléaire. Je souhaite qu’on évalue de façon très précise l’impact sur l’emploi de cette filière et qu’on regarde aussi qu’elle pourrait être le contenu en emploi d’une politique qui ferait la part belle à la diversification, aux économies d’énergie et qui nous permettrait de ne pas avoir à demander une nouvelle génération de centrales.

Olivier MAZEROLLE :
Alors Claude ALLEGRE qui était là il y a quinze jours dit : « eh bien, c’est vrai, les Verts n’ont pas tort dans tout ce qu’ils disent. D’ailleurs, il faut essayer de trouver des réacteurs qui soient plus propres, qui fassent moins de déchets, même qui n’en fassent pas du tout. Mais, en même temps, quand même le nucléaire c’est une garantie d’indépendance, ça ne dégage pas de gaz carbonique. Donc, l’effet de serre n’est pas là ». Et puis, il dit, à force d’être contre le charbon, contre le pétrole, maintenant contre le nucléaire, attention, on ne va pas faire de l’antiscience.

Dominique VOYNET :
L’antiscience se serait de confier à une seule filière technologique le soin de notre avenir, de confier notre avenir à une seule filière. Moi, je ne suis pas contre le charbon et je considère comme assez irresponsable ce qui espère qu’en stigmatisant l’Inde et le Chine, en leur disant : « vous savez, vous polluez » et vous contribuez à l’effet de serre, ils vont renoncer à la seule source d’énergie dont ils disposent.

Par contre, quand on fait ce constat, qu’il est pratiquement impossible pour ces pays qui sont déjà de gros émetteurs de gaz à effet de serre d’avoir recours à cette source d’énergie relativement polluante, alors on doit aussi se poser la question de savoir si le moment n’est pas venu de transférer les technologies propres à ces pays, pour qu’ils puissent continuer à utiliser leur charbon, mais en polluant moins. On sait fabriquer aujourd’hui des chaudières à …. fluidisé circulant. Il y en a une qui circule en France, à Gardanne, dans le sud de la France. Je crois qu’il faut travailler dans cette direction. Concernant, l’indépendance énergétique de la France, je crois qu’il faut savoir que nous sommes bien plus dépendant de notre approvisionnement en pétrole que de notre approvisionnement en uranium. Uranium qui n’est pas français, uranium qu’on achète en Australie. L’indépendance énergétique de la France c’est d’abord de moins consommer d’énergie, de moins en gaspiller et de choisir aussi souvent que possible des filières qui soient mobiles, qu’il y ait des retours sur investissements beaucoup plus courts, qui soient plus riches en emplois, qui nous exposent moins. Alors que le marché de l’électricité est en train de s’ouvrir.

Olivier MAZEROLLE :
Il n’y aura pas de nouveau réacteur EPR.

Dominique VOYNET :
Il n’y aura pas d’EPR ou alors ce sera sans moi. Sans nous. Je ne suis pas en train de faire du chantage. Parce que je ne pense pas qu’il soit raisonnable de faire semaine après semaine du chantage. Simplement, c’est une donnée connue du Premier ministre et de nos partenaires de la majorité plurielle depuis juin 97. Nous nous sommes engagés les uns et les autres sur un moratoire sur toute construction de nouvelle centrale jusqu’en 2010, tout simplement parce que nous souhaitons mettre à profit ce temps pour desserrer les contraintes, pour ouvrir les choix énergétiques de la France, pour relancer sérieusement une politique maîtrisée de l’énergie.

Moi je trouve déraisonnable d’espérer produire à grande échelle, de façon massive de la lumière et d’ou entraîner des moteurs sans électricité. Par contre, je trouve également déraisonnable de développer le chauffage électrique et la climatisation, comme on le fait, pour justifier la surproduction électrique.

Olivier MAZEROLLE :
Alors, autre sujet d’actualité, le monde agricole, les OGM et le commerce international

Anita HAUSSER :
On a l’impression que vous êtes concernée par tous ses problèmes, mais que vous n’avez pas vraiment prise dessus ?

Dominique VOYNET :
Le ministère de l’environnement, c’est un ministère transversal. Une bonne partie de mon travail, c’est de conduire chacun des ministres, chacune des administrations, chacune des collectivités locales à intégrer la préoccupation de l’impact sur l’environnement, à intégrer la préoccupation du développement durable dans toutes les décisions qui sont prises, dans tous les projets.

Anita HAUSSER :
Aujourd’hui, cette prise de conscience , la « mal bouffe », les problèmes de commerce international, la surproduction, les OGM, etc. Finalement, tout le monde s’en empare. Ce n’est plus l’apanage des Verts.

Dominique VOYNET :
Non, mais c’est vrai que ce sont les Verts qui en ont parlé les premiers sur le terrain politique pendant que la confédération paysanne sur le terrain syndicale, essayait de faire de même. Je constate aujourd’hui qu’une écrasante majorité de Français partagent ses préoccupations et que petit à petit, à gauche surtout, mais aussi un peu à droite, on commence à comprendre que la vocation exportatrice de la France a grands coups d’aides communautaires, ne signifie pas n’importe quoi. Je m’en réjouis. Je m’en réjouis.

Après la prise de conscience, viendra le temps des décisions et des réorientations de la politique menée en la matière. Jean GLAVANY a décidé d’affecter une partie des aides communautaires à une modulation de ces aides en faveur des agriculteurs qui font des efforts en matière d’environnement et en matière d’emplois, ce que appelle la modulation des aides. Je crois qu’il faudra aller beaucoup plus loin au cours de la période à venir et que ça devra se faire aussi souvent que possible, avec les consommateurs, avec les paysans eux-mêmes, avec ceux qui pensent une agriculture durable, riche en emplois.

Moi, ce qui m’inquiète en tant que ministre de l’aménagement du territoire, c’est qu’il y a de moins en moins de paysans et que années après années, on n’est pas capable d’enrayer cette diminution. Un aménagement du territoire sans paysans, je n’y crois pas trop.

Olivier MAZEROLLE :
Vous qui êtes préoccupée par les exclus, je veux dire les exclus, ils n’ont pas les moyens de se préoccuper de la qualité de leur nourriture. Ils achètent moins cher et de moins bonne qualité.

Dominique VOYNET :
Ils n’ont pas les moyens de se préoccuper de leur nourriture, mais nous avons la responsabilité, en maîtrisant les relations entre les distributeurs et les producteurs, en donnant un cadre réglementaire beaucoup plus contraignant pour les producteurs, d’améliorer le niveau général des aliments qui leur sont proposés. Cela me paraît une évidence.

Aujourd’hui, dans un kilo de pommes de terre vendu dans la grande distribution, il n’y a pas une partie bien importante qui revient aux producteurs de la pomme de terre.

Donc, je crois qu’on peut augmenter la marge des producteurs, sans changer le prix final pour les consommateurs.

Olivier MAZEROLLE :
La guerre commerciale avec les Etats-Unis peut être gagnée. Vous croyez qu’on peut les convaincre de renoncer au boeuf aux hormones, aux organismes génétiquement modifiés.

Dominique VOYNET :
Je ne suis pas sûre qu’on ait avantage à poser la discussion en terme de conflit, en terme de guerre. Au mois de novembre à Seattle, les discussions sur le thème du commerce mondial vont ouvrir à nouveau et ce sera le moment de renforcer le poids des consommateurs, de faire prendre en compte de nouveaux sujets, l’environnement. Comment est-ce qu’on produit ? Quel est l’impact sur les milieux des façons de produire les biens dont nous avons besoin. Et puis se sera aussi l’occasion d’introduire des clauses sociales. Par exemple, pour interdire le travail des enfants et pour arriver à, je dirai, une harmonisation des temps de travail à l’échelle planétaire, des conditions de rémunérations.

C’est une discussion qui va durer des années, qui ne peut pas se réduire à un différend commercial à propos du boeuf aux hormones.

Olivier MAZEROLLE :
Peut-on réussir à Seattle ce qui n’a pas marché à Rio, par exemple ?

Dominique VOYNET :
Il faut réussir. Aujourd’hui, on est dans une situation assez curieuse. C’est celui qui ne veut pas s’exposer à laisser entrer un produit qui peut être nocif pour la santé ou l’environnement, qui doit prouver que c’est dangereux. Moi, je propose qu’on renverse la charge de la preuve. Je crois que c’est à celui qui veut importer un produit de prouver qu’il n’a aucune conséquence pour la santé des consommateurs ou pour l’environnement.

Olivier MAZEROLLE :
Sur les organisme génétiquement modifiés, l’Europe a encore quelques progrès à faire. Qu’est-ce que vous souhaitez comme réglementation européenne ?

Dominique VOYNET :
Alors, la France n’est pas à la traîne de la réflexion européenne. Puisque vous le savez lors du dernier conseil européen de l’environnement, la France a pris l’initiative d’un texte qui disait : « nous n’accepterons pas de mettre sur le marché de nouveaux organismes génétiquement modifiés, tant qu’il n’y aura pas une traçabilité complète des filières et un étiquetage qui permette de garantir le libre choix du consommateur ».

Perplexité du côté de la commission, parce que cette transparence, cette traçabilité n’existe pas et on est très loin du compte. Donc, je constate que parallèlement à la montée en puissance de l’inquiétude de l’impuissance des consommateurs européens et aussi des mouvements qui ont émergé dans les pays en voie de développement, des paysans de l’Inde ou du Brésil se sont déplacés pour dire aux Européens : « nous n’avons aucun intérêt à nous mettre dans les mains des quelques multinationales de l’agro-alimentaire. Aidez-nous à résister. Nous n’entendons pas renoncer à notre façon de sélectionner nos semences et de travailler. Les consommateurs américains après un petit retard à l’allumage, sont en train de nous rejoindre. Et je vois, moi, monter un mouvement citoyen au sens noble du terme, contre une bouffe qui n’est pas seulement de la « mal bouffe », mais surtout une bouffe sous pilote de quelques multinationales.

Olivier MAZEROLLE :
Donc, dans vos rapports avec le monde agricole, il y a quelque chose qui ne vous a pas rendue populaire, c’est l’écotaxe. Alors l’écotaxe va prendre de l’ampleur dans les années qui viennent. Mais qu’elle est la part que les agriculteurs vont devoir payer ? Sur quoi vont-ils être taxés concrètement ?

Dominique VOYNET :
Je ne suis pas encore en état de l’annoncer, puisque les mesures arrêtées au titre de la taxe sur les activités polluantes vont être annoncées avec le budget de la sécurité sociale, puisque nous entendons bien non seulement dissuader les pollueurs, mais aussi dégager des moyens qui vont nous permettre de baisser les charges qui pénalisent le travail aujourd’hui. Mais pour l’essentiel, il s’agit de mettre à contribution des activités ou des produits qui sont responsables d’une dégradation massive des milieux et pour lequel les pollueurs ne sont pas les payeurs, ce qui n’est pas normal.

Exemple concret : l’utilisation des produits phytosanitaires. Le chiffre de croissance des industries phytosanitaires, c’est un chiffre qui certaines années dépasse les deux chiffres. Et est constamment au-dessus de 5 % par an depuis quelques années. Demander aux gros utilisateurs de ces produits de contribuer à l’épuration des eaux, ça ne me paraît pas scandaleux et ça n’était pas le cas jusqu’à présent. C’est un exemple.

Je ne suis pas sûre que les agriculteurs n’aient pas compris ce que nous cherchons à faire. Parce que chaque fois que nous cherchons à pénaliser les comportements irresponsables du point de vue de l’environnement nous encourageons et nous finançons la mutation vers une agriculture de qualité.

Mon ministère encourage et finance de nombreux programmes qui permettent aux agriculteurs qui le désirent, de s’engager dans des moyens de production plus propres.

Olivier MAZEROLLE :
Alors, mercredi prochain, 66 villes en France vont participer à la journée sans voiture.

Patrick JARREAU :
Quel est le sens de ces initiatives annuelles maintenant des ces journées sans voiture. Est-ce qu’il s’agit de faire plaisir au fond à la fraction de la population qui trouve que la ville est plus agréable quand elle n’est pas polluée par les gaz d’échappements ou est-ce qu’il s’agit de faire progresser l’idée qu’on pourrait basculer, progressivement du transport individuel ou du tout individuel, vers un transport plus collectif.

Dominique VOYNET :
Alors, la ministre de l’environnement fait son travail au niveau européen avec l’adoption d’un programme qui permet de limiter de façon très importante la pollution des voitures, à la fois en modifiant les moteurs et les carburants. Je fais également mon travail au niveau national. Les grandes villes sont engagées dans l’élaboration de ce qu’on appelle des plans de déplacements urbains qui sont assez largement avancés et soumis à la concertation avec les habitants.

Ce qui manque aujourd’hui, c’est la mobilisation des citoyens eux-mêmes. Aujourd’hui, ils sont en train de dire, j’en ai marre. J’en ai marre de respirer un air pollué, j’en ai marre de savoir que mes gamins respirent le pot d’échappement des voitures, j’en ai marre qu’on me dise : « restez à la maison quand il y a un pic de pollution, alors qu’on laisse circuler les voitures ».

Patrick JARREAU :
Le pollueur, c’est toujours le voisin !

Dominique VOYNET :
Mais en même temps, la journée en ville sans ma voiture, a pour vocation d’interpeller chacune et chacun d’entre nous sur ses habitudes de déplacements. Il faut savoir que la moitié des déplacements en ville, font moins de 3 kilomètres. Donc, le temps de sortir la voiture du garage, de faire les 3 kilomètres dans les embouteillages, de chercher une place de parking, franchement, on ferait mieux d’y aller à pieds.

Olivier MAZEROLLE :
Aller-retour, ça fait 6 kilomètres.

Dominique VOYNET :
Ok, allez prenez le vélo, Olivier MAZEROLLE, si vraiment c’est trop long pour vous. Il faut savoir aussi qu’il y a une bonne majorité des voitures qui vient de la périphérie des villes, qui rentrent en ville, qui est scotchée le long d’un trottoir toute la journée, qui repart le soir. Donc, il faut vraiment qu’on repense à nos habitudes de déplacements.

Je voudrais le faire d’une façon qui ne soit pas culpabilisante. Je ne suis pas en train de mener une croisade contre la voiture. Je voudrais que chacun s’interroge sur sa façon de faire en ville.

Et puis, deuxième cible, les élus. Les élus pour lesquels la journée « en ville sans ma voiture » est l’occasion de tester des idées nouvelles ou de répondre à des problèmes nouveaux. Exemple concret : l’année dernière, les commerçants, les artisans, les industriels ont dit : « nous, on a un problème avec nos livraisons ». Et cette année, il y a plusieurs des villes qui participent, qui ont décidé de tester de nouvelles façons de livrer, avec des points multiservices livraisons, avec des véhicules propres pour les livraisons, avec une nouvelle organisation d’un service collectif de livraison. D’autres villes ont choisi de dire testons de nouveaux services pour les familles avec enfants, en ville. Essayons de redonner de la ville aux enfants.

Bon, chaque ville a choisi son thème. Mais les élus ont fourni avec leur service technique un travail très important.

Olivier MAZEROLLE :
L’autre jour, vous avez évoqué un sondage qui indique q’une majorité de Français sont favorables à une journée sans voiture en ville, une fois par semaine et non pas une fois par an. C’est un projet que vous avez à l’esprit.

Dominique VOYNET :
Alors évidement, moi j’utilise ce chiffre là encore pour faire réfléchir, pour faire réagir. Mais je ne pilote pas la politique de reconquête d’un air de qualité uniquement à partir des sondages, puisque les sondages, ils disent aussi des choses contradictoires. Il disent qu’une écrasante majorité de Français trouvent que la ville est devenue invivable et qu’elle est complètement paralysée par les voitures, mais une autre écrasante majorité dit se servir de sa voiture tous les jours. C’est la voiture des autres qui embouteille la ville, ce n’est pas ma voiture à moi.

Patrick JARREAU :
Et puis quand il y a des mauvaises nouvelles dans l’industrie automobile, tout le monde s’inquiète pour les emplois.

Dominique VOYNET :
Bien sûr, bien sûr. Donc, je crois la « journée en ville sans ma voiture » a vocation à devenir un rendez-vous régulier ou on vérifie, un fois par an.

Olivier MAZEROLLE :
Plus qu’une fois par an ?

Dominique VOYNET :
Une fois par an, c’est l’état. Tout les 22 septembre, ça sera une fois le dimanche, une fois le mercredi, une fois le jeudi, on testera toutes les situations dans la semaine, et puis on vérifiera l’avancée des esprits et des décisions qui sont prises en matière de reconquête de la ville par les usagers non motorisés.

Mais si les maires veulent prendre l’initiative d’aller au-delà, je serai tout à fait heureuse de les aider et de mettre à leur disposition les moyens de mon ministère pour ce faire.

Olivier MAZEROLLE :
Mais quels moyens ?

Dominique VOYNET :
En terme de communications, en terme d’aides à la décision et de conseils, évidemment. Je ne vais pas aller faire la circulation au carrefour dans chacune des villes qui déciderait toutes les semaines de se passer des voitures.

Mais, ce que je veux dire, c’est qu’on est dans un pays décentralisé. Ou on ne peut pas systématiquement interpeller l’Etat chaque fois qu’il y a un problème. L’organisation des déplacements dans la ville, l’urbanisme, la maîtrise du zonage des activités, c’est les maires. Donc, mon ministère entend avoir avec les maires et avec leurs associations, un dialogue responsable. Mais il n’entend ni se substituer aux maires, ni leur dire ce qu’il faut faire.

Olivier MAZEROLLE :
Croyez-vous qu’il faut demander ou prévoir une fiscalité qui fasse que les automobilistes payent davantage eux-mêmes le coût qu’ils occasionnent à la collectivité.

Dominique VOYNET :
Olivier MAZEROLLE, vous me mettez dans un sacré piège. Je passe pour chaque politique, dire « oui, il faut taxer, il faut faire payer, etc. ».

Patrick JARREAU :
Vous avez dit tout à l’heure qu’on pouvait augmenter les prélèvements.

Dominique VOYNET :
On ne peut pas éternellement dire…

Olivier MAZEROLLE :
Mais certains disent c’est la collectivité qui paye pour les automobilistes. Les automobilistes disent « oui, c’est toujours nous qui payons ».

Dominique VOYNET :
Ça c’est pas vrai ! Les investissements de voirie et de matériel des collectivités, les communes, les départements, les régions et les investissements de l’Etat restent assez largement déséquilibré au profit des routes et au détriment des transports en commun. Donc, le moment est venu, me semble-t-il d’investir largement sur les transports collectifs. C’est ce que nous avons choisi de faire dans le cadre des contrats de plan Etat-région.

Olivier MAZEROLLE :
En demandant aux automobilistes de contribuer ?

Dominique VOYNET :
Il y a deux choses différentes. Il y a les choix des politiques publiques et puis ensuite, il y a les choix des différents moyens qui permettent de remplir les caisses de l’Etat. On n’est pas en train d’affecter les taxes des automobilistes à la réalisation de transports en communs. On est en train de dire, nous entendons, parmi les choix d’investissements publics, privilégier les transports collectifs, notamment pour le transport longue distance des marchandises par le rail. Je pense notamment aux traversées alpines.

On ne peut pas après l’accident du tunnel du Mont-Blanc, se contenter de dire, c’est la fatalité et puis constater qu’on ne peut rien faire. On peut, on doit, réaliser le tunnel Lyon-Turin qui va permettre de mettre des trains entiers de marchandises en alternative au transport routier.

Olivier MAZEROLLE :
Merci Madame VOYNET. C’était votre Grand Jury. La semaine prochaine, nous recevrons Charles PASQUA. Bonne soirée à tous.