Texte intégral
Lancement de la grande cause nationale - 13 mars 1997
Je suis particulièrement heureux de participer au lancement de la grande cause nationale qui, cette année, est consacrée à la protection de l’enfance maltraitée.
Ces événement s’inscrit dans une action patiente et résolue de ce gouvernement en faveur de la protection des enfants. Cette action, nous la menons avec la conviction qu’aucun progrès social digne de ce nom ne peut négliger la cause des enfants, et notamment les plus fragiles d’entre eux.
Nous avons présenté le 20 novembre dernier un programme national afin d’agir pour la protection des enfants maltraités.
En premier lieu, ce programme comportait un projet de loi dont Jacques Toubon vient de vous exposer les principes.
Afin d’assurer la protection de l’enfance maltraitée dans sa globalité, ce programme incluait également un ensemble d’actions, tant nationales qu’internationales.
Le volet national portait tout d’abord sur la sensibilisation et de l’information au public. La campagne de mobilisation que nous lançons aujourd’hui en est la première illustration. Elle sera suivie, à l’automne d’une campagne spécifique sur les violences sexuelles.
L’information des parents, des jeunes adultes et des enfants sera faite, tout au long de l’année, par l’éducation nationale et les établissements accueillant des jeunes.
Pour aider les victimes et leurs familles, plusieurs mesures ont d’ores et déjà été prises.
Depuis ce matin, le numéro de téléphone « Allô, enfance maltraitée » est le 119. Ce numéro de téléphone simplifié est plus facilement accessible aux enfants.
Le livret de procédure de l’enfant victime de sa famille, inscrit dans le plan d’action, est en cours de réalisation avec les associations de protection de l’enfance.
Sur le plan de la coordination des intervenants, le Journal officiel publie aujourd’hui le décret et l’arrêté permettant le renforcement du groupe permanent interministériel pour l’enfance maltraitée.
Le CIDEF, qui nous accueille aujourd’hui, est né de la fusion du Centre international de l’enfance et de l’Institut de l’enfance et de la famille. Il a notamment pour vocation de servir de centre de ressources à l’ensemble des acteurs associatifs et institutionnels et d’être le creuset où s’élaborera notre politique.
Sur le plan international, les actions communes de l’Union européenne ont été entérinées les 28 et 29 novembre derniers. Afin de mieux faire connaître ces mesures, la France organisera un séminaire européen en juin prochain.
La mobilisation de nos ambassadeurs a également permis d’amorcer des actions significatives, financées sur le fonds d’urgence humanitaire, au Costa Rica, au Vietnam, au Sri Lanka, aux Philippines et à Saint-Domingue, pour lutter contre le tourisme sexuel avec l’aide des ONG locales.
De même, un accord général d’entraide pénale a pu être négocié avec l’Inde et la Thaïlande, et une circulaire de la direction générale de la police nationale a été envoyé aux policiers en poste à l’étranger afin de renforcer la coopération avec les polices locales.
Enfin, la mobilisation des professionnels du tourisme a été renforcée par le colloque organisé par ECPAT le 11 mars dernier sur le tourisme sexuel, et sera confortée lors du salon mondial du tourisme les 21 et 22 mars prochains.
Pour affirmer plus encore que dans un programme gouvernemental la volonté d’agir ensemble dans la protection de l’enfance maltraitée, le Premier ministre a souhaité faire de ce thème celui de la grande cause nationale.
Un collectif d’associations, constitué de seize associations particulièrement impliquées dans la protection de l’enfance, a obtenu le label grande cause nationale. Ce collectif rassemble des associations auxquelles je tiens ici à rendre un hommage particulier pour leur engagement dans la protection de l’enfance maltraitée. Leur compétence, leur efficacité et leur expérience doivent être un exemple pour tous et donc inciter à la mobilisation générale. Elles sont ainsi les partenaires de la grande cause nationale.
Le collectif a également pour vocation d’impulser les premières initiatives et de présenter des projets au titre de cette grande cause nationale. Ce label pourra également être décerné à d’autres projets relatif à l’enfance maltraitée ayant obtenu l’accord du Comité scientifique et technique.
Le Comité scientifique et technique regroupe douze experts issus des milieux médicaux, éducatifs et administratifs.
C’est l’instance qui octroie le label de la grande cause aux projets associatifs. Il a notamment pour objet de vérifier qu’il existe entre tous ceux-ci une certaine cohérence, sans entraver leur liberté, et qu’il ne s’y glisse pas de maladresse pouvant affecter la perception du message.
Le collectif d’associations est soutenu par un comité de parrainage qui regroupe des personnalités particulièrement engagées dans la cause des enfants. Il a pour vocation de conduire cette action tout au long de l’année par des prises de parole publiques.
Afin de coordonner les différentes instances présentées et la communication de la grande cause, un secrétariat permanent est assuré par Madame Marceline Gabel, dont chacun connaît la compétence.
A la demande des associations partenaires, une charte « grande cause nationale 1997 » a été élaborée. Elle engage les membres du collectifs, les autres associations et le comité scientifique et technique.
Elle porte sur les critères retenus pour obtenir le label, les principes éthiques qui doivent être respectés et la transparence financière.
Elle engage aussi les membres du comité scientifique et technique et s’applique, pour les aspects éthiques, à toute action menée par l’agence de communication. Le comité de parrainage s’appuie également sur cette charte.
Le fléau de la maltraitance est complexe, et nous devons, pour le combattre, prolonger la révolte qu’il soulève en chacun de nous par une action patiente, résolue, réfléchie. C’est à cela que nous invite, je crois, l’événement qui nous rassemble aujourd’hui.
Je passe maintenant la parole à Madame Marceline Gabel, pour qu’elle vous présente les outils de communication de la campagne.
Conférence de presse - Salon mondial du tourisme 21 mars 1997
Vous savez tout le prix que j’attache au bien-être des enfants. Nous devons les choyer, eux qui constitueront les forces vives de notre société de demain. Je ne tolère donc aucune forme de violation de leurs droits qui ont été consacrés en 1989 dans une charte internationale, la convention de New York.
Après avoir mené la délégation française au Congrès de Stockholm, et je salue à cette occasion ECPAT, l’UNICEF, et toutes les institutions qui ont contribué à organiser cet événement, je me suis attaché à engager le gouvernement dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants.
Désormais, la protection de l’enfance maltraitée est considérée par le gouvernement comme un thème absolument prioritaire, puisqu’il l’a décrété grande cause nationale de l’année 1997.
Permettez-moi maintenant de me pencher sur cet aspect des choses qui nous mobilise plus particulièrement aujourd’hui : le tourisme sexuel.
Je tiens avant tout à saluer tous ceux qui se sont engagés dans la lutte contre ce nouvel esclavage et à rendre hommage aux hommes et aux femmes qui, partout dans le monde, viennent au secours des victimes et les aident à redonner un sens à leur vie.
En France, dans le cadre du plan d’action gouvernemental dont nous avons fait l’annonce le 20 novembre 1996, nous avons pris deux types de mesures : des mesures législatives, et des mesures d’ordre opérationnel.
D’un point de vue législatif, actuellement, le tourisme sexuel est réprimé de la manière suivante : les atteintes sexuelles sans violences sur un mineur de quinze ans et qui s’accompagnent du versement d’une rémunération, sont punies de 10 ans d’emprisonnement et d’un million de francs d’amende. Cette disposition est applicable non seulement aux faits commis en France, mais également aux faits commis à l’étranger par un Français, même si la loi étrangère ne les réprime pas, et même en l’absence de plainte de la victime ou de dénonciation officielle par le pays étranger.
Le projet de loi qui sera prochainement soumis au Parlement, propose d’étendre ce dispositif à toutes les infractions à caractères sexuelles commises contre des mineurs (viols, agressions sexuelles, atteintes sexuelles sans violence et même sans rémunération). Il vise aussi à étendre l’applicabilité de la loi française aux étrangers qui résident habituellement en France. Enfin, il prévoit la responsabilité pénale des personnes morales pour le délit d’association de malfaiteurs, ce qui permettra de mieux sanctionner les entreprises qui organisent les activités du tourisme sexuel.
La France joue un rôle moteur dans ce domaine, et nous convaincrons petit à petit nos partenaires européens et internationaux du bien-fondé de cette position. Nous avons besoin d’une mobilisation internationale pour vaincre ce mal.
Si par exemple, l’action commune du 24 février 1997, adoptée par le Conseil de l’Union européenne lors du Conseil « Justice et Affaires intérieures » du 29 novembre 1996, relative à la lutte contre la traite des êtres humains et à l’exploitation sexuelle des enfants, réserve encore aux Etats membres de l’Union européenne la possibilité de se prévaloir du principe de la double incrimination, elle prévoit en son article C du titre II, que les Etats en question « assurent que cette exigence ne nuise pas à l’efficacité des mesures prises à l’égard de leurs ressortissants… suspectés de commettre » des infractions de tourisme sexuel. Cette disposition a été obtenue à force de négociations en faveur de la mobilisation dont nous avons besoin pour combattre ce fléau.
D’un point de vue opérationnel, le plan d’action gouvernemental insiste sur la nécessaire prolongation sur le terrain des actions diplomatiques menées au siège des organisations internationales du système des Nations Unies ou européennes. A la suite d’instructions envoyées à nos postes diplomatiques, des contacts ont été établis à la fois avec les autorités des pays auprès desquels ils sont accrédités et avec les représentants locaux des organisations internationale telles que l’UNICEF et le HCR.
Un axe important de ce travail est la coopération judiciaire et policière, qui a permis de générer un intérêt croissant des pays victimes du tourisme sexuel, pour coopérer avec la France dans le cadre de nos conventions d’entraide judiciaire. Récemment, un accord d’entraide pénale, général, car ce sujet ne peut être isolé des autres domaines de la coopération bilatérale, a pu être négocié avec l’Inde et la Thaïlande. Un tel accord a déjà été signé avec le Brésil, et d’autres pays victimes du tourisme sexuel ont manifesté un intérêt à coopérer avec la France.
D’autre part, nos inspecteurs de police détachés auprès de nos ambassades ont été sensibilités par une circulaire afin de les voir renforcer la coopération avec la police locale. Ils se sont engagés dans ce domaine et organisent des formations des policiers locaux en matière de détection et de dénonciation de ces crimes, ainsi que l’aide aux victimes, notamment aux Philippines. Les polices locales sont désormais très demandeuses de coopération avec nos postes.
La prise de conscience internationale du fléau que représente l’exploitation sexuelle des enfants a par ailleurs eu pour conséquence le durcissement des législations en matière d’infractions à caractère sexuel, et de leur application, dans les pays occidentaux comme dans les pays en développement, et ce également à l’égard des étrangers.
Pour ce faire je m’emploie également à aider, essentiellement financièrement, les ONG françaises ou locales qui travaillent sur le terrain, dans le domaine de la prévention, de la réinsertion ou plus généralement de l’aide aux victimes.
Les associations ont récemment présenté des projets qui témoignent d’un engagement très fort et très concret et démontrent de la diversité des réponses qui peuvent être apportées au phénomène de l’exploitation sexuelle des enfants. Ces projets relèvent la nécessité d’informer sur les dangers encourus par les enfants vivant dans la rue, de proposer une alternative réelle à ces contraintes de vie et de favoriser l’éducation, sous différentes formes, pour permettre l’insertion.
Enfin, le lutte contre le tourisme sexuel passe nécessairement par une sensibilisation et une mobilisation des professionnels du tourisme. En effet, la majorité de ces professionnels ne contribue pas volontairement au développement de la prostitution enfantine. Mais, le cas échéant, ils seront poursuivis pénalement et seront exclus des associations des professionnels du tourisme. Ces dernières ont un rôle éthique à jouer, pour que leur clientèle soit responsabilisée. La mobilisation des professionnels du tourisme a été renforcée par le colloque organisé par ECPAT le 11 mars dernier sur le tourisme sexuel.
Je suis particulièrement heureux de pouvoir annoncer aujourd’hui le début de la coopération entre le Secrétaire d’Etat à l’action humanitaire d’urgence, la Fédération française des techniciens et scientifiques du tourisme (FFTST), le Syndicat national des agents de voyage (SNAV) et l’ONG Groupe Développement pour trois programmes dans le cadre de la grande cause nationale pour l’enfance maltraitée et la lutte contre le tourisme sexuel.
D’une part, nous nous engageons ensemble dans une campagne d’information en direction des professionnels du tourisme et des touristes, vers une information permanente en lien avec tous les acteurs du tourisme. Monsieur Barioulet, de Groupe Développement, vous présentera les détails de cette campagne.
En outre, nous considérons l’éducation comme un moteur pour le changement et nous mettons en place un programme de formation en direction des étudiants et formateurs des écoles de tourisme et d’hôtellerie. La stratégie de mise en œuvre de ce programme sera élaborée à la fois en coopération avec les professionnels du tourisme et dans le cadre de la commission internationale du Groupe permanent interministériel pour l’enfance maltraitée dont la structure vient d’être réformée dans ce but.
Enfin, nous lançons un programme de rechercher concernant le tourisme comme moyen de développement dans les pays affectés par la pauvreté, les inégalités sociales et tant d’autres souffrances, et de ce fait de prévention du tourisme sexuel.
Permettez-moi de passer maintenant la parole à Hervé Barioulet qui vous donnera les détails pratiques de mise en œuvre de ces programmes.
Pour ma part, je remercie vivement ceux qui m’aident dans ce combat. Continuons ensemble à mobiliser ceux qui ont une responsabilité dans ce domaine.