Texte intégral
M. le ministre : Pardonnez-moi, je suis très en retard.
Bonne année d’abord. J’ai eu l’occasion de croiser certains d’entre vous, d’autres pas encore. Collectivement pour ceux que j’ai déjà vus et directement pour ceux que je n’ai pas encore vus, je vous souhaite… Que peut-on souhaiter à des journalistes qui ont la lourde tâche, entre autres, de suivre ce qui se passe au ministère de l’Économie et des Finances ? D’avoir beaucoup d’informations ? Alors, je vous le souhaite.
Je voulais dire un mot sur deux ou trois choses, puisque je ne parlerai pas de l’affaire des chômeurs. Le Premier ministre a fait les annonces qu’il voulait faire. Il a passé la journée avec Martine Aubry dans les consultations qu’il a annoncées. Il y a de toute façon la réunion des ministres à 11 heures, traditionnelle d’un jeudi sur deux. Évidemment, cette question y sera discutée, mais la décision gouvernementale ne sera annoncée que demain. C’est ce qu’il y avait dans le communiqué. N’attendez pas de moi, évidemment, de ce point de vue, que je vous dise grand-chose, si ce n’est ce que j’ai déjà dit, à savoir que la contribution de ce ministère aux problèmes en général que pose la situation des exclus passe par un sujet précis lequel on a commencé à travailler, principalement Marylise Lebranchu, qui est la question du surendettement sur laquelle j’avais annoncé que l’on préparait pour le DDOF des mesures pour améliorer la situation des dossiers de surendettement.
Grosso modo, il y a un petit tiers, 30 % des dossiers de surendettement qui passent devant les commissions et qui ne trouvent pas de solution satisfaisante. Cela était déjà dans le tunnel. J’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer. Cela prend un peu plus d’actualité. C’est un aspect directement lié à l’activité financière.
Sinon, un point important d’organisation de la Maison. Comme je l’avais annoncé, mais je ne suis pas sûr que cela vous ait beaucoup marqué, a été mis en place un Comité de Stratégie Fiscale présidé par Jean-Pascal Beaufret, qui a pour mission de faire, d’ici deux mois et demi, trois mois, des propositions sur les trois sujets dont j’ai dit à l’Assemblée nationale qu’ils seraient les journées d’étude en matière fiscale pour l’année qui vient :
- fiscalité patrimoniale : réflexion dans le cadre du prélèvement existant aujourd’hui ;
- fiscalité locale, qui est le chantier principal, avec tout en haut de la liste la question de la taxe professionnelle.
Je ne vois pas les sourires s’ébaucher sur vos lèvres mais je les devine derrière vos fronts, vieille tarte à la crème, en tout cas vieux serpent de mer. Il reste que le fait que ce soit un serpent de mer n’empêche pas que ce soit un vrai problème. Il faut donc avancer. Des travaux ont été faits : il y a un an, un rapport du Conseil national des Impôts. Bref ! Il y a une masse d’information et de gens très savants qui réfléchissent sur cette question. On ne peut pas décemment considérer que l’on va rester jusqu’à la fin des temps avec une taxe professionnelle structurée comme elle est.
Quelles que soient les difficultés, il y a besoin d’avancer, notamment de simplifier. C’est un des grands sujets - cela n’a rien d’un scoop puisque je l’ai déjà dit à plusieurs reprises - de la préparation de la Loi de Finances pour 1999.
Troisième morceau : ce que l’on appelle la « fiscalité écologique ». Le problème n’est pas tellement de remettre en cause des « trucs » existants qui ne marcheraient pas très bien. Il y a une intervention pour notre pays, qui est particulièrement en retard, d’éléments de fiscalité liés aux questions de l’environnement.
Cela fait trois paquets, mais dont il est clair que le principal, de très loin est celui qui concerne la fiscalité locale. Je parle de la taxe professionnelle ; il peut y avoir des choses concernant la taxe d’habitation. La taxe professionnelle est au cœur du débat, mais des réflexions sont également à mener sur la taxe d’habitation. Bref ! Il y a un toilettage de cette affaire de fiscalité qui est pour moi un des grands chantiers de l’année qui vient.
Il y a un grand chantier - je le dis pour faire le panorama, parce que je n’ai pas de nouvelles particulières à donner dessus - qui est évidemment celui de l’euro. Les travaux se poursuivent pour fournir vers la fin du mois - je l’espère - la charte pour les PME, charte à laquelle l’AFB et quelques autres organisations professionnelles ont accepté de participer. L’idée est de définir de règles du comportement - une charte est une charte ; ce n’est pas plus qu’une charte mais ce n’est pas négligeable - établissant une bonne manière de faire entre, notamment, les secteurs amont, les secteurs aval, les grosses entreprises et les PME, etc., dans le cadre de ce passage à l’euro où l’on voit bien que les difficultés qui peuvent exister, qu’il faudra surmonter, ne relèvent pas d’un problème réglementaire mais simplement des pratiques. Il faut donc essayer de se mettre d’accord sur des pratiques satisfaisantes, notamment en direction des PME.
J’ai lancé l’idée de cette charte il y a deux mois et demi ou trois mois. Plusieurs associations professionnelles, notamment les banques, ont accepté d’y travailler. On est dessus avec la CG-PME et d’autres.
Il y a un troisième grand domaine sur lequel l’année devra donner lieu à des développements, à savoir tout ce qui concerne les marchés publics. Vous savez qu’une réflexion avait déjà été engagée par mon prédécesseur. Elle est poursuivie. C’est un sujet extrêmement compliqué. On voit bien que, notamment dans les marchés publics passés par les collectivités locales, mais pas seulement celles-là, on a aussi un système qui a besoin d’être revisité.
Dans mon calendrier, il faudrait que cette affaire soit prête, grosso modo, à la fin du premier semestre 1998. On devrait pouvoir tenir. C’est un gros sujet qui a l’air un peu technique comme cela - pardonnez-moi de m’y arrêtez un instant - parce qu’il engage l’ensemble des pratiques, notamment de toutes les communes avec leurs fournisseurs, la protection juridique dans les procédures de choix, les problèmes de concurrence, les offres anormalement basses, bref un ensemble de sujets qui distordent considérablement les pratiques concurrentielles et qui sont à l’origine, de la part des entreprises comme des collectivités locales, de récriminations incessantes. Il n’y a pas que les collectivités locales mais aussi les marchés publics de l’État. C’est surtout sur le problème des collectivités locales que j’ai des préoccupations sérieuses.
Pour finir sur l’interne, un certain nombre de travaux sont conduits. Vous me rappelez que j’ai confié à Mrs Boisson et Milleron une réflexion sur les structures du ministère de l’Économie, Finances et Industrie. Leur rapport définitif doit être remis fin janvier ou début février. Derrière, il y aura les choix que je serai amené à faire et ensuite la concertation avec les structures syndicales pour mettre en œuvre ce qui aura été arrêté.
Pour finir avec les calendriers, puis on parlera de cette affaire-là, puisque je vois qu’il a été prévu de vous en montrer des images, je vous confirme, parce que c’est une question qui peut venir, les dates en matière d’opérations de mise sur le marché.
Pour le CIC, la décision définitive devrait intervenir vers la fin du mois de mars.
Ce qui est notable, mais vous le savez, c’est que, contrairement à ce qui s’était passé dans la première tentative, il y a de très nombreuses marques d’intérêt. Aujourd’hui, plus de 5 candidats se sont manifestés. Ce n’est pas à moi de les nommer, c’est à eux de rendre public leurs intentions s’ils souhaitent les rendre. Ils se sont manifestés auprès du ministère.
La DATAROM a été ouverte lundi. Le fait qu’il y ait un assez grand nombre de candidats, puisqu’on les cherchait plutôt la fois précédente, est une bonne preuve de l’intérêt que suscite ce réseau, qui est un réseau de qualité. Évidemment, le vœu que je formule est que tout cela facilite ou participe de la restructuration de notre système bancaire. Fin mars, l’affaire devrait être terminée.
Quand au GAN, qui suit derrière, le cahier des charges sera disponible début février. Comme je l’ai déjà dit, je crois, avant l’été on devrait avoir réussi à terminer l’opération GAN également.
Là-dessus, Francis Lorentz a remis un rapport que je lui avais demandé sur le commerce électronique. Cela peut vous sembler être un sujet secondaire, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Certains d’entre vous pensent comme moi que c’est un sujet majeur, non pas simplement le commerce électronique mais l’ensemble de ce que nous avons à faire en matière de société de l’information. Le Premier ministre s’exprimera bientôt là-dessus. Dans cette affaire de commerce électronique, il y a énormément de choses à faire, de coups à prendre et d’opportunités à saisir.
Je suis convaincu que c’est un sujet tout à fait majeur pour les 10 ans qui viennent. La première phase de ce que je souhaitais est maintenant achevé ; Francis Lorentz a remis un rapport extrêmement intéressant sur cette question. La deuxième phase s’ouvre, qui est celle où ce rapport est sur le Net et où nous attendons de la part des utilisateurs courants, entreprises ou particuliers, au travers d’un forum qui va vous être rapidement présenté, une discussion qui va durer 6 semaines. Au bout de cela, on verra comment la procédure se poursuit, notamment comment peut se mettre en place une sorte de conférence réunissant les opérateurs, gérée par eux-mêmes, mais qui serait un lieu où la discussion et les propositions pourraient jaillir. On verra. Je ne vais pas préjuger de toute cette consultation. Ce serait absurde. Vers le 15 février, on devrait être en état de commencer à s’organiser pour répondre à ces questions, en dehors des questions qui concernent directement l’État et des décisions à prendre pour l’État.
On voulait vous montrer comment fonctionne ce forum. On voudrait inciter le plus de gens possible à venir y participer.
M. Boujnah s’occupe de ces questions. Si, parmi vous, il y a des internautes passionnés, c’est lui qui doit être votre correspondant direct.
M. BOUNAH : Sur le site du ministère, la page d’accès permet de faire apparaître les principales réflexions du ministre. L’actualité aujourd’hui, c’est le commerce électronique. Le rapport de Francis Lorentz est disponible, dans sa synthèse en tout cas, en trois langues (français, anglais et allemand). Le texte du rapport intégral est également disponible sur le web.
S’agissant d’une question aussi complexe, il a paru utile de s’adresser, de manière simplifiée, aux différents acteurs d’abord. Les citoyens, les consommateurs, les entreprises, les pouvoirs publics et les partenaires internationaux pourront, grâce à cette petite fonction de recherche, accéder directement au paragraphe du riche rapport Lorentz qui les concerne.
S’agissant également d’enjeux qui concernent l’ensemble de la vie quotidienne et d’un nombre important de fonctions de l’État, il a paru utile de permettre une recherche au sein du rapport à travers des actes aussi simples qu’acheter, payer, communiquer, entreprendre et, pour les fonctions de l’État, la protection, l’incitation, la standardisation des normes et de la réglementation.
Enfin, pour faciliter l’exploitation par les professionnels du rapport, les faits et chiffres bruts sont présentés de manière assez accessible, les exemples étrangers aussi et, enfin, un certain nombre de propositions du rapport Lorentz.
Deux fonctions mineures sont présentées. La possibilité pour quiconque de télécharger le rapport, la possibilité de commander le rapport. C’est une illustration du commerce électronique. C’est notre petite amazone, point com. Il y a une difficulté particulière. On voir là l’illustration des contradictions du commerce électronique puisque le paiement devra continuer à être fait par chèque compte tenu des règles actuelles de la comptabilité publique.
Le plus important est que ce forum de discussion est ouvert en trois langues (français, anglais et allemand) et il permet à chacun d’apporter sa contribution. Il y en a déjà un certain nombre d’une entreprise, d’une personne privée, d’un ingénieur. Il permet à chacun de faire connaître ses commentaires et ses propositions sur le rapport Lorentz, de lire les autres contributions.
Ce forum sera animé par le groupe de travail de Francis Lorentz qui, une fois par semaine, réagira en formulant des commentaires et en répondant. L’ensemble de ces contributions sera analysé dans le cadre des autres contributions prises en compte dans la préparation des mesures.
Je vous remercie.
M. le ministre : Y a-t-il des questions sur ce point précis ?
Un intervenant : Je poserai une question sur le rapport. Je sais que c’est prématuré car vous n’avez pas eu beaucoup de temps pour le digérer. On a parlé d’un rattrapage sur les nouvelles technologies et de l’intervention du Premier ministre sur ce rapport. Ce sont des étapes floues. Que va-t-il se passer concrètement ? Pourra-t-on payer ses impôts, l’an prochain, par Internet ? Concrètement, avez-vous une idée de ce qui va se passer ?
M. le ministre : Vous avez raison, la situation française était probablement en retard non pas par rapport à tout le monde mais par rapport un certain nombre de pays, en tous cas nos grands concurrents et nos grands partenaires. Le redémarrage, la volonté de rattrapage ne font pas que, demain matin, ce sera rattrapé. Je ne le prétends pas du tout. Il faut mettre les bouchées doubles, pas seulement sur le commerce électronique mais sur l’ensemble des questions. On a parlé d’Internet à l’école et d’autres sujets qu’il va falloir faire avancer. Cela ne se fera pas en cinq minutes.
L’objectif est double. Il s’agit d’une part, de lever tout ce qui est blocage, difficultés liées à des textes existants qui empêchent le développement du commerce électronique. L’exemple type est ce qu’a évoqué Stéphane Boujnah tout à l’heure et que vous reprenez, les modes de paiement. Cela renvoie à d’autres questions liées à la cryptologie, etc… Dans notre législation, des choses sont à faire bouger. D’autre part, il faut arriver à créer (cela prend du temps) une sorte de climat de confiance suffisant entre les consommateurs et les entreprises pour que la pratique n’apparaisse pas, pendant trop longtemps ou de moins en moins, exotique et réservée à une partie limitée de la population.
Évidemment, il va sans dire que tout cela est lié au développement d’Internet lui-même en France. Aujourd’hui, il y a 400 000 abonnés. C’est relativement peu. La croissance à attendre est assez forte. L’un et l’autre sont liés.
Dès l’année prochaine, peut-on dire qu’il se passera ceci ou cela ? Je ne peux pas répondre à cette question. Je peux répondre pour la petite partie qui n’intéresse personne ou peu de monde, qui concerne c’est-à-dire mon ministère. Pourra-t-on remplir tel ou tel formulaire par Internet ? La réponse est oui. On est sur une trentaine de formulaires administratifs, de demande de formulaires, etc…, qui pourront assez rapidement être faits par le biais d’Internet. C’est une partie minime de l’activité nationale. Pour le reste, cela ne dépend pas uniquement du ministère. On peut créer les conditions. Après, c’est le développement de ce marché que je crois très considérable, très porteur de problèmes si on ne traite notamment l’achat de produits ou de services hors des frontières, un certain nombre de problèmes que cela peut poser de fiscalité, de mode de paiement, etc…
L’idée est de créer les conditions qui permettent son développement. Après, le développement (je peux me tromper en indiquant qu’il est considérable mais je ne le crois pas) lui-même dépendra des entreprises et des consommateurs. Je ne peux donc pas répondre à votre question.
Ce qui est clair, c’est que l’on prend cela modestement. On est clairement en retard mais, on va avancer. La France a obtenu que cette question soit inscrite à l’ordre du jour de nos réunions européennes, à notre demande. Il y aura donc une discussion importante sur cette question. Un mémorandum français sera bientôt disponible sur les positions que nous proposons de prendre à l’Europe. Il est clair que, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres mais dans celui-ci, ce serait particulièrement absurde, des questions qui touchent à des problèmes de normalisations, de cryptologie, etc… doivent être des positions communes sur le plan européen. Il faut traiter de ces questions au niveau bruxellois. Cela n’avait pas encore été le cas, pas au niveau politique en tout cas. A la demande de la France, cela fait maintenant parti de l’agenda. Honnêtement, il y a encore du temps devant nous avant que l’on ait une position clairement affirmée qui ne se limite pas (c’est légitime) à la position qui a pu exister jusqu’à maintenant : l’Europe aura sa propre position par rapport aux Américains. C’est un peu court, quand même.
On a fini sur ce point. Vous voyez bien notre regret de ne pas vous voir emballés mais que voulez-vous que l’on y fasse ?
Un intervenant : Sur CIC, vous est-il tout à fait égal que le repreneur soit un étranger ou un français ?
M. le ministre : Ce qui m’est égal ou pas n’a strictement aucune importance. Il y a une procédure de concurrence, ouverte qui donne les mêmes chances à tous les candidats si tant est que tous les candidats respectent parfaitement et de la même manière les éléments du cahier des charges. Je n’ai rien à dire au-delà de cela. Ce n’est pas une question de préférence. Les préférences de l’actionnaire qu’est l’État, ont été exprimées au travers des cahiers des charges. Le meilleur candidat est celui qui remplit le mieux le cahier des charges. Et, au demeurant, qui présente le prix le plus intéressant.
Un intervenant : Autre sujet, plus conjoncturel. Le gouvernement allemand a indiqué hier qu’éventuellement la crise asiatique pourrait avoir des répercussions plus importantes sur l’économie allemande qu’on ne l’avait supposé jusqu’à présent. Quelle est votre opinion, quelles sont les hypothèses de croissance ? (inaudible).
M. le ministre : La prévision est toujours un art difficile.
Que constate t-on depuis un mois ? Le dollar est au-dessus de 6 F. Il est même passé à 6,10 F hier. Les taux longs, comme on pouvait s’y attendre à la suite de la crise, sont au minimum historique. On est à 5 ou 5,2. De ce point de vue, ce n’est pas angoissant pour la croissance européenne.
Ce qui est non pas angoissant mais inquiétant et sérieux, c’est que la stabilisation asiatique ne semble pas totalement assurée. Il y a les bonnes nouvelles et les moins bonnes. Pour les bonnes nouvelles, on a évité le défaut de paiement du côté de la Corée. De ce côté, la situation est meilleure qu’elle ne l’a été. Les nouvelles indonésiennes, vous les connaissez comme moi, ne sont pas extrêmement réjouissantes. Le risque d’effet domino ne peut pas être totalement écarté. Le FMI doit continuer à jouer son rôle. Les pays concernés doivent se mettent en situation de remplir les exigences des programmes qui ont été définis. Pour autant, je ne vais pas vous donner le sentiment que j’ai l’impression que le problème asiatique est totalement résolu.
Quelles sont les conséquences sur notre croissance, à nous ? C’est votre question. La contribution de l’extérieur sera moins forte que prévue. On fait des prévisions sur combien. Évidemment, il y a une part d’aléa. Si la situation s’arrange plus vite, l’effet est moindre ; si la situation s’arrange moins vite, l’effet est plus fort. C’est une lapalissade. Les prévisions que l’on fait sur la diminution de la contribution de l’extérieur (c’est la raison de ma relative sérénité) sont compensées aujourd’hui par l’amélioration des prévisions par rapport à ce que l’on faisait il y a quelques mois, sur la demande domestique. Je reste avec ma prévision de croissance de 3 %. Le dollar, les taux longs, rien ne me fait penser le contraire. Mais, les contributions ont changé.
Lorsque j’ai présenté la loi de finances, peut-être certains d’entre vous étaient-ils là, je comparais déjà les contributions de l’extérieur et de la demande domestique entre 1998 et 1997. Je mettais en évidence le fait que 1998 aurait déjà une demande interne plus forte et une contribution extérieure plus faible que ce n’était le cas en 1996. Ce sera encore plus que cela, en réalité. A la fin du second semestre 1997, on est sur une pente de 3,5. La prévision 1998 n’est pas 3,5 notamment parce que l’on a ces questions. Avec un rééquilibrage des contributions, je continue de penser que nous sommes tout à fait en état aujourd’hui (s’il y a une catastrophe demain matin, c’est une autre chose) d’avoir ces 3% en 1998.
Mme AUGER : Vous avez parlé de la seule contribution que le ministère des finances pouvait avoir vis-à-vis des exclus. C’était le problème du surendettement. Si ma mémoire est bonne, le RMI ou la SS passent quand même par votre intermédiaire.
M. le ministre : Je ne crois pas avoir dit la seule. Si j’ai dit la seule, c’était une formule rapide.
Je voulais dire que c’était la contribution qui touche à une procédure directement gérée ou dont le ministère des finances a la responsabilité. Tout ce qui est financier, passe d’une façon ou d’une autre par le ministère des finances. Par ce canal, il est impliqué sur tout de ce qui peut être versé. En termes de procédures spécifiques, la SS ou autres, l’initiative et la réflexion incombent à d’autres ministères, en l’occurrence celui de la Solidarité. Après, que les caisses de l’État soient amenées à payer et que la discussion interministérielle conduise à ce qu’il est possible de faire ou pas, c’est évident. On est donc directement impliqué.
Le problème du surendettement ne concerne pas directement les ministères sociaux, du logement, etc. Il concerne directement Bercy. Je voulais montrer par là mais, j’ai été maladroit et je corrige, que le ministère de l’Économie et des Finances a aussi des activités propres qui ont des conséquences sociales. Ce sont des activités spécifiques qui sont de la responsabilité propre mais elles ont des aspects sociaux. Ce n’est pas seulement un ministère des cordons de la bourse. Il a aussi des activités qui ont des aspects directs avec la vie des gens. Mais, il y a tout le reste.
Mme AUGER : Si la croissance est respectée, si les prévisions sont respectées, croyez-vous qu’il restera de la marge pour aller au-delà des 3 % de revalorisation de la SS ou éventuellement relever les minima sociaux ?
M. le ministre : Vous avez dû arriver un peu en retard.
Mme AUGER : Non, très en avance !
M. le ministre : J’ai indiqué en commençant que je ne dirai pas maintenant, alors que le Premier ministre commence des consultations et qu’il a précisé que le Gouvernement s’exprimerait demain, ce que le Gouvernement va faire, ne serait-ce que parce que ces décisions ne sont pas prises avant ces consultations. Je ne vous dirai pas les décisions qui sont susceptibles d’être annoncées demain.
Mme AUGER : Je vous demande juste s’il reste de la marge.
M. le ministre : C’est un concept que j’ai du mal à comprendre. Un budget a été voté avec des crédits. Il existe tel qu’il existe. Il a été voté sur 3 %. Si, comme votre hypothèse, la croissance est bien de 3 %, le budget voté correspond à cette croissance.
Un intervenant (inaudible) :
M. le ministre : Si le Gouvernement décide de prendre un certain nombre de décisions, il fournira en même temps les voies pour lesquelles il entend financer ses décisions. Vous n’avez pas tort. C’est un problème indépendant de la question posée précédemment. Si la structure, à l’arrivée au bout de l’année, de la croissance sur la base de 3 % est plus interne qu’externe, cela a quelques conséquences heureuses en matière fiscale.
Un intervenante (inaudible) :
M. le ministre : Je ne sais s’il faut dire plus de marge de manœuvre. Vous savez bien le problème devant lequel est la fiscalité. C’était le cas de mes prédécesseurs et le mien pour cette année. A structure fiscale inchangée, chaque année rapporte moins. Ce sont les questions de fraude, de fuite sur la TVA notamment mais pas seulement. C’est cet effet que j’ai beaucoup de mal à faire comprendre. Mais, je suis un mauvais pédagogue. Si on ne change pas la loi fiscale, l’année suivant rapporte moins que cela ne rapportait l’année précédente. D’où le fait qu’il faut de nouveaux prélèvements pour arriver au même niveau d’impôts. Nous avons ce débat sur lequel je n’ai pas réussi à être très convaincant. En effet, je n’ai vu aucun d’entre vous écrire que, même s’il est vrai qu’il y a de nouveaux impôts, la pression fiscale n’augmente pas. Ce sera la réalité. En tout cas, cette situation existe.
Il est vrai qu’un rééquilibrage entre demande interne et demande externe va compenser ce phénomène. Mais, on a du mal à anticiper ce phénomène, par définition. On a du mal à l’apprécier à l’avance. Même si l’on sait que cela joue dans ce sens, on ne sait pas très bien pourquoi. Il y a la fraude intercommunautaire mais il n’y a pas que cela. Il est clair qu’il est moins facile que cela n’a pu être le cas il y a 20 ans, de prévoir les rentrées ficales. Dans ces conditions, je ne veux pas m’engager sur l’existence d’une quelconque marge (cela ne joue pas beaucoup, il ne faut pas exagérer) qu’il résulterait du rééquilibrage de la croissance parce que l’aléa est très grand sur le problème de la TVA. Il ne faut pas rêver.
Du point de vue logique, vous avez raison. Du point de vue quantitatif, personne n’est capable de dire ce que cela signifiera, à la fin de l’année, en termes de rentrées fiscales.
Un intervenant : Pour revenir sur l’Asie, voyez-vous, comme certains l’ont déjà dit, un risque de déflation à cause de la crise asiatique ? Étant donné que les choses n’arrêtent pas de changer, je ne sais pas si vous attendiez à une réunion d’urgence ou à une action du G7 pour s’adresser au problème ?
M. le ministre : Le risque de déflation, cela dépend de ce que vous voulez dire. Si vous voulez dire « dans certains pays asiatiques », formellement je ne le crois pas si la déflation est à la fois l’association d’une croissance négative et d’une baisse des prix, parce que, même dans les cas les pires, je pense que l’on aura au pire une stagnation de la production de ces pays. Mais on ne peut pas exclure que, dans tel ou tel pays, ce soit plus grave que cela. Je ne le crois pas.
Néanmoins, les effets, notamment sociaux, sont les mêmes, parce que passer d’un taux de croissance de 8 % à 0 ou 1,5 a les mêmes effets, même si formellement cela ne correspond pas à une définition rigoureuse.
Dans les autres pays, notamment en Europe, non. Il y aura évidemment un portage par la demande externe moins forte pour ces pays-là. Je vous rappelle, malgré tout, que cela ne représente que quelques pour cent de notre exportation. Ce n’est pas négligeable. Et puis, il y a les effets en cascade. Le résultat total est un peu plus que le problème des quelques pour cent. Quelques pour cent des exportations multipliés par une diminution du taux de croissance, cela fait une diminution mécanique, si l’on veut, de ce que l’on peut attendre sur la demande externe. Cela n’entraîne pas une déflation.
Cela aurait entraîné une moins forte croissance si nous n’étions pas par ailleurs dans une situation où, visiblement, nous avons été trop prudents - ce n’est pas un reproche que je fais à mes services - sur nos anticipations en matière de demande interne et européenne. Ceci compense grosso modo cela.
Sur le G7, votre question était : « Est-ce que je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait une réunion G7 ? ». Le G7 a été très fortement mobilisé. J’ai eu avec mes collègues du G7 de nombreuses discussions. D’ailleurs, vous avez vu que nous avons fait un communiqué commun à la veille de Noël, le 24 décembre. J’ai tendance à penser - mais il faut être modeste sur ces questions - que cela a contribué à arrêter la crise. Nous avons par ailleurs - c’est un secret de polichinelle -, pour ce qui est des quatre ministres européens des Finances appartenant au G7, Gordon Brown (?), Théo Waigel, Cao Champi (?) et moi, écrit à notre collègue japonais, lui proposant de prendre tel ou tel élément de réforme. Le G7 s’est mobilisé.
Il ne s’est pas mobilisé sous une forme spectaculaire d’une réunion ponctuelle. Cela ne s’est pas révélé nécessaire. Je ne pense pas qu’il vous ait échappé que les ministres des Finances du G7 se soient fortement tenus en contact au cours de ces derniers mois.
Une intervenante : A ce sujet, je voulais en savoir en peu plus. Cette semaine, le dollar a beaucoup monté. Avez-vous eu des contacts ?
M. le ministre : Excusez-moi, je ne vous ai pas comprise.
Une intervenante : Avez-vous eu des conversations au sujet du dollar cette semaine ? Est-ce que vous vous inquiétez un peu plus ?
M. STRAUSS-KAHN : Vous voudriez que l’on ait des conversations quand le dollar baisse et quand le dollar monte. Alors, on ne s’arrête jamais de parler !
Il n’y a pas eu de conversation sur le fait que le dollar soit un peu au-dessus de 6 francs. D’ailleurs, cela ne fait que revenir à une situation qui était celle de l’été, qui ne posait pas de problème à personne, en tous cas pas aux Français. Il n’y a pas eu de débat particulier sur cette question.
Un intervenant : Vous disiez que le FMI devait continuer à jouer son rôle. Pouvez-vous nous en apporter une précision à ce sujet ? On voit que l’Indonésie a présenté, la semaine dernière ou en début de semaine, un budget totalement irréaliste, probablement pour des raisons politiques. Cela n’a pas l’air de servir à grand-chose. Comment peut-on continuer ? Vous disiez aussi que la crise semblait être arrêtée, ou en tout cas que la position commune du G7 et d’autres pays industrialisés avait permis de freiner la crise.
M. le ministre : Vous êtes sceptique ?
Sur le FMI, c’est une position constante de la France que je soutiens avec force : il faut que les organismes de régulation internationale fonctionnent, soient renforcés. On a toujours plaidé pour un renforcement des quotas, vous le savez, avec d’ailleurs quelque succès à la dernière Assemblée générale du FMI. Il faut avancer dans ce sens-là. Je continue de penser qu’il faut que les instruments de règlements multilatéraux soient ceux qui sont mis en avant et soient utilisés pour ces affaires-là et qu’il faut éviter, au contraire, des pratiques qui seraient des pratiques bilatérales et plus obscures.
Pour autant, cela veut-il dire que cela marche toujours ? C’est moins net. Je pense néanmoins que, dans un certain nombre de cas récents, on voit que cela ne fonctionne pas trop mal, pas parfaitement, loin de là ; il y a beaucoup de choses à faire bouger. L’exemple de l’Indonésie que vous citez n’est pas faux. Les Indonésiens ne semblent pas être engagés dans la voie qui était dictée par la collectivité internationale.
L’exemple le plus frappant est la parité de la roupie qui a été choisie pour le dernier projet du budget puisque, si j’ai bonne mémoire, c’est au double de la parité du marché. Évidemment, cela pose un petit problème.
Le fait que, pour des raisons que je ne vais pas commenter ici, le Gouvernement indonésien ait été amené à présenter un budget qui, visiblement, ne semble pas être dans les clous ne change rien au fait que c’est par le FMI et par le renforcement des activités multilatérales que l’on doit intervenir. Sauf qu’en plus de cela, il y a évidemment tout le problème, dans de telles questions, des créances privées et de l’activité du secteur privé. Il serait complètement illusoire de croire que l’on peut venir à bout de situations comme celle que nous vivons maintenant en Asie uniquement par une action publique, le FMI épaulé, comme c’était le cas par la Corée, par un certain nombre de pays en deuxième ligne de défense.
Il est tout à fait clair que la mobilisation du secteur bancaire privé est nécessaire. Elle finit par être à l’œuvre, et c’est bien. Je veux donc dire que le FMI me paraît tout à fait important et qu’il faut renforcer cet aspect, mais je ne voudrais pas que vous le traduisiez comme : « C’est uniquement là que les choses se passent ». Pas du tout. C’est un aspect très important. La partie « secteur bancaire privé » est au moins aussi importante. Il faut être bien clair là-dessus.
Un intervenant : Le Conseil constitutionnel a censuré un article important du budget 1998. Quel commentaire avez-vous à en faire, notamment sur le fait que le déficit budgétaire se trouve aggravé de 1 milliard de francs ?
M. le ministre : Vous pensez à quel article ?
Un intervenant : Sur l’avoir fiscal.
M. le ministre : Article important, oui. Tous les articles sont importants. Vous savez ce qu’il en est. Le Gouvernement avait proposé au Parlement, qui l’avait adoptée, l’idée que les remboursements d’avoir fiscal pour les gens ne payant pas d’impôt, mais ayant droit à un avoir fiscal supérieur à ce que le calcul de leur impôt sur le reste de leurs revenus donnait, soient plafonnés, selon les cas, à des niveaux différents, suivant la situation de famille, etc.
Le Conseil Constitutionnel a considéré que cela rompait les conditions d’égalité devant l’impôt. Comme cela a toujours été la jurisprudence, l’avoir fiscal faisait partie intégrante du revenu, donc du calcul, etc…Vous avez lu comme moi l’arrêt du Conseil.
Je pense, pour ma part, que la mesure était socialement et économiquement justifiée. On peut être d’un avis différent. Je pense que c’était une bonne mesure. Le Conseil constitutionnel qui est là pour cela, considère que cela met en cause un des principes fondamentaux de l’égalité devant l’impôt, dont acte.
La question était : « Cela devait rapporter 900 millions. Évidemment, cela fait une recette en moins, cela aggrave donc le déficit budgétaire ». Non, cela ne l’aggravera pas à l’arrivée. En gestion dans l’année, on récupérera ces 900 millions.
Un intervenant : A propos de la taxe professionnelle que vous évoquiez la première fois précisément, avez-vous l’idée de reprendre le serpent de mer de la réforme de l’assiette ?
M. le ministre : Je vais être très franc avec vous, ce qui est toujours un risque ! Je vous ai dit : « On met en place un Comité de Stratégie Fiscale dirigé par Pascal Beaufret, avec le Directeur du SLF, un certain nombre d’experts. On va travailler sur ces questions. C’est ouvert ». Je dis simplement qu’il n’est pas responsable, de la part d’un Gouvernement, de dire, comme ont dit tous les gouvernements depuis longtemps - quelqu’un disait, il y a une quinzaine d’années, que c’était un impôt imbécile -, que cela ne va pas du tout, que cela crée des distorsions impossibles, que cela crée des distorsions dans le financement des collectivités locales comme dans la situation des entreprises, etc…, et de ne rien faire. J’exagère un peu.
Ce qui a été fait en réalité, au cours des années passées, a été une sorte de pincement de la cotisation de la taxe professionnelle payée par les entreprises entre un minimum et un maximum, tous les deux exprimés en pourcentage de la valeur ajoutée.
On voit que c’est quand même une procédure qui a des limites et qui, de toute façon, ne répond pas à une partie des critiques du système, qui est la concurrence que cela entraîne entre les communes se livrant à des chasses d’entreprises en offrant des taux de taxe professionnelle différents, avec évidemment des effets cumulatifs en matière d’injustice communale, puisque c’est par définition les communes les plus riches qui sont les plus capables de baisser leur taux et d’attirer le plus d’entreprises. On a un effet boule de neige. En termes d’aménagement du territoire, il y a là un phénomène très peu satisfaisant, en dehors du problème des entreprises elles-mêmes ; je parlais là des collectivités territoriales.
Tout est ouvert. Il faut donc avancer. Il faut arrêter de se cacher en disant : « C’est trop compliqué, cela va faire des drames, on ne bouge pas et on espère que rien ne va sauter ». Il faut avancer.
Si on veut avancer, toutes les propositions sont les bienvenues. Elles peuvent concerner l’assiette, les taux, la mécanique elle-même. Elles peuvent changer complètement le mode de financement des collectivités territoriales. La justification de cet impôt, c’est qu’il finance, à partir de l’activité économique qui s’y trouve, les collectivités territoriales. Ce principe-là, a priori, n’est pas remis en cause. Il est normal que contribuent au financement des collectivités territoriales les gens qui y habitent, qu’ils soient citoyens français ou étrangers, et les entreprises. Au-delà de ce principe, tout est ouvert.
Je ne dis pas que l’on va faire la révolution. Je ne dis pas que tout est ouvert pour dire : « On va tout remettre en chantier ». A priori, il n’y a pas d’idée préconçues. Je veux simplement que l’on se donne le temps - on a plusieurs mois de travail ; beaucoup de travail a été fait avant, on ne part pas de zéro - de voir ce qu’il est possible de faire. Il ne s’agit pas de tout chambouler pour le plaisir de chambouler, loin de là. Il s’agit de faire le plus simple possible, mais de corriger les défauts les plus évidents.
Un intervenant : Que signifie, du point de vue de la réforme de Bercy, le fait de nommer le directeur de la DGI à la tête de la réforme fiscale ?
M. le ministre : Cela signifie ce que je crois avoir déjà expliqué. Une des faiblesses de notre système fiscal - ce n’est pas la seule -, c’est son extraordinaire complexité. Je ne connais pas de système fiscal étranger, je ne suis d’ailleurs pas un spécialiste, qui soit particulièrement simple, mais le système français est particulièrement compliqué.
L’une des raisons de cette complexité vient de ce qu’il y a une séparation totale aujourd’hui, très large, entre ceux qui conçoivent l’impôt et ceux qui ont à la mettre en œuvre. Si l’on veut simplifier, il faut être capable de rapprocher ces deux ensembles. Je ne vois pas une seule entreprise dans laquelle on pourrait avoir une séparation forte, je ne veux pas dire totale, entre ceux qui, d’une certaine manière, conçoivent les produits, et ceux qui auront ensuite à les mettre en œuvre. Cela ne peut pas fonctionner.
Il faut un rapprochement. Ce rapprochement, on le fait au travers de cette idée de Comité de Stratégie Fiscale. Il est très important que ceux qui sont sur le terrain et qui mettent en œuvre l’impôt, qui rencontrent les difficultés des contribuables, puissent s’exprimer plus nettement sur les propositions de ceux qui conçoivent la fiscalité. Rapprocher l’administration des contribuables, tenir plus compte des avis de ceux qui sont les contribuables, ne suffit pas pour remplir cette mission mais passe aussi par cela.
Un intervenant : Concernant la fiscalité du patrimoine, avez-vous dit à Jean-Pascal Beaufret sur quels impôts devait porter sa réflexion et, surtout, quelle devait être la philosophie dans laquelle devaient s’inscrire ces propositions ? A t-il une sorte de lettre de mission ?
M. le ministre : La première réunion du Comité Syndical Fiscal est cet après-midi. On anticipe un peu.
Sur quels impôts ? `
La réflexion est le plus large possible.
Un intervenant : Sur la taxe professionnelle, je comprends bien. Si on dit « simplification », il y a tellement de travaux… Je comprends bien dans quel esprit il peut travailler. Sur la fiscalité du patrimoine, il y a une sorte de choix politique. Est-ce un choix d’efficacité économique, de redistribution ?
M. le ministre : On a aujourd’hui une fiscalité du patrimoine dont j’ai écrit pour ma part - cela ne suffit pas pour être vrai mais cela suffit pour que je le pense - qu’elle marche sur la tête. Elle est relativement mal conçue, aussi bien en termes d’équité fiscale qu’en termes d’efficacité économique. Je pense qu’il faut revoir cela. Ce que j’ai dit à l’Assemblée, beaucoup d’entre vous l’ont noté à l’époque, c’est que, de mon point de vue, c’est ainsi que la réflexion va être conduite, cela devait se faire à prélèvement constant sur le patrimoine. A l’intérieur de ce prélèvement qui existe sur le patrimoine, on doit certainement arriver à reconfigurer différemment, en ayant en tête ce que vous disiez, à la fois les objectifs d’équité et d’efficacité économique.
Là aussi, la réflexion est ouverte. Je conçois que c’est un peu frustrant. Je voulais vous annoncer la mise en place du Comité et ne pas en parler sur le fond. Il est frustrant de dire : « On va travailler pendant trois mois, je vous en parlerai dans trois mois ». Aujourd’hui, la seule chose que je puisse vous dire est qu’il n’y a pas de tabou. On va regarder les choses « très à plat ». On se donne trois mois pour le faire. Malheureusement, je ne peux pas vous alimenter beaucoup plus.
Un intervenant : Comptez-vous vous inspirer, dans ces réflexions, du travail qui a été fait par vos homologues néerlandais avec le plan de fiscalité pour le troisième millénaire ?
M. le ministre : Il y a deux sources majeures, en dehors de la réflexion de ceux de ceux qui participeront à ce Comité. Différents rapports ont été faits en France, successifs, pas trop anciens. Puis, il y a évidemment ce qui a été fait dans d’autres pays, de niveau de développement comparable, qu’il faut regarder. Cela ne veut pas dire qu’il faut les faire comme ils les ont faits. Il faut regarder. On ne pourra pas parler de la réforme fiscale allemande parce que c’est un peu « encarafé ». Mais, d’autres pays (Hollande), sur tel ou tel sujet, ont des pratiques différentes. On va regarder tout cela de façon « très à plat ». J’ai conscience de couvrir le champ mais je n’y réponds pas. Nous sommes au débat de cette réflexion.
J’avais annoncé, lors de la loi de Finance, que l’on commencerait début 1998. Quand le Comité en question aura fini ses travaux et que nous aurons, dans cette maison, arrêté un certain nombre de propositions, voire d’alternatives, le débat s’engagera plus largement au sein du Gouvernement. On consultera les Assemblées. J’ai indiqué aux Parlementaires, aussi bien à l’Assemblée, au Sénat, qu’en commission des Finances, que dès que nous aurons pris des positions, mais ouvertes (non pas on veut faire ceci ou cela mais ceci ou cela), que nous aurons dégrossi le sujet, nous travaillerons en liaison avec ces commissions parlementaires. De la même manière, il y aura des acteurs sociaux (collectivités locales, associations patronales, etc…) à consulter. J’ai prévu deux mois et demi, peut-être trois mois, pour l’élaborer ; ensuite, de nouveaux deux mois et demi, trois mois, pour avoir cette discussion avec les différents partenaires de sorte que l’on soit prêt pour la préparation de la loi de finances.
Va-t-on utiliser ce qui a été fait ici ou là ? Le meilleur spécialiste de la fiscalité dans notre pays, c’est le SLF. Autant je disais qu’il paraissait important de rapprocher les concepteurs et les acteurs de la fiscalité du point de vue de l’administration, autant il était clair qu’il y a, au SLF, un ensemble de compétences considérables et une mémoire très importante. Il ne faut pas réinventer le fil à couper le beurre tous les jours. C’est un ensemble de compétences que j’ai pu apprécier, qui est tout à fait considérable. Si le SLF, en France n’était pas ce qu’il est - je ne veux pas faire de cocorico ridicule -, nous n’aurions sans doute pas collectivement abouti à la solution que nous avons trouvée, au niveau européen, sur l’harmonisation fiscale et le code de bonne conduite. De nombreux points, qui peuvent paraître mineurs mais qui chaque fois débloque une discussion, ont été apportés par tous les services de tous les pays, notamment très fortement par le Service de la Législation Fiscale. Je compte donc beaucoup sur ce que nous avons dans la Maison. On consultera très largement, y compris à l’étranger, mais je compte beaucoup sur ce que nous avons dans la Maison pour que cette réforme puisse avancer.
Je croyais vous donner juste un point d’information sur ce point.
Un intervenant : Le SLF n’a pas pu empêcher que l’État rembourse entre 25 et 30 % de la taxe professionnelle (…inaudible…). Quel est votre objet ? Est-ce de limiter le remboursement, de le stabiliser, de le faire décroître, de permettre à l’État de se retirer de cette énorme dépense chaque année ? Est-ce possible ? Par quels moyens ? N’est-ce pas l’argument politique qui bloque tout ?
M. le ministre : Je vais être franc. Si je vous disais que ce problème ne m’intéressait pas, ce ne serait pas vrai. La contribution de l’État en direction des collectivités territoriales, au titre de la taxe professionnelle, est devenue explosive. Elle a été gelée par mes prédécesseurs. On est dans un système qui est complètement idiot. On a une dérive qu’on ne voulait pas. On met un chapeau dessus pour la bloquer. Cela n’a aucune signification économique. C’est sans doute inévitable.
Je ne conteste pas le fait que lorsqu’un système dérape, il vaille mieux le corriger comme cela a été fait. Au bout d’un moment, il faut revoir l’ensemble du système. On ne peut pas continuer à avoir des machines à vapeur qui tiennent avec des bouts de ficelle.
L’un des éléments qui montre que la taxe professionnelle ne peut pas rester en l’état, c’est ce que vous venez de dire, à savoir la charge budgétaire qui en découle. J’ai cité deux éléments plus directement liés aux acteurs économiques, sur les collectivités locales et les entreprises. Celui de l’État, vous avez raison, est un élément important.
Quels sont mes objectifs ?
Je suis trop ambitieux mais peut-être que, dans deux ou trois mois, j’en rabattrai. Mon objectif est qu’en gardant un prélèvement à destination des collectivités territoriales fondé sur l’activité économique - c’est le principe -, nous essayions d’avoir le prélèvement le plus simple, ayant le moins d’effets pervers en termes de distorsion de concurrence, d’attractivité du territoire pour les collectivités territoriales les unes par rapport aux autres, et le moins d’effets pervers pour les entreprises en termes de distorsion de concurrence également.
Vous me direz : « C’est tellement général que tout le monde peut-être d’accord avec cela ». Oui, mais le problème est : est-on capable d’y arriver parfaitement ? Je l’espère. Il faut que l’on fasse en sorte de tendre vers une situation de ce genre, de simplifier quelque chose qui aujourd’hui, en raison des correctifs successifs accumulés les uns par-dessus les autres, ressemble plus à une poupée russe qu’à autre chose. Au bout du compte, sans obligatoirement les atteindre parfaitement, il faut que l’on soit au plus près possible de ce que sont les objectifs d’un impôt de cette nature.
Vous avez raison, il y a cette dérive impossible, cette distorsion qui fait qu’un impôt local est aujourd’hui en partie remboursé par l’État pour permettre des dégrèvements. On a construit une tuyauterie impossible.
Honnêtement, sur les pistes à suivre, il faut que vous nous donniez, si vous le voulez bien mais vous ne pouvez pas trop faire autrement, deux mois et demi ou trois mois. Fin mars, on devrait être au bout. A ce moment-là, je vous donnerai les grandes pistes. Je pourrai être plus précis sur ce que l’on a commencé à étudier et les pistes qui nous paraissent utilisables.
Il faut que je sois à 11 heures à Matignon.
Un intervenant : Vous avez organisé hier une réunion en ce sens. Serez-vous tête de file aux élections régionales ?
M. le ministre : Vous avez quand même mis une heure avant d’y arriver !
Ce n’est pas une question qui concerne le ministère des Finances. Je ne vais pas épiloguer pendant des heures. Il me paraît important, ne serait-ce que pour des raisons de constitutionnalité, de ne pas mélanger les cartes. Un communiqué a été publié hier soir, tard dans la nuit. Je ne peux qu’en reprendre les termes. A l’unanimité, l’ensemble des têtes de listes socialistes et des premiers secrétaires fédéraux m’a demandé de conduire et, si possible, de gagner cette bataille ; je vais le faire.
Un intervenant : Si vous gagner, serez-vous disponible pour la présidence ?
M. le ministre : Je souhaite que ce soit possible mais je souhaite surtout que l’on gagne. Ce qui est extrêmement désagréable dans cette histoire, c’est ce que tout le monde fait semblant de croire que cette région est gagnée par la gauche. Elle est très loin d’être gagnée. Le candidat en face est un candidat de qualité. Cette région a toujours montré une majorité plutôt à droite. Aux dernières législatives, qui pourtant ont été positives pour la gauche, il n’y a pas eu de majorité de gauche dans la région Île-de-France. Cette idée folle qu’a priori l’Île-de-France allait basculer à gauche, n’est pas impossible, loin de là sinon je ne m’engagerais pas dans ce combat ; mais c’est très loin d’être fait. C’est pourtant le vrai sujet. On ne va pas épiloguer sur le reste. On va parler des sujets de fond, on va conduire ce combat. Si on est bon, on gagnera.
Je vais à Matignon. Je voulais vous dire, avant qu’on se quitte, que nous avons un traditionnel rendez-vous pour les vœux la semaine prochaine. Je croyais avoir compris qu’Alain Vernolles était votre porte-parole.
Je m’en excuse auprès de M. Vernolles, mon information est insuffisante. C’est M. Moretti. Vous y êtes tous bien volontiers conviés.