Interviews de M. Georges Sarre, vice-président du Mouvement des citoyens, dans "L' Humanité" du 16 janvier 1998 et dans "Le Parisien" du 17, sur la participation du MDC à la manifestation organisée par le PCF pour exiger un référendum sur la ratification du Traité d'Amsterdam et sur la construction européenne.

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Média : L'Humanité - Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien - 17 janvier 1998

Le Parisien : Le Mouvement des citoyens surprend en se joignant à la manifestation organisée dimanche par le PC…

Georges Sarre : Quand la souveraineté nationale est en jeu, il nous apparaît légitime et préférable que le peuple tranche. Le traité d'Amsterdam impose de transférer à l'Europe notre pouvoir de décision sur des sujets aussi fondamentaux que l'immigration ou le droit d'asile. Certes, sénateurs et députés peuvent aussi se prononcer sur cette question. Nous préférons que cela procède directement du peuple.

Le Parisien : Vous montez donc dans le train du PC…

Georges Sarre : Les conséquences du traité d'Amsterdam ne seront effectives que dans cinq ans, et la révision de notre Constitution ne devrait pas intervenir avant la fin de l'année. Cela dit, à partir du moment où un parti membre de la majorité plurielle a décidé d'organiser dès aujourd'hui une manifestation pour exiger un référendum, pourquoi ne pas nous y joindre ?

Le Parisien : Vous attendez du monde ?

Georges Sarre : Il n'est pas interdit de penser que, une fois encore, les chiffres de la préfecture de police différeront sensiblement de ceux des organisateurs…

Le Parisien : Serez-vous présent également au côté des chômeurs ?

George Sarre : Exprimer de la compassion, c'est normal et bien. Mais, au-delà, il serait utile de s'interroger sur les causes d'un chômage qui ne tombe pas du ciel, et qui doit quelque chose à l'Europe et au franc fort.

Le Parisien : N'est-il pas difficile pour le MDC de manifester alors que votre président, Jean-Pierre Chevènement, est aussi le ministre de l'Intérieur chargé de faire évacuer les ASSEDIC ?

George Sarre : Nous n'éprouvons pas plus de difficultés que Madame Voynet ou Monsieur Gayssot. Les partis de la majorité plurielle sont solidaires du Gouvernement. Nous avons voté le budget de la nation.


L’Humanité - 16 janvier 1998

L’Humanité : Le MDC appelle à participer à la manifestation de dimanche à Paris pour un référendum sur la construction européenne. Pourquoi une telle décision ?

Georges Sarre : Le Mouvement des citoyens est profondément attaché à la souveraineté du peuple. À l'intérieur des frontières, cette souveraineté, c'est la possibilité de choisir des dirigeants responsables de leurs choix devant les électeurs ; à l'extérieur, c'est la garantie que l'indépendance nationale est assurée face aux groupes de pression internationaux. Avec la construction de l'Europe, cette souveraineté a été, petit à petit, rognée dans ces deux dimensions. Mais elle ne l'a pas été de façon franche. Depuis Jean Monnet en effet, la construction de l'Europe s'est faite selon la stratégie du fait accompli, en empilant les décisions techniques. Ce processus ne relève en rien de la fatalité. Il y avait et il y a encore d'autres moyens de construire l'Europe. L'union des pays européens est en effet nécessaire, à condition qu'elle se donne deux objectifs : la coopération industrielle (et il existe plusieurs exemples de réussites industrielles européennes), et la confortation du modèle social européen. Force est aujourd'hui de constater que l'Europe de Maastricht n'a pas fait ce choix. Elle a procédé d'un choix encore inavoué. En ôtant aux États nationaux tous pouvoirs, la création d'une monnaie unique doit précipiter l'Europe vers la forme fédérale.
Que resterait-t-il, en effet, des pouvoirs budgétaires et monétaires de l'État avec une banque centrale indépendante de tout pouvoir démocratiquement élu, et un pacte de stabilité budgétaire perpétuant les critères de convergence ?
La finalité fédérale de l'Europe qui se construit apparaît encore plus nettement depuis la ratification du traité de Maastricht. J'en prendrais un seul exemple, en dehors de la question de la monnaie : l'extension de la procédure du vote à la majorité qualifiée dans le traité d'Amsterdam. Ce sont de nouveau pans de notre liberté qui nous sont arrachés. Demain, nos partenaires européens pourront nous imposer par exemple leur conception du droit d'asile. Pourrions-nous accepter le cas échéant que soit remis en cause le droit d'asile constitutionnel que nous venons d’instituer ?
On ne peut plus longtemps grignoter la souveraineté du peuple sans lui demander son avis. On ne peut s'engager dans l'aventure fédérale sans demander aux Français s'ils acceptent de mettre au placard la nation française. C'est pourquoi, plus que jamais, le Mouvement des citoyens demande un référendum sur le traité d'Amsterdam. En effet, il est légitime que le peuple se prononce quand il s'agit de la sécurité publique ou du droit d'asile en France.

L’Humanité : À quelques mois de l'annonce de l'arrivée de l'euro, vous affirmez que la monnaie doit se
placer au service de l'emploi. Quelle monnaie ?

Georges Sarre : Aujourd’hui - qui en doute ? - la seule monnaie d'usage sur notre territoire, est le franc français. Pour demain, ce qui est en jeu, ce sont les conditions de passage à l'euro. Je voudrais rappeler que pendant la campagne des législatives, Lionel Jospin a fixé quatre conditions préalables au passage à la monnaie unique : présence des pays latins, parité réaliste eurodollar, contrepoids politique à la banque centrale, pacte de croissance et d’emploi.
Ces conditions sont-elles aujourd'hui remplies ? Il me semble que non. Et j'en prendrai un seul exemple, la première condition, celle qui, hier encore, semblait la mieux acquise. Vous avez lu comme moi que le ministre des Finances des Pays-Bas s’oppose à l'entrée de l'Italie dans le premier train de l'euro. Rien n’est donc encore acquis. Ce qui surdétermine toute politique, notamment budgétaire, ce sont les critères imposés par le traité de Maastricht. Il en découle que toute amélioration sensible et durable de la situation économique et sociale passe par une réorientation de la construction économique.