Texte intégral
lundi 6 janvier 1997- vœux au personnel
Monsieur le président de la Bibliothèque nationale de France,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Nous sommes réunis, aujourd’hui, par une tradition un peu formelle mais que je crois juste, utile, nécessaire : la cérémonie des vœux. Avant toute autre parole, je souhaite vous présenter les vœux les plus chaleureux que je forme à votre intention, auxquels j’associe vos familles, vos proches, ceux qui vont sont chers. Que 1997 soit, pour tous, une bonne année.
Cette tradition des vœux me donne l’occasion de vous réunir, aujourd’hui, à la Bibliothèque François- Mitterrand, ainsi dénommée depuis que le président de la République a voulu honorer son prédécesseur, en donnant son nom à ce nouveau bâtiment de la Bibliothèque de France.
Avec l’ouverture récente au public, cette bibliothèque est passé du projet à la réalité. Elle marque, avec un peu d’avance, l’entrée de notre ministère dans le troisième millénaire. J’attachais du prix à ce que nous débutions, ensemble, cette année, dans ce lieu emblématique de notre administration, ancrée dans ses traditions les plus anciennes, mais aussi porteuse d’innovations.
Comme le Louvre a fait découvrir l’art aux Français, la Bibliothèque nationale de France-François- Mitterrand sera un centre d’accès, mais aussi de transmission du savoir, grâce aux nouveaux réseaux qui en feront une tête de pont de la culture française.
Ces quatre tours de verre, érigées dans ce nouveau quartier de l’est de Paris, sont là pour nous rappeler, telles des tours de garde, que le livre est le rempart de la démocratie. Ce n’est pas un hasard si les atteintes à la liberté commencent toujours par l’écrit. Il fut un temps, pas si éloigné, où on brûlait les livres par autodafé. Les méthodes ont changé ; elles se veulent plus subtiles ; elles obéissent à la même soumission.
Depuis que les hommes expriment leur pensée sur des tablettes d’argile, l’écrit concentre le refus de cette violence-là. Peu importe le support, qu’il soit livre ou CD-ROM. Le pluralisme est toujours un facteur de liberté ; si rien ne remplace l’intimité du livre, les réseaux de communication développent l’information qui y conduit.
La Bibliothèque nationale de France donnera le choix. Le lecteur traditionnel trouvera la quiétude des bibliothèques traditionnelles dans les belles salles aux tables de bois ciré, conçues par Dominique Perrault ; les autres pourront consulter, par CD-ROM ou réseaux interposés, ce formidable centre de ressources.
Je remercie M. Jean Favier et l’équipe qu’il a animée pour permettre cette ouverture, importante étape sur le chemin qui doit nous conduire, en 1998, à l’ouverture aux chercheurs du « rez-de-jardin ». C’est le rez-de-jardin qui sera, au plan scientifique, l’étape la plus importante. La rue de Richelieu se consacrera, de plus en plus, à l’histoire de l’art, à l’histoire des arts, avec le développement des départements spécialisés de la Bibliothèque nationale de France, des grandes bibliothèques spécialisées et de l’École nationale du patrimoine.
L’ouverture de la Bibliothèque François-Mitterrand aura été un moment particulièrement important pour notre ministère tout entier. Je voudrais aussi rappeler deux moments forts qui ont marqué la vie de notre administration en 1996.
Le premier est à mon initiative et marque mon souci de refondation de la politique culturelle de l’État. C’est la remise, en octobre, du rapport de la commission présidée par Jacques Rigaud, auquel j’avais demandé de conduire une réflexion sur la politique culturelle de l’État. J’y reviendrai.
Le second appartient à l’histoire, mais nous concerne tout particulièrement. C’est la commémoration, en novembre, du vingtième anniversaire de la mort d’André Malraux. André Malraux qui, en créant notre ministère, en 1959, fit de la culture, d’une manière déterminante pour l’histoire de la Ve République, une matière à part entière de l’action gouvernementale.
Cette coïncidence dans le temps est-elle fortuite ? L’action de Malraux et les réflexions de la commission semblent former les deux bouts d’une chaîne.
Grâce aux travaux remarquables du comité d’histoire, nous disposons des données qui nous permettent de dégager le sens de la politique d’un ministère ; dans le même temps, des hommes de culture d’aujourd’hui nous livrent leur réponse à la question posée de sa refondation. À nous d’en faire la synthèse, en y apportant notre expérience d’hommes et de femmes qui travaillent, au quotidien, au service public de la culture.
André Malraux avait une vision politique de la voie française de la culture qui ne s’appelait pas, encore, l’exception culturelle française. Il la nourrissait d’un sens de l’action, d’une vision de l’espoir, d’une volonté d’engagement.
C’est un magnifique héritage, pour nous tous, que d’être détenteurs du message du ministre fondateur, à la fois artiste, héros et homme de gouvernement. Sachons assumer et perpétuer cette grande ambition, pour la culture et pour l’administration de la République.
Vous savez que j’ai fait mienne la formule célèbre de Malraux – je le cite : « … Faire pour la culture ce que la IIIe République a fait pour l’enseignement : chaque enfant de France a droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma, comme à l’alphabet… ». Il nous faut consolider, dans la politique culturelle de l’État, une fidélité reconstruite et renouvelée à cette volonté.
Pour ce faire, il faut s’atteler à une refondation de notre ministère et, tout en respectant les principes qui ont présidé à sa création, redéfinir ses missions, parfaire ses méthodes, assurer ses moyens.
C’est le sens de la mission que j’ai confiée à Jacques Rigaud. Le rapport qu’il m’a remis est d’une grande richesse, conformément à ce que j’en attendais. Cette mission nous enjoint d’être à l’écoute de nos publics, comme de ce que les sociologues appellent nos non-publics.
Le terme n’était pas à la mode du temps de Jean Vilar. Mais c’était bien aux mêmes que s’adressait le TNP lorsqu’il voulait et qu’il parvenait à faire entendre – et surtout à faire aimer – Racine, Shakespeare ou Claudel à ceux qui n’avaient pas l’habitude de fréquenter le théâtre. Cette mission nécessite que nous fassions de l’aménagement culturel du territoire notre priorité.
Je souhaite que la fin de l’hiver soit consacrée dans notre administration à tirer, des suggestions émises par la commission Rigaud en matière de politique culturelle, de véritables plans d’action. Ils devront nourrir les réflexions pour un débat de politique culturelle, au sein du Parlement.
Ce que je souhaite c’est que le ministère de la culture, au-delà de son rôle primordial de soutien à la création, à la diffusion, à la protection du patrimoine, sache prouver que la culture constitue un lien social puissant : l’une des conditions même de notre cohésion nationale.
Pour cela, nous devons travailler à ce que la culture soit, véritablement, non plus un secteur, mais une dimension de l’action gouvernementale.
Nous devons le faire à tous les échelons de l’administration : l’échelon central ; les échelons déconcentrés – directions régionales des affaires culturelles et services départementaux de l’architecture et du patrimoine ; les établissements publics, dont je salue les présidents, les directeurs et les personnels.
C’est en cela que la réforme de l’État, à laquelle M. le président de la République est attaché et qui est appliquée par le ministère de la culture, doit nous permettre de progresser. Elle nous conduit vers plus d’interministérialité, plus de cohésion et de réflexion stratégique, une constante recherche de la simplicité des actions et des procédures et, à chaque instant, pour toute action, le souci de répondre, aussi bien que possible et de manière toujours plus adaptée, aux attentes de la société.
Cette organisation doit s’attacher à la maîtrise des équilibres fins qui doivent régir la matière culturelle, qu’il s’agisse du sort des industries culturelles, de l’aménagement culturel du territoire, de la mise en place d’un dispositif efficace et démocratique d’accès aux enseignements artistiques.
Elle doit s’y appliquer, d’abord, dans la diversité que nécessite la complexité des affaires culturelles. Elle doit le faire, aussi, dans une grande cohérence et une parfaite solidarité entre toutes les entités qui composent le ministère. C’est sur de véritables équipes de directeurs centraux, de dirigeants de services et établissements nationaux, de chefs de services déconcentrés que je veux compter.
Cette cohésion et cette complémentarité sont particulièrement nécessaires pour répondre aux attentes du pays et pour utiliser, au mieux, les deniers publics qui nous sont confiés, dans un contexte budgétaire, que vous connaissez.
Notre budget sera de 15,1 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Hors transferts de compétences et grands travaux, il représentera 0,97 % du budget de l’État, soit un chiffre très proche du symbolique 1 %
On a beaucoup parlé de l’étalement de la loi de programme sur le patrimoine : j’ai obtenu soixante-dix millions de francs de crédits supplémentaires, pour en limiter l’impact. J’ai également demandé à l’ensemble des services du patrimoine de se mobiliser, pour maintenir un même niveau d’engagement de crédits. Cet effort devrait porter ses fruits.
Je suis particulièrement attaché à ce que le ministre de la culture rééquilibre ses actions au profit du terrain local, aussi bien en matière d’intervention qu’en matière d’équipements.
Ce sont deux tiers des crédits d’équipement pour 1997 qui seront consacrés à cet effort de rééquilibrage, qui mettra l’accent sur deux types d’équipement culturel : les équipements lourds, qui structurent le réseau culturel, les équipements de proximité, qui en assurent le maillage.
Des institutions nouvelles, donc, seront construites en région : c’est la Maison de la mémoire de la Ve République, à Reims, projet conduit avec le ministère de la défense. C’est le Centre national des costumes de scène, aussi, qui sera accueilli, à Moulins, dans l’ancienne caserne Villars.
L’État aidera également les collectivités territoriales à édifier les équipements ambitieux qui peuvent contribuer à leur rayonnement culturel, mais aussi touristique et économique : ce sera le cas de l’auditorium de Dijon, du musée d’Art contemporain de Toulouse, du musée André-Malraux du Havre.
Je tiens à la poursuite de l’effort entamé, en 1995, par les actions de développement culturel dans la politique de la ville.
Je peux, aujourd’hui, affirmer que le programme national des projets culturels de quartiers, conçu comme un programme de lutte contre l’exclusion, a tenu ses promesses.
Il s’agissait de mener, dans les quartiers, un travail artistique et culturel avec les habitants. Vous le savez, des artistes réputés ont créé, par leur engagement, une véritable dynamique et une mobilisation qui a dépassé largement les quartiers des villes aidées.
La récente Biennale de la danse de Lyon, qui a rassemblé plus de deux mille jeunes venus de toute l’agglomération, en témoigne brillamment, de même que le film « Zone franche », réalisé avec les jeunes des Coteaux de Mulhouse, présenté à la Mostra de Venise.
Cette réussite, on la doit aussi à l’implication, sur le terrain, de l’ensemble des acteurs institutionnels dans les quartiers : aux côtés des directions régionales des affaires culturelles et des artistes, ce sont les centres sociaux, les organismes d’insertion des jeunes, les établissements scolaires, les centres sportifs, les municipalités, les sous-préfets en charge de la ville, les directions départementales du travail, les centres de formation professionnelle.
Voilà qui mérite d’être souligné : les jeunes – et souvent les moins jeunes – qui participent à ces actions sont, de ce fait, véritablement soutenus dans une démarche qui leur donne confiance, les ressources, les rend aptes à prendre des initiatives.
Quant aux crédits d’intervention, qui avaient bénéficié d’une hausse de quatre cents millions en 1996, ils seront maintenus. Voilà qui me permettra de réaffirmer mon attachement aux enseignements artistiques. C’est une tâche fondamentale, qui demande une mobilisation nationale.
Dans ce but, je proposerai au Parlement, ainsi que l’a approuvé M. le président de la République, un projet de loi sur les enseignements spécialisés de la musique, de la danse et de l’art dramatique, afin de clarifier les compétences de l’État et des collectivités locales ; de mieux répartir les enseignements sur le territoire ; d’assurer un enseignement de qualité à un coût raisonnable.
Il est un autre domaine, où un cadre législatif rénové sera présenté au Parlement dès le premier trimestre de cette nouvelle année. Il s’agit du projet de loi sur la liberté de communication que j’ai présenté le 30 octobre dernier en conseil des ministres.
Il s’agit en l’espèce de redéfinir le cadre législatif actuel de la communication audiovisuelle – qu’il s’agisse de la télévision ou de la radio – pour l’adapter aux évolutions technologiques, économiques et internationales que le numérique va entraîner.
Les industries de programmes, qu’il s’agisse de l’industrie cinématographique ou de la production audiovisuelle, seront également au cœur de mon action.
Statut réaffirmé de la production cinématographique indépendante dans ses rapports avec les chaînes de télévision ; réforme de la procédure d’agrément des films, qui est au cœur du dispositif d’aide au cinéma que constitue le compte de soutien du Centre national du cinéma, voilà deux sujets essentiels pour l’avenir de notre cinéma et de notre industrie de programmes, qui seront ma priorité, dès le début de cette année.
Nous ne devons pas relâcher notre effort en matière d’architecture, cette dimension si importante du cadre de vie, de la formation du goût, de la sensibilisation artistique de toute la population.
Les écoles d’architecture bénéficieront d’une hausse importante de leurs crédits afin, notamment, de poursuivre la réforme pédagogique engagée. Les crédits consacrés aux actions de promotion et de diffusion seront fortement augmentés, afin de mieux sensibiliser les Français à cette forme d’expression artistique majeure et au cœur de nos préoccupations contemporaines, comme le prouvent toutes les interrogations sur les difficultés de la modernité urbaine.
Nous travaillerons d’une manière plus intense en matière de culture scientifique et technique, grâce à l’apport considérable d’expérience et de savoir-faire de la Cité des sciences et de l’industrie.
Cet effort sans précédent ne me conduit pas, pour autant, à négliger l’appui que mon département doit apporter aux institutions qui ont su gagner et fidéliser leur public. C’est le sens du maintien à un niveau historiquement très élevé des crédits d’intervention dont je dispose.
Je poursuivrai la politique de contractualisation des relations entre l’État et le réseau théâtral français. Il s’agit d’une politique qui, à mes yeux, a valeur d’exemple : elle permet un engagement réciproque en faveur d’une offre culturelle de qualité vers le plus large public. Elle illustre le renouveau d’un service public de la culture.
Les théâtres lyriques en régions, les grandes institutions chorégraphiques et musicales, les festivals de premier plan retiendront toute mon attention, comme en témoigne l’attribution récente du label d’Opéra national à l’Opéra du Rhin, après celui de Lyon.
Je veillerai surtout à soutenir les institutions les plus proches des publics, que ce soit en zone rurale ou en faveur de la chanson ou du jazz, aujourd’hui formes majeures d’expression. En 1997, un « Hall de la chanson » verra le jour au cœur du parc de la Villette, cet exemple quasi unique au monde de réussite d’intégration culturelle, architecturale et paysagère, où nous ouvrirons au publics, dans moins de trois semaines, le musée de la Musique.
Nous ferons cela dans le cadre d’une administration des affaires culturelles en permanente recherche de modernisation, qui confortera le mouvement de déconcentration qu’elle a accéléré depuis cinq ans.
Ce sont cinquante millions de francs de plus qu’en 1996, qui seront déconcentrés, selon des procédures qui responsabilisent, de plus en plus, les préfets et les directions régionales des affaires culturelles, sur lesquelles je compte comme l’armature de base de ce ministère.
Ce renouvellement d’ambition, ce renouvellement des méthodes, cette maîtrise de la gestion publique, c’est vous tous, fonctionnaires et agents du ministère et de ses établissements publics, qui les réaliserez.
Je mesure, depuis bientôt deux ans, quel capital de savoir-faire, de compétences professionnelles dans la grande diversité des métiers de la culture, quel souci de notre société, sont les vôtres. Je vous remercie de ce sens du service public de la culture qui nous réunit.
Je m’attache à améliorer vos conditions de travail ; à favoriser l’accès, à la fonction publique, des agents dont les statuts sont les plus précaires ; à renforcer votre capacité de formation.
Il y a peu de semaines a été signé par le président de la République le décret instituant une mission de préparation de l’an 2000, confiée au président du Centre Pompidou. Ce passage au troisième millénaire, ce n’est pas seulement sur cette mission qu’il doit reposer. C’est sur vous tous. C’est à vous qu’il revient de contribuer, par l’administration des affaires culturelles, à la cohésion.
Mon propos a été un peu long. Je n’ai pas si souvent l’occasion de m’adresser au personnel du ministère, dans une configuration si nombreuse.
C’est bien la responsabilité première d’une action politique de donner le sens, c’est-à-dire à la fois la signification et la direction.
Aux moments décisifs, qui sont tous des moments de passage, la France s’est tournée vers la culture, comme vers sa ressource profonde. Ensemble, aidons-là à franchir le cap de l’an 2000, à être, plus que jamais, le pays des lumières, de la raison et des arts, un havre de paix, un pays fraternel.
Je vous souhaite, à chacun d’entre vous, et à vos familles, à vos très proches, une bonne année 1997.
mercredi 8 janvier 1997 - vœux à la presse
Mesdames et Messieurs,
L’occasion qui, comme chaque année, nous réunit au moment du passage de la nouvelle année est, pour moi non seulement celle de vous exprimer les vœux que je forme pour vous, mais également celle de prendre le temps de réfléchir avec vous à ce que seront, en 1997, les grands axes de la politique culturelle.
Les objectifs que j’ai tracés, à mon arrivée rue de Valois, sont ambitieux : favoriser l’accès de tous à la culture, développer l’emploi culturel ; rééquilibrer l’offre culturelle entre Paris et la province. Ils traduisent, dans le champ culturel, les grandes priorités qui inspirent l’action du gouvernement : la réduction de la fracture sociale et le développement de l’emploi ; l’aménagement du territoire et la modernisation de l’État. Ils continueront, bien entendu, de guider mon action en 1997.
Année de continuité dans les objectifs, 1997 sera aussi une année charnière pour le ministère de la culture. Elle verra en effet s’ouvrir, conformément à la volonté du président de la République, des chantiers d’une importance capitale, qui vont renouveler profondément l’action et l’organisation du ministère.
Le premier de ces chantiers c’est, bien entendu, celui des arts premiers. La réalisation de l’antenne qui sera installée au musée du Louvre, dans le pavillon des Sessions, la préfiguration du futur musée du Trocadéro, qui prendra place dans l’aile Passy du Palais de Chaillot, la préparation du déménagement du musée de la Marine, qui rejoindra, dans le même mouvement, des locaux plus vastes et mieux adaptés, vont entrer, en 1997, dans une phase opérationnelle.
Cette grande opération illustre parfaitement, par-delà son intérêt en termes de politique culturelle, qu’il n’est besoin de souligner à quel point la culture est porteuse des valeurs fondamentales de la République.
La création du musée du Trocadéro et de son antenne du Palais du Louvre, symbole dont la portée se mesure aux saines polémiques qu’il a suscitées, illustrera en effet le respect que la France attache aux cultures autres, le dialogue qu’elle veut entretenir avec elles ; la reconnaissance de tout ce que sa propre culture leur doit.
C’est une conception forte et généreuse de la place de la France dans le monde, la traduction d’une vision de la société française qui, dépassant les frilosités délétères de cette fin de siècle, avec leur cortège de passions mauvaises, renoue avec les idéaux dont la République s’honore.
Le moment est d’autant plus heureux pour affirmer, avec force, notre foi dans ces idéaux qu’il nous revient, en 1997, d’engager la préparation de la célébration du troisième millénaire et de choisir de quelle voix la France parlera dans le concert des nations qui, toutes, se préparent à cette célébration planétaire. C’est le second des grands chantiers que nous ouvrirons cette année.
Une mission pour la célébration de l’an 2000 vient d’être créée par décret du président de la République. Son président est M. Jacques Aillagon, président du Centre Georges-Pompidou. Il m’appartiendra, pour préparer cette célébration, de coordonner, au nom du Premier ministre, l’action de l’ensemble des départements ministériels.
À l’aube du troisième millénaire, le ministère de la culture ne peut rester immuable. Le moment est venu d’une refondation de la politique culturelle de l’État, et c’est dans cet esprit que j’ai demandé à M. Jacques Rigaud d’animer, en 1996, une commission chargée de me proposer les bases de cette refondation.
Le rapport qui m’a été remis par M. Rigaud est d’une grande richesse. Il nous faut, maintenant, en tirer les conséquences. Aussi ai-je souhaité que s’engage, dans toute la France, une très large concertation sur ses propositions. Ces travaux, qui se poursuivent, vont nourrir les réflexions pour un débat d’orientation sur la politique culturelle, dont le Parlement sera saisi.
Je souhaite que le ministère de la culture, par-delà son rôle de soutien à la création, à la diffusion, à la protection du patrimoine, prenne la pleine mesure du fait que la culture est l’une des conditions même de notre cohésion nationale. C’est la raison pour laquelle je suis persuadé que la culture ne peut être seulement, aujourd’hui, un secteur administratif : elle doit être une véritable dimension de l’action gouvernementale.
Il s’agit bien, à tous les niveaux de l’administration, de décloisonner, d’ouvrir, de privilégier la transversalité, de se mettre en mesure, enfin, de répondre mieux et plus vite aux attentes fortes de la société dans le domaine culturel. Je veux un ministère plus ouvert, plus réactif, plus souple, qui soit présent sur tous les fronts de la culture et qui apporte la culture au cœur de la vie de tous.
Tel est pour moi, l’esprit de la réforme de l’État, voulue par le président de la République et par le Premier ministre ; là réside, également, l’enjeu de la culture pour tous, priorité fondamentale que le chef de l’État m’a assignée et qui inspire sans cesse mon action à la tête de ce ministère.
Le ministère de la culture n’est pas voué à la délectation des élites : il doit être au cœur de la société, pour assurer, partout où c’est nécessaire, les équilibres fragiles et essentiels qui font la richesse de l’offre culturelle, qu’il s’agisse de l’aménagement culturel du territoire, du soutien à toutes les formes de la création artistique, du dynamisme des industries culturelles.
Les industries culturelles, précisément, constituent un secteur dans lequel – le rapport Rigaud le note justement – l’approche par secteurs qui caractérise les structures du ministère, si elle a remporté des succès incontestables par exemple dans le domaine du cinéma, peut entraver notre capacité à anticiper et à accompagner les évolutions de ce secteur.
Il emploie 220 000 personnes ; il joue un rôle décisif dans la diffusion la plus large de la culture ; il est au nombre de ceux dans lesquels l’exception culturelle prend tout son sens et appelle la défense la plus vigoureuse.
C’est la raison pour laquelle j’ai accueilli avec un intérêt particulier la proposition de Jacques Rigaud de créer, au sein du ministère, une délégation en charge des aspects communs aux industries culturelles et un conseil national des industries culturelles où s’exprimerait cette transversalité.
Il est également indispensable de garantir que le nécessaire soutien aux industries culturelles ne fera pas perdre de vue l’aide que le ministère de la culture se doit d’apporter aux créateurs. L’équilibre entre les impératifs économiques des industries culturelles et la vitalité de toutes les formes de création artistiques est fragile et délicat ; le ministère a su le préserver.
J’entends maintenir cet acquis et que l’attention nouvelle prêtée au développement des industries culturelles soit mise au service de l’encouragement de la création artistique.
Année de lancement de chantiers cruciaux pour l’avenir de la politique culturelle, l’année 1997 sera également, je l’espère, importante par les réalisations auxquelles elle donnera lieu, car elle verra la concrétisation de réformes que j’ai lancées depuis 1995 et pour lesquelles l’année écoulée a été celle de l’arrivée progressive à maturité.
Ces réformes affecteront concrètement tous les domaines de la politique culturelle.
Dans le domaine du patrimoine, tout d’abord, la fondation du patrimoine, dont le statut a été défini par une loi promulguée en juillet 1996, devrait être très prochainement reconnue d’utilité publique par le Conseil d’État. Le plan patrimoine et emploi, qui permettra, grâce à son intervention, la restauration progressive du patrimoine non protégé et la création d’emplois dans les petites entreprises spécialisées, sera immédiatement engagé dans une trentaine de départements ou sites pilotes.
S’il est indispensable de restaurer ce patrimoine de proximité, il est également capital de préserver les trésors de notre patrimoine, et singulièrement de notre patrimoine mobilier. Parce qu’un véritable exode des chef-d’œuvres de l’art français, sans précédent depuis la Révolution, se prépare.
Il était du devoir du ministre de la culture de réagir. C’est la raison pour laquelle je présenterai, dès le premier semestre de 1997, un projet de loi qui aura pour objectif de rétablir un contrôle efficace de l’exportation hors de France des trésors nationaux.
L’évocation de ce projet de loi me conduit tout naturellement à aborder le domaine des musées, dans lequel 1997 marquera, je l’espère, une date historique, avec la discussion du projet de loi sur les musées que je suis en train d’achever. Ce projet de loi rénovera profondément le droit des musées, actuellement fixé par une ordonnance « provisoire » datant de 1945, et offrira un cadre juridique unifié à toutes les familles de musées.
Cet esprit de réforme et de modernisation, vous le retrouverez également, dans le domaine du spectacle vivant, avec la réforme, depuis si longtemps attendue, de l’ordonnance de 1945 sur les spectacles qui traduira parfaitement l’esprit de la réforme de l’État telle que le gouvernement la conduit : simplifier considérablement une réglementation devenue trop complexe, pour la rendre plus efficace.
L’esprit de la réforme inspirera également le projet de loi sur l’enseignement de la musique, de la danse et de l’art dramatique, que je présenterai à la rentrée 1997. Il permettra de clarifier les compétences de l’État et des collectivités locales ; de mieux répartir les enseignements sur tout le territoire ; de mieux garantir la qualité de l’enseignement. Il portera, véritablement, l’esprit de service public de la culture qui inspire ce ministère depuis près de quarante ans.
Dans le domaine des archives, trop souvent négligé, des réformes importantes seront engagées. Un projet de loi, qui sera déposé avant l’été, visera à ouvrir plus largement aux citoyens les archives publiques, mémoire de la France, dans ses heures glorieuses comme dans ses heures les plus sombres. Les délais de communicabilité des documents d’archives seront abrégés, et des possibilités de recours efficaces seront ouvertes aux citoyens.
Dans le même temps, une large réflexion sera engagée sur l’avenir des archives départementales dont le statut, tel qu’il résulte des lois de décentralisation, est largement perfectible.
L’architecture, qui a maintenant trouvé sa juste place au sein du ministère de la culture, connaîtra en 1997 des mutations sans précédent avec la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement qu’avait dessinée, en 1992, le rapport du recteur Frémont.
J’ai signé en décembre, avec mon collègue François Bayrou, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, un protocole d’accord qui donne le coup d’envoi de cette réforme en permettant d’envisager un rapprochement de l’enseignement de l’architecture avec l’enseignement supérieur, l’organisation des études en trois cycles, la possibilité de créer un doctorat en architecture.
Pour le secteur du cinéma et de la communication, l’année à venir sera marquée par une multiplication de l’offre : dans les salles de cinéma, avec les nouveaux ensembles multiplexes ; sur les écrans de télévision, avec le lancement de trois bouquets numériques.
1997 marquera donc l’entrée dans une nouvelle ère de la télévision. Elle sera aussi une année de grand défi pour nos industries de programmes audiovisuelles comme cinématographiques.
Le risque de voir, comme au milieu des années quatre-vingt en France – avec l’arrivée des chaînes de télévision privées –, l’industrie de programme américaine être, notamment pour des raisons de coûts inférieurs, la principale bénéficiaire de cette nouvelle ère.
C’est pourtant de notre capacité à produire des images nouvelles et à les diffuser en France sur les nouvelles chaînes, comme au-delà de nos frontières, que dépendra plus que jamais la présence et la vitalité de notre culture.
Pour éviter ce risque d’uniformisation des programmes et l’omniprésence d’une culture extérieure dominante, pour permettre le développement d’une industrie de programmes française, la réunion sous la tutelle d’un seul ministère de la culture et de la communication présente l’avantage de mobiliser toutes les énergies, celles des chaînes de télévision comme celles des producteurs vers ce même but, en évitant les affrontements stériles.
À cet égard, l’exemple de l’évolution du secteur du cinéma, au cours de l’année 1996, est riche d’enseignement.
En effet, avec la création de salles multiplexes, la crainte a pu exister de voir le cinéma américain renforcer sa part de marché, à la faveur de cette offre nouvelle.
Les résultats du cinéma français, avec 37,5 % sur les neufs premiers mois de l’année – et sans doute plus de 36 % sur l’ensemble de l’année 1996 –, montrent que notre industrie cinématographique a réussi à répondre à ce nouveau défi et à progresser.
Cette réussite montre la capacité du cinéma français à se renouveler et à rencontrer un public toujours plus nombreux.
Elle me conduira, pour la conforter, à prendre aussi dès le début de cette année, de nouvelles mesures importantes, en particulier pour permettre le maintien d’un tissu de producteurs indépendants, qui apportent leur talent et leur créativité à notre cinéma.
Il s’agit, d’une part, de la réforme de la procédure d’agrément des films, qui est au cœur de notre dispositif de soutien. Cette réforme doit conforter et valoriser le rôle du producteur délégué. Il s’agit, aussi et surtout, d’un aménagement des rapports entre chaînes de télévision et cinéma, afin de réserver, dans les obligations d’investissement des chaînes dans le cinéma, une part essentielle à la production indépendante.
Pour l’audiovisuel, l’année à venir sera certainement marquée par de nouvelles évolutions liées au développement de la télévision numérique.
Mon action s’exercera dans trois directions principales qui me semblent indispensables pour préparer ces évolutions.
C’est, d’abord, la définition d’un nouveau cadre juridique pour la télévision par satellite ; c’est, ensuite, la poursuite de la politique de réforme que j’ai entamée pour renforcer le secteur public audiovisuel ; c’est, enfin, la définition d’un nouveau cadre pour le paysage radiophonique.
Ces trois sujets seront examinés dans le cadre du projet de loi que je présenterai, à partir du 19 février prochain, devant le Sénat.
Le nouveau cadre pour la diffusion des chaînes par satellite sera suffisamment souple pour permettre à nos opérateurs de se développer. Mais il posera des règles en matière de pluralisme, afin de rendre possible le développement de nouvelles chaînes thématiques indépendantes.
Concernant l’audiovisuel public, ce projet de loi poursuivra la réforme que j’ai décidée, en prévoyant notamment la fusion de la Cinquième et de la Sept-Arte ; pour l’audiovisuel extérieur, ce sera l’entrée de Radio-France dans le capital de RFI.
L’année 1997 devrait également voir la mise en place d’un holding de la télévision extérieur Téléfi et la création d’une nouvelle chaîne où l’information sera très présente, projet auquel, vous le savez, je suis très attaché.
Il est un dernier secteur où l’évolution était nécessaire : les radios.
Le CSA, conscient de la nécessité de faire évoluer sa doctrine, avait publié un nouveau communiqué radio en novembre 1995.
Constatant que ce nouveau communiqué n’a pas permis de débloquer une situation très tendue, j’avais exprimé en septembre dernier, à Hourtin, la nécessité pour le CSA de trouver une solution qui permette de nouvelles évolutions. Il fallait autoriser, dans l’esprit et la lettre de la loi du 1er février 1994, le développement de réseaux nationaux, thématiques, indépendants le cas échéant.
À la fin de l’année passée, toujours soucieux de permettre cette évolution, mais refusant de légitimer tel ou tel coup de force, j’ai constaté que le CSA éprouvait une difficulté à proposer une solution satisfaisante, dans le cadre qui lui était donné.
C’est la raison pour laquelle, estimant qu’une modification de la loi pouvait faciliter des évolutions nécessaires, j’ai fait part au CSA de cette intention.
Ce début d’année sera l’occasion pour le gouvernement, comme pour le CSA de poursuivre la concertation avec l’ensemble des acteurs de la radio, avant de définir de nouvelles règles du jeu.
Je sais que le CSA travaille déjà sur l’utilisation et l’affectation des fréquences avec les opérateurs. Je m’en suis entretenu avec le président du CSA, M. Hervé Bourges, et, en accord avec lui et sous la responsabilité du CSA, il semble nécessaire de procéder à un réexamen technique complet de l’utilisation actuelle de la bande FM, des fréquences du service public comme des opérateurs privés.
J’en viens à présent à la situation de la presse écrite. Je sais que, pour vous, cette question est tout particulièrement importante, car de la situation économique de vos journaux dépend vos conditions de travail.
1996 aura encore été une année difficile pour nombre d’entreprises de presse. Il faut toutefois reconnaître que selon les « familles » de presse, les situations ne sont pas homogènes. Ainsi la presse magazine a dans son ensemble vu ses ressources publicitaires progresser, connaissant même un taux de progression supérieur à celui des chaînes de télévision.
En revanche, la situation de la presse d’information, et notamment de la presse quotidienne est demeurée difficile avec une diffusion et des ressources publicitaires stables ou en très faible progression.
Il n’y a donc pas à proprement parler de crise de la presse, mais plutôt une situation difficile pour la presse quotidienne et, plus généralement, la presse d’information.
Dans ce contexte, les entreprises de presse ont été d’autant plus sensibles aux réformes qui ont eu lieu en 1996 et qui s’appliqueront en 1997 : qu’il s’agisse du grand chantier des rapports entre la presse et La Poste, qui va s’achever ces jours-ci – après près d’un an de discussions et de concertation – ou de la réforme de l’impôt sur le revenu, qui va conduire à la suppression progressive de la déduction forfaitaire.
Sur le dossier presse-oste, j’ai constamment au cours de l’année passée défendu le principe du ciblage de l’aide postale – qui s’élève, je le rappelle, à près de 4,5 milliards de francs. Il s’agit de cibler la presse d’information générale et politique, afin de limiter les progressions de tarifs postaux pour cette forme de presse, qui est essentielle par son apport au débat démocratique et qui est, également, la plus fragile en termes économiques, concernant la suppression progressive de l’abattement forfaitaire pour l’impôt sur le revenu.
Concernant ce dernier point, j’ai agi, avec mon collègue Alain Lamassoure, pour en limiter les effets. Par deux moyens.
D’une part, en maintenant l’assiette des charges sociales, que ce soit pour les employeurs, comme pour les salariés.
D’autre part, en prévoyant un dispositif de compensation pour les journalistes, que le Conseil constitutionnel a récemment validé, et qui devrait, à l’issue de la mission que nous avons confié à M. Bonnet, pouvoir être rapidement arrêté.
Pour l’année 1997, et dans le cadre du débat budgétaire de la fin de l’année dernière, j’ai obtenu et fait adopter par le Parlement deux mesures, qui me semblaient essentielles pour garantir l’avenir de la presse.
D’une part, c’est un abondement de trente millions des aides budgétaires directes à la presse qui permet de maintenir, en 1997, les aides au niveau effectif de 1996.
D’autre part, c’est la reconduction du dispositif d’aide à l’investissement pour les entreprises de presse, prévu à l’article 39 bis du code général des impôts. Aide à l’investissement qui sera, à partir de 1997, élargie aux investissements dans le multimédia et le portage des journaux.
L’effort de l’État en faveur de la presse, s’il pourra être maintenu, en 1997, à son niveau de 1996, ne doit pas pour autant nous interdire de réfléchir à une évolution des dispositifs d’aide existants, afin de mieux les adapter aux besoins des entreprises de presse, entreprises qui vont connaître dès cette année le bouleversement du multimédia.
C’est la raison pour laquelle je vais, dans les jours qui viennent, rencontrer les différents représentants de la presse pour envisager, avec eux, les adaptations qui pourraient être apportées au dispositif existant d’aide à la presse.
Voilà, en quelques traits, Mesdames et Messieurs, les grands chantiers qui vont s’ouvrir et quelques-unes des réalisations auxquelles nous allons atteindre en cette année 1997, à l’occasion de laquelle je forme pour vous, et pour les vôtres, pour votre profession, les vœux les plus sincères de bonne et heureuse année.
1997 ne sera en aucune façon une année de transition ou d’entre-deux, mais bien une année pleine et entière de l’action gouvernementale dans sa dimension culturelle.
Plus que jamais, la culture est un puissant facteur de cohésion nationale. C’est grâce à la culture et ce n’est que grâce à la culture que nous pourrons, ensemble, rendre aux Français leur fierté : fiers de leur culture et fiers de leur nation, fiers de sa place au cœur de notre identité et fiers du rang de la France dans le monde.