Interview de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, dans "Le Figaro" du 15 janvier 1997, sur la réforme de l'État, "une révolution administrative".

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Dominique Perben - ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation ;
  • Anne Fulda - Journaliste

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Le Figaro : Depuis son arrivée à l’Élysée, le Président de la République a régulièrement affirmé sa volonté d’une réforme des relations entre l’administration et les citoyens. Mais jusqu’ici les résultats n’ont guère été visibles…

Dominique Perben : Le Président de la République a émis le souhait de faire de 1997 l’année de la réforme de l’État en partant d’une observation : la France est un pays qui fourmille de capacités d’initiative émanant de la base. Seul problème : les structures d’État et l’administration n’accompagnent pas les forces de changement. Au contraire, elles les empêchent même, bien souvent, de s’exprimer.

Vous dites que jusqu’ici, les résultats n’ont guère été convaincants. C’est que nous avons fait un gros travail d’analyse et de concertation afin de prouver que le service public était capable de se réformer. Et même en avait envie : dans les administrations, on se sent concerné par cette réforme. La phase de préparation étant terminée, tout va se mettre en place progressivement. Avec, dès aujourd’hui, l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’amélioration des relations entre l’administration et le public, première application à caractère législatif de la réforme de l’État.

Le Figaro : Mais dans un pays dont le Chef de l’État a lui-même souligné les conservatismes, peut-on imposer par décret l’amélioration des relations entre l’administration et le public ? Concrètement, comment cela peut-il se traduire ?

Dominique Perben : Il ne s’agit pas d’imposer par décret. Il y a eu, je le répète, une réelle concertation car une réforme d’une telle ampleur ne se fera qu’avec le concours des fonctionnaires. Ce texte propose des mesures concrètes visant à simplifier la vie quotidienne des Français. Il a pour objectif de répondre rapidement aux demandes du public. Toutes les administrations auront ainsi, désormais, l’obligation d’accuser réception des demandes des administrés et seront priées d’agir avec célérité. Elles devront également, en cas d’erreur, adresser les réclamations qui ne sont pas de leur domaine aux autorités administratives compétentes. Enfin, et surtout, si une autorité administrative met plus de deux mois à répondre à la demande d’un administré, celui-ci pourra, dans certains cas, considérer sa requête comme acceptée et, dans d’autres, se retourner contre l’administration. Par ailleurs, pour faciliter les démarches des usagers, des maisons de services publics vont se multiplier dans le pays.

Le Figaro : L’administration pourra donc être sanctionnée ?

Dominique Perben : Oui, nous créons un droit nouveau pour les citoyens. C’est une petite révolution. Ce n’est pas une question de sanction mais d’efficacité. Très souvent, au bout de deux mois sans réponse de l’administration, le citoyen pourra se prévaloir d’une autorisation et mener à bien son projet.

Le Figaro : La réforme de l’État ne se résume pas aux relations administration-administrés. Quelles autres mesures ont déjà été prises et, surtout, vont être prises ?

Dominique Perben : Nous ne nous sommes pas croisé les bras jusqu’à aujourd’hui ! La réforme de l’État, dans les faits, c’est déjà la modernisation de la préparation du budget de la nation, la mise en place d’une véritable gestion du patrimoine de l’État, la gestion au niveau local, et non à Paris, de la carrière des fonctionnaires de terrain…

Depuis le 1er janvier, aussi, la procédure de paiement rapide des sommes dues par l’État est opérationnelle et confiée aux préfets. Bientôt, des décrets permettant la déconcentration vont pouvoir entrer en vigueur. Par exemple, une décision à caractère économique pourra être prise par le préfet, comme l’autorisation accordée à une chambre de commerce et d’industrie de recourir à l’emprunt. De plus, les décisions individuelles – c’est-à-dire l’application à chaque citoyen des réglementations de portée générale – pourront uniquement être prises par les administrations sur le terrain : ce sera le cas pour des décisions d’ordre social ou d’ordre professionnel, comme pour les autorisations d’exercice de la profession de médecin pour les étrangers. Tout cela permettra d’accélérer les délais de traitement des dossiers et facilitera l’activité des entreprises ou des citoyens.

Le Figaro : La réforme de l’État va-t-elle toucher les ministères ?

Dominique Perben : Bien sûr, même si ce ne sera pas facile ! Notre objectif est de diminuer de 10 % en trois ans les effectifs parisiens au profil des administrations de terrain, tout en réduisant d’un tiers le nombre des directions centrales. Celles-ci doivent retrouver leur vocation stratégique d’élaboration et d’évaluation des politiques et cesser de se substituer aux administrations locales pour l’exécution des décisions.

Le Figaro : Les ministres concernés jouent-lis le jeu ? Sont-ils prêts à montrer l’exemple ?

Dominique Perben : Beaucoup ont fait des propositions, d’autres trainent un peu plus les pieds. Mais il y a aussi de très bons élèves, comme le ministre de l’agriculture !