Interviews de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, dans "Le Parisien" du 5 mars et à France 2 le 6, sur l'augmentation de 1 % du traitement des fonctionnaires et l'évolution de l'emploi dans la Fonction publique en 1997.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Journée de grève et manifestation dans la Fonction publique le 6 mars 1997

Média : France 2 - Le Parisien - Télévision

Texte intégral

Le Parisien - 5 mars 1997

Le Parisien : Pensez-vous que la grève de demain sera largement suivie ?

Dominique Perben : C’est aux fonctionnaires de répondre. Ce que j’espère, c’est qu’ils soient bien conscients des efforts faits par le Gouvernement en tant qu’employeurs. Nous avons d’ores et déjà décidé, d’augmenter de 1 % le point d’indice en 1997. Compte tenu de l’évolution spontanée des salaires, cela permettra cette année une progression moyenne par tête de 2,6 % ! Un chiffre satisfaisant comparé aux prévisions d’inflation de 1,3 % ainsi qu’à l’évolution globale des salaires en France.

Le Parisien : Pourtant les syndicats affirment que le gel de 1996 et l’absence d’accord salarial pour 1997 et 1998 vont faire perdre du pouvoir d’achat aux fonctionnaires. Qu’en est-il exactement ?

Dominique Perben : Si l’on prend en compte uniquement l’évolution du point d’indice, il y a, en effet une perte de pouvoir d’achat. Mais cela est une vision complètement théorique car le calcul des salaires comprend à la fois l’évolution de l’indice mais également les mesures catégorielles et les mesures automatiques de promotion liées à la carrière du fonctionnaire. La preuve ? La masse salariale de la fonction publique va augmenter de 15 milliards en 1997 alors que l’augmentation de 1 %, elle, ne représente que 3,2 milliards.

Le Parisien : À plus long terme cependant, les fonctionnaires affirment avoir été « maltraités », côté salaire, par les différents gouvernements…

Dominique Perben : Je ne donnerai que deux chiffres : le salaire moyen par tête, de 1990 à 1996, a augmenté d’un peu moins de 30 % alors que les prix, eux ont progressé de 16 %.

Le Parisien : En cas de forte mobilisation demain, êtes-vous prêt à faire un geste d’ouverture ?

Dominique Perben : Le Gouvernement a souhaité que les choses soient claires dès le début de l’année. Voilà pourquoi nous avons décidé une augmentation qui a pris effet au 1er mars. C’est la démonstration que nous prenons en compte les nécessités, en particulier, des salariés modestes de la fonction publique.

Le Parisien : Comment évoluera l’emploi dans la fonction publique en 1997 ?

Dominique Perben : Nous nous adaptons à la nécessité du service, notamment dans l’Education nationale où du fait de la baisse du nombre d’élèves dans le primaire et les collèges, il y aura diminution des postes. En revanche, il y aura des créations dans le supérieur. De plus, grâce à la mesure de mise en retraite anticipée à 57 ans, la fonction publique sera créatrice d’emplois en 1997 : quinze mille jeunes supplémentaires seront recrutés de par cette mesure.

 

France 2 - Jeudi 6 mars 1997

France 2 : Journée de grève et de manifestation des fonctionnaires à l’appel de l’ensemble de leurs syndicats, notamment sur la question des salaires. Ne sont-ils pas dans leur bon droit ? Vous leur avez octroyé 1 % d’augmentation en 1997 après un gel en 1996. Il y avait déjà eu un gel en 1993. Ils disent que, sur quatre ans, ils ont perdu près de 1,5 % de pouvoir d’achat.

Dominique Perben : De 1990 à 1996, le salaire moyen des fonctionnaires a augmenté de 30 % et les prix ont augmenté de 15 %. Donc, je n’ai pas l’impression qu’il y ait eu perte de pouvoir d’achat.

France 2 : Mais à l’intérieur, il y a toutes les mesures de revalorisation, notamment des instituteurs. Ce sont des choses qui avaient été prévues.

Dominique Perben : Oui, mais ce qui compte pour l’ensemble des salariés français, c’est l’évolution du salaire moyen. Or, avec la décision que nous avons prise d’augmenter le point d’indice, qui est une méthode de calcul pour les fonctionnaires, de 1 % cette année, cela veut dire que le salaire moyen des fonctionnaires en 1997 va augmenter de 2,6 %. Donc, je crois que c’est une augmentation qui est raisonnable, qui correspond à l’état de notre économie et à nos possibilités financières. La meilleure preuve, c’est que l’augmentation du point d’indice va coûter 3,2 milliards au budget de l’État, alors que nous augmentons la masse salariale de 15 milliards. Donc, on voit bien que la partie indice est très faible par rapport aux autres raisons d’augmentation des salaires. Les salaires, ce qui compte, c’est le total au bas de la feuille de paye.

France 2 : L’an dernier, il n’y avait rien eu du tout. Ceux qui ne bénéficient pas d’augmentation particulière due à l’ancienneté, aux promotions ou à la revalorisation de certaines professions, y perdent.

Dominique Perben : Un certain nombre sont concernés par le seul indice. C’est la raison pour laquelle, malgré l’impossibilité de réussir la négociation, nous avons pris une décision unilatérale tout de suite, à compter du 1er mars : il y aura, à la fin de ce mois-ci, une augmentation de l’indice parce que nous pensons justement à ceux qui n’ont pas du tout d’augmentation catégorielle et qui sont relativement peu nombreux.

France 2 : Compte tenu du calendrier, compte tenu également des grèves précédentes, on dit que la grève d’aujourd’hui n’aura pas beaucoup d’écho. N’est-ce pas pour vous une victoire à la Pyrrhus quand on voit le mécontentement qui existe dans les postes, dans les hôpitaux ? D’autres journées sont déjà programmées dans l’Education.

Dominique Perben : Mon problème, ce n’est pas d’avoir des « victoires » parce qu’il n’y a pas de mobilisation, etc. On n’est pas dans une espèce de jeu de guerre civile, ce n’est pas ça. Mon travail, c’est de dialoguer avec les organisations syndicales.

France 2 : Justement, là, on dit qu’il n’y a pas eu de négociations.

Dominique Perben : Sauf que nous avons discuté pendant un mois et demi ! Alors, je ne sais pas comment cela s’appelle : appelons cela des discussions. Pendant un mois et demi nous nous sommes vus et revus et nous avons fait un constat, les uns et les autres : que sur les salaires, on n’y arriverait pas pour un point important, le non-rattrapage de 1996. On ne peut pas en effet demander au Gouvernement de prendre une décision qui était importante sur le plan économique et politique et puis, un an après, de faire le contraire. Je l’avais dit aux organisations syndicales depuis le début : on ne pourra pas faire ce rattrapage. On en a fait le constat. Par ailleurs, nous avons, tout au cours de cette année passée, négocié, signé des accords. Nous allons, je pense, le faire dès que cette grève sera dépassée. Nous pourrons discuter d’un certain nombre d’autres sujets comme l’action sociale au bénéfice des fonctionnaires, les problèmes de logement, les problèmes des handicapés. Nous avons toute une série de sujets en préparation, comme l’aménagement du temps de travail. Sur tous ces sujets, j’ai l’intention de faire des propositions de négociation pour que nous puissions améliorer la situation sociale dans la fonction publique, comme c’est mon devoir. Je dois dire que nous avons, malgré les désaccords, des relations extrêmement constructives et intéressantes avec les organisations syndicales.

France 2 : Six mille suppressions d’emplois sont programmées en 1997. Y en aura-t-il d’autres en 1998 ?

Dominique Perben : Ce n’est pas encore décidé. C’est dans le cadre de la préparation budgétaire que les choses se feront. Malgré les suppressions d’emplois en termes d’emplois budgétaires, grâce à la mesure sur laquelle j’avais eu l’accord de six syndicats sur sept, consistant à proposer des départs volontaires à partir de 58 ans, nous allons par ailleurs recruter 15 000 jeunes dans la fonction publique, ce qui sera intéressant pour l’emploi.

France 2 : La réforme de l’État était une promesse de J. Chirac. Mais dans les faits, les syndicats disent que c’est le contraire, que c’est la privatisation, le recours à la sous-traitance, que c’est le recul du service public de proximité : on voit les bureaux de poste fermer, les trésoreries fermer, les écoles...

Dominique Perben : On est vraiment dans la caricature et le psychodrame ! La réforme de l’État, c’est quelque chose qu’attendent les Françaises et les Français. Tous les Français souhaitent ne plus aller d’un guichet à l’autre, se faire envoyer d’une administration à l’autre.

France 2 : Qu’est-ce qui va changer concrètement ?

Dominique Perben : Concrètement, pour prendre cet exemple, lorsque vous vous tromperez de guichet pour déposer votre dossier, c’est l’administration qui le fera suivre. Nous pensons que c’est à l’administration d’assumer ses propres complexités. Ce n’est pas au malheureux Français d’essayer d’y comprendre quelque chose. Autre exemple : à partir de la fin de l’année, si vous déménagez, vous signalerez votre déménagement à La Poste et vous demanderez à La Poste de prévenir toutes les autres administrations. Autre exemple qui concerne plutôt les PME, mais c’est important : il arrivait que des entreprises, qui avaient une dette sur l’État, n’étaient pas payées par l’État. Depuis le 1er janvier dernier, il y a une procédure qui permet à ceux qui doivent être payés d’une dette par l’État de l’être très rapidement. Voilà un certain nombre de choses très concrètes. La réforme de l’État, c’est vraiment améliorer les relations entre les fonctionnaires et les Français. Je crois que les fonctionnaires sont d’accord.

France 2 : Tout le monde, y compris le Gouvernement, tombe sur M. Schweitzer. N’est-ce pas un peu hypocrite ? Le Gouvernement le savait depuis longtemps, et Renault a de réelles difficultés.

Dominique Perben : Il ne s’agit pas de tomber sur M. Schweitzer ! Il s’agit simplement de dire, comme l’a fait le Président de la République hier, au cours du conseil des ministres, que dans ce pays on doit se parler. On l’évoquait tout à l’heure à propos des fonctionnaires : il peut y avoir des moments de désaccord, des décisions qui ne sont pas faciles à prendre, mais il faut parler, il faut dialoguer, il faut négocier. C’est indispensable. Je voudrais dire deux choses à propos de Renault : l’enjeu fondamental, c’est de savoir si cette grande entreprise va pouvoir durer et continuer d’exister. C’est cela, la grande affaire pour les Français. Deuxièmement : il faut que, quand il s’agit de restructurer  ce qui est toujours difficile pour tout le monde, et d’abord sur le plan humain  il faut le faire en prévoyant des mesures compensatoires et en dialoguant.

France 2 : J. Tibéri mis en examen : doit-il démissionner ou doit-il résister à ce qu’il appelle un harcèlement ?

Dominique Perben : J’ai cru comprendre qu’il était mis en examen parce qu’il avait un compte bancaire joint avec son épouse qui, elle-même, était mise en examen. Je ne suis pas juriste mais je trouve que, là, on est dans des choses un peu étonnantes. En tout cas, si c’est cela, il faut vraiment que les uns et les autres, on n’ait plus de comptes bancaires joints avec nos épouses !

France 2 : Il doit donc résister, pour l’instant ?

Dominique Perben : Je le crois, oui.