Projet de déclaration de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, sur la mise en oeuvre du plan de reconquête de l'Etang de Berre (notamment la proposition de créer un EPIC pour la protection de cet étang), Berre l'Etang le 25 novembre 1996.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Installation de l'EPIC pour l'Etang de Berre (Epaberre) le 25 novembre 1996

Texte intégral

(Monsieur Darasson souhaite que vous puissiez saluer à un moment ou à un autre dans votre intervention :
– Monsieur Serge Andreoni, maire de l'étang de Berre ;
– la mémoire de Monsieur Claude Jouve, président de l'Étang, maire décédé l'été dernier, qui avait été nommé chevalier de l'ONM au titre du ministère de l'Environnement).

À l'occasion de mon déplacement dans la région marseillaise, j'ai considéré qu'il était indispensable de faire le point sur la mise en œuvre du Plan de reconquête de l'étang de Berre. Beaucoup se sont demandés pourquoi je n'étais pas venu avant, c'est-à-dire depuis ma nomination comme ministre de l'Environnement, je vais vous en donner la raison.

L'étang de Berre qui est un des plus grands étangs littoraux d'Europe (15 500 ha) connaît depuis de nombreuses années des perturbations de son équilibre naturel et des pollutions très fortes liées à une industrialisation massive. Ce milieu fermé est très sensible aux contaminations chimiques, à l'eutrophisation et aux variations de salinité.

Tout le monde connaît cette situation. Mais qu'a-t-on fait pour la résoudre ? Jusqu'en 1993, rien ou presque rien, à l'exception notable d'un referendum organisé par les maires de l'Étang. Je salue cette initiative, véritable expression de la démocratie, mais qui, faute de volonté de l'État n'avait pu avoir de prolongements.

Ce n'est en réalité qu'en 1993 que l'État a approuvé un plan de reconquête de l'étang de Berre devant s'étaler sur 10 ans. Le Premier ministre est venu en confirmer les orientations et en accroître la portée le 4 avril 1995. Ce plan constitue un ensemble cohérent qui cherche à traiter toutes les agressions qui cumulent leurs effets sur l'étang.

Pour mesurer le chemin parcouru quelques chiffres me paraissent devoir être rappelés ou indiqués.

Outre, l'abrogation de l'interdiction de la pêche obtenue avec la loi du 10 février 1994, plusieurs dispositions ont été prises.

La réduction de la pollution industrielle, réalisée pour un tiers, a été complétée par un programme spécifique en direction des Petites et Moyennes Industries. (PMI) pour un montant de 100 MF.

Il a fallu aussi diminuer la pollution de l'étang en réduisant l'eutrophisation due notamment aux apports de matières organiques et de nutriments d'origine domestique et agricole. Un programme d'épuration de 540 MF est engagé à près de 50 %. L'agence de l'eau Rhône-­Méditerranée-Corse pourra continuer d'aider les communes à réaliser les travaux qu'il leur appartient de décider.

Mais il faut aussi modifier la réglementation communautaire qui hélas, depuis deux ans, interdit le co-financement des stations d'épuration. L'État vient de proposer à la Communauté de modifier les règles d'attribution pour que dès la nouvelle phase qui s'ouvre en 1997 pour l'objectif 2, cette possibilité de financement soit rendue aux communes.

Reste – si je puis dire – le plus grand problème : EDF. Les eaux de la Durance turbinées par la centrale d'EDF de Saint-Chamas réduisent la salinité. Mon prédécesseur a annoncé en 1993, en accord avec EDF, une diminution sensible des apports d'eau douce et de limons déversés par la centrale.

En mars 1995 des mesures complémentaires ont été décidées. Elles se traduisent par une réduction accrue des apports d'eau douce pendant l'été (- 35 %), la décision de ne pas réaliser le bassin de décantation de Beaumont de Pertuis et l'engagement du gouvernement de maîtriser ce niveau d'effort sur 3 ans.

Le dernier rapport d'EDF montre que ces engagements ont été tenus de façon très concrète : ainsi le tonnage annuel très important de matières en suspension déversées par la centrale qui constitue 98 % des apports solides dans l'étang a subi une réduction de 50 %.

En 1995, le gouvernement s'est engagé à maintenir l'effort sur trois ans, afin de pouvoir juger sur une période suffisamment longue des effets des mesures adoptées.

Celles-ci ont des conséquences sensibles sur le bassin versant et nombreux sont les maires et les riverains qui se sont inquiétés de cette situation.

En effet, cette amélioration sensible s'est traduite par des restitutions plus importantes dans la Durance en amont de l'étang. J'ai donc demandé à EDF de prendre des précautions particulières pour limiter l'impact de ces restitutions d'eau sur la sécurité des personnes et sur l'écosystème du bassin. EDF s'est engagé à informer les maires riverains avant toute lâchure et à remonter le débit réservé – qui n'est que de 2 M3/s à 10 M3/s durant la période d'éclusées – pour réduire la brutalité des variations de débits.

La restauration et la mise en valeur des espaces naturels et la création d'un observatoire écologique font partie du programme d'action de la mission de reconquête animée par le Préfet et ses collaborateurs depuis trois ans.

Tout autant que la qualité de l'environnement, la diversification des activités existantes et le développement des activités tertiaires ont motivé les populations riveraines, les élus et les pêcheurs pour la reconquête des rives de l'étang de Berre et de son milieu aquatique.

En effet, les pertes d'emplois dans les grandes unités industrielles ont fait augmenter le taux de chômage au-dessus de la moyenne départementale.

La reconquête de l'étang de Berre constitue un enjeu fort de mutations économiques. Des potentialités sur le plan du tourisme et des loisirs, de la pêche et de l'aquaculture existent.

Le littoral de l'étang de Berre, avec les effets induits par la reconquête du plan d'eau, devrait permettre aux collectivités de jouer la carte du tourisme et des loisirs urbains de proximité et aux pêcheurs de développer l'ensemble de la filière pêche aquaculture.

Il appartient à l'ensemble des partenaires de se mobiliser autour d'un grand projet de réhabilitation de cet espace aquatique qui allierait l'environnement, la santé des populations et le développement économique.

Comme le gouvernement l'avait promis et en tenant compte de la consultation des élus locaux engagée depuis un an, il est nécessaire de pérenniser la mission accueillie à titre provisoire par le Conservatoire du littoral puis par l'EPAREB.

J'ai d'ores et déjà réservé une subvention de fonctionnement de 1,5 MF dans mon budget pour 1997 pour compléter les financements locaux et ceux de l'Agence de l'eau.

J'en viens maintenant à mon déplacement aujourd'hui ici.

Pourquoi ne suis-je pas venu avant ?

Pour une raison simple : je voulais prendre le temps de considérer les résultats décidés en avril 1995, avant de lancer les étapes suivantes.

Aurais-je pu le faire quelques mois à peine après la prise de ces mesures ? Non !

Quelles sont les conclusions que je tire de ce que l'on m'a dit, de ce que j'ai vu j'étais ce matin sur l'étang de Berre.

Mes conclusions sont simples : les mesures appliquées ont des résultats importants, considérables si l'on juge de ce qui n'a pas été fait entre 1965, date de lancement de la centrale et 1993, mais des résultats insuffisants pour une réhabilitation rapide de l'étang de Berre.

Il faut donc aller plus loin. Mais comment ?

Je ne crois pas que l'on puisse ajouter dans l'immédiat, d'ailleurs l'État s'y est engagé, d'autres fortes contraintes de réduction à EDF avant le début 1988.

Il faut donc imaginer une autre solution, plus forte, plus définitive qui soit à la fois protectrice du caractère marin de l'étang de Berre et qui permette à la chaîne durancielle d'hydro-électricité de fonctionner normalement.

Il faut donc rechercher aujourd'hui rechercher les voies et les moyens pour transférer les rejets d'EDF hors de l'étang de Berre. Comment ?

La situation impose, en effet, qu'un nouveau plan de grande ampleur soit programmé sur l'étang de Berre. Seule une structure qui a pour objectif la reconquête d'un plan d'eau marin semble capable de mener à bien cette mission. C'est pourquoi il est indispensable de créer une organisation forte pouvant bénéficier de moyens importants.

Cette puissante structure peut être obtenue par la création d'un établissement public auquel seront associés les communes riveraines, les organisations socio-professionnelles et l'État. Des moyens étendus peuvent être obtenus par son caractère industriel et commercial. Cela permettra à cet établissement d'intervenir par des missions d'études et de maîtrise d'œuvre et lui apportera une compétence en matière foncière.

Mais le plus important est, peut-être, que sa vocation soit résolument tournée vers la réhabilitation de l'étang de Berre comme espace de vie. C'est pourquoi je soutiendrais particulièrement la proposition de loi que projette de déposer Monsieur le Député Darasson devant le parlement.

En effet, pour la première fois en France, il propose de créer un établissement public industriel et commercial dont la mission sera entièrement consacrée à l'environnement et dont les compétences territoriales concernent un milieu aquatique.

L'étang de Berre sera ainsi le tout premier site à bénéficier des compétences et des ressources d'un EPIC qui aura pour mission de coordonner la mise en œuvre d'un programme tendant à sa sauvegarde et à sa mise en valeur dans la perspective d'un espace marin. Convaincue de la justesse et de la nécessité de cette démarche j'envisage si l'adoption de ce projet présentait des difficultés devant le parlement de déposer moi-même sur les mêmes bases un projet de loi.

C'est établissement public permettra à tous les riverains de prendre en main la destinée de ce site exceptionnel et de bénéficier dans cette action coordonnée du soutien de l'État.