Déclarations de M. Bernard Pons, ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme, sur la réforme de la SNCF et le projet de loi sur la création du Réseau ferré de France, à l'Assemblée nationale les 4 et 7 février 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bernard Pons - Ministre de l'équipement du logement, des transports et du tourisme

Circonstance : Débat parlementaire sur le projet de loi portant la création de l'établissement public Réseau ferré de France, du 4 au 7 février 1997

Texte intégral

Assemblée nationale - mardi 4 février 1997

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

Le projet de loi, dont l'Assemblée nationale commence aujourd'hui l'examen, « porte création de l’établissement public Réseau Ferré de France, en vue du renouveau du transport ferroviaire ».

Ce titre, issu d'un amendement adopte par le Sénat, avec l'accord du Gouvernement, résume bien l'ambition de la réforme de la SNCF, dans laquelle nous sommes engagés.

Le débat national sur le transport ferroviaire, initie par le Gouvernement en 1996, et qui s'est déroulé tout au long de l'année dernière, a, en effet, clairement fait ressortir aux yeux de tous qu'il y a, dans notre pays, une crise du transport ferroviaire, caractérisée notamment par le recul du trafic, malgré des investissements très importants, et par le surendettement de la SNCF, devenu aujourd'hui, si rien ne change, insupportable et insoluble pour cette entreprise.

Cette crise n’est d'ailleurs pas propre à la France. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'autres pays en Europe se sont engagés, parfois depuis plusieurs années, dans un processus de réforme de leur transport ferroviaire.

Chaque pays le fait naturellement selon sa logique, sa tradition, sa spécificité.

C'est pourquoi le Gouvernement a placé l'ensemble de cette réforme sous le thème du renouveau du service public.

Qui dit service public dit, naturellement et avant tout, service rendu à l'usager. La réforme, qui repose sur trois piliers - création d'un nouvel établissement public chargé de l'infrastructure et du désendettement de la SNCF, régionalisation, projet industriel -, a pour objectif de rendre un meilleur service à l'usager.

La SNCF est, en effet, à la fois une très grande entreprise et un symbole : créée en 1937, transformée en 1982 par la loi d'Orientation sur les transports intérieurs en établissement public à caractère industriel et commercial, elle transporte en moyenne, chaque année, environ 800 millions de voyageurs. Ce chiffre doit évidemment beaucoup aux trajets quotidiens entre leur domicile et leur travail, accomplis par ceux qui vivent en Île-de-France.

Mais la SNCF irrigue également en profondeur l'ensemble du territoire national par les nombreuses lignes régionales, qui permettent à ceux qui ne sont pas directement reliés aux lignes à grande vitesse de rejoindre les gares où circulent les trains à grande vitesse, et aussi à de nombreux salariés et étudiants d'utiliser, chaque jour ou chaque semaine, les services du train.

Cette situation nourrit chez nos concitoyens un très grand attachement pour la SNCF.

En outre, personne n'a oublié le rôle des cheminots au moment de la bataille du rail, qui a valu à cette entreprise d'être, à la Libération, décorée de la Légion d'Honneur.

Chacun connaît enfin les succès répétés de la technologie ferroviaire française, qui détient depuis très longtemps le record du monde de vitesse sur rail.

Dans un tel contexte, tous les élus, parlementaires, mais aussi élus locaux, sont logiquement très attentifs à l’évolution de cette entreprise.

Votre Assemblée elle-même a, d'ailleurs, consacré à la SNCF de très importants travaux au cours des dernières années : je citerai seulement, ici, le rapport élaboré en 1994 par la commission d'enquête sur la SNCF, sous la responsabilité de M. CUQ, qui la présidait et de M. BUSSEREAU, qui en était le rapporteur, Ces travaux ont été précieux pour la réflexion du Gouvernement dans la préparation de la réforme.

C'est précisément parce qu'il a placé toute la réforme sous le thème du renouveau du service public, que le Gouvernement a pu, sans aucune difficulté, accepter plusieurs amendements du Sénat tendant à renforcer encore la référence aux principes du service public.

C'est ainsi que les missions du nouvel établissement public (aménager, développer et mettre en valeur l’infrastructure du réseau ferré national) devront être assurées, je cite, « conformément aux principes du service public, dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France, dans une logique de développement durable ».

Dans le même esprit, le Gouvernement a accepté la suggestion du Sénat, associant aux concours financiers de l’État à RFF, une référence explicite « à la contribution des infrastructures ferroviaires, à la vie économique et sociale de la Nation, à leur rôle dans la mise en œuvre du droit au transport et aux avantages qu'ils présentent en ce qui concerne  l'environnement, la sécurité et l'énergie ».

Parce qu’elle porte sur des sommes financières considérables.

Parce qu'elle passe par la création d’une structure juridique nouvelle,
Parce qu'elle repose sur des mécanismes parfois abstraits.

La réforme de la SNCF peut parfois donner à certains l’impression d’être éloignées des préoccupations concrètes de nos compatriotes.

Or, il n'en est rien.

Cette réforme ne prend en effet son sens que parce qu'elle vise à améliorer, directement ou indirectement, le service rendu aux clients du train.

C'est vrai tout d'abord à l’évidence de la régionalisation.

Ces dernières années, nos concitoyens ont pris l'habitude de voir les régions assumer pleinement la gestion d'un certain nombre d'équipements collectifs. C'est le cas, en particulier, pour les lycées et chacun a pu mesurer l’amélioration qui en est résultée.

C'est dans le même esprit que le législateur a donc posé, dans la loi du 4 février 1995 relative à l’aménagement et au développement du territoire, le principe d'une expérimentation visant à confier aux régions la pleine responsabilité de l'organisation des services régionaux de voyageurs assurés par la SNCF.

L'article 14 du projet que j'ai l’honneur de vous présenter au nom du Gouvernement organise les modalités de cette expérimentation pour laquelle, vous le savez, six régions, d'ailleurs très différentes, se sont portées candidates (Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Centre, Nord - Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Alsace).

Le principe en est simple : chaque région expérimentale signera avec L’État une convention qui aura notamment pour objet de délimiter ces services. Afin d'éviter tout transfert de charge au détriment des régions, L’État a inscrit dans la loi de finances initiale pour 1997 une dotation nouvelle de 800 millions de francs, qui s'ajoute à la contribution versée jusqu'ici au titre de ces services pour les régions concernées.

D'autre part, une deuxième convention sera signée entre chaque région et la SNCF pour définir la consistance et les conditions de fonctionnement et de financement de ces services.

Cela signifie que chaque région expérimentale, en sa qualité d'autorité organisatrice de transports régionaux, aura désormais la possibilité de faire évoluer l'offre de service ferroviaire sur les liaisons régionales, afin de répondre au plus vite et an plus près à l’évolution des besoins des usagers.

La régionalisation se traduira par une amélioration du service, des matériels roulants plus modernes, des dessertes plus fréquentes, des tarifs mieux adaptés et des horaires mieux calculés. Elle mettra la SNCF en mesure de développer des expériences innovantes en matière d'exploitation.

L'expérimentation sera close le 31 décembre 1999 et le Sénat a introduit, avec l'accord du Gouvernement, la possibilité pour chaque région qui y participe, d'y mettre fin, à la clôture de chaque exercice, à condition d'en avoir exprimé la volonté avant le 1er juin.

Cette précision est de bonne administration : elle introduit dans la loi une règle du jour de nature à éviter tout contentieux en la matière.

Mais le Gouvernement parie en ce domaine sur la contagion du succès. Notre objectif est en effet de faire de cette expérimentation un succès au profit des voyageurs et, s’il en est bien ainsi, le Gouvernement est convaincu que d'autres régions voudront à leur tour s'engager, dans les mêmes conditions et avec les mêmes garanties, dans ce processus.

Signe encourageant, plusieurs autres régions se sont d'ailleurs d'ores et déjà portées candidates.

Contrairement à ce qui a déjà été suggéré ici ou là, il va de soi que la régionalisation ainsi conçue ne porte nullement atteinte à l'égalité des usagers devant le service public : la tarification reste nationale ; la seule faculté reconnue en la matière aux régions - mais elle est importante - est d'améliorer les tarifs au profit de telle ou telle catégorie de voyageurs de leur choix, à condition toutefois de compenser la charge supplémentaire qui en résulte dans les comptes de la SNCF.

Je souligne également qu'il n'y a pas transfert de lignes : le réseau reste national et les régions n'auront, pas plus demain qu'aujourd'hui, la possibilité de décider des fermetures de lignes.

J'ai lu enfin parfois que l'objectif du Gouvernement serait d'introduire subrepticement, grâce à cette régionalisation, une concurrence privée sur les lignes de la SNCF.

Je voudrais sur ce point faire deux observations :

L'article 13 de la lot réaffirme clairement que c'est à la SNCF et à elle seule qu'il appartient « d'exploiter selon les principes du service public les services du transport ferroviaire sur le Réseau Ferré de France ». De même, l'article 1er alinéa 3 indique « que la gestion du trafic et la circulation sur le Réseau Ferré de France ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la SNCF ». Aucun texte de loi n'avait jusqu'ici affirmé aussi clairement les missions de la SNCF. Il n'y a donc rien dans le projet de loi qui ouvre la porte à une quelconque concurrence intramodale.

D'autre part, à ceux qui feindraient de l'oublier en la circonstance, je voudrais rappeler que la concurrence existe dès aujourd'hui et qu'elle s'exerce entre le mode ferroviaire et les autres modes de transport, en particulier l'avion et la route, aussi bien d'ailleurs pour le transport de marchandises que pour le transport de voyageurs.

C'est précisément pour mieux affronter cette concurrence que la SNCF a aujourd'hui besoin de se ressaisir. Le voyageur comme le chargeur se déterminent aujourd'hui - et se détermineront sans doute encore davantage demain - en fonction du rapport qualité-prix qui leur sera proposé par les transporteurs.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé à la SNCF, dans le cadre du pacte de modernisation qu'il a signé avec elle pour les années 1996 a 1999 de placer la clientèle au cœur de toutes les préoccupations de l'entreprise.

C'est l'enjeu majeur du projet industriel, en cours d'élaboration sous l'autorité du président M. GALLOIS.

Je voudrais, Mesdames et Messieurs les députés, profiter de l'occasion qui m'est ainsi donnée de vous indiquer que ce projet avance bien : il a déjà donné lieu à de nombreuses réunions de travail à tous les niveaux de l’entreprise ;  conformément à ce qu'avait souhaité le Gouvernement, il est élaboré de manière très participative ; enfin, il prévoit de redéployer une partie des personnels vers le contact direct avec la clientèle pour mettre en œuvre un meilleur accueil, une meilleure information et, plus généralement, un meilleur service commercial.

Or, ce projet industriel est directement lié au projet de loi dont nous allons débattre.

Jusqu'ici en effet, les cheminots étaient en quelque sorte privés de toute perspective, dans la mesure où le poids croissant de la dette d'infrastructure sur les comptes de la SNCF anéantissait en quelque sorte à l'avance le produit de leurs efforts.

A l’inverse, l'effort financier sans précédent que représente le très large désendettement de la SNCF va créer un contexte de nature à redonner aux cheminots une forte motivation pour rendre aux utilisateurs du train un meilleur service.

Je voudrais, à propos de ce désendettement, faire justice d'un certain nombre d'idées fausses, mais qui continuent circuler :

1) Selon certains, il ne s'agirait pas d'un véritable désendettement de la SNCF : si l’on entend par là le fait que transférer la dette ne suffit pas à le faire disparaître du jour au lendemain, c'est vrai, mais c'est une évidence pour tous ceux qui connaissent la vie financière.

En revanche, il est tout à fait clair que l’État s'engage bien à rembourser, via Réseau Ferré de France, l'ensemble de la dette d'infrastructure de la SNCF évaluée, par un audit indépendant, a 134,2 milliards de francs, en assurant chaque année le service de cette dette, en capital et en intérêts, pendant la durée de vie des emprunts restant à courir.

La dette ainsi transférée sera représentative, « notamment en durée, en taux d’intérêt et en devises de l'ensemble de la dette financière de la SNCF et des contrats d'échéance financiers qui lui sont directement rattachés ». Le Gouvernement n'a eu aucune peine à accepter l'amendement de précision proposé sur ce point par le Sénat, car il correspond exactement à ses intentions.

L’État sera le garant de ce remboursement et le Gouvernement a d'ailleurs accepté l'amendement du Sénat qui l'obligera sur ce point, comme sur la régionalisation, à présenter au Parlement, dans un délai de 4 mois à compter de la fin de l'expérimentation régionale, c’est-à-dire au cours des 4 premiers mois de l'an 2000, un rapport consacré « à l'appréciation des conséquences de la création de l'établissement public Réseau Ferré de France, notamment sur l'assainissement financier de la SNCF ».

Une telle exigence est conforme aux principes du régime parlementaire. Elle aura en outre le double mérite de prolonger le principe de transparence qui nous anime dans cette affaire député l'origine et de permettre à la représentation nationale de vérifier dans la durée la stricte conformité dans l'application de la réforme des principes énoncés par le Gouvernement.

Je précise enfin que, bien entendu, il n'y aura pas d'affectation particulière, au sein de RFF, de telle ou telle catégorie de recettes à telle ou telle catégorie de dépenses : c'est donc avec l'ensemble de ses ressources (dotations en capital, péages versés par la SNCF, contribution aux charges d'infrastructures, concours d'investissements versés par l’État, les collectivités locales ou la communauté européenne), que RFF assumera l'ensemble de ses charges : rémunération de la SNCF pour sa mission d'entretien du réseau, remboursement de la dette, financement des investissements nouveaux.

2) Certains ont regretté, par ailleurs, qu’il ne soit pas procédé au désendettement total de la SNCF.

A ce sujet, je souhaiterais faire deux observations :
1°) Le Gouvernement a suivi dans cette affaire les conclusions du débat national : c'est en effet le débat national qui avait fait apparaître le caractère en quelque sorte illégitime de la présence, dans les charges de la SNCF, du financement de l'extension et de la modernisation des lignes. En effet, aucun autre mode de transport ne supporte ainsi directement dans ses comptes la charge financière des infrastructures dont il a besoin.

La reprise par Réseau Ferré de France du poids financier des infrastructures constitue donc un facteur d'égalisation au profit de la SNCF de ses conditions de concurrence par rapport aux autres modes de transport.

Le débat national a d'ailleurs relayé à ce sujet une revendication ancienne des cheminots et de leurs représentants : cette revendication portrait bien sur la nécessite de faire prendre en charge par quelqu'un d'autre que la SNCF la dette d'infrastructure.

2°) D'autre part, certains ont cru pouvoir tirer argument de la réforme des chemins de fer allemande. Dans ce pays, L’État a en effet procédé au désendettement total de la Deutsche Bundesbahn.

Mais il faut bien voir que ce désendettement total s'inscrit en Allemagne dans le cadre d'une réforme dont les principes n'ont rien à voir avec ceux qui ont été retenus en France : je rappelle en effet que, en Allemagne, 60 000 postes de cheminots vont être supprimés ; que l’État se donne pour objectif la privatisation ; et enfin que le statut des cheminots est remis en cause.

II est trop facile d'emprunter telle ou telle caractéristique à la réforme de tel ou tel réseau, en oubliant, pour la simplicité du raisonnement, les autres mesures qui l'accompagnent.

Je voudrais enfin souligner avec force que la réforme ne porte pas atteinte à l'unité ou à l'identité de la SNCF.

Certes, il y aura création d'un nouvel établissement public à caractère industriel et commercial.

Mais cet établissement public reposera sur une structure très légère d'environ 200 personnes, à compare aux 177 000 cheminots de la SNCF. Il n'y a donc pas de partage des effectifs entre les deux établissements : plus précisément encore, tous les personnels qui, au sein de la SNCF, sont chargés de l'entretien du réseau, restent affectés à la SNCF et conservent leur statut de cheminot. De façon plus générale, l'ensemble des personnels de la SNCF conserve leur statut et leur régime de retraite.

Le réseau reste national et ne pourra, comme aujourd'hui, évoluer, en plus ou en moins, que sur décision de l’État.

J'ajoute d'ailleurs que le Sénat, avec l'accord du Gouvernement, a précisé, sur ce point, que tout déclassement éventuel, soumis à l'autorisation préalable de l’État, ne peut être décidé qu'après « avis de la région concernée ».

De même, la tarification reste nationale. La régionalisation n'a, je l'ai dit, sur ce chapitre tarifaire, qu'une seule conséquence : permettre aux régions qui le souhaitent d'améliorer les tarifs nationaux au profit de telle ou telle catégorie d'usagers, à condition de compenser cette charge nouvelle dans les comptes de la SNCF.

II ne s'agit d'ailleurs pas là d'une innovation absolve, puisque, dans la situation actuelle, plusieurs régions avaient déjà développé de tels particularismes tarifaires, en particulier au profit des étudiants.

Je voudrais maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, vous présenter les grandes lignes du projet de loi, en répondant à trois questions :
     
1) Et tout d'abord, pourquoi créer un nouvel établissement public ?

Le nouvel établissement créé par la loi aura pour objet « d'aménager, de développer et de mettre en valeur l'infrastructure ferroviaire ». Comme la SNCF, il s'agit d'un établissement public à caractère industriel et commercial. Comme la SNCF, il sera soumis au contrôle économique et financier de l’État, et, toujours comme la SNCF, il tiendra sa comptabilité selon les règles applicables aux entreprises.

La raison d’être de ce nouvel établissement public est de permettre l’État, à travers lui, d'assumer complètement à l'avenir ses responsabilités dans l'étude, dans le financement et dans le développement des infrastructures.

A ce titre, cet établissement sera doté d'une capacité d'expertise économique et technique des projets d'investissement distincte de celle de la SNCF. Il contribuera ainsi à éclairer l’État avant toute décision de création d'infrastructure nouvelle.

On a parfois critiqué dans le passé le monopole d'expertise de la SNCF, qui aurait été en quelque sorte jugé et partie dans la décision de créer des lignes nouvelles. Il serait d'ailleurs plus conforme à la réalité de dire que cette confusion des responsabilités convenait apparemment à tout le monde, du moins dans une vision de très court terme.

Elle permettait en effet à l’État de décider d'investissements ferroviaires, sans supporter directement les conséquences financières de ses décisions, quitte à critiquer a posteriori, dans certains cas, les prévisions de la SNCF, faute, le plus souvent, d'avoir su les expertiser a priori.

Le nouvel établissement mettra fin à cette confusion.

Le désendettement de la SNCF de la partie de sa dette liée au financement des infrastructures, sur lequel l'accent a été mis très fortement, n’est donc en réalité que la conséquence logique tirée pour le passé de cette clarification des responsabilités, instaurée essentiellement pour l'avenir.

Il est vrai que l'importance des sommes en cause explique très facilement l'attention portée par les commentateurs.

Mais si la création de ce nouvel établissement public est dictée d'abord par la clarification des responsabilités en matière d'infrastructure, le Gouvernement a fait ce choix aussi parce qu'il constitue la modalité la plus appropriée pour désendetter la SNCF.

Un tel choix répond d'ailleurs à l'analyse qui avait été faite, dans le cadre du débat national, à la fois par le Conseil national des transports et par le conseil économique et social. L'un et l'autre avaient en effet suggéré la création d’une structure nouvelle chargée pour l'avenir, de la responsabilité du développement et de la modernisation du réseau ferroviaire et, pour le passé, de l'apurement de la dette d'infrastructure de la SNCF.

L'expérience du service annexe de l’amortissement de la dette créé en 1990 dans les écritures comptables de la SNCF avait en effet montré les limites de ce genre de solution : alors même que l’État avait, cette même année, sorti des comptes principaux de la SNCF 38 milliards de dette, il avait laissé subsister alors tous les mécanismes de reconstitution rapide de cette dette entretenant la confusion originelle entre les responsabilités qui relèvent de l’État en matière d'infrastructures et les comptes de la SNCF. On voit quel en est aujourd'hui le résultat.

2) Deuxième question : Quelles conséquences pour la SNCF ?

La SNCF assurera, pour le compte de ce nouvel établissement, la gestion du trafic et des circulations sur le Réseau ferré national, ainsi, bien sûr, que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau.

La SNCF conservera donc sa double mission de transporteur ferroviaire et de gestionnaire de l'infrastructure.

En contrepartie de la prise en charge par le nouvel établissement public d’une dette vis-à-vis de la SNCF de 134,2 milliards de francs, le texte organise le transfert au nouvel établissement public des biens constitutifs de l'infrastructure ferroviaire, ainsi que des terrains et bâtiments non affectés à l'exploitation des services de transport.

Jusqu'à présent, ces biens appartenaient à l’État et ils étaient gérés par la SNCF. La loi prévoit qu'ils seront apportés en pleine propriété au nouvel établissement public, ce qui lui permettra de décider au sein de son conseil d'administration des actes de gestion de son patrimoine (terrains, bâtiments...) sauf pour la consistance du réseau pour lequel les décisions resteront soumises à l’État.

Cette formule apportera simplification et efficacité au fonctionnement du nouvel établissement public à caractère industriel et commercial et facilitera en particulier ses relations avec les collectivités territoriales, tout en maintenant toute garantie sur l'évolution du réseau.

De son côté, la SNCF demeure, dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, gestionnaire des biens dévolus à l'exploitation de services de transport ferroviaire, c’est-à-dire en particulier des gares et des ateliers d'entretien du matériel roulant, mais aussi :
      - des magasins et ateliers de réparation et d’assemblage ;
      - des équipements des voies ;
      - des immeubles administratifs ;
      - des biens affectés au logement et aux activités sociales.

Bien entendu, l’État conservera toutes ses prérogatives en matière de définition et de consistance du réseau. Cela signifie que les décisions de création de ligne nouvelle, tout comme les éventuels projets de déclassement, continueront d'être soumis à son autorisation.

Enfin, l’État tirera naturellement les conséquences dans ses relations financières avec la SNCF de l'existence du nouvel établissement public.

C'est à lui que sera versée désormais la contribution au charges d'infrastructure, qui complétera ses autres ressources : dotations en capital de l’État, produits de son domaine et péages payés par la SNCF pour l'utilisation du réseau.

Mais de son côté, la SNCF conservera naturellement le bénéfice de tous les autres concours publics qu'elle percevait jusqu'ici, en particulier au titre de ses missions de service public et le concours au titre de ses charges de retraite, concours dont le principe est désormais prévu par la loi.

3) Troisième question : cette réforme se traduit-elle par plus de complexité ou par une clarification ?

Certains s'interrogeront peut-être en effet sur la complexité de ce dispositif.
La conviction du Gouvernement est que cette complexité est plus apparente que réelle et qu'elle constitue, au risque d'être paradoxal, en quelque sorte le prix à payer pour clarifier les missions respectives du responsable de l'infrastructure et du transporteur ferroviaire.

En outre, l'avant-projet de décret relatif aux missions et au statut du nouvel établissement public prévoit que la SNCF passera avec lui une convention qui précisera leurs relations.

Je voudrais d'ailleurs insister sur la double dimension de la clarification que va permettre l'existence de ce nouvel établissement public :

Clarification des missions et des responsabilités respectives de l’État et de la SNCF tout d'abord : à l’État désormais de décider, mais aussi de financer directement les investissements d'infrastructure nouvelle ; à la SNCF, d'y faire circuler les trains et d’en assurer la gestion.

Mais aussi clarification pour les contribuables et leurs représentants dans les assemblées  parlementaires : désormais, en effet, il sera plus facile à chacun de distinguer l'objet et l'utilisation effective des concours publics consacrés au transport ferroviaire, et chacun pourra, comme pour tout autre mode de transport, apprécier ce que la collectivité consentira au profit des infrastructures, sans noyer en quelque sorte ces sommes dans celles consacrées à l'exploitation.

Mesdames et Messieurs les députés, grâce au texte que vous allez examiner, le transport ferroviaire va pouvoir repartir sur des bases meilleures.

Des responsabilités clarifiées ; des services régionaux de voyageurs décidés plus près des voyageurs et sous la responsabilité de leurs élus régionaux ; une entreprise remobilisée au service de ses clients, voyageurs et chargeurs : tous les acteurs du transport ferroviaire pourront trouver dans cette réforme des atouts pour un meilleur fonctionnement du transport ferroviaire.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement a conçu cette réforme et c'est dans cet esprit qu’il veillera, demain, à son application.

 

Assemblée nationale - Vendredi 7 février 1997

clôture du débat l'Assemblée nationale sur la loi portant création du Réseau Ferré de France

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,

Nous voici donc parvenus au terme de ce débat.

Je voudrais tout d'abord remercier en mon nom personnel et au nom de Mme IDRAC, qui s’est beaucoup investie à mes côtés sur ce dossier, l'Assemblée nationale, la commission de la production et des échanges, son président M. François-Michel GONNOT, son rapporteur M. Alain MARLEIX, et tous les députés qui ont participé à cette discussion.

Le texte que l'Assemblée nationale vient d'adopter ouvre un nouvel avenir au transport ferroviaire dans notre pays.

Le Parlement qui, par ses travaux tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, a fortement contribué à inspirer cette réforme sera, demain, et je m'en réjouis, étroitement associé à sa mise en œuvre. Le gouvernement sait qu'il pourra compter sur la vigilance constructive du Parlement pour que l'application de la réforme soit poursuivie avec toute la continuité nécessaire.

Bien sûr, cette réforme, on raison même des fortes innovations qu'elle comporte, a suscité quelques interrogations, au demeurant légitimes. Le débat qui vient de se dérouler a permis d'y répondre.

Je voudrais revenir sur l'une d'entre elles, particulièrement importante à mes yeux, parce qu'elle concerne le personnel.

En ce qui concerne Réseau Ferré de France, je rappelle que son personnel sera constitué à l'image du personnel de tous les établissements publics à caractère industriel et commercial.

Il comportera donc à la fois des fonctionnaires détachés et des agents recrutés par contrat, comme c'est le cas aujourd'hui et depuis des années, dans d'autres établissements publics à caractère industriel et commercial tels que, par exemple, les villes nouvelles ou les ports autonomes.

La seule originalité sur ce point de Réseau Ferré de France - mais nous l’avons souhaité pour des raisons évidentes qui tiennent à la nature de ses missions -, c’est la possibilité pour lui de recruter, en plus de ces deux catégories de personnel habituelles aux EPIC, des cheminots détachés. Ceux-ci seront recrutés sur la base du volontariat et ils conserveront, au sein de Réseau Ferré de France, l’intégralité de leur statut de cheminots.

Ainsi, Réseau Ferré de France disposera, grâce à la triple origine de son recrutement, d'un personnel bien adapté à la totalité de ses missions.

Je voudrais souligner aussi, Mesdames et les Messieurs les députés, que la réforme que vous venez d'adopter, est à mes yeux autant un point de départ qu'un point d'aboutissement.

Bien sûr, ce texte marque d’une certaine façon l’aboutissement des travaux que. le gouvernement avait engagés au début de l'année dernière en lançant, dans tout le pays, un débat sur l'avenir du transport ferroviaire, débat auquel tous ceux qui le souhaitaient ont eu très largement la possibilité de participer.

Mais ce texte marque aussi un point de départ ; dans le cadre de la nouvelle organisation du transport ferroviaire, chacun – État, SNCF, Réseau Ferré de France, régions expérimentales – se trouve maintenant mis en mesure d'assumer des responsabilités plus clairement définies et bien délimitées.

Après des années d'interrogations, de doutes, de déclin, celle réforme, la première de cette importance depuis 60 ans, doit permettre à tous de retrouver confiance.

En terminant, je voudrais dire ma confiance dans les agents de la SNCF à tirer le meilleur parti de cette nouvelle donne : confiance dans ses dirigeants, et je salue la présence parmi nous du président GALLOIS, confiance dans ses cadres, confiance bien sûr aussi dans l’ensemble de ses personnels, de tout grade et de toute qualification.

Les cheminots sont les héritiers d'une longue tradition. Chacun connaît et reconnaît leur professionnalisme et leur maîtrise de ce magnifique outil que constitue le réseau ferroviaire.

Grâce à la clarification des missions de la SNCF et à l’effort financier considérable que l'Assemblée vient d'adopter. Ils vont maintenant pouvoir se consacrer, tous ensemble, à l’élaboration du projet industriel, qui donnera demain aux Français de nouvelles raisons - et je reprends ici le slogan publicitaire de la SNCF - de « préférer le train ».

Ils donneront ainsi raison à l’un des plus illustres cheminots de ce siècle, Louis ARMAND, qui écrivait - je  cite « s'il aura au XXe siècle, le chemin de fer sera le mode de transport du XXIe siècle ». Je suis convaincu que nous venons de lui donner les moyens non seulement de survivre, mais aussi de se développer.

La réforme que vous venez d'adopter, Mesdames et Messieurs les députés, donne à la SNCF les moyens d'un nouveau départ. Elle affirme ainsi une grande ambition pour le transport ferroviaire dans notre pays.