Texte intégral
Depuis quelque temps déjà, chaque événement sportif important fait naître des rumeurs relatives au dopage, créant ainsi un climat de suspicion systématique qui me semble insupportable à plusieurs titres.
S’il est vrai que le dopage existe, il n'est pas question pour autant de jeter l'opprobre sur l'ensemble du mouvement sportif qui reste à mes yeux majoritairement sain. Cette généralisation abusive, à laquelle certains discours nous invitent, est fausse et ne sert pas le combat que nous devons mener tous ensemble contre ce fléau du sport. Il reste que nos champions sont soupçonnés alors que nous devons leur permettre de faire des performances dans la sérénité, comme ils le souhaitent tous.
Certaines déclarations provocatrices visent aussi à discréditer la lutte antidopage. Or, si celle-ci n'est effectivement pas infaillible - et c'est justement la raison des modifications que je vais vous présenter - on ne peut pas nier la réalité de ce qui est effectué aujourd'hui et en particulier l'action quotidienne des très nombreux acteurs de terrain que je remercie très sincèrement pour leur dévouement et leur engagement souvent bénévole.
Face à ce constat, et afin de restaurer un véritable climat de confiance autour de la lutte antidopage, j'ai décidé, en accord avec la Commission Nationale de Lutte contre le Dopage, d'entreprendre des modifications importantes, tant sur le plan législatif que sur le plan fonctionnel.
En effet, si une bonne réglementation est essentielle, il faut aussi se donner les moyens d'une application réelle et efficace des mesures souhaitées par le législateur.
Tout d'abord l'aspect législatif : la loi actuelle n° 89-432 du 28 juin 1989 relative à la prévention et la répression de l'usage des produits dopants sera intégrée à la future loi sur le sport en cours d'élaboration, en même temps qu'elle subira des amendements conséquents. Cette intégration me semble essentielle et présente plusieurs avantages, entre autre celle de ne plus isoler le dopage du contexte général du sport, et aussi de développer la prévention par l'existence de la surveillance médicale au sein de la même loi.
Les modifications essentielles portent sur trois points :
- la mise en place des contrôles ;
- la réalisation d'un suivi médical et biologique ;
- la procédure disciplinaire.
La volonté de transparence, et la nécessité de crédibiliser les actions menées, aboutissent à ce que la loi prévoie la création d'un organisme autonome, indépendant du pouvoir du ministère et des fédérations, le Conseil National de Prévention et de Lutte contre le Dopage.
Cette instance sera dotée d'une souplesse de fonctionnement que ne peut lui procurer une administration centrale et qui lui permettra une action plus efficace. Ce Conseil de sages, sera composé de douze membres nommés par différents acteurs politiques, juridiques et sportifs. Il élira son président parmi ses membres qui auront un mandat non renouvelable. Ainsi sera garantie son indépendance.
Ce conseil aura principalement 4 responsabilités :
- la mise en place des programmes de prévention et de recherche ;
- la gestion des contrôles, y compris leur ciblage, la gestion des médecins et du matériel ;
- le suivi médical systématique des sportifs de très haut niveau ;
- enfin une partie du pouvoir disciplinaire.
Le ciblage des sportifs à contrôler et la mise en place des contrôles inopinés, à l'entraînement en particulier, seront facilités par la création de ce Conseil.
Un autre rôle essentiel dévolu à cet organisme sera de prévenir la survenue du dopage : à cette fin un suivi médical et biologique systématique va être mis en place chez les sportifs de très haut niveau (ceux de la catégorie dite "élite" dans le jargon de nos listes de sportifs de haut niveau) permettant d'établir pour chacun un "passeport d'aptitude" à la compétition.
Cette mesure, qui débutera dès 1997, fera l'objet d'une dotation spécifique issue des ressources supplémentaires dégagés par le Parlement sur le FNDS, et me permettront de doubler par rapport à 96 le budget consacré à la médecine et à la lutte contre le dopage. Cette action sera organisée en collaboration avec les médecins fédéraux et les médecins inspecteurs régionaux qui constituent déjà l'encadrement médical des sportifs. Plusieurs fédérations nationales et internationales envisagent d'ailleurs une démarche similaire (FFF, IAAF).
En matière disciplinaire, le futur dispositif prévoit de confier à ce conseil national un pouvoir de régulation. En premier lieu, il constituera une instance d'appel des décisions fédérales, selon un schéma un peu comparable à celui du tribunal arbitral du sport (TAS) du CIO à Lausanne. De plus, le Conseil aura la faculté de s'auto-saisir d'une sanction fédérale jugée inadaptée et pourra émettre une nouvelle sanction majorée ou minorée suivant les cas.
L'objectif évident ici consiste à obtenir une harmonisation des sanctions entre les différentes disciplines et à garantir l'équité pour tous les sportifs en respectant le droit individuel.
Parallèlement, je souhaite que les pourvoyeurs ou les incitateurs, appartenant ou non à l'encadrement des sportifs soient lourdement sanctionnés. C'est pourquoi j'ai sensibilisé tout particulièrement le garde des sceaux afin que les dispositions pénales prévues à leur encontre, variant d'une amende de 100 000 francs à des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à dix ans dans certains cas, soient effectivement appliquées.
Toutes ces modifications législatives seront soumises à l'approbation du Parlement dans l'année 1997 afin de réaliser leur mise en place dès le début de l'année 1998.
D'un point de vue plus fonctionnel, certaines mesures seront poursuivies et renforcées :
- l'accroissement des contrôles inopinés ;
- la mise en place du contrôle médical supplémentaire (déjà évoqué) qui débutera dès l'année 1997.
Bien sûr, ces différentes dispositions nécessitent une affectation de moyens financiers conformes à nos objectifs. Je m'engage à dégager une dotation spécifique supplémentaire pour arriver en régime stabilisé à un budget de l'ordre de 12 MF par an, à comparer aux 3,5 MF utilisés cette année.
A côté de cet effort des pouvoirs publics, je ne doute pas que le mouvement sportif saura se mobiliser encore plus dans ce combat et trouvera d'autres ressources financières parmi ses partenaires pour accentuer notre action.
D'autres instances institutionnelles sont également concernées par le dopage, que ce soit en matière de recherche ou de prévention. Ainsi, afin de mieux connaître et donc de mieux appréhender cette pratique, une expertise collective va être effectuée par le CNRS sous la tutelle du Ministère de la Jeunesse et des Sports en 1997.
Cette expertise permettra d'adapter notre politique de lutte antidopage et de définir les axes de recherche prioritaires à mettre en place. Je me félicite de cette initiative et j'exprime tous mes remerciements à cette structure pour ce partenariat scientifique.
De même, en termes de prévention, un certain nombre d'actions élargies concernant le dopage et les conduites additives en général sont en cours d'élaboration avec le soutien important de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies (MILDT). Je tiens ici à remercier sa Présidente Madame Françoise de VEYRINAS.
Dans ce combat qui vise à protéger la santé des sportifs, mais aussi à garantir l'équité sportive, la France ne peut agir de façon unilatérale.
C'est pourquoi je me suis déjà longuement entretenu de cette question avec le Président du CIO, Monsieur Juan Antonio SAMARANCH. Répondant à mon invitation, le Président de la Commission médicale du CIO, Monsieur Alexandre de MERODE est venu à Paris afin d'étudier la possibilité d'adapter les propositions françaises au contexte international et d'envisager leur extension éventuelle.
D'ores et déjà, les orientations que je vous présente aujourd'hui ont été considérées comme une avancée notable vers une plus grande efficacité de la lutte antidopage. Je vais continuer de défendre la position française sur la scène internationale comme membre du CIO bien sûr mais aussi auprès du conseil de l'Europe qui a en charge ce problème à travers la convention contre le dopage qui a été ratifiée par 32 États (dont le Canada et l'Australie).
Enfin, la prise de conscience de plusieurs dirigeants sportifs et des sportifs eux-mêmes, qui s'expriment depuis quelques temps, me réjouit et me rassure. En effet, quels que soient les efforts des uns ou des autres, nous ne pouvons obtenir un résultat qu'en travaillant tous ensemble pour la sauvegarde du sport. Les mesures que je vous ai présentées aujourd'hui s'inscrivent dans cette volonté. Leur réussite dépendra de l'engagement de tous : dirigeants, sportifs, encadrement technique et médical, éducateurs...