Déclaration de M. François Fillon, ministre délégué à la poste aux télécommunications et à l'espace, sur l'essor du marché des télécommunications et sur la mise en place du cadre juridique et des organismes chargés de la régulation du marché, Paris le 26 novembre 1996.

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Intervenant(s) : 
  • François Fillon - Ministre délégué à la poste aux télécommunications et à l'espace

Circonstance : Inauguration du SIRCOM (Salon International des Mobiles et des Télécommunications), au CNIT à Paris le 26 novembre 1996

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Il y a un an, j'avais eu l'occasion d'évoquer, ici même, les perspectives qui s'offraient à tous ceux qui pariaient sur la mobilité.

Ce que je constate avec vous aujourd'hui, c'est que le marché de la mobilité a d'ores et déjà tenu ses promesses : il ne se passe plus un jour sans que l'on annonce une nouvelle application des technologies de communication mobile, sans que l'on constate une croissance toujours plus forte du marché de la mobilité...

C'est donc un plaisir pour le ministre en charge des Télécommunication que d'assister pour la seconde fois à une manifestation qui démontre que les acteurs français ont la volonté et les moyens d'être présents sur un marché aussi prometteur que celui de la mobilité.

I. Un marché de la mobilité en plein essor

1) Un marché en plein essor

Il n'est plus d'actualité de s'inquiéter ou de se gausser du « retard français » en matière de mobiles. Ce qui retient désormais l'attention, c'est bien le progrès spectaculaire qu'a enregistré ce marché en France : 1996 restera l'année du décollage des mobiles dans notre pays. Si la France affiche encore un certain retard en ce domaine par rapport aux Etats-Unis et à certains de ses voisins européens, notamment scandinaves, nous ne pouvons plus douter que le « boom » que connaît actuellement le marché français des mobiles va lui permettre de le combler.

Loin d'être une mode passagère, le succès des mobiles démontre que nos concitoyens sont prêts à adopter les technologies les plus innovantes, dès lors que les services qu'elles offrent sont séduisants et que le coût ne constitue pas un obstacle rédhibitoire.

Le radiotéléphone est le premier bénéficiaire de cette dynamique : le cap des deux millions d'abonnés au radiotéléphone devrait être franchi avant la fin de l'année, démontrant la réelle démocratisation de cet outil longtemps réservé à un usage strictement professionnel. L'offre du troisième opérateur s'inscrit d'ailleurs très explicitement dans le cadre d'une ouverture au grand public des services de radiotéléphonie.

Les offres de transmission de télécopies et de données sont en outre de plus en plus fréquemment adoptées par les abonnés professionnels, ce nouveau secteur étant promis à un développement rapide.

Cette évolution se vérifie également dans le domaine de la radiomessagerie, avec plus de 600 000 abonnés à ce type de service dans notre pays.

La mise en œuvre de nouvelles techniques et l'arrivée de nouveaux opérateurs s'allient par ailleurs pour enrichir l'offre et dynamiser ce marché : je pense notamment au « téléphone sans fil de proximité », type DECT, qui va constituer une offre, complémentaire en termes de coût et de service, à celle du GSM.

2) Des perspectives encourageantes pour l'industrie

Certes, je ne peux que regretter avec vous que l'essor de ce marché n'ait pas, jusqu'à présent plus bénéficié aux entreprises françaises du secteur. Mais ma conviction est qu'elles disposent de toute la compétence technique et commerciale nécessaire pour aborder avec un dynamisme renouvelé ce marché d'avenir.

Ainsi, si la majorité des terminaux cellulaires analogiques est fabriquée en Asie, la quasi-totalité des terminaux numériques vendus sur le marché européen est fabriquée en Europe, et la France est devenue en quelques années, grâce à la qualité de la main d'œuvre présente sur ses bassins d'emplois, la terre d'élection des principaux producteurs de terminaux GSM : production de la SAGEM à Fougères depuis juillet 1995, de MATRA COMMUNICATION à Douarnenez, de SONY en Alsace, de MITSUBISHI en Bretagne, de PHILIPS dans la Sarthe, et peut-être d'autres industriels de premier rang à l'avenir...

A ces productions, se sont ajoutés des centres de recherche et de développement importants, notamment à Laval pour ALCATEL TELECOM, au Mans pour Philips et bientôt à Saclay pour MOTOROLA…

Notons aussi qu'au-delà de la place grandissante qu'occupent les mobiles dans les pays industrialisés, les radiocommunications devraient être appelées à un développement important dans les pays où les infrastructures terrestres se révèlent insuffisantes ou, souvent encore, inexistantes : les marchés à conquérir à l'export par les entreprises de ce secteur sont donc potentiellement très vastes.

II. Les fréquences, une ressource rare qui nécessite une gestion prospective et rationnelle

L'Agence des Fréquences : rôle et compétences

La croissance du volume des radiocommunications mobiles ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes spécifiques, dans la mesure où ces techniques sont fortement « consommatrices » de fréquences du spectre hertzien.

Il était dès lors indispensable de rechercher à gérer ce dernier plus rationnellement.

La création d'une Agence des Fréquences au 1er janvier 97, prévue par la Loi de Réglementation des Télécommunication, procède de ce souci. J'ai pris toutes les mesures, notamment budgétaires, pour que l’Agence soit opérationnelle dès cette date. Son siège sera à Maisons-Alfort.

Le Gouvernement a confié à MM. Guiguet, ingénieur général de l'armement, et Chaduc, ingénieur général des Télécommunications, une mission de mise en place de cette Agence. Ils en seront les futurs présidents et Directeur général.

La mise en place de l'Agence permettra de mieux coordonner les utilisations du spectre par les différentes administrations attributaires et de mieux défendre les intérêts français dans les négociations internationales.

C'est aussi pour cette raison d'économie de fréquences que l'Europe a souhaité promouvoir la norme Ermès en matière de radiomessagerie. Il importe cependant, face au développement du marché, que cette norme connaisse un essor rapide pour pouvoir s'imposer.

III. L'ouverture à la concurrence : un nouveau souffle pour le marché français des télécommunications

1) La Loi de Réglementation des Télécommunications : un pas en avant décisif

L'année qui vient de s'écouler aura été riche, vous le savez, en événements décisifs pour l'avenir du secteur français des télécommunications qui vient de s'écouler. Avec l'adoption de la Loi de Réglementation des Télécommunications et la réforme du statut de France Télécom, ce sont en effet deux pas en avant essentiels qui ont été accomplis.

Pour la France, forte d’atouts décisifs en ce domaine, la libéralisation des télécommunications représentait une opportunité qu’il fallait saisir. Nous devions nous y préparer dans les meilleures conditions et élaborer des règles du jeu adaptées à ce nouvel environnement. Tel est précisément l'objet de la nouvelle Loi de Réglementation des Télécommunications du 26 juillet dernier.

2) Une concurrence ouverte et effective

En 1998, la concurrence sera ouverte et effective : elle touchera, sans restriction, l'ensemble des segments du marché, quelle que soit la clientèle visée, le service offert ou la technologie utilisée.

Un système ouvert et transparent de licences permettra à tous ceux qui en ont la capacité d'entrer sur le marché français, sans limitation a priori du nombre de licences, sauf dans le cas de pénurie de fréquences. Les opérateurs se verront allouer les ressources nécessaires à leur activité : fréquences, numéros, et droits de passage sur le domaine public dont bénéficieront tous les opérateurs dans des conditions égales.

Notre volonté de mettre en place une concurrence ouverte et effective se traduit d'ores et déjà en actes : j'ai en effet signé il y a quelques jours la première licence d'opérateur d'infrastructure alternative au profit de la société France Manche, qui exploite le tunnel sous la Manche et fournira des liaisons louées entre Paris et Londres. Dans les prochains jours, je délivrerai également des licences du même type à la SNCF, MFS et Colt.

3) Une régulation indépendante et équitable

Je sais que vous êtes également soucieux de voir se mettre en place une régulation indépendante et équitable du marché. Je partage la conviction de ceux qui croient que la concurrence ne pourra se développer que si la mise en œuvre des nouvelles règles du jeu est confiée à une autorité impartiale, séparée de la fonction d'actionnaire de France Télécom, et qui pourra afficher une doctrine et des lignes directives claires et stables dans le temps.

Une autorité de régulation des télécommunications sera donc mise en place en France dès le 1er janvier 1997. Présidée par M. Hubert et composée de 5 membres dont le mandat de 6 ans sera non révocable, elle disposera d'un budget individualisé par le Parlement et de moyens humains importants : la majorité des services actuels de mon ministère la rejoindra dès le 1er janvier prochain, afin qu'elle soit opérationnelle dès cette date.

L'ART disposera de trois leviers essentiels dans la conduite de la régulation du secteur :

C'est d'abord elle qui mènera le processus d'instruction des licences et qui allouera aux opérateurs les ressources en fréquence et en numéros nécessaires à leur activité. Elle jouera donc un rôle essentiel dans la structuration du marché, pendant la phase d'ouverture à la concurrence.

Elle sera ensuite compétente pour trancher les litiges liés à l'interconnexion entre opérateurs. En particulier, elle sera amenée à fixer le niveau des tarifs d'interconnexion, qui sera l'un des paramètres essentiels de la concurrence. Sur ce sujet important, je souhaite que les tarifs d'interconnexion en France soient comparables à ceux pratiqués dans d'autres pays.

Elle pourra enfin imposer des sanctions financières aux opérateurs qui n'auront pas respecté leurs obligations réglementaires, ce qui lui permettra notamment d'assurer un contrôle effectif des licences des opérateurs.

L'ART sera donc en mesure, dès sa création, d'assurer le développement d'une concurrence effective, ouverte, loyale et bénéfique aux utilisateurs.

4) La consultation sur la boucle locale radio

C'est aussi pour favoriser des initiatives que j'ai lancé, en octobre dernier, une consultation publique sur la boucle locale radio, dont le développement est une condition de la création d'un marché des télécommunications pleinement concurrentiel.

Je sais que de nombreux industriels souhaitaient une consultation sur cette technologie, qui représente un marché potentiel important : elle devra permettre, en s'appuyant sur une meilleure appréciation des besoins du marché et sur une évaluation des technologies envisageables pour les satisfaire, de définir le cadre réglementaire du développement de la boucle radio - tant en matière de licences des futurs opérateurs que de choix des systèmes et des fréquences les plus adaptés aux différents segments de marché. Je souhaite donc que vous soyez nombreux à y répondre.

Conclusion :

En réformant le secteur des télécommunications, je suis persuadé que nous avons fait les bons choix :

Ceux qui permettront à tous les acteurs français du marché des télécommunications d'aborder avec un élan renouvelé la révolution technologique que nous vivons et de passer avec succès le cap de l'ouverture à la concurrence.

Ceux qui permettront aussi - et les technologies de télécommunication mobile en sont un bon exemple - d'offrir à tous nos concitoyens des outils qui peuvent, si nous y veillons, être mis au service d'une plus grande liberté et d'une meilleure qualité de vie.

C'est l'entrée de notre pays dans la société de l'information que nous préparons...

Vous disposez désormais de points de repère clairs quant au cadre juridique dans lequel s'inscriront vos futures initiatives. Il reste maintenant aux acteurs du marché des télécommunications à se préparer à tirer parti du nouveau souffle que va engendrer l'ouverture à la concurrence.