Texte intégral
Date : 2 octobre 1996
Source : Force ouvrière Hebdo
Sécurité sociale : nous avions raison
On n’échappe pas à l’exercice budgétaire, chaque année il provoque bien des polémiques et pourtant, il est rarement appliqué. Ceci étant dit, le projet de budget 97 présenté par le gouvernement s’inscrit prioritairement dans l’affichage du respect des critères économiques de Maastricht. Message à l’intention des intervenants sur les marchés financiers, ce projet de budget se caractérise par l’accentuation d’une politique économique restrictive.
Si les conséquences n’en étaient pas aussi dramatiques pour des millions et des millions de citoyens, on pourrait dire que ce projet de budget est ubuesque.
D’abord, il s’inscrit dans une lecture particulièrement rigide des critères européens. Ceux-ci n’exigent nullement, dans le texte, un taux plafond de 3 % pour le déficit. Pourtant, c’est l’axe retenu par le gouvernement, il sert de gouvernail et de règle pour dénoncer les… iconoclastes.
Comme d’ailleurs, si la notion bruxelloise de déficits englobe bien les déficits publics et sociaux, rien ne permet d’affirmer avec certitude (comme le fait le gouvernement français) que les régimes paritaires, liés à la gestion du salaire différé, doivent être englobés.
Si nous avions raison, la volonté du gouvernement français de récupérer, de facto, les fonds de l’UNEDIC, du logement, voire de l’AGEFIPH, s’inscrivait dans la remise en cause de toute la protection sociale collective, il s’agirait de réduire globalement « le social », de manière macroéconomique.
Ainsi, on peut comprendre l’accélération gouvernementale sur les fonds de pension par le fait que ceux-ci, de nature privée et volontaire, ne rentreront pas en compte dans les calculs pour les critères de Maastricht. C’est la grande charge libérale.
On peut d’ailleurs appréhender la finalité d’une telle démarche au regard des réflexions de la Commission européenne sur l’avenir de la protection sociale.
Celle-ci, constatant que la question des champs respectifs de la protection sociale légale et de la protection complémentaire est posée, se demande comment maintenir la cohésion sociale « tout en répondant au besoin croissant de flexibilité des économies modernes ». Et de préciser ensuite que la « question de savoir si l’affiliation obligatoire à un régime de protection sociale est compatible ou non avec le droit européen n’est pas totalement clarifiée ».
Tout cela renforce les analyses de Force ouvrière sur la Sécurité sociale et les motivations cachées de la contre-réforme Juppé.
Les dernières prévisions en matière de situation financière (52 milliards de « déficit » cette année et 47 l’année prochaine), confirment-elles aussi le bien-fondé de nos analyses.
Et que penser alors lorsque le gouvernement, lui-même, reconnaît que le problème essentiel est un problème de recettes à 90 % lié à la faible évolution des salaires ?
Que penser encore quand le gouvernement évalue, aujourd’hui, à 150 000 le nombre de personnes n’ayant pas accès aux soins (chiffre que nous donnions l’an dernier) alors qu’à Matignon, comme à la CFDT et à la FNMF, on disait qu’il y avait au moins 600 000 exclus minimum pour justifier la mise ne place d’un régime universel ?
Il ne s’agit pas seulement de dire que tout cela confirme que nous avions et avons toujours raison.
Le plus grave c’est que la protection sociale collective, à l’initiative du gouvernement, est en train de passer sous les fourches caudines des dogmatiques de Maastricht, dans le cadre d’une fuite en avant vers le libéralisme version jungle.
C’est aussi cela que nous avons dénoncé à la Bastille le 21 septembre 1996.
L’espoir ne se nourrit pas de la soumission. Pour se faire respecter, il faut se faire entendre.
« Pour garantir à tous l’accès au travail, ne conviendrait-il pas de revoir certaines pratiques et d’aider à une plus juste répartition des biens ? Quand donc seront véritablement respectés les droits de chacun au travail, au logement, à la culture, à la santé, à une existence digne de ce nom ? »
Certains pourraient encore être tentés de considérer de tels propos comme ceux d’un pyromane ! Ils ont pourtant été prononcés par le pape lors de sa visite « privée-officielle » en France.
Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui 83 % des Français sont favorables à un changement de politique économique.
Pour sa part, FO ne désarmera pas. C’est en maintenant la pression et en accentuant la mobilisation que nous pourrons obtenir satisfaction.
Date : 9 octobre 1996
Source : Force ouvrière Hebdo
Pour changer…Parlons comptes
Il était une fois une association. Son objet était d’instaurer une solidarité entre les salariés pour assurer à ceux qui perdraient leur emploi un revenu leur permettant de vivre dignement en attendant de retrouver un travail.
Auparavant, presque rien n’existait, le travailleur sans emploi était soumis à l’arbitraire charitable des fonds communaux, lorsqu’ils existaient.
L’association en question avait décidé de mettre sur pied son propre système d’allocations, à partir d’un financement prélevé sur le salaire direct, donc par la solidarité.
Comme cela se pratiquait dans d’autres structures gestionnaires du salaire différé, le paritarisme fut introduit.
L’État, quant à lui, s’est décidé, devant cette initiative, à créer un fonds national.
Pendant longtemps les allocations d’État furent équivalentes à celles de l’UNEDIC.
À l’époque, celle des Trente glorieuses, il n’y avait pas beaucoup de chômeurs, moins de 25 000 en 1959.
Quand le chômage commença à augmenter, au milieu des années 70, il y eut même au gouvernement un Premier ministre (destiné à d’autres responsabilités ensuite) qui améliora considérablement le niveau des allocations d’État.
Peu après le départ de ce Premier ministre, son successeur, éminent professeur, commença à parler de crise, de rigueur, d’efforts. Le chômage augmenta.
Les Français n’apprécièrent guère. Ils vivaient mal l’accroissement du chômage et des inégalités et ne percevaient pas le « bout du tunnel », l’inéluctabilité du chômage n’était pas une évidence, faire du curatif c’est bien, disaient-ils, mais donner du travail était mieux.
Ils le firent savoir à l’occasion des élections politiques.
L’espoir fut de courte durée pour des raisons qu’il serait ici trop long d’expliquer. Disons simplement, même la formule n’était pas encore à la mode, que la pensée unique rodait par là.
De fait, le chômage reprit sa courbe ascendante. Pour faire face à l’indemnisation, il fallut augmenter les cotisations et l’État fut mis à contribution. Au nom de la simplification on chargera même l’association de la majorité des opérations, le paritarisme commencera à devenir un tripartisme de fait.
Dans l’association, certains disaient qu’il fallait limiter les charges et qu’on ne pourrait pas être aussi « généreux ». Les pouvoirs publics, de leur côté, voulaient dépenser le moins possible. On leur avait mis dans le crâne qu’il y avait un seuil limite pour les prélèvements obligatoires.
Tout cela était bien embêtant.
On ne pouvait pas se satisfaire de l’augmentation du chômage (ça ne se fait pas) et dans le même temps il fallait absolument montrer qu’on avait bien géré comme le demandent les marchés financiers. On fit ainsi ce qu’on appela la désinflation compétitive. Le chômage augmentait encore.
Fait nouveau : de plus en plus de salariés non seulement ne trouvaient plus de travail, mais n’étaient plus indemnisés ni par l’État, ni par l’association.
On parla alors de pauvreté et d’exclusion.
Comme on ne pouvait pas ou on ne voulait pas changer de politique économique, on instaura le RMI qui devait être un « parachute », le temps d’une réinsertion. Mais, le chômage continua à grimper.
Et, comme il n’était toujours pas question de changer de politique économique, arriva le moment où il fallut trouver un système pour réduire les droits des chômeurs. Le patronat et le gouvernement ne voulaient pas en prendre seuls la responsabilité. Un autre membre de l’association l’accepta. On dit qu’il voulait avoir la présidence de l’association et qu’il voulait donner des gages de recentrage. Il n’y a rien de pire que de vouloir donner des gages.
Ainsi naquit l’allocation unique dégressive. Les allocations de chômeurs diminuèrent.
Tours les mois, 40 000 chômeurs n’étaient plus indemnisés et moins de 50 % des chômeurs percevaient une allocation de l’association.
Les gens ont alors écouté avec attention tout ce qu’on a dit avant les élections sur la fracture sociale. Rapidement ils ont compris que les promesses…
La fin de l’année dernière beaucoup de monde était dans la rue pour protester contre le plan du gouvernement qui voulait casser la Sécurité sociale.
C’est drôle aujourd’hui il y a neuf chances sur dix pour qu’une annonce de réforme soit, en fait, une contre-réforme.
Les gens ont montré qu’ils en avaient assez qu’on leur parle d’efforts et de sacrifices. Ils veulent tout simplement pouvoir vivre heureux, avoir du travail et ne pas trop s’inquiéter pour leurs enfants.
L’une des organisations membres de l’association qui, en novembre-décembre, avait soutenu le mouvement, ne voulait pas qu’il arrive à l’UNEDIC ce qui arrive à la Sécurité sociale. Elle ne voyait pas pourquoi les cotisations des salariés devraient maintenant servir à payer des emplois dans les entreprises, qui plus est à la place du gouvernement toujours à la recherche de dépenser moins sans changer de politique économique.
Les deux organisations, sur deux conceptions très différentes, ont donc fait état de leur candidature. De ce fait, les patrons qui détiennent la moitié des sièges, étaient appelés à dire clairement les choses, ce qu’ils n’aiment pas.
Que faire ?
Montrer qu’on veut effectivement défendre le paritarisme ou se réfugier sous l’aile du gouvernement ce qui a l’avantage de partager l’inconfort.
Le « chef » du patronat a finalement opté pour la deuxième solution. Et pour montrer qu’il n’était pas lié autant que cela à Matignon, il paraît qu’il a été faire (c’est le journal le Monde qui le dit), les yeux doux au PS.
Toujours est-il que, malheureusement, le chômage risque encore d’augmenter et que les chômeurs ne retrouveront pas ce à quoi ils ont légitimement droit.
La suite : les salariés actifs, chômeurs et retraités en décideront.
Note : En août 1996, 46 900 chômeurs ont dû quitter le régime d’assurance chômage parce qu’ils n’étaient plus indemnisés. Et, le gouvernement prépare une loi de cohésion sociale pour demander aux défavorisés de donner aux plus démunis. On n’arrête pas le progrès !
Date : 16 octobre 1996
Source : Force ouvrière Hebdo
Tout est lié
Est-ce étonnant ? Les derniers chiffres de l’INSEE sur la situation économique ne sont pas bons.
Tous les compteurs tournent au ralenti, y compris, bien entendu, le pouvoir d’achat, qui a baissé de 0,4 % au second trimestre 1996.
Conséquences logiques et dramatiques :
– les plans sociaux s’accumulent, le chômage augmente ;
– la protection sociale collective est de plus en plus menacée d’implosion du fait de l’insuffisance des recettes et, à nouveau, des voix s’élèvent pour affirmer qu’on ne pourra plus tout rembourser au même niveau pour tout le monde.
Pour autant, le gouvernement vient d’arrêter en Conseil des ministres sa loi de financement, qui imprime l’étatisation de la Sécurité sociale au travers de son financement et de son contrôle.
Ne vient-on pas de voir d’ailleurs le gouvernement, après avoir demandé à la CNAMTS de faire des économies, refuser certaines décisions du conseil d’administration ?
N’est-il pas pour le moins curieux d’entendre aujourd’hui le nouveau président de la CNAMTS, ardent défenseur du plan Juppé, réclamer la clarification entre l’État et la Sécurité sociale ?
Viendrait-il de découvrir ce qu’est l’étatisation ou fait-il l’expérience de l’action désormais subsidiaire de la Sécurité sociale vis-à-vis des politiques ?
La logique comptable de Maastricht, suivie plus qu’étroitement par les gouvernements, est destructrice de droits et de cohésion sociale.
Au nom de la compétitivité, on détruit de plus en plus d’emplois. Dans différents secteurs, des actions ont déjà eu lieu. Ce fut encore le cas le 12 octobre dans l’armement.
Ce sera le cas le 17 octobre dans la fonction et le service publics. Des journées sont également prévues dans des secteurs comme la banque ou le textile.
De plus en plus, les salariés du privé et du public savent qu’une part importante des problèmes sont connus et appellent des démarches interprofessionnelles.
Le patronat lui-même ne pourra rester muet et ne saura échapper à ses responsabilités.
C’était le sens de notre manifestation à la Bastille le 21 septembre, qui fut un succès.
Le 21 septembre, nous avons publiquement adressé un avertissement au gouvernement en disant que nous étions lassés d’attendre. C’est à la lumière de ce 21 septembre, des mouvements en cours et prévus, que la Commission exécutive confédérale se réunira les 15 et 16 octobre à Amiens, célébrant ainsi le 90e anniversaire de la Charte d’Amiens et de l’indépendance syndicale.
Ce sera aussi l’occasion, au nom de cette même indépendance, de faire le point de la situation et des initiatives à prendre.
Tout est lié : emploi, salaire, protection sociale collective.
Tout est lié : salariés, chômeurs, retraités.
Tout est lié : se battre contre le chômage aujourd’hui, c’est aussi redonner de l’espoir aux jeunes pour demain.
Pour le syndicalisme libre et indépendant, c’est aussi se faire entendre et respecter, ce qui fait partie des fondements de la démocratie.
Date : 23 octobre 1996
Source : Force ouvrière Hebdo
Réponse publique à la secrétaire générale de la CFDT
Le 17 octobre, nous déambulions dans les rues de Paris, de concert sinon ensemble, à l’appel des fédérations syndicales de fonctionnaires.
Les salariés de la fonction publique revendiquaient une augmentation de salaires, contestaient la remise en cause des effectifs budgétés et manifestaient leurs réserves devant la réforme de l’État d’ores et déjà mise en route par certains préfets.
Ces revendications, partagées, trouvent justification par le gel des salaires annoncé dès le 4 septembre 1995, par les 5 900 postes ne figurant pas au budget de 1997 (bien que les administrations n’hésitent pas, en dépit de l’interdiction dont elles font l’objet, à utiliser, sur des postes, des CES, ce qui démontre les besoins de la population) et par le fait que les premières initiatives concernant la réforme de l’État conduisent au désengagement de celui-ci et au transfert vers la sous-traitance privée, voire des associations, de l’exécution de certaines charges étatiques.
Nous n’étions pas ensemble puisque, pour ne pas donner à l’opinion publique une image trouble de l’unité, j’avais estimé, même si cela me privait de facilités médiatiques, qu’il fallait que je défile (nous étions à l’intérieur du cortège en 4e position) avec mes camarades fonctionnaires de l’Île-de-France, qui avaient assuré une bonne participation.
Il n’était pas possible, en effet, de laisser croire qu’au niveau confédéral nous étions d’accord, dans la limite où nos appréciations sur la contre-réforme Juppé sur la Sécurité sociale, par exemple, nous avaient quelque peu séparés.
À ce sujet, je dois à la vérité de dire qu’il me semble de plus en plus clair que ton organisation a joué un drôle de jeu dans ce dossier.
Pour préciser les choses, lorsque j’entends le président actuel de la CNAMTS indiquer qu’il faut clarifier les rapports entre l’État et le régime maladie, voire déclarer que la Sécurité sociale ne souffre pas exclusivement de ses dépenses mais aussi de ses difficultés en matière de recettes (dues notamment au chômage), quand je note que le Premier ministre déclare que 150 000 personnes ne seraient pas assujetties, alors que dans différents tracts de la CFDT vous revendiquiez la réforme par le fait qu’il y avait 600 000 non bénéficiaires… (nous disions, nous 152 000), je m’interroge : ces considérations étant celles de Force ouvrière, elles étaient, en son temps, contestées par le Premier ministre et par ton organisation, elles deviennent vérités maintenant, maintenant que la Sécurité sociale va à sa perte et que vous allez, le Premier ministre et toi-même, la conduire à un régime universel a minima.
Et pourtant, la calomnie dont nous avons fait l’objet de la part de certains médias sur la gestion de la Sécurité sociale n’a pas semblé, bien au contraire, t’émouvoir.
Cependant, le 17 octobre, loin du premier rang, nous patientions…
Les « événements » me furent rapportés par des journalistes, j’ai alors fait clairement savoir que je ne les approuvais pas, déclaré que ce n’était pas dans nos traditions syndicales, et je me suis remémoré les difficultés qui furent déjà les tiennes, en des circonstances comparables en novembre 1995.
La presse s’est ensuite emparée de la question, au point de faire passer l’événement important, la grève, au second plan et quelques médias, plus tard, de dénoncer « l’agression » dont tu avais fait l’objet.
Dans une conférence presse, tu as réclamé de la part des responsables syndicaux des condamnations formelles, certains considérant, au demeurant, que les invectives qui t’étaient adressés étaient plus adressées à la femme qu’à la militante responsable de la CFDT. Le sexisme est-il bien le fond du débat ?
En avril 1993, nous défilions ensemble à Strasbourg dans le cadre de la journée d’action organisée par la CES. Je placerai sous l’angle de la boutade et de l’espièglerie l’insistance du militant CFDT qui, dès qu’une caméra était en vue, me couvrait de son drapeau CFDT pour me faciliter les contacts médiatiques. Par contre, lors des prises de parole en fin de manifestation, il te souviendra sûrement que le flot d’invectives des militants CFDT m’ont contraint à suspendre, puis stopper mon intervention, sans qu’il y eût de ta part un quelconque geste d’apaisement.
Je n’en ai pas fait une maladie, c’est le prix à payer lorsqu’on ne partage pas certaines idées.
Cela existe dans tous les milieux, même le Premier ministre n’est pas épargné en la matière.
En 1995, au moment où tu soutenais publiquement le Plan Juppé et où j’appelais les salariés à manifester contre, j’ai eu le plaisir de me voir brûler en effigie sur FR3 et la satisfaction d’entendre quelques réactionnaires-anti grévistes crier « Blondel à mort » à l’occasion de contre-manifestations.
Je passerai sous silence les différentes menaces téléphonées ou écrites que j’ai reçues au bureau ou chez moi.
Camarades secrétaire générale de la CFDT, personnellement ne je n’ai rien contre toi, sauf que d’une part je ne partage pas ton syndicalisme et que, d’autre part, je pratique l’indépendance syndicale, tant vers le gouvernement que vers le patronat. Enfin, j’assume et ne renvoie pas la responsabilité de mes comportements sur d’autres.
Force ouvrière n’a rien fait qui fût agressif à ton endroit ; Force ouvrière n’approuve pas, par principe, la violence ; Force ouvrière agit en responsable et de manière tolérante. Alors, que tu laisses entendre que certains militants Force ouvrière t’aient agressée est une contre-vérité, à moins que tu fasses délibérément profession d’ingérence dans les affaires internes de FO, ce qui ne serait pas exceptionnel, avoue-le.
Camarade Notat, les salariés attendent autre chose de leurs organisations. Pour nous, au-delà des avatars, nous avons décidé de continuer à lutter.
Pour combattre le chômage, dans les entreprises privées.
Pour que le budget 1997 autorise une revalorisation salariale et des effectifs publics correspondant aux besoins des citoyens ;
Pour la relance de l’activité industrielle, l’augmentation des salaires et des minima sociaux ;
Pour la défense des régimes sociaux et du paritarisme ;
Pour la réduction de la durée du travail sans perte de salaire ;
Pour la préservation d’un service public républicain, et contre la réforme de l’État proposée par le gouvernement.
Et nous prendrons les initiatives nécessaires pour mobiliser les salariés sur ces revendications.
Chacun prendra alors ses responsabilités en toute indépendance, avec les salariés ou contre eux.
Sentiments syndicalistes.
Date : 30 octobre 1996
Source : Force ouvrière Hebdo
La logique du toujours moins
Les problèmes d’emploi s’accumulent dans le secteur privé. Dans les entreprises, les salariés n’admettent plus la logique de compétitivité-prix, qui conduit les employeurs à réduire coûte que coûte la masse salariale, comme le gouvernement en matière de déficits publics et sociaux, c’est-à-dire la logique du toujours moins.
Pour les entreprises, il est clair que les licenciements et le plan social qui les accompagne, constituent aujourd’hui une forme d’investissement financier rentable.
Une fois les aides de l’État perçues et les droits conventionnels et légaux respectés, le « retour sur investissement » du licenciement est en effet rentable (de l’ordre de douze à dix-huit mois).
Quand on examine la situation financière globale des entreprises, on ne peut qu’être marqué par le fait que leur autofinancement est élevé (+ de 110 %) et par la diminution de la part des salaires dans la répartition de la valeur ajoutée.
Cependant dans de nombreux secteurs d’activité, la situation est plus que morose.
C’est le cas dans le textile où les suppressions d’emplois se poursuivent, accentuées par les contraintes monétaires du « franc fort » qui conduisent à développer le dumping social.
Les rassemblements qui auront lieu le 30 octobre constituent de ce point de vue un avertissement au gouvernement et au patronal pour leur dire : « Arrêtez les licenciements, ayez une stratégie industrielle, ne délocalisez pas en bénéficiant par ailleurs d’aides de l’État. »
Fondamentalement, cela pose également la nécessité d’une clause sociale dans les accords commerciaux internationaux, revendication que nous réaffirmerons prochainement avec la CISL à l’occasion de la prochaine réunion de l’Organisation mondiale du commerce.
C’est aussi le cas dans le secteur bancaire et financier où les suppressions d’emplois liées notamment aux restructurations s’accélèrent, les organisations syndicales manifesteront à ce sujet le 15 novembre prochain.
La récente démonstration des salariés du CIC, où FO est majoritaire, est de ce point de vue significative.
C’est encore le cas avec la privatisation de Thomson et plus particulièrement de la branche multimédia, qui serait cédée pour 1 franc au groupe coréen Daewoo qui s’approprie ainsi toute la recherche et la technologie dans ce secteur prometteur.
C’est encore le cas chez Moulinex et dans d’autres entreprises, c’est aussi le cas dans des secteurs directement confrontés aux restrictions budgétaires de l’État comme celui du bâtiment et des travaux publics.
Face à une telle dégradation, d’aucuns considèrent que la loi dite De Robien constitue un espoir sérieux.
Rappelons qu’elle se traduit par des réductions importantes, pendant cinq ans voire sept ans, des cotisations sociales (alors que les engagements sur l’emploi sont limités à un ou deux ans) et qu’elle ouvre la possibilité de diminuer les salaires et de développer la flexibilité comme c’est le cas chez VVF.
De plus en plus, les pouvoirs publics font preuve de rigidité dans les domaines économique et monétaire et de flexibilité dans le domaine social.
De plus en plus, s’abritant derrière la théorie de l’OCDE sur l’activation des dépenses dites passives, les pouvoirs publics payent pour partie des emplois aux entreprises. Dans le même temps, ils réduisent le nombre d’emplois dans la fonction et les services publics.
De leur côté, les entreprises, tout en se référant à l’économie de marché, réclament de l’argent à l’État.
Partout c’est la logique financière qui domine, pénalisant lourdement les salariés en termes d’emploi, de salaire, de protection sociale collective et de conditions de travail.
Malgré les avertissements répétés, le gouvernement et le patronat persistent de manière aveugle dans leur logique.
Dans ces conditions, il est indispensable que les salariés du privé et du public se fassent entendre, ensemble.
Il s’agit d’accroître la mobilisation pour s’imposer un rapport de forces.
Ce qui vaut pour la France, vaut tout autant chez nos voisins comme l’Allemagne ou la Belgique.
La prochaine commission exécutive confédérale a été avancée, elle aura lieu le 5 novembre. Le bureau confédéral proposera l’organisation de manifestations à la mi-novembre dans toutes les grandes villes des départements.