Rapport de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, présenté le 25 avril 1997 et paru dans "L'Humanité" du 26 avril 1997, sur la stratégie et le programme du PCF en vue des élections législatives 1997 anticipées, et compte rendu de la discussion du Conseil national du PCF.

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Circonstance : Conseil national du PCF consacré à la préparation des élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997, le 25 avril 1997

Média : L'Humanité

Texte intégral

Le rapport de Robert Hue

Craignant que la détérioration de la situation ne soit fatale à son actuelle majorité lors de l’échéance électorale normale de 1998, le président de la République a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et d’anticiper les élections législatives. La campagne électorale est donc ouverte. Elle est d’ores et déjà engagée. Elle sera brève puisque les deux tours de scrutin sont fixés au 25 mai et au 1er juin.

Notre Conseil national doit donc définir l’orientation de la campagne du Parti, et la façon de mener cette campagne. Autrement dit, préciser son contenu et son style.

C’est le sens de ce rapport et des éléments qu’il soumet à la discussion.

I. Quelle situation a conduit à ces élections législatives et dans quelles conditions s’engage la campagne électorale ?

La majorité de droite élue en 1993 et le président de la République élu en 1995 mènent une politique douloureuse pour notre peuple et dévastatrice pour le pays. Chômage, précarité, exclusion, mise en cause de la protection sociale, austérité toujours reconduite et aggravée, jeunes dont l’avenir est bouché, chacune, chacun connaît ici ce redoutable engrenage qui produit la souffrance et l’angoisse dans nombre de familles. La société devient sans cesse plus brutale, plus invivable, plus inhumaine, au point que le lien social en vient à se déliter. La France elle-même est atteinte ; dans ses capacités économiques, ses atouts humains et matériels, son secteur et services publics, l’originalité de ses acquis sociaux, son autorité et son rayonnement au plan international.

Une situation d’effervescence sociale

Cette polémique désastreuse rencontre depuis des mois des résistances nombreuses, tant dans son contenu que dans la façon dont elle est imposée. Le cynisme et l’arrogance des dirigeants du pays, leur obstination à rester sourds à ce que ressent et exprime l’opinion, les promesses non tenues ont aggravé la « crise de la politique », le doute et le désarroi, la colère et les luttes. Au point que, comme nous le relevions lors de la précédente session ne notre Comité national, une véritable « effervescence » marque la situation.

Ainsi de nombreux mouvements sont en cours dans différents secteurs de l’activité du pays. Beaucoup semblent décidés à se poursuivre pendant la campagne électorale. Un cheminement s’est plus clairement établi entre la profondeur des problèmes quotidiens subis et la réalité des choix essentiels du pouvoir, et notamment ses choix en matière européenne, sa volonté de plier la France à un « modèle de société » étranger à ses traditions et à son histoire.

De même, et comme en toile de fond des grandes revendications sociales, grandissent des interrogations sur les finalités de la vie en commun, sur la place que doivent y tenir « l’être humain » et « l’argent », sur ce qu’est la vie dans une société civilisée digne de notre temps. Avec, là encore, le sentiment que les choix européens du pouvoir et des milieux dirigeants visent à faire violence à la France, pour la soumettre coûte que coûte aux dogmes ultralibéraux, à la toute-puissance du « marché » et d’une concurrence sauvage entre les individus et les peuples.

Ces traits expliquent le positionnement des différentes forces publiques.

La droite : amplifier ce qui a échoué

Ainsi, la droite, contestée dans le pays, tiraillée entre les voix discordantes de ses différents leaders, a pris peur et a préféré brusquer les choses, anticiper le scrutin, priver le pays d’un vrai et grand débat national sur son avenir. D’autant qu’elle sait bien que le respect des « critères de Maastricht » pour satisfaire au passage à la monnaie unique va conduire à un nouveau « tour de vis » en matière d’austérité. Alain Juppé vient ainsi de donner le ton de la campagne de la droite : « Le bilan est bon. Pas question de changer de cap. Il faut prendre les mêmes pour recommencer et aller plus loin », dit-il en substance.

Il faut « franchir demain une nouvelle étape », a-t-il martelé. Autrement dit, tailler à la hache dans les budgets publics et sociaux, faire subir une nouvelle agression à notre système de protection sociale, déclenche une nouvelle vague de privatisations, multiplier encore les licenciements.

Il faut « libérer l’entreprise », a-t-il prévenu. Autrement dit, encore plus de « cadeaux », de fonds publics aux grands groupes, en laissant leurs dirigeants libres de les utiliser à leur guise dans l’affairisme et la finance. En somme, à en croire le premier ministre et la droite au pouvoir, il faudrait, pour réussir, amplifier ce qui a échoué. Et, pour réduire le chômage, poursuivre demain la politique qui ne cesse de l’aggraver aujourd’hui !

Il faut, a-t-il encore souligné, « réussir la grande Europe » ! Non pas celle des coopérations et des peuples, mais celle du « noyau dur », de la banque allemande et du « pacte de stabilité » assurant aux marchés financiers la baisse du « coût du travail » à perpétuité et la garantie de « Vilvorde » à répétition !

Et l’actuelle majorité veut déclencher ce véritable cataclysme social, en comptant prendre appui sur l’amertume laissée par les impasses des années quatre-vingt, la faible crédibilité accordée par l’opinion au programme présenté par le Parti socialiste, l’absence d’une perspective de changement et d’une espérance progressiste alternative tout au long de ces derniers mois.

Front national : un rejet plus fort, plus net

Le Front national, quant à lui, a continué de se « nourrir » des difficultés sociales, des blessures de la société, du rejet que suscitent les dérives de la politique politicienne et des « affaires ». Mais, en même temps – comment ne pas le remarquer et s’en réjouir –, le rejet de ses idées de haine et d’exclusion, de son piétinement constant des valeurs républicaines, s’est fait plus fort, plus net, plus résolu. L’immense succès de la manifestation de Strasbourg, la réussite non moins réelle des rassemblements organisés en d’autres villes, la place déterminante des jeunes dans ces initiatives en témoignent. De plus – et c’est la leçon de Gardanne, de Morsang-sur-Orge, après l’échec de Vitrolles –, la démonstration commence à être faite que, si l’on se situe sur le terrain des problèmes quotidiens, à l’écoute des gens et en sachant les entendre, en faisant vivre concrètement « une démarche citoyenne », on peut le battre et le faire reculer.

C’est bien pourquoi l’extrême droite aborde cette campagne en s’enfonçant plus encore dans la voie de la démagogie la plus grossière, de l’intolérance, du nationalisme, des tensions au sein de la société. En tendant de confisquer à son profit l’écœurement légitime suscité par la « crise de la politique ». Choix dangereux que – je tiens à le souligner dès à présent – la campagne menée par les communistes, leur comportement sur le « terrain », le vote pour les candidats qu’ils présentent s’emploieront à combattre avec cœur et détermination.

Le pluralisme inhérent à la gauche s’est affirmé

À gauche, les propositions du Parti socialiste – je l’ai dit – se sont heurtées et se heurtent toujours, alors que la campagne est d’ores et déjà entrée dans sa phase active, à un scepticisme sans doute proportionnel aux attentes fortes de changement dans l’opinion progressiste.

Dans le même temps, je le crois, le pluralisme inhérent à la gauche s’est affirmé. Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour qu’il en soit ainsi et que la gauche aille au combat forte de sa riche diversité. Nous avons en ce sens rencontré toutes ses composantes, participé avec elles à de nombreux débats, depuis les « forums » que nous avons organisés jusqu’aux multiples initiatives prises par les unes ou par les autres. Le lancement des assises pour le changement – dont certaines ont eu lieu – a également suscité des attentes en ce sens, largement appréciées de l’opinion. La campagne électorale s’engage en bénéficiant de cet acquis.

S’agissant de notre parti, nous pouvons également noter des aspects intéressants, comme sa progression dans les élections partielles – on l’a encore vu dimanche dernier, avec le succès de la liste d’union conduite par Pierre-Yves Cosnier à Villejuif, ou le bon résultat obtenu par son candidat à une cantonale en Haute-Corse. Ou bien encore une perception meilleure de notre mutation pour être toujours mieux un parti utile aux salariés, aux citoyens.

En même temps – il nous faut aussi en tenir compte –, des interrogations subsistent sur la possibilité de « faire bouger » la gauche, afin qu’elle offre une perspective réelle et féconde de transformation. C’est d’ailleurs pour s’attaquer à ce problème que nous avions décidé trois initiatives complémentaires : le renforcement de notre parti et les rencontres publiques, la pétition sur un référendum à propos du passage ou non de notre pays à la monnaie unique, les assises pour le changement.

Alors que la campagne va battre son plein, on voit bien que ces efforts – même bousculés par l’anticipation des élections – ont porté de premiers fruits. L’idée qu’il faut que la gauche se bouge et que le Parti communiste joue un rôle utile et positif en ce sens a marqué des points. On le remarque en constatant combien Lionel Jospin et le Parti socialiste ont été amenés à prendre en compte certaines des attentes existant à l’égard de la gauche, que notre parti a fortement soulignées. Les plus de 600 000 signatures apposées sur la pétition exigeant un référendum sur la monnaie unique ont pesé, tout comme les éléments de « débat citoyen » que nous avons contribué à mettre sur le devant de la scène. Celles et ceux qui ont entendu Lionel Jospin à « 7 sur 7 » dimanche dernier ou lors du lancement de la campagne du Parti socialiste n’ont pu manquer de relever dans son propos des « infléchissements », que la presse a également notés. Les exigences de radicalités, si forte dans les interrogations, qui parcourent l’opinion à propos de la société, des exigences d’un véritable progrès de civilisation ont également pesé. Interrogé sur ce point par les médias, j’en ai naturellement pris acte.

Au total, nous avons toutes les raisons d’engager cette campagne dans un esprit offensif, combatif, imaginatif. C’est le deuxième point de ce rapport.

II. Comment devons-nous aborder ces élections ?

Nos premières réactions à la dissolution de l’Assemblée nationale ont été pour affirmer, comme je l’ai fait samedi lors du congrès de l’ANE[ILLISIBLE]R : « Si le président de la République veut des élections, eh bien, qu’elles soient l’occasion pour des millions de Françaises et de Français de lui dire : non, nous ne voulons pas que se poursuive cette politique d’austérité et de chômage ! Nous voulons une autre politique. D’autres choix de progrès social, de justice, de démocratie. Des choix ouverts et tournés vers l’avenir et pas vers la régression. »

Tel sera le sens du vote pour les candidates et les candidats présentés par le Parti communiste.

Utiliser le bulletin de votre communiste, ce sera en effet choisir d’exprimer haut et fort sa colère, sa révolte, sa protestation, son cri de souffrance et sa volonté de ne pas se laisser faire devant une politique injuste et douloureuse que les tenants du pouvoir actuel veulent pouvoir rendre demain plus impitoyable, plus égoïste, plus destructrice encore. Ce sera un vote sanction à leur égard. Pour signifier de la façon la plus nette à la droite un refus de la voir continuer au pouvoir sa politique malfaisante.

Utiliser le bulletin de vote communiste, ce sera s’opposer fermement au Front national, à sa démagogie, à ses entreprises de division, à son insupportable prétention de parler au nom du monde ouvrier, du monde des humbles et des opprimés, alors qu’il est le parti du milliardaire Le Pen et de sa politique d’extrême droite. Ce sera pour les hommes et les femmes des milieux populaires un moyen efficace de dire non à la violence qu’ils subissent, au mépris qu’ils ressentent. De dire non en redressant la tête, en préférant la force du rassemblement, de la solidarité et de la dignité au poison de la division et de la haine.

Utiliser le bulletin de vote communiste, ce sera exprimer dans l’élection des revendications, des exigences que l’on a affirmées au cours des dernières années ou des derniers mois, dans la grève, la manifestation, la pétition, ou dans le soutien qu’on leur a apporté.

Le vote communiste : pour une gauche ambitieuse

Utiliser le bulletin de vote communiste, ce sera dire non à une société qui se déchire, qui traite les personnes comme des marchandises qu’on prend puis qu’on jette, qui fait de « l’argent » son maître et son but ultime. Non à une France qu’on mutile et qu’on veut soumettre à la prétendue « fatalité » des marchés et de la « mondialisation » de l’affairisme et de la finance.

Utiliser son bulletin de vote communiste, ce sera affirmer son « exigence citoyenne », sa volonté de voir réaccordées politique et société, son aspiration à une pratique politique et gouvernementale neuve, mise à l’unisson des attentes de la société et qui serve le peuple au lieu de se servir de lui. Disant cela, je pense aux interrogations qui doivent habiter, avant de voter, toutes celles et tous ceux, notamment de nombreux jeunes qui – du mouvement de soutien aux « sans-papiers » à la lutte contre le projet de loi Debré – ont interpellé les partis politiques, parfois rudement. Il serait bien sûr ridicule de prétendre que, puisque nous étions à leurs côtés, le vote communiste résume ce qu’ils ont voulu exprimer. Mais justement, parce que sans hésiter le Parti communiste a dit alors : « Il faut qu’on les entende », le vote avec le bulletin communiste n’est-il pas un moyen pour eux de continuer à exiger d’être entendus ? Et ne trouveraient-ils pas, dans une audience plus grande des idées et propositions du Parti communiste dans la société, matière à voir confortées et respectées les grandes valeurs humaines qui leur tiennent à cœur et pour lesquelles ils se sont si heureusement mobilisés ? Il y a là, on le voit bien, matière à riches débats.

Utiliser le bulletin de vote communiste, ce sera faire entendre sa volonté d’un changement authentique du cours des choses, d’une politique progressiste, audacieuse, courageuse, humaine, efficace et réaliste. Et d’une pratique politique – et éventuellement gouvernementale – novatrice, attentive aux citoyens.

Utiliser le bulletin de vote communiste, ce sera du même pas affirmer son choix résolu d’une gauche ambitieuse et bien à gauche, qui réponde aux espérances si fortes qui se tournent vers elle. Ce sera dire son exigence de contribuer à une construction progressiste, neuve, pour une politique radicalement nouvelle.

Des députés communistes plus nombreux

Utiliser le bulletin de vote communiste, ce sera utile pour exprimer et donner force à tout cela. Et, j’y insiste, ce sera utile partout en France, quelles que soient les circonstances. Que l’on puisse, par son choix, contribuer à élire un député communiste ou un candidat soutenu par notre parti, ou que, malheureusement, cette possibilité ne se présente pas.

Car, bien sûr, contribuer à élire un député communiste, c’est se donner un élu sur lequel – l’expérience le montre – on peut compter. Dévoués, sachant écouter et être « sur le terrain » aux côtés des exclus, des salariés, des citoyens, honnêtes, tenant leurs engagements, les députés communistes ont, au cours de ces quatre dernières années, élaboré et déposé trois cents propositions de lois. Un travail nourri des aspirations populaires et qui témoigne des possibilités pour changer la vie dans ce pays. Opposés à la droite et à l’extrême droite, dans l’hémicycle comme dans leurs circonscriptions, des députés communistes plus nombreux pourraient évidemment contribuer à peser davantage dans le sens du progrès social et humain, dans le sens des transformations profondes qu’appelle la situation du pays.

Et si une majorité nouvelle sort des urnes, plus les députés communistes seront nombreux en son sein, plus leur apport – c’est-à-dire l’apport de ce qu’auront exprimé, exigé celles et ceux qui les auront élus – sera pris en compte. Et plus l’exigence et la garantie d’un changement réel se trouveront confortées. Car les députés communistes seraient en ce cas non seulement les acteurs d’une politique nouvelle, mais les artisans d’un rapport neuf des citoyens au gouvernement, d’un exercice nouveau du pouvoir. Ils conçoivent en effet leur rôle comme celui de « relais citoyens ». Afin que la démocratie représentative s’alimente en permanence au vivier de la démocratie directe. Afin que les aspirations populaires soient portées intactes et dans toute leur vigueur jusqu’au sommet des institutions de la République. Afin que le pouvoir en s’élevant ne s’éloigne pas des citoyens, mais donne, au service de la France, toute sa plénitude à l’exercice de la citoyenneté.

Chaque bulletin de vote communiste sera utile

Bien entendu, l’audience nationale du Parti communiste constitue l’un des enjeux du prochain scrutin. On voit d’ores et déjà combien comptent dans le pays, dans le débat politique, le regard nouveau et l’intérêt élargi que des hommes et des femmes portent sur le Parti communiste d’aujourd’hui, sur les efforts qu’il accomplit pour faire vivre et mener à bien sa mutation, sur le fait qu’il retrouve toute sa place dans la vie nationale. N’est-il pas d’ailleurs significatif que dès l’orée même de cette campagne électorale le débat public en vienne à porter pour une part importante sur le rôle des communistes au sein de la gauche, sur leur présence éventuelle dans un gouvernement nouveau ?

Le fait que ces questions se posent témoigne bien de la vitalité des idées et des propositions du Parti communiste. La réponse qu’elles recevront dépend naturellement de l’importance du vote que les électrices et les électeurs accorderont aux candidates et aux candidats que nous présenterons. C’est bien dire que partout dans le pays, et quelles que soient les données locales, chaque bulletin de vote communiste sera utile. « Avec les citoyens pour réussir le changement à gauche » : c’est ainsi que le Parti communiste se présente. Chaque bulletin de vote communiste – et donc au total le résultat national du Parti – pèsera donc lourd dans la détermination de l’avenir du pays.

Je viens d’évoquer les idées et les propositions du Parti dans cette campagne. Je veux naturellement à présent m’y arrêter plus en détail.

L’apport communiste à une politique nouvelle

Au 29e Congrès, nous avons adopté de grandes orientations exprimant les choix du Parti face aux problèmes posés à la société française. C’est dans le cadre de ces orientations que nous proposons de définir les axes de l’apport communiste à une politique qui pourrait être mise en œuvre à l’issue des scrutins du 25 mai et du 1er juin prochains, si la gauche et les forces de progrès, écologistes sont majoritaires et décident d’aller au gouvernement pour y faire prévaloir une politique de changement réel. Ce qui, je le rappelle au passage, est la condition pour qu’il y ait des ministres communistes et qui ne pourra se faire, chacun le sait bien, que s’il y a des ministres communistes.

Il est en effet bien normal que les électrices et les électeurs qui voteront pour les candidats communistes puissent exprimer leur choix pour la politique que proposent les communistes. En même temps, il est également normal et indispensable qu’ils s’expriment sur les propositions que les communistes estiment réalistes et nécessaires pour la politique nouvelle d’un gouvernement auquel ils participeraient dans les conditions du rapport de force existant au sein des forces de gauche et de progrès.

Chacun se souvient ici que les communistes ont beaucoup discuté, dans la préparation du 29e Congrès et au congrès lui-même, de la question « Que devrons-nous faire lors de l’échéance des élections législatives de 1998 ? ». Le fait qu’elles soient anticipées ne change évidemment rien aux décisions que nous avons prises. Je veux rappeler que, s’agissant de notre participation à un gouvernement de gauche, nous l’avons conditionnée non « à la mise en œuvre pure et simple de nos propositions », mais à l’exigence que « la politique qui s’appliquera rompe avec celle de la droite » et soit « une politique de gauche ». Et nous avons précisé – je cite le document adopté au Congrès – qu’« à nos yeux une telle politique doit nécessairement comporter des mesures significatives de progrès social et de réduction des inégalités ; des décisions économiques permettant d’orienter l’argent utilement pour l’emploi, la formation, la société et non vers la seule sphère financière ; l’existence de services publics modernisés, avec les renationalisations nécessaires ; des droits nouveaux accordés aux salariés et aux citoyens pour encourager leur intervention ; une rediscussion en profondeur des engagements européens de la France pour remettre en cause toutes les dispositions qui portent atteinte à la souveraineté nationale, notamment la liberté de notre pays et de son peuple de choisir de rompre avec la logique ultralibérale actuelle, en matière sociale, économique et monétaire – ce qui devrait conduire le gouvernement à engager avec nos partenaires une négociation pour un nouveau traité de l’Union européenne – ; une action forte de notre pays pour contribuer à la solution des grands problèmes contemporains, tels que le développement, la défense de l’environnement, la sécurité ».

Bien entendu, les propositions que nous allons soumettre au suffrage de notre peuple lors de cette campagne s’inscrivent pleinement dans cette orientation, dans cette démarche. En ce sens, chacun pourra en juger, nos propositions sont clairement identifiables comme propositions formulées par le Parti communiste et, en même temps, comme contribution à une politique nouvelle dans les conditions concrètes de cette élection.

Une volonté résolue et une ambition pour la France

Le Bureau national a discuté dans leurs grandes lignes ces propositions conçues dans le droit-fil de notre 29e Congrès.

Quel en est l’esprit ? Quelles en sont les grandes articulations ?

Les soumettant à la réflexion et au vote des Français, nous pensons qu’il faut – dans leur texte même – affirmer d’emblée une volonté résolue, un choix politique clair et une ambition pour la France.

La France souffre. La France s’inquiète de son avenir. La France a besoin d’air pur. D’une politique donnant la priorité aux êtres humains plutôt qu’à la rentabilité financière et à l’enrichissement de ceux qui ont déjà tout. D’une politique de justice sociale s’attachant à réduire les inégalités, notamment pour en finir avec la pauvreté, l’exclusion, le mépris des plus défavorisés. D’une politique de promotion de la personne humaine, notamment des jeunes qui doivent retrouver l’espoir et l’ambition d’une vie libre, heureuse, utile et enrichissante ; des femmes qui doivent conquérir en tous domaines l’égalité dans le travail, dans la société, dans les responsabilités politiques. D’une vie sociale plus civilisée : avec du temps et des moyens pour vivre, se parler, s’informer, se former, se cultiver ; du temps et des moyens pour que toutes et tous puissent être pleinement citoyens, intervenir et décider de ce qui les concerne, maîtriser leur destin.

La France a besoin d’être elle-même, dans l’entière souveraineté de son peuple. On ne pourra la plier au modèle ultralibéral d’austérité, de précarité, de domination de la finance, sur lequel on veut coûte que coûte l’aligner en vue du passage à la monnaie unique. C’est au contraire dans un nouveau développement « à la française », fait de conquêtes sociales, de démocratisation de la vie économique et politique, de rénovation et de modernisation de ses acquis sociaux et de ses services publics que notre pays pourra contribuer efficacement à une construction européenne résolument réorientée vers une Europe sociale, démocratique et de paix.

Les Françaises et les Français vont voter le 25 mai et le 1er juin pour élire leurs députés à l’Assemblée nationale. Ils ont la possibilité de dire clairement à la droite au pouvoir leur refus de la poursuite et de l’aggravation de la politique d’austérité, d’injustices, de régression pour notre société de notre pays, à l’évidence programmée dans un nouveau « tour de vis » pour « passer » à la marche forcée dans les critères de Maastricht. Ils ont la possibilité d’exprimer leur exigence d’une politique radicalement différente, répondant à leurs aspirations, à leurs espérances.

Il faut battre la droite – c’est possible – et faire une autre politique. Le Parti communiste fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour que les forces de gauche, de progrès, écologistes soient à même de proposer aux Français cette perspective de changement réel, positif pour notre peuple et pour la France.

Le choix du progrès social et humain, de l’emploi

Pour sa part, il soumet à la réflexion, au débat, et au vote de nos concitoyens une série de propositions qui précisent ce que pourraient être, selon lui, les grands axes d’une politique radicalement nouvelle que pourraient dès après ces élections décider et impulser une majorité, un gouvernement de gauche. Il a la volonté résolue de contribuer, par son action dans le pays, avec le mouvement social et à l’écoute des exigences citoyennes, et par l’activité de ses élus à tous les niveaux, jusqu’au gouvernement, à la construire et à la mettre en œuvre.

Le choix fondateur de cette politique préconisée par le Parti communiste est le choix du progrès social et humain, de l’emploi, comme « moteur » pour sortir le pays de la crise, et engager un nouveau développement pour la France de l’an 2000.

Vingt ans d’expérience ont montré que « les sacrifices pour que cela aille mieux demain », c’est la voie du désastre social, du recul de civilisation, de la crise sans cesse aggravée. Contrairement à ce que prétend la droite au pouvoir, réduire les dépenses sociales, peser contre les salaires, multiplier les licenciements et développer la précarité conduisent à aggraver les déficits et non à les réduire. Il s’agit, à l’inverse, de faire, dans la tradition du développement « à la française », le choix résolu du progrès social, en mobilisant les forces du pays pour aller de l’avant.

Ce choix implique l’abrogation de toutes les dispositions prises qui développent la précarité et pèsent sur les salaires, mettent en cause les acquis sociaux et les droits des salariés, les services publics, favorisent la finance au détriment de l’emploi, de l’indépendance et du développement de la France.