Texte intégral
J'aimerais tout d'abord remercier Monsieur le président Martin MALVY, député-maire de Figeac, qui m'a convié à ce rendez-vous de l'association des petites villes de France car c'est pour moi un grand plaisir de me trouver parmi vous pour entendre vos réflexions et vos suggestions.
Je tiens avant toute chose à saluer l'action que vous menez au quotidien, sur le terrain, au service de vos communes : votre rôle et, à travers ce rôle, celui des petites villes sont en effet essentiels non seulement pour l'aménagement et le développement de notre territoire, mais aussi pour la qualité de vie de nombre de nos concitoyens.
Qu'elles soient à proximité d'une agglomération ou bien au cœur des espaces ruraux, les petites villes tiennent une place charnière dans la politique d'aménagement du territoire et c'est pourquoi elles sont concernées aussi bien par la politique de la ville que par- les mesures en faveur des zones rurales, occupant une position stratégique de relais entre les grandes villes et les espaces ruraux.
Paradoxalement, concernées à la fois par la politique de la ville et celle peur le monde rural, mais ne dépendant totalement ni de l'une ni de l'autre, elles peuvent apparaître comme des « oubliées » de l’aménagement du territoire.
Je sais que certains éprouvent cette inquiétude. Qu'il me soit permis ici de les rassurer.
Non seulement les petites villes ne sont pas les oubliés de la politique d'aménagement du territoire, mais dans la conception de telle politique qui est la mienne, elles occupent une place centrale.
Dans la politique d'aménagement du territoire que je conduis, trois aspects vous concernent tout particulièrement ; il s'agit du pacte de relance pour la ville, du plan pour l'avenir du monde rural et des pays.
C'est pour remédier aux déséquilibres territoriaux les plus graves, que le gouvernement a mis en place le pacte de relance pour la ville maintenant voté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Il s'agit du dispositif législatif et réglementaire le plus important, le plus global et le plus novateur jamais mis en œuvre en cette matière.
Si le pacte de relance pour la ville a pour objet principal de remédier aux dysfonctionnements rencontrés dans les plus grandes concentrations urbaines, il n'en concerne pas moins de nombreuses petites villes qui, elles aussi, comptent des quartiers en difficulté.
C'est pourquoi, près de 300 des zones urbaines sensibles que j'ai créées sont situées dans des communes de moins de 30 000 habitants, et 80 dans des communes de moins de 10 000 habitants.
Le pacte de relance déploie de nouveaux moyens permettant dans ces quartiers de rénover le cadre de vie, d'y recréer les conditions d'une plus grande mixité sociale, mais aussi d'y renforcer la sécurité.
Les petites villes comprenant des quartiers classés en zones urbaines sensibles, bénéficient également du dispositif des emplois de ville qui offre un formidable espoir aux jeunes et constitue un moyen efficace de relancer l'activité dans les quartiers, et donc dans la ville.
Je me suis battu, sachez-le, pour obtenir que 100 000 de ces emplois soient créés. L'engagement qui a été le mien m'autorise aujourd'hui à dire qu'il est du devoir de tous de tout meure en œuvre pour qu'un nombre conséquent de ces emplois soient rapidement signés j'en espère 10 000 d'ici à la fin de l'année pour que puisse être tenu le rythme de 25 000 par an pendant 4 ans.
C'est encore au titre du premier volet de ma politique, celui marqué au sceau de l'urgence, que j'ai préparé un plan de mesures en faveur du monde rural. Ce plan répond à trois exigences.
La première est de satisfaire à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire qui prévoit que, dans un délai de 18 mois à compter de sa publication, une loi complétera les mesures instituées en faveur des zones de revitalisation rurale afin d'assurer à leurs habitants des chances et des conditions de vie équivalentes à celles ayant cours sur les autres parties du territoire.
La deuxième exigence relève de l'équité. L'effort important engagé par l'État en faveur des quartiers en difficulté doit être équilibré par une action d'ampleur comparable en direction des campagnes. Les Français, qu'ils soient urbains ou ruraux, ne comprendraient pas que nos campagnes ne fassent l'objet de la même attention que les villes.
Ils le comprendraient d'autant moins que nos concitoyens, dans leur ensemble - les enquêtes le montrent - redoutent la déshumanisation croissante du cadre de vie et craignent que la France ne devienne une immense mégalopole où les liens sociaux se seraient distendus.
La troisième exigence, enfin, tient à la conception que nous devons désormais avoir de la politique d'aménagement du territoire, qui doit être davantage fondée sur le développement de tous les territoires que sur la redistribution. Dans cette perspective, notre pays doit, en favorisant le développement focal, tirer pleinement parti de toutes les richesses et de toutes les potentialités que recèle son vaste espace rural dont le réseau des petites villes constitue l'armature.
Le plan pour le monde rural, dont je compte présenter le volet législatif au Parlement en 1997, répond ainsi à des enjeux qui dépassent le strict cadre des zones rurales fragiles pour englober les petites villes.
Les mesures qu'il contient, dont les plus fortes seront géographiquement concentrées, viseront à agir prioritairement dans quatre domaines, à mon sens fondamental pour la revitalisation des espaces ruraux :
– tout d'abord, le maintien et le développement des activités, au moyen de dispositions s'adressant plus particulièrement aux petites entreprises ;
– deuxièmement, l'habitat, en développant, tout spécialement par la réhabilitation du patrimoine bâti, une offre de logements plus importante et mieux adaptée afin d'éviter le départ des jeunes et d'attirer de nouvelles familles ;
– troisièmement, les services collectifs essentiels, dont il nous faut trouver les moyens de renforcer la présence et la qualité.
À ce titre, le moratoire opposable aux suppressions de services publics en zone rurale qui avait été décidé le 10 mai 1993, a été prolongé et demeure, j'y insiste, applicable. Il doit donc être respecté par tous les acteurs dans tous les départements concernés et ne sera levé que lorsque des règles claires auront pu être définies.
À cet égard, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a établi une double procédure : d'une part des schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics soumis à l'avis de commissions départementales ad hoc ; d'autre part, au plan national, des contrats de services publics conclus entre l'État et les organismes chargés d'un service public.
Les commissions départementales sont désormais toutes installées et elles ont commencé leurs travaux. Les négociations des contrats de services publics ont, quant à elles, débuté en novembre 199S. Elles sont actuellement conduites entreprise par entreprise ; pour les négociations les plus avancées, une concrétisation pourrait être envisagée pour le dernier trimestre 1996.
Je ne peux m'empêcher de préciser ma pensée concernant l'avenir des hôpitaux locaux qui suscite, je le sais, de vives préoccupations. J'estime sur ce sujet qu'il convient d'engager une réflexion sur l'organisation du système hospitalier, réflexion dont l'objectif serait de redéfinir les missions des différentes catégories d'établissements.
Personne ne pourra le nier : l’équilibre du territoire passe, entre autres choses, par le maintien de services hospitaliers dans les petites villes. Mais, j'ajoute aussitôt que ces services doivent être de qualité pour ne pas mettre en péril la santé de nos concitoyens. Des équilibres sont donc à trouver. Mais soyez assurés que, pour ma part, je serai très attentif à ce que soient bien prises en considération les missions remplies par les hôpitaux locaux de moyenne importance, et principalement leur mission de proximité, trop souvent assurée par des centres hospitaliers universitaires trop éloignés.
Enfin, après l'activité économique, l'habitat et les services collectifs, une série de mesures du plan pour le monde rural concernera l'organisation du territoire.
Il n'est en effet que temps de mettre en place une organisation mieux adaptée au développement, mais aussi plus économe des deniers publics et de l'espace, une organisation plus respectueuse du cadre de vie.
Dans cette nouvelle organisation, les petites villes, qui sont en étroite relation d'interdépendance avec leur environnement, ont incontestablement un rôle important à jouer car elles constituent l'armature qui porte les territoires plus faiblement peuplés.
Il est donc primordial qu'elles en aient les moyens et je connais vos préoccupations à cet égard, au moment où vous devez faire face à des dépenses croissantes, notamment pour mettre vos équipements publics aux normes de sécurité et répondre à des contraintes d'environnement, particulièrement en matière d'assainissement et de traitement des déchets.
Je voudrais rappeler que, d'une façon générale, l'intercommunalité reste la meilleure réponse à ces préoccupations.
Je souhaite aussi vous dire que le gouvernement est conscient des charges qui pèsent sur les collectivités et que c'est la raison pour laquelle, avec le pacte de stabilité, il s'est engagé à évaluer l'impact financier des décisions qu'il prend.
Enfin, pour ce qui me concerne, j'ai proposé, dans le cadre du plan pour l'avenir du monde rural, pour tenir compte du rôle particulier des petites villes et des bourgs centres dans l'aménagement du territoire et les aider à mieux assumer les charges de centralité qui pèsent sur leurs budgets, que soient recherchés les moyens de renforcer les dotations de l'État dont ils bénéficient.
C’est en effet notamment en soutenant les petites villes et les bourgs centres, et en donnant en outre une impulsion à la politique des « pays » que nous pourrons apporter de meilleures réponses à ces questions importantes.
À propos de ces pays, je tiens à rappeler, ce que je fais inlassablement, qu'ils ne constituent pas un nouvel échelon administratif, mais simplement le cadre d'un projet commun de développement associant, sur un territoire cohérent, les élus, les acteurs socio-professionnels et le tissu associatif.
Souplesse et pragmatisme caractérisent la démarche. Les pays naissent de la volonté d’acteurs locaux. L'élaboration du projet commun de développement proc de de leur coopération et de leur partenariat.
Aussi les pays ne remettent-ils nullement en cause la libre administration des collectivités territoriales. Ce sont elles qui, en dernier ressort, décident de leur constitution. S'organisant comme elles l’entendent, elles désignent elles-mêmes l'organisme ou les personnalités capables de lancer les initiatives et de jouer un rôle de « chef de file ».
Bien loin de se disputer des compétences, les pays et les collectivités territoriales sont donc destinés à compléter et à conjuguer leurs actions dans le dialogue et la concertation.
J'ajoute que je suis convaincu que c'est dans l'organisation du territoire qu'il y a les gisements de progrès les plus importants et que les petites villes sont vouées à être à la pointe de ce progrès.
Je fais en sorte que cette conception inspire l'élaboration du schéma national qui constitue l'élément essentiel du second volet que j'évoquais au début de mon propos : celui du long terme, celui de la préparation de l’avenir.
Le gouvernement, vous n'êtes pas sans le savoir, a depuis plusieurs mois lancé une vaste réflexion qui aboutira à la présentation au Parlement en 1997 d'un schéma national d'aménagement et de développement du territoire. Ce schéma aura été, au préalable, soumis pour avis à votre association comme à toutes les principales organisations représentatives des communes et de leurs groupements, ainsi qu'aux régions et aux départements.
J'ai présenté la semaine dernière en conseil des ministres une communication sur son état d'avancement : mon objectif est de le soumettre au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire avant la fin de l'année et au Parlement au printemps 1997.
Ce schéma constitue la clé de voûte du dispositif visant à ce que l'ensemble des politiques publiques contribue plus efficacement à l'aménagement équilibré du territoire.
La France est en effet un pays globalement bien équipé même si, ici ou là, quelques maillons d'infrastructures manquants sont encore à réaliser. C'est aussi un pays qui a développé de nombreux outils et procédures en faveur de l'aménagement du territoire. Peut-être trop. Au stade où nous sommes parvenus, c'est dans une plus grande synergie des politiques de tous les acteurs et dans une meilleure répartition des rôles et des compétences que l'aménagement du territoire trouvera un nouvel élan.
Puis-je dire, au moment où commencent à se discuter les budgets des ministères au Parlement, que cette politique est bien plus une affaire de volonté et d'état d'esprit que de seuls moyens financiers.
Je sais pouvoir compter sur les maires que vous êtes pour prendre toute, leur part dans les évolutions nécessaires et même inéluctables. Votre participation est indispensable, car pour dépasser les blocages actuels et faire franchir une nouvelle étape décisive à l'aménagement du territoire, toutes les énergies et toutes les volontés, et pas seulement celle du gouvernement, devront se mobiliser. La mise au point concertée du schéma national d'aménagement et de développement du territoire sera l'occasion prochaine de cette mobilisation, de votre mobilisation déterminée, qui conditionne l'élaboration d'un projet ambitieux pour notre pays.