Déclarations de Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, et Alain Lamassoure, ministre délégué au budget et porte-parole du gouvernement, sur les priorités du projet de budget pour 1997, la maîtrise des dépenses publiques, et la baisse de l'impôt sur le revenu, Paris le 18 septembre 1996.

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Circonstance : Conférence de presse lors de la présentation du projet de loi de finances pour 1997 le 18 septembre 1996

Texte intégral

Jean Arthuis

Mesdames, messieurs, je suis heureux de vous saluer, au moment où je vais vous rendre compte de la présentation du projet de budget pour 1997. Je regrette qu'Alain Lamassoure n'ait pas encore pu nous rejoindre, il sera avec nous dans quelques instants. La journée a été assez chargée, nous avons eu ce matin le Conseil des ministres, qui a approuvé le projet de loi de finances, et puis nous nous sommes rendus devant les commissions des finances des assemblées parlementaires, d'abord à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. Alain Lamassoure termine en ce moment même avec les commissaires des finances du Sénat, il nous rejoindra dans quelques instants.

Le projet de loi de finances que je vous présente aujourd'hui témoigne de la volonté du gouvernement de respecter les engagements qu'il a pris il y a maintenant plus d'un an, mais il constitue aussi un véritable tournant dans l'histoire des finances publiques de la République. Conformément aux vœux du Président Jacques Chirac, conformément à la détermination du Premier ministre, j'ai fait de l'assainissement de nos comptes publics la pierre angulaire de notre politique au service de la croissance et de l'emploi.

Je m'étais engagé devant le Parlement, au printemps dernier, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, à abandonner toute politique de facilité en cette matière, et aujourd'hui je viens vous montrer comment nous avons pu tenir nos engagements.

En 1997, les dépenses de l'État exprimées en francs constants vont baisser. C'est sans précédent sous la Ve République. Mais tel était le prix pour pouvoir aussi respecter nos autres engagements, au premier rang desquels je place bien sûr l'allégement des impôts et la réduction des déficits publics.

Pour parvenir à ce résultat, nous avons dû lutter contre ce qui apparaissait comme inéluctable jusqu'à maintenant – la tendance était de laisser courir la dépense publique ; on avait bien vu, et notre débat d'orientation budgétaire l'avait démontré, que l'excès de dépenses publiques finit par étouffer l'économie et par neutraliser toute espérance de créer des emplois dans le secteur marchand.

Il fallait donc rompre avec ce qui semblait inéluctable. C'est donc une très bonne nouvelle que nous apporte ce projet de loi de finances. Il avait fallu un certain temps pour passer de 1 % de déficit à 6 %. On avait commencé en 1989, et on s'était retrouvé en 1993 avec un déficit de 6 % ; c'était au terme d'une période de réhabilitation de la dépense publique. Croyez bien qu'il n'est pas commode d'accomplir le chemin inverse, et pourtant nous y parvenons.

Un projet de loi de finances prend appui sur des hypothèses économiques et, s'agissant de la croissance, j'ai retenu une prévision prudente : 2,3 % de croissance en 1997 par rapport à 1996. J'ajoute que ce taux de 2,3 % est au niveau des prévisions faites il y a quelques semaines par l'OCDE, elle est au niveau, à peu près, des prévisions opérées par les économistes, qui sont autour de 2 à 2,2 % et vous aurez noté aussi que nous sommes en phase avec notre partenaire allemand. J'étais hier à Kempten, participant au comité économique et financier franco-allemand.

Les Allemands ont retenu une hypothèse de croissance de 2 à 2,5 %.

Mais ce qui importe au moins autant que le taux de croissance, c'est la solidité de notre économie, et telle est bien la situation aujourd'hui. La consommation des ménages, vous l'avez noté, s'est raffermie depuis le début de l'année et la demande étrangère, ainsi que les entreprises devraient maintenant prendre le relais de ce mouvement.

Les achats de ménages, en premier lieu, ont progressé de 3 %, pendant le premier semestre, et tout laisse à penser que cette bonne orientation va se poursuivre pendant le second semestre. Dans le même temps, le logement manifeste des signes de reprise, notamment en termes de demande de crédits immobiliers. Parallèlement à cette reprise, les entreprises annoncent de meilleures perspectives de production pour les mois à venir. Le phénomène de déstockage arrive à son terme et cette longue période de sous-investissement doit également prendre fin.

J'ajoute que nos partenaires étrangers sont dans de bonnes orientations et que ceci est de nature à stimuler l'économie française. Notre économie, aujourd'hui, c'est ma conviction, est en ordre de marche et elle présente tous les signes de la compétitivité. D'abord, l'inflation est éradiquée, elle est parfaitement maîtrisée ; notre excédent commercial se maintient à ses niveaux très élevés ; et enfin les taux d'intérêt, depuis moins d'un an, ont baissé dans des proportions sans précédent. Je rappelle qu'il y a moins d'un an les taux à trois mois étaient à 7,5 %, ils sont aujourd'hui à 3,65 %. Les taux à long terme, à 10 ans, sont identiques aux taux allemands, autour de 6,15-6,17 %. Je crois qu'on peut dire que les familles, aussi bien que les entreprises, les collectivités territoriales, et même l'État vont pouvoir tirer profit de cette baisse considérable des taux d'intérêt.

Le temps de l'argent cher est aujourd'hui révolu. S'agissant de l'État, je rappellerai qu'en 1996 nous avons prévu en loi de finances initiale une charge de la dette de 226 milliards, vraisemblablement la charge de la dette effective du fait de ce reflux des taux d'intérêt sera de l'ordre de 220 milliards. Dans le débat d'orientation budgétaire il y a quelques mois – au mois de mai – nous avions une hypothèse de charge de la dette pour 1997 à 245 milliards, dans le projet de loi de finances que le Conseil des ministres vient d'approuver le crédit pour la charge de la dette, sur des bases prudentes de taux d'intérêt, s'élève à 233 milliards.

L'environnement économique est favorable, mais il ne suffit pas d'attendre l'amélioration, il faut la susciter, il faut l'accompagner, il faut l'enrichir et c'est à cette triple exigence que répond le projet de loi de finances.

Depuis le mois de mai 1995, depuis l'élection du président de la République, nous avons engagé une politique de réformes, de réformes structurelles, qui doit donner à la France un surcroît de compétitivité ; il faut en second lieu prendre des mesures qui puissent aider la croissance, soutenir l'activité et endiguer le chômage qui nous mine.

Parmi les réformes structurelles, je veux rappeler ce qui s'accomplit dans la sphère publique. D'abord, nous tentons d'en réduire le périmètre, et c'est l'objet des privatisations. S'agissant de 1997, nous avons une estimation – mais c'est un chiffre provisionnel – de 27 milliards. Ceci proviendra pour l'essentiel de la mise sur le marché des titres de France Télécom au printemps prochain.

Nous avons le souci de réformer l'État, et réformer l'État c'est aussi faire évoluer les mentalités, les méthodes de gestion publique. Je confirme que j'ai ouvert un chantier tendant à parfaire la gestion patrimoniale de l'État, pour être mieux en mesure d'affecter de façon optimale les ressources financières. Les structures de l'État seront par ailleurs simplifiées, pour que la relation entre le citoyen et les institutions soient plus directes, soient plus commodes, pour qu'il y ait une écoute mutuelle.

Je n'ai pas besoin, enfin, de souligner à quel point nous avons préparé un certain nombre de grands établissements publics au XXIe siècle, c'est le cas pour la SNCF, c'est le cas pour France Télécom, c'est vrai également dans les industries d'armement. Nos institutions s'adaptent également : c'est vrai pour la Sécurité sociale, c'est vrai pour nos armées.

Le deuxième axe de notre politique de réforme, à côté de l'adaptation de la sphère publique, concerne les énergies productives, et de ce point de vue je confirme toutes les mesures que nous prenons pour favoriser la création et le développement des entreprises, des petites et moyennes entreprises. Nos engagements seront tenus et le projet de loi de finances comporte plusieurs mesures, en particulier celles qui abaissent de 33,33 à 19 % le taux d'impôt sur les sociétés.

Également la grande réforme fiscale, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Je confirme l'institution prochaine de fonds d'épargne retraite. Il s'agit de compléter la retraite par répartition, qui reste le socle de notre solidarité nationale, et cette initiative n'est en aucune façon pour remettre en cause le socle constitué par la répartition dans le régime général ou dans les régimes complémentaires de l'ARRCO ou de l'AGIRC. Il s'agit d'un troisième pilier de retraite. C'est donc un supplément de sécurité pour ceux des salariés qui le souhaiteront, mais il faut également être en mesure de collecter une épargne et d'orienter cette épargne vers l'économie productive, vers les entreprises, vers les fonds propres, afin de faciliter l'investissement et la croissance.

J'ai dit l'importance des réformes structurelles, je veux également évoquer ce qui peut être fait pour endiguer les risques de récession. Toutes ces réformes structurelles s'inscrivent dans la durée, mais il faut aussi, pour l'immédiat, prendre les initiatives adaptées.

En 1995, nous avons dû, dans la nécessité, procéder à la mise en recouvrement de prélèvements fiscaux supplémentaires. Leur montant a été de 80 milliards, et non pas de quelques dizaines de milliards supplémentaires, comme je l'ai entendu ici ou là. Et comme vous l'imaginez, ce n'est pas de gaieté de cœur qu'un gouvernement met en recouvrement des impôts supplémentaires.

Il y avait nécessité pour au moins trois raisons. La première, c'était d'alléger les charges sociales, et je rappelle que si on a augmenté le taux de TVA de 18,6 à 20,6 % c'est pour alléger les charges sociales, c'est pour tirer les conséquences des risques encourus par l'économie française dès lors qu'elle participe à une concurrence internationale. Les produits importés, comme tous les produits mis sur le marché, ont à subir le taux de TVA. Si l'on peut dans ces conditions alléger un peu le poids des prélèvements, notamment pour les salaires modestes dans les industries manufacturières – je pense au textile, au cuir et à quelques autres –, il me semble que cette mesure va dans le sens d'une exigence de cohésion sociale plus forte.

Nous avons dû également remettre à niveau des comptes sociaux et cesser de nous autoriser à nous payer de la solidarité à crédit, et de faire ainsi reporter sur nos enfants et petits-enfants le poids de la solidarité dont nous bénéficions aujourd'hui. Enfin, il s'agissait de réduire le déficit de l'État. Sans cette réduction substantielle significative, il est bien clair que les taux d'intérêt seraient restés à des niveaux particulièrement élevés, ruinant toutes les espérances de redressement de l'économie et donc de création d'emplois.

Les mesures d'urgence décidées en 1995 ont permis de répondre à ces besoins immédiats, mais une fois corrigées ces situations il nous a été possible, dès le début de l'année 1996, d'engager un nouveau programme d'encouragement de l'activité, dont je vous ai décrit les premiers effets tout à l'heure, même si ces effets auraient pu être plus substantiels encore. Nous avons, dans ces conditions, consenti des allégements d'impôts qui pèseront sur le budget 1997.

Au titre des mesures décidées et votées dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, à la fin de l'hiver, au début du printemps, nous aurons un allégement de recettes fiscales en 1997 de 13 milliards 500 millions.

Je voudrais ici apporter une précision et dissiper tout malentendu ou toute ambiguïté : cela ne concerne pas les 25 milliards d'allégement qui résulteront de la réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques – première tranche 1997. Ces 13 milliards 500 millions sont la conséquence des mesures votées au printemps 1996 pour soutenir la consommation, pour encourager l'investissement dans l'immobilier et dans les entreprises. Si ce point n'est pas suffisamment clair, je ne doute pas que tout à l'heure vous me demanderez de le préciser.

Nous proposons aujourd'hui une autre mesure de soutien à la consommation en libérant dès 1997 les primes accumulées par le million sept cent mille foyers fiscaux qui en 1990 avait ouvert un plan d'épargne populaire, un PEP. Et vous savez que les titulaires de ces PEP, dès lors qu'ils étaient exonéré d'impôt sur le revenu, pouvaient percevoir une prime correspondant à 25 % de leur placement annuel dans la limite de 6 000 francs. Donc, pour 6 000 francs de placement sur un plan d'épargne populaire on avait droit à 1 500 francs de prime, et ainsi chaque année. Ces plans étaient bloqués sur dix ans, nous ouvrons ces primes, nous les mettons à la disposition des titulaires de ces PEP dès 1997. Il nous en coûte à peu près 15 milliards. Je m'empresse de dire que ces 15 milliards ont déjà été provisionnés dans les comptes de l'État et que la dépense budgétaire a déjà été enregistrée au fil des années. Autrement dit, ces 15 milliards ne dégradent en aucune façon le déficit budgétaire 1997.

Ainsi, vous le voyez bien, la France est sur le chemin de la croissance et si nous pouvons aujourd'hui accomplir ce pas c'est parce que nous avons tenu nos dépenses publiques. Notre ancrage politique, notre volonté est triple : il s'agit de baisser les impôts, il s'agit de réduire les dépenses, il s'agit de résorber les déficits publics, mais pour qu'il en soit ainsi notre premier devoir est de ramener la dépense publique dans son lit naturel. Plus d'un franc sur deux aujourd'hui est dépensé sur le territoire par un organisme public. C'est évidemment beaucoup trop, trop parce qu'à ce niveau la dépense publique, je vous l'ai dit, étouffe l'activité économique et ruine l'emploi. Et vous pensez bien que si réduire la dépense publique avait été facile cela n'aurait pas manqué d'être accompli dans les périodes passées.

Le gouvernement a voulu se donner les moyens d'une telle mutation et tel était l'objet de notre débat d'orientation budgétaire qui s'est tenu au Parlement au mois de mai dernier. La réforme du système de santé s'est inspirée des mêmes principes ; il s'agit de responsabiliser tous les acteurs concernés, et cette approche nouvelle porte ses fruits. Vous pouvez en juger puisque les dépenses de l'État s'élèveront l'an prochain à 1 552 milliards 900 millions, soit un montant strictement équivalant à celui de 1996. Autrement dit, en neutralisant l'inflation la dépense reculera en 1997 de 1,5 % par rapport à 1996. Par rapport à la pente naturelle de nos dépenses, cela représente une économie de près de 60 milliards de francs. Vous ne trouverez pas d'exemple analogue dans l'histoire de France récente. Je crois que nous devons souligner cette performance accomplie par le gouvernement.

Le déficit de la section de fonctionnement – car vous savez mon attachement à présenter désormais les comptes de l'État, le budget de l'État en distinguant le fonctionnement et l'investissement. Dans quelques jours, ces comptes vous seront présentés et seront présentés également dans quelques jours nos projections quinquennales. Si nous n'avons pas procédé à un allégement de 25 milliards du produit de l'impôt sur le revenu, le déficit eût été en 1997 – le déficit de fonctionnement – inférieur de 20 milliards à ce qu'il sera en 1996. Mais en raison de cet allégement notre déficit va se trouver de 5 milliards supérieur à 1996.

Autrement dit, nous avons fait un choix, le choix de la croissance, du déclic pour la croissance et ce déclic doit résulter de la dynamique de la reprise et de la réduction des déficits, mais aussi de l'allégement irréversible des impôts. Alain Lamassoure développera devant vous tout à l'heure les mesures que nous avons prises, ministère par ministère, pour parvenir à ce résultat. Vous constaterez qu'aucun secteur n'a été écarté a priori. On a pu bien sûr ménager l'essentiel ; c'est ainsi que pour l'emploi, qui est notre priorité, nous avons encore une progression de 8 % des crédits, mais si nous avions laissé la tendance s'accomplir, on eût dû inscrire plus de 15 milliards supplémentaires.

Dans le même temps, nous avons recentré notre action ; c'est ainsi que les allégements de charges sociales progressent, c'est un choix, il s'agit de rendre plus compétitif le salaire au niveau du SMIC et à proximité du SMIC. Il en a été de même pour le logement.

Je voudrais vous dire également que nous procédons – et ceci est une situation que nous n'avions pas connue depuis dix ans – à une réduction du nombre de postes de fonctionnaires. Les agents partant à la retraite ne seront pas remplacés. Ce sera vrai pour 5 599 postes d'agents civils de l'État. On pourrait y ajouter à peu près 600 postes de personnels civils des services de la défense. S'agissant du ministère de l'Économie et des Finances, nous procédons à une réduction d'effectifs qui concerne 1 400 postes.

À cet égard, en dépit des efforts que nous avons faits, la comparaison des crédits fait apparaître une légère progression. Je voudrais apporter un correctif : si nos crédits progressent c'est parce qu'en 1997, contrairement aux années antérieures, nous faisons apparaître dans chaque ministère le coût des frais de correspondance, d'affranchissement, qui jusque-là apparaissaient en charges communes. Si nous n'avions pas eu cette novation dans la présentation comptable, à structure constante, les crédits diminueraient de 1,1 %. Je me permets d'apporter cette rectification, pour qu'à la lecture rapide du document vous n'ayez pas le sentiment que le ministère de l'Économie et des Finances manque d'exemplarité.

Nous avons fait des efforts de restructuration, nous le faisons dans la durée. Il s'agit, d'année en année, de réorganiser les services, de traquer tout ce qui peut être double emploi, de supprimer des unités de service public qui auraient perdu leur objet.

Et comme dernière illustration de ce souci d'économie, je voudrais vous dire que les dépenses de fonctionnement de services, ce qu'on appelle souvent le train de vie de l'État, vont également être comprimées une nouvelle fois en 1997. Ainsi nous ferons reculer ces dépenses de 6,5 % par rapport à 1996. Vous avez d'ailleurs la projection d'un tableau qui fait apparaître l'évolution des dépenses que l'on qualifie « train de vie de l'État ». Donc vous voyez que depuis 1995 – 1994/1995 – s'est amorcé très clairement le reflux de ces dépenses.

Réduire ces dépenses, bien sûr chacun en comprend l'intérêt, mais dans quel but ? Notre objectif est clair : il s'agit de rendre irréversible la baisse des impôts. Comme le Premier ministre vous l'a expliqué le 5 septembre dernier, nous sommes engagés dans une ambitieuse réforme fiscale, centrée sur une modernisation et sur un allégement de l'impôt sur le revenu.

D'ici 5 ans, l'allégement de cet impôt sera de 75 milliards de francs et, vous le savez, dès 1997, les contribuables bénéficieront d'un allégement global de 25 milliards, dès 1997, vingt-cinq milliards d'allégement d'impôt. Je parle ici bien sûr d'un allégement net, qui s'ajoute par ailleurs aux réductions d'impôts déjà décidées en début d'année dans le cadre de notre plan de relance. 25 milliards qui s'ajoutent aux 13 milliards 500 millions. Peut-être pourrait-on aller un tout petit peu plus loin et nous demander : mais, avec les plus et les moins, combien ça fait ? Allégement, donc, 25 + 13 milliards 500 millions, ça fait 38 milliards 500 millions.

Les cotisations supplémentaires : il y a une extension de la CSG, qui porte sur des revenus qui jusque-là échappaient à la CSG, le socle de 2,4 %. Cela fait 7 milliards. Il s'agit de revenus de placements, de revenus d'épargne, de revenus fonciers. Il y a également un supplément d'impôt pour les alcools, qui sera à peu près de 1 milliard 800 millions, et qui ira directement au financement de la protection sociale, ça ne transite plus par le budget de l'État, et s'agissant du tabac il y aura une augmentation de 4 milliards 200 millions, une fraction revenant au budget (j'ai dit 4 milliards 200 millions, mais c'est peut-être bien 4 milliards 800 millions – c'est 4 milliards 800 millions pour le tabac, et c'est 1 milliard 200 millions pour l'alcool). 4 milliards 800 millions pour le tabac, dont 3 milliards qui vont directement au financement du budget de la protection sociale. Tabac et alcool, ça fait 6 milliards, plus les 7 milliards de CSG ça fait 13 milliards, moins 13,5, moins 25, ça fait moins 38,5, plus 13 ça fait moins 25,5.

Voilà l'ordre de grandeur des allégements. Je n'ai pas cité l'augmentation de la redevance télévision, puisqu'elle n'augmente pas. Je n'ai pas cité non plus la hausse, très faible, de la TIPP, puisqu'elle est de 6 centimes par litre de carburant, donc c'est dans l'épaisseur du trait et inférieure à l'inflation 1996.

Je voudrais revenir sur l'impôt progressif sur le revenu et tenter de répondre à la question : mais pourquoi avoir choisi l'impôt sur le revenu ? La raison est simple, c'est d'abord parce que cet impôt est sans doute au premier rang dans notre imaginaire collectif. Et c'est le seul de nos grands impôts qui n'a pas fait l'objet d'un programme durable d'allégement et de modernisation au cours de la période récente. Tel avait été le cas pour la TVA, également pour l'impôt sur les sociétés.

Cette réforme, permettez-moi de le dire, a plusieurs qualités : elle est socialement juste, économiquement efficace et elle permet d'engager une véritable modernisation de l'impôt. Cette politique a un fort contenu social : tous ceux qui paient un impôt progressif sur le revenu bénéficieront d'un allégement significatif, en particulier les familles, toutes les familles, et les contribuables modestes.

Vous aurez noté l'ampleur de notre effort en faveur des familles ; nous avons suivi sur ce point les propositions qu'avait pu faire M. de la Martinière dans la mission que nous lui avions confiée et je voudrais insister sur ce point : le fait de supprimer la décote, dont ont tiré profit tous les ménages, mais sans considération du nombre de parts, la mesure, l'avantage était le même pour un foyer fiscal constitué d'une seule personne et pour un foyer constitué d'un couple et d'un certain nombre d'enfants. Ici, nous neutralisons cette situation et nous ouvrons l'avantage en fonction du nombre de parts, et en fonction du quotient familial. Il en coûte, en année pleine, au terme de cette réforme qui prend effet sur cinq ans, il en coûte 22 milliards ; ceci est au profit des familles.

Nous dissipons également la crainte qui pouvait exister que les allocations familiales entrent dans l'assiette du revenu soumis à l'impôt. C'est une hypothèse qui avait été faite dans le rapport La Martinière, le gouvernement ne l'a pas retenue.

Cette réforme a aussi une cohérence économique forte. Notre souci de rééquilibrer notre fiscalité en faveur du travail, en faveur de l'activité, de ceux qui prennent des risques, de ceux qui investissent, de ceux qui stimulent et font la croissance et de ceux qui nous mettent en situation de créer des emplois.

Le système actuel engendre un niveau de taxation du travail qui, vous le savez, est très élevé, lorsqu'on tient compte des cotisations sociales. Notre réforme, qui sera complétée par des mesures d'allégement de cotisations sociales – mesures qui seront présentées prochainement par Jacques Barrot – permettra de corriger cette hérésie économique.

En agissant ainsi, nous nous donnons les moyens de moderniser enfin notre impôt sur le revenu. Notre souci a été de réexaminer avec pragmatisme certaines de ces dispositions, qui ne sont plus justifiées dans un contexte de forte baisse d'impôt, et là je voudrais qu'on fasse venir un graphique. Vous voyez ainsi peut-être comment évoluent les taux au fil des années. La première tranche qui aujourd'hui est imposée à 12 le sera à 7 et on accédera à cette tranche à un niveau de revenus qui sera d'à peu près 40 000 francs par tranche familiale, alors qu'on est aujourd'hui légèrement au-dessus de 20 000. La deuxième passera de 25 à 20, la troisième de 35 à 28, la quatrième de 45 à 35, la cinquième de 50 à 41 et la sixième de 56,8 à 47.

Pour terminer sur ce point, je voudrais insister sur la crédibilité de notre engagement. La barème 1997 apparaîtra en première partie de la loi de finances, mais les barèmes de chacune des quatre années suivantes sera soumis à discussion dans la deuxième partie de la loi de finances et donc le Parlement se prononcera sur ce barème pour les cinq années qui viennent.

Je fais observer que dès la première année l'allégement sera de 25 milliards, 12 milliards 500 millions pour chacune des années suivantes : autrement dit, au terme de la deuxième année nous aurons déjà accompli la moitié du parcours, nous serons à 37 milliards 500 millions d'allégement. C'est une action qui s'opère dans la durée. On nous a dit que ce n'était pas possible parce que peut-être demain on reverrait une telle orientation. Moi je veux vous rappeler que pour la TVA et pour l'impôt sur les sociétés ces deux grandes réformes de modernisation et d'allégement de l'impôt se sont étalées sur des périodes longues. Pour la TVA, il a fallu six années et pour l'impôt sur les sociétés il a fallu sept années. Il n'est donc pas extravagant de considérer qu'il nous faudra cinq années pour alléger d'un quart le produit de l'impôt sur les sociétés, pour alléger d'un quart la charge d'impôt qu'acquittent aujourd'hui un certain nombre de ménages.

Un mot d'ordre donc, un mot d'ordre simple, que l'impôt recule et que l'impôt soit juste. Notre action en ce sens, vous l'aurez compris, est déterminée et elle est irréversible.

Compte tenu de ces efforts, efforts sans précédent sur les recettes et sur les dépenses, le solde budgétaire s'élèvera l'an prochain à 283 milliards 700 millions. Cette réduction du déficit, par rapport à 1996, est obtenue – je tiens à le souligner – sans artifice. Elle intègre, je l'ai dit, de substantiels allégements d'impôts, sans lesquels le déficit aurait pu être ramené à environ 245 milliards. Elle repose enfin sur un niveau de recettes fiscales que nous avons évaluées comme l'an dernier avec le plus grand réalisme possible, avec la plus grande prudence possible.

Contrairement à certaines prédictions, à certaines craintes, nous avons résisté à la tentation de nous faire des recettes de poche en allant au-delà, et quelquefois bien au-delà de l'inflation. C'est ainsi, je vous l'ai dit, que la redevance télévision n'augmentera pas en 1997 par rapport à 1996. C'est ainsi que la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, augmentera de 6 centimes, un peu plus pour le super plombé, de telle sorte que le prix du litre de super, qu'il soit plombé ou qu'il ne le soit pas, soit en progression à la pompe de 1,2 %.

J'ajoute, et je sais que vous vous posez la question, qu'au regard des fameux critères de convergence notre situation est conforme à l'objectif. La prise en compte des règles comptables communautaires, relatives au calcul du besoin de financement des administrations publiques, de l'État, de la protection sociale, des collectivités territoriales et des autres organismes administratifs publics, ces besoins de financement tiendront en deçà de 3 % du produit intérieur brut. Je vous rappelle que c'est le niveau de déficit en deçà duquel nous sommes qualifiés pour être au rendez-vous de la monnaie unique le 1er janvier 1999.

Comme vous le savez, ce résultat intègre notamment la soulte que France Télécom versera à l'État en 1997, et je voudrais, sur ce point, m'attarder un instant. Cette opération s'accomplit dans la parfaite transparence. Pourquoi la société France Télécom versera-t-elle 37 milliards 500 millions ? Eh bien, parce que l'État sera vis-à-vis de France Télécom, dans son nouveau statut, dans la situation d'une caisse de retraite pour ceux des agents, des anciens de France Télécom qui auront eu le statut d'agents publics. Autrement dit, France Télécom versera à l'État chaque année des cotisations de retraite comme le ferait tout employeur dans un cadre concurrentiel ; ces cotisations viendront en ressources pour le budget de l'État et l'État versera chaque année, comme il le fait à l'endroit de ses anciens collaborateurs, agents publics, des pensions de retraite.

Sur des bases actuarielles, l'État recevra moins qu'il ne sera amené à verser. C'est la raison pour laquelle France Télécom s'oblige à verser un capital de compensation de 37 milliards 500 millions, une soulte qui n'apparaîtra pas comme une ressource dans le budget de l'État, mais qui va être déposée dans un fonds dédié, géré en pleine transparence. Le placement de cette soulte générera des fruits, et les fruits, lorsque le déséquilibre s'opérera entre les recettes de cotisations et les pensions versées chaque année, les fruits viendront compenser la différence. C'est une opération qui est parfaitement claire, qui s'analyse aux termes des règles Eurostat comme un prélèvement fait par le secteur public sur une entreprise extérieure, une entreprise privée, et c'est dans ces conditions que nous utilisons cette soulte pour financer les besoins des administrations publiques.

M. Lamassoure arrive dans un peu moins de dix minutes. Je vais essayer de tenir au moins dix minutes ou de répondre à vos questions plus précisément. Il me paraît donc important de raisonner ici et de regarder quelle est notre situation sur moyenne période. Notre plan de réduction de la dépense publique, engagé sur plusieurs années, nous permet de nous placer durablement en dessous, et substantiellement en dessous de la barre des 3 % de déficit.

Je vous communiquerai dans quelques jours nos projections sur cinq ans. Vous verrez qu'en 1998 nous serons en dessous des 3 %, parce qu'une partie des allégements résultant des mesures d'encouragement de 1996, qui pèsent sur le budget 1997, ces mesures sont biodégradables et ne porteront pas allégement en 1998 comme elles avaient pu le faire en 1997. Il y aura également les termes de croissance qui généreront mécaniquement des recettes fiscales, et puis il y a la constance dans la nécessité de comprimer le déficit, de comprimer les dépenses publiques. Cette volonté de rééquilibrer l'investissement par rapport au fonctionnement nous oblige à avancer résolument dans la réforme de l'État, de restructurer l'État, de dépenser mieux et de dépenser moins. Vous verrez d'ailleurs qu'au terme de cette période quinquennale, autour de 2000-2001, on sera en dessous de 2 % du PIB, c'est-à-dire à des situations que l'on avait connues pendant les années 70.

Ce rétablissement sera bien sûr facilité par le retour à un niveau de recettes plus conformes au potentiel de notre économie. Vous voyez apparaître sur ce tableau les besoins de financement depuis 1970 ; vous voyez qu'on était en excédent entre 1970 et 1974-75. Nous avons eu en 1980 un équilibre autour de zéro, légèrement positif, et depuis un plongeon à 3 %, une remontée un peu laborieuse, jusqu'en 1988-89, et à partir de 89 réhabilitation de la dépense publique, et on s'en va allègrement vers 6 % de déficit. C'est ce mouvement qui est aujourd'hui inversé. Vous voyez que le ressaisissement est assez spectaculaire.

Donc rétablissement de nos finances publiques. Là encore, prudence et réalisme ont été nos règles. L'hypothèse de croissance annuelle de 2,5 %, qui sous-tend une projection quinquennale correspond à la tendance naturelle de notre économie. Je suis d'ailleurs convaincu que nous pouvons faire beaucoup mieux, parce que la croissance est l'affaire de tous. Le gouvernement, quant à lui, s'attachera à créer les conditions pour qu'il en soit ainsi.

Voilà ce que je voulais vous dire aujourd'hui sur ce projet de budget 1997. Je l'ai qualifié de tournant, et ce n'est pas un exercice de style. Peut-être n'en n’avons-nous pas conscience aujourd'hui, mais l'histoire économique retiendra sans doute qu'en 1997 la France a tourné le dos au gonflement de la dépense publique et qu'elle a engagé la décrue fiscale tant attendue. On pourra toujours dire que l'on pouvait faire mieux, mais que nos contradicteurs nous disent alors quelles autres dépenses nous pouvions supprimer dès l'an prochain, ou qu'ils nous expliquent comment financer le déficit supplémentaire engendré par des baisses d'impôt plus massives encore.

Je voudrais insister à nouveau sur la solidité des engagements que nous venons de prendre. En 1995, nous nous étions engagés à respecter un objectif : de contenir la dépense publique en deçà de 5 % du produit intérieur brut. Cet objectif a été respecté. En 1996, nous nous sommes engagés à tenir la dépense publique à 4 % du produit intérieur brut. Je vous confirme que cet objectif sera tenu et que les moins-values fiscales que nous constatons aujourd'hui, moins-values d'ailleurs qui sont contrastées : il y a plus de produits d'impôts sur les sociétés, il y a en revanche quelques érosions en matière de TVA ou d'impôt sur le revenu des personnes physiques. Mais globalement nous financerons cela par une moindre contribution au budget des communautés européennes, et nous les financerons par des mesures d'annulations de crédits, qui d'ores et déjà ont fait l'objet de gel.

Donc, sur 1996, nous respecterons l'objectif de 4 % et c'est ce qui me donne pleine confiance sur l'objectif 1997 : oui, nous serons sous la barre des 3 % en 1997. Vous le voyez, le cap est fixé, nous ferons tout pour le tenir. C'est le cap de la confiance, c'est le cap de la croissance et c'est le cap de l'emploi.

Je m'apprêtais à donner la parole au ministre du Budget, mais puisqu'il va nous rejoindre tout à l'heure pour vous en dire plus, beaucoup plus, sur les dépenses par ministère, peut-être que je peux prendre dès maintenant quelques questions en attendant Alain Lamassoure.

 

- Gabriel Millezi : Monsieur le ministre, ce matin vous avez parlé d'un allégement net de 13 milliards. On avait parlé d'abord de 18. Alors qu'est-ce qui s'est passé entre-temps ? Ou comment expliquez-vous... ? Comment êtes-vous arrivé à ce chiffre ?

- Je n'ai pas parlé ce matin d'allégement net de 13 milliards. Je m'en suis expliqué il y a un instant. J'ai dit ce matin que nous avions un allégement de 25 milliards d'impôts sur le revenu. J'ai dit que nous avions un allégement de 13,5 milliards correspondant aux mesures de soutien à la consommation et à l'investissement décidées en 1996 et qui affecteront le niveau des recettes fiscales 1997. Donc en allégement d'impôt nous avons moins 25 milliards – impôts sur le revenu – moins 13,5 milliards, ce sont les mesures 1996, impact 1997. (Je me réjouis de l'arrivée d'Alain Lamassoure.) CSG : plus 7 milliards ; tabac : plus 4,8 ; alcool : plus 1,2. Vous avez des charges supplémentaires de 13 milliards, vous avez des allégements qui font 25 + 13,5 = 38,5. L'allégement net est de l'ordre de 25 en arrondi. Ai-je dissipé ce malentendu, M. Millezi ? Merci. Alain, tu as la parole.

- Je répondrai à des questions.

- Je n’ai pas évoqué par ministère.

- Bien. D'abord je vous prie d'excuser mon retard. Mon absence n'est pas due au fait que je me désolidarise de ce qui a été dit, mais j'étais l'otage de la Haute Assemblée.

Je voudrais rappeler d'abord deux ou trois données simples. Lorsque nous nous comparons aux pays du G7, nous constatons que nous sommes celui qui au cours des dernières années a vu les dépenses publiques augmenter le plus par rapport au produit intérieur brut. Depuis 1974, les dépenses publiques, leur part dans la richesse nationale, le produit intérieur brut, a augmenté de 14 points. Ceci a été financé à hauteur de 9 points par les hausses d'impôts et à hauteur de 5 points par l'endettement. Et nous constatons que cette part croissante des dépenses publiques dans la richesse nationale a contribué à étouffer la croissance. Nous étions à un rythme de croissance en moyenne annuelle de 5,5 % dans les années 60, nous sommes passés à 3,5 dans les années 70, à 2,5 dans les années 80 (coupure fin de face).

Les emprunts que nous sommes obligés d'émettre pour financer nos besoins représentent l'équivalent de plus de 90 % de l'épargne que les Français placent sur le marché obligataire et, de la même manière, en ce qui concerne les emplois, entre 1970 et 1995 la population active française a augmenté de 4 millions de personnes ; sur ces 4 millions de personnes il y a 3 millions de chômeurs et 1 million de fonctionnaires ou d'agents publics. Donc la dépense publique assèche l'économie, tue l'emploi privé et c'est pour renverser cette logique que nous nous engageons, avec ce budget 1997, dans des choix complètement différents : arrêt historique de la hausse de la dépense, engagement d'une baisse de la pression fiscale.

Alors, comment peut-on maîtriser la dépense ? Les économies ont porté sur l'ensemble des ministères et, conformément d'ailleurs aux ordres de grandeur que nous avions donnés lors du débat sur les orientations budgétaires, par rapport à ce qu'on appelle en termes techniques le budget de reconduction, c'est-à-dire ce qui se serait produit si on s'était contenté d'appliquer la législation et la réglementation existantes. Nous avons été conduits à procéder à 60 milliards de francs d'économie, dont nous pourrons vous donner la ventilation, pour maintenir en francs courants les dépenses au niveau de 1996.

Pour ce faire, nous avons exploré les gisements d'économies que nous avions envisagées d'ailleurs au moment du débat sur les orientations budgétaires : d'abord la dette, où nous ferons plusieurs milliards d'économie sur les charges de la dette grâce à la baisse des taux d'intérêt et grâce à une gestion plus dynamique de la dette. Ensuite, les aides à l'emploi où, par rapport à la tendance des dépenses, nous avons fait 15 milliards de francs d'économie ; les aides au logement, dans les mêmes conditions, 12 milliards d'économie ; la contribution de la France au budget européen, grâce à la sous-exécution des dépenses du budget européen en 1996 et au vote d'un budget que nous appelons budget zéro européen 1997 ; nous avons convaincu nos partenaires de faire au niveau européen ce que nous faisons au niveau national, stabilisation en ECU et en espèces courants. Ceci nous permet d'économiser 9 milliards de francs sur la contribution de la France au budget des communautés. Enfin, en ce qui concerne les dépenses de la fonction publique, nous réduisons les effectifs d'environ 6 500 personnes, y compris les effectifs civils du ministère de la Défense, ce qui est également un gisement que nous commençons de prospecter, avec des effets relativement limités en 1997, mais qui seront plus importants les années suivantes, surtout si ce mouvement se poursuit.

Malgré des économies considérables, nous avons veillé à ce que les politiques prioritaires ne soient pas sacrifiées, et même reçoivent des moyens supplémentaires. Quelques exemples : on peut regrouper autour de cinq rubriques les priorités de l'effort budgétaire.

D'abord, bien entendu, favoriser l'emploi. En 1997, c'est un total de 150 milliards de francs qui seront mobilisés en faveur de l'emploi, soit une hausse de 8 % par rapport à loi de finances initiale de 1996. Ceci sera concentré sur deux catégories d'efforts : d'abord l'augmentation des crédits de la formation, et en particulier de l'apprentissage, en application de la nouvelle loi sur l'apprentissage ; d'autre part, au profit des dispositifs sociaux d'aide à l'embauche concentrés sur les publics prioritaires, et recentrés sur les publics prioritaires. C'est le cas notamment du contrat initiative-emploi.

Deuxième priorité : renforcer la cohésion sociale, et là nous pourrons augmenter, donc au prix d'économies ailleurs, les mesures en faveur de l'aide aux personnes âgées et handicapées, les moyens des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, l'aide médicale aux personnes les plus démunies, la lutte contre la toxicomanie et le sida. Un effort particulier pour le logement des familles modestes, les économies faites sur d'autres domaines du logement permettront d'augmenter les moyens affectés au logement très social. Les prêts locatifs aidés et très sociaux seront portés de 20 000 à 30 000 logements.

Troisième priorité : préparer l'avenir. Le budget de l'Éducation nationale augmentera de 2 %, avec une évolution différente sur l'enseignement scolaire, où là nous prenons acte, malheureusement, de la diminution très forte des effectifs de l'enseignement primaire et même secondaire – 51 000 de moins prévus à la rentrée prochaine de 1997 – pour réduire les effectifs de personnels. Cette réduction n'empêchera pas une amélioration du taux d'encadrement ni l'amélioration de l'effort en faveur des élèves les plus fragiles dans le cadre du nouveau contrat pour l'école, et de soutien aux élèves en difficulté, ni l'amélioration de la sécurité des établissements. En sens inverse, les moyens de l'enseignement supérieur sont accrus, à la fois en termes budgétaires, avec ouverture de 2 700 postes, puisque là les effectifs d'étudiants augmentent, et en termes de crédits d'investissements, qui augmenteront de près de 14 %.

Préparer l'avenir c'est également la politique de la recherche, où nous avons été obligés de faire des choix. Ces choix se font en faveur notamment de la recherche spatiale, qui absorbera près du cinquième du budget civil de recherche et de développement.

Quatrième priorité : améliorer les conditions de vie des Français. Le ministère de l'Environnement, qui est un petit budget, mais qui correspond à des actions importantes, voit ses crédits augmenter de 6 %, notamment pour financer l'application de la loi sur la qualité de l'air. Les crédits de l'agriculture sont stables, et nos agriculteurs bénéficient par ailleurs des très fortes augmentations du budget communautaire.

Cinquième orientation : en ce qui concerne les fonctions essentielles de l'État, nous confirmons la priorité au rattrapage des moyens de la justice, avec une progression de près de 2 % des crédits, cette augmentation étant le résultat d'une réduction des moyens de l'administration centrale et d'une augmentation des moyens des juridictions, des services extérieurs et de l'administration pénitentiaire. Pour ce qui concerne le ministère de la Défense, il aura les moyens d'appliquer la loi de programmation militaire et notamment de procéder à la première étape de la professionnalisation des armées en 1997. Enfin, je voudrais saluer les efforts de productivité et de bonne gestion assez remarquables faits tant par le ministre des Affaires étrangères, dont les dotations diminueront de 4 % l'an prochain, et qui s'est engagé à un plan de réduction d'effectifs sur trois ans, que du ministère de l'Intérieur, dont les moyens diminueront de 3,6 % l'an prochain, sans que cela empêche l'effort de modernisation des moyens de la police, avec notamment l'installation du réseau informatique Acropol.

Voilà les principaux points notables du côté des dépenses de ce projet de loi de finances pour 1997.

- Nous allons tenter de répondre aux questions que vous souhaiteriez poser. S'il n'y a pas de questions, ce n'est pas un problème. Madame ? Soir 3 pose une question.

- Oui. Est-ce que vous pouvez détailler un petit peu sur les aides à l'emploi ? Parce que, d'un côté vous dites qu'il y a des économies de 15 milliards, de l'autre côté vous dites qu'il y a une augmentation de 8 %, comment faites-vous pour diminuer d'un côté et augmenter de l'autre ?

- Quand nous parlons d'économies de 60 milliards de francs, c'est par rapport au budget de reconduction, c'est-à-dire à la tendance spontanée des dépenses si on n'avait fait aucun effort. Alors c'est vrai en particulier sur des budgets qui avaient tendance à se développer comme des boules de neige, le budget de la dette, le budget de l'aide à l'emploi, le budget du logement, le budget des dépenses de la fonction publique. Ces boules de neige, nous n'arrivons pas véritablement à commencer à les faire fondre, mais nous en maîtrisons l'accroissement, et en particulier, par rapport à la tendance spontanée du budget des aides à l'emploi, nous avons pris un certain nombre de dispositions qui permettront de réduire de 15 milliards.

Le budget total de M. Barrot à ce titre augmentera d'environ 3 milliards, mais ça représente, encore une fois par rapport à la tendance spontanée, une économie de 15 milliards. En gros, les économies porteront principalement sur le contrat initiative-emploi, dont nous avons constaté qu'il avait des effets très positifs sur la remise au travail de chômeurs de longue durée, qui connaissaient de très gros handicaps personnels, mais dont nous avons également constaté qu'il y avait un effet d'aubaine un peu excessif. Donc le contrat initiative-emploi sera recentré, notamment au niveau des primes, sur les publics qui en ont le plus besoin. Ceci devrait représenter, par rapport aux tendances spontanées, une économie de l'ordre de 6 milliards. Cela n'empêchera pas le budget consacré aux CIE d'augmenter fortement l'année prochaine, mais ça permet de maîtriser l'augmentation.

En accord avec les partenaires sociaux – je dirai d'ailleurs que l'ensemble de ces dispositions sur le budget de l'emploi, comme M. Barrot pourra vous le confirmer, font l'objet d'un assez grand consensus chez les partenaires sociaux et s'inspirent des recommandations faites par la commission parlementaire que présidait M. Péricard. Donc, notamment compte tenu d'un avis unanime des partenaires sociaux, l'aide au premier emploi des jeunes sera supprimé, ce qui fait une économie de près d’un milliard.

Il y a d'autre part, dans le même esprit, les stages d'insertion et de formation, qui seront réduits, et nous réduirons également la participation de l'État au financement de l'allocation formation-reclassement, et d'autres mesures de ce type et des coups de rabot à d'autres aides de ce type permettront d'arriver à ce chiffre de 15 milliards. De même, je peux vous citer un autre exemple : pour les contrats emploi-solidarité, il y avait un ticket modérateur de 3 % seulement, c'est-à-dire que l'État prenait à sa charge 97 % des dépenses des contrats emploi-solidarité ; nous allons accroître ce ticket modérateur jusqu'à 10 %, de manière à alléger un petit peu la charge de l'État. Donc c'est l'addition de tous ces efforts qui nous permettront de recentrer le dispositif sur les aides qui sont véritablement le plus utile à l'emploi, en faisant des économies sur le budget de l'État.

- France 2 : Quand vous nous dites que depuis 1974 la dépense publique dérape et qu'en fait elle a étouffé l'emploi, qui visez-vous ? Quels sont les gens qui sont responsables depuis près d'un quart de siècle de ce dérapage, puisque, en définitive, vous nous dites que le budget 1997, les prévisions en tout cas, est le premier « vertueux » ? Alors quels sont ceux qui ont vraiment manqué de vertu jusqu'à présent ?

- Je ne crois pas avoir dit... Je doute que Jean Arthuis a dit que le budget 1997 était le premier vertueux. S'il y a une augmentation – c'est votre jugement, cher ami, ce n'est pas ce que nous disons –, s'il y a une augmentation de la dépense publique par rapport à la richesse nationale, c'est dû d'abord à un certain nombre de phénomènes indépendants de la volonté des gouvernants. J'en citerai deux. Premièrement, le vieillissement de la population, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur les charges des retraites et sur les dépenses de santé. Deuxièmement, l'augmentation de la scolarisation, à la fois du fait de la démographie, qui baisse maintenant pour les jeunes enfants, mais qui a augmenté jusqu'au début des années 1980, et surtout du taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire, de la prolongation de la durée de la scolarité. Et puis, il y a eu un certain nombre de choix politiques, et là je vous renvoie aux chiffres : les déficits publics ont été tenus jusqu'en 1980. Quand M. Barre a quitté le gouvernement, le besoin de financement des administrations publiques, au sens de la comptabilité européenne, était nul, il y avait même une légère capacité de financement. Et puis est arrivé au pouvoir un gouvernement qui avait une autre politique et qui, en un an, a accru de 27 %, en un an, dans le budget 1982, les dépenses de l'État. Et là la dépense a commencé à filer. Il y a un rétablissement qui a commencé un peu en 1985, qui a été fortement engagé entre 1986 et 1988, et puis après 1988 est arrivé un gouvernement dont le slogan était : la réhabilitation de la dépense publique et mettre fin à la paupérisation de l'État. Et vous pourrez vérifier que dans les cinq ans qui ont suivi la réunification de l'Allemagne, les dépenses de l'État ont augmenté plus vite en France qu'en Allemagne.

Ceci nous a conduit à un déficit vertigineux, et en besoins de financement au sens européen, qui en trois ans est passé de 1,5 % à 6 %. Ce déficit a été stabilisé et la situation un peu améliorée entre 1993 et 1995, et nous engageons maintenant une action de manière à renverser cette évolution extrêmement préoccupante.

- Jean-Marc Vittori, du magazine « Challenges » : La baisse du volume de la dépense publique en 1997 vient quasiment exclusivement de l'investissement. Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont les plans d'investissement qui sont ainsi taillés, et est-ce que vous pouvez nous dire comment vous réduirez les dépenses de fonctionnement une année avec élection, alors que vous ne le faites pas une année sans élections ? Merci.

- D'abord, toutes les dépenses baissent, les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. Et lorsque vous aurez ce tableau distinguant investissements et fonctionnement, vous constaterez qu'en effet nous restons avec un déficit trop élevé en fonctionnement et que nos dépenses d'investissement accusent une baisse, mais cette baisse est liée à quelques opérations de retraitement, notamment en matière de financement du logement, ce qui explique cette apparente baisse.

Néanmoins, il faut bien reconnaître que nous n'avons pas le niveau d'investissements que nous souhaiterions avoir. Ceci est partiellement compensé par des investissements publics qui sont faits hors du budget de l'État, notamment des sociétés autoroutières, dont les engagements en 1997 vont être substantiels, par rapport aux années précédentes, et on verra qu'en quatre années, sur ces budgets de travaux publics, sur ces budgets de routes et d'autoroutes, les progressions sont assez sensibles.

La réforme de l'État doit prendre corps avec plus de détermination encore, c'est un immense projet auquel nous travaillons, auquel le Premier ministre nous rappelle nos obligations. Les effets vont se mesurer dans le temps, on va véritablement enclencher des économies de dépenses de fonctionnement à la mesure des progressions de la réforme de l'État. Mais nous sommes bien conscients qu'au-delà du budget 1997, il faut amplifier l'effort et marquer beaucoup de détermination.

Les dépenses totales de fonctionnement, les parties 34, 35 et 37 du budget civil de l'État, en francs courants, en milliards de francs – vous avez peut-être vu passer tout à l'heure un tableau, à moins qu'on ne l'ait pas projeté. On voit qu'en 1988 on était autour de 41 milliards. On a légèrement progressé en 1989-90, on est passé au-delà de 45 milliards en 1993-94 et 1995. En 1996, on descend à 43,5 milliards, et en 1997 on est en dessous de 40 milliards, c'est-à-dire qu'on est à un niveau inférieur à celui de l'année 1988, sur les dépenses de fonctionnement. C'est le train de vie de l'État, en quelque sorte.

Reste l'évolution de la masse salariale. Le fait que les effectifs perdent à peu près 5 600 emplois dans les administrations civiles, plus les 600 des postes civils de la défense, c'est une économie relativement modeste en 1997, cela fera à peu près 1,2 milliard, mais considérons qu'au fil des années nous devons pouvoir ainsi faire apparaître des marges de manœuvre supplémentaires. Il ne s'agit pas de brutaliser l'appareil d'État, il s'agit de le réformer en profondeur, en ne cédant pas à la tyrannie du court terme.

- Dominique Thiébaut : Je suis également du magazine « Challenges », excusez-moi. Dans le discours que M. Lamassoure a écrit, page 14, il y a peut-être une mesure sur laquelle on pourrait revenir, qui constate la réduction d'impôt pour les gros travaux effectués par les particuliers. Est-ce qu'on pourrait en parler un petit peu ? Merci.

- C'est une mesure en faveur du logement. Dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu vous avez constaté qu'un certain nombre de déductions, de réductions disparaissent, par souci de simplification, ou parce que les motifs ont perdu leur réalité. S'agissant des travaux dans le secteur immobilier, nous avons voulu prendre, en accord avec M. Périssol, une disposition très simple : il s'agit de tous les travaux qui incombent aux propriétaires, et ceux qui les accomplissent bénéficient d'une réduction d'impôt de 20 %, dans la limite de 40 000 par période de cinq ans, avec un supplément lié au nombre de personnes à charge. Voilà une mesure en faveur de l'immobilier. Et tu as raison, en effet, c'est une façon de lutter aussi contre le travail au noir.

- Noëlle Blessig de l'AFP : J'ai quelques petites questions à vous poser. Vous avez parlé des privatisations, du produit attendu en 1997, je crois 27 milliards de francs. Est-ce que vous croyez d'abord que vous allez atteindre 40 milliards cette année, comme vous l'aviez prévu, et sur les 27 milliards de l'année prochaine est-ce qu'il n'y a que France Télécom ? Une autre petite question : quelles sont les dotations que vous avez prévues pour les grandes entreprises publiques et enfin quelles sont les contributions attendues auprès des entreprises comme EDF, la Caisse des dépôts et France Télécom ?

- Sur 1996, je doute que nous obtenions 40 milliards en 1996, mais enfin nous atteindrons l'objectif du budget 1996 – l'objectif, ce n'était pas 40 milliards, c'était 22 milliards, il y avait un report de l'année précédente. Nous avons quelques opérations en cours, mais dont nous n'attendons pas des rendements extraordinaires. Pour 1997, la somme de 27 milliards correspond aux opérations diverses de recapitalisation, de consolidation de fonds propres, de remise en état des entreprises du secteur public.

Pour ce qui est des prélèvements, au titre des dividendes, au titre des redevances – d'abord s'agissant de la Caisse des dépôts et consignations – je crois pouvoir faire état, après les craintes qu'avait exprimé M. Delalande, le président de la commission de surveillance, redoutant que l'État serait allé au-delà du raisonnable, aujourd'hui il a rendu hommage au gouvernement pour la justesse de ces prélèvements. Nous respectons la constitution des réserves à 2 % des placements, et donc nous ne sommes pas suspects d'aller au-delà de ce qui est jugé raisonnable par la commission de surveillance. Cela étant dit, les fonds dont il s'agit sont des fonds qui appartiennent à l'État, et le procès qui est parfois fait à l'encontre de l'État n'est pas justifié, mais quoi qu'il en soit, vraiment nous seront à un niveau correspondant aux bons usages prudentiels.

Pour ce qui est des autres entreprises, il s'agit tout simplement de mettre en recouvrement des dividendes. L'État, en sa qualité d'actionnaire, est fondé à percevoir un dividende auprès d'un certain nombre de grandes entreprises publiques.

- Et pour les dotations aux grandes entreprises ?

- Je ne vais pas vous donner ici le détail, je le ferai connaître dans quelques semaines, au moment du débat ; il s'agit de faire face aux obligations qu'a l'État en sa qualité d'actionnaire vis-à-vis d'un certain nombre d'entreprises du secteur public. Monsieur ?

- Quelles sont les hypothèses de taux d'intérêt qui sous-tendent votre devis de charges d'intérêts pour 1997 ?

- Des hypothèses prudentes. Nous avons tenu compte des taux d'intérêt il y a quelques semaines, par conséquent je suis fondé à considérer que nous avons là quelque marge de manœuvre. Et tout à l'heure on m'a interrogé sur les déficits, en tout cas on aurait pu m'interroger sur le déficit 1996, par exemple comment allez-vous obtenir les 4 % en 1996 ? Eh bien, en 1996, nous avons une économie d'à peu près 6 milliards sur la charge de la dette. J'hésite à vous donner les hypothèses que nous avons retenues, parce que si elles sont supérieures au cours du marché, on dira : le ministre de l'Économie et des Finances exprime des doutes sur la baisse des taux d'intérêt, je vous dis que nous avons été prudents et que nous avons un potentiel d'ajustement. Oui ?

- Marie-Christine Sonquin, du « Journal des finances » : J'aimerais avoir des précisions sur les modalités d'application de la nouvelle CSG, en particulier savoir exactement quel sera son assiette, savoir si elle sera réellement déductible pour les salariés, et savoir quelle est la date d'entrée en vigueur de cette mesure d'une part, et d'autre part j'aimerais savoir, en ce qui concerne le PEP, pour les personnes qui auront touché le montant de la prime en 1997, est-ce que ça signifie que pour les trois années suivantes elles ne toucheront pas de primes ? Merci.

- Pour ce qui est des mesures sociales et de la CSG, c'est M. Barrot qui à brève échéance en donnera le contenu, mais ce qu'on peut dire c'est qu'il y a extension de l'assiette de la CSG, du socle actuel de 2,4 %, à des revenus qui jusqu'à maintenant y échappaient, des revenus qui néanmoins ont été soumis aux prélèvements de RDS. Il s'agit de produits de placement, il s'agit de revenus fonciers. Voilà ce qui génère un supplément de 7 milliards de ressources pour contribuer à l'équilibre de la protection sociale.

Pour ce qui est du basculement, c'est-à-dire d'un point supplémentaire, ce point supplémentaire appliqué à une assiette plus large que l'assiette des salaires, ce point supplémentaire a un rendement tel que l'on peut soustraire des prélèvements actuels qui sont opérés sur les salaires, on peut soustraire 1,3 point de cotisation. Un point de CSG sur les salaires, c'est en fait 0,95, car l'assiette de la CSG sur les salaires correspond à 95 % du salaire brut, donc si l'on met un point de CSG supplémentaire pour le salarié, c'est en fait une réduction de 0,95 sur son salaire brut. Il bénéficie d'une exonération de 1,3. Donc la soustraction de 6,8 d'assurance maladie tombe à 5,5. Entre 1,3 et 0,95, ça fait 0,35, 0,35 de salaire direct restitué, et comme le salaire direct c'est en fait 80 % du salaire brut, car lorsqu'on a un salaire de 100 on subit du fait de l’assurance maladie, du fait du chômage, du fait de la retraite, du fait d'un certain nombre de prélèvements, 20 % de déduction. Donc, appliquer 0,35 à 80, ça fait une revalorisation du salaire direct de 0,45 %.

- Oui, mais est-ce que vous confirmez que ce point de CSG supplémentaire sera déductible ?

- Oui.

Eric Israélévitch, du « Monde » : Les Allemands viennent également de débattre de leur projet de budget, et pour la seconde année consécutive ils vont baisser en valeur nominale le montant de leurs dépenses, de 2,5 %, je crois. Comment expliquez-vous que les Allemands puissent baisser de 2,5 % en valeur nominale leurs dépenses et que les Français ne puissent que les stabiliser ? Et ma seconde question porte sur la soulte de France Télécom. On sait que c'est une recette non récurrente, c'est-à-dire que dans le budget 1998 vous n'aurez plus ces 37,5 milliards de francs pour l'établissement du besoin de financement. Est-ce que vous avez déjà en tête d'autres pactoles qui permettront de résoudre ce problème ?

- Sur la comparaison entre la réduction à laquelle procède les Allemands et nos propres réductions – d'abord nos budgets sont difficilement comparables parce qu'ils n'ont pas le même poids relatif, en Allemagne, les collectivités territoriales, les Länder, pèsent infiniment plus lourds, donc ils n'ont pas tout à fait les mêmes contraintes. Je précise quand même que ce que nous réalisons c'est en fait une baisse en francs constants de 1,5 %, alors que nous avons de gros éléments d'inertie ; c'est vrai pour les 640 milliards de dépenses de personnel, les salaires, les retraites, c'est vrai également pour la charge de la dette, qui voit sa progression s'atténuer, mais qui progresse encore, compte tenu du poids de notre endettement.

- Simplement, Jean, si tu permets, pour illustrer cela, effectivement, par exemple les dépenses de l'Éducation nationale ne sont pas comptabilisées en Allemagne au niveau du Bund mais au niveau des Länder. Or elles sont constituées essentiellement de dépenses de personnel et donc ont une forte tendance à augmenter spontanément. De la même manière, les dépenses de sécurité, l'essentiel des forces de police, sont au niveau des Länder, et non pas du Bund. Donc les Allemands ont des possibilités de souplesse sur notre budget qui est, par rapport à notre budget, qui est malheureusement plus rigide.

- Voilà une illustration. Donc nous avons beaucoup plus d'inertie dans notre budget, dans notre pays fortement centralisé. Sur 1998, nous n'avons pas en perspective le paiement d'autres soultes. C'est un concours de circonstances qui fait que France Télécom doit mettre à la disposition de l'État 37,5 milliards en 1997, parce que c'est la transformation du statut et la mise sur le marché d'une partie des actions, mais je précise qu'en 1998 nous n'aurons pas besoin de cela, puisque, je vous l'ai dit, du fait de la croissance nous aurons des plus-values fiscales d'au moins une quarantaine de milliards, parce que certains allégements, qui pèsent sur le budget de 1997, du fait des mesures votées au printemps 1996, ne porteront plus allégements en 1998, parce que le poids de la charge de la dette, vous le constatez, va en s'atténuant, parce que la réforme de l'État est entreprise et qu'elle aussi est irréversible, et qu'elle produira d'année en année des atténuations de charges plus consistantes – c'est dans la durée que tout cela va s'accomplir – parce que par ailleurs la protection sociale sera à l'équilibre en 1998, c'est par une situation de l'emploi plus décevante que prévu et c'est aussi par une mise en place tardive des instruments de régulation des dépenses de santé que l'équilibre ne peut pas être espéré en 1997, mais qu'en revanche nous y serons en 1998 – autant de considérations qui accréditent notre détermination à être en 1998 sensiblement en dessous de 3 %.

Une précision complémentaire pour qu'il n'y ait pas de malentendu : tout à l'heure j'ai sans doute commis une erreur dans ma réponse à l'extension de la CSG. Les revenus fonciers supportent déjà la CSG, et par conséquent j'ai eu tort de dire que dans l'extension à laquelle il va être procédé il y aurait les revenus fonciers, ceux-ci sont déjà inclus. Il s'agit donc pour l'essentiel de l'extension qui vise les produits d'épargne, produits d'épargne exonérés hier, sauf le livret A, sauf le CODEVI et sauf le livret bleu, qui sont aujourd'hui déjà exonérés de RDS. C'est-à-dire que cela s'applique au PEA, à l'assurance-vie, au PEL, au CEL, au PEP.

Tout à l'heure j'avais une question sur les PEP, je ne suis pas sûr d'y avoir répondu.

- Non, vous n'y avez pas répondu.

- Pardonnez-moi. En 1997, le dispositif de primes se liquide. Ceci nous permet de mettre à la disposition des bénéficiaires les primes accumulées pendant sept ans et le dispositif s'arrête. Si les intéressés veulent préserver leur plan d'épargne populaire, ils pourront le maintenir, ils pourront garder ce plan d'épargne populaire, mais les primes seront mises définitivement à leur disposition en 1997.

- Francis Brocher, du « Progrès de Lyon » : Un certain nombre d'experts pointent les effets récessifs de la marge de la monnaie unique et Philippe Séguin les rappelait dans un article paru aujourd'hui. Est-ce que vous niez absolument ces aspects récessifs ou est-ce qu'à votre avis ils sont peu importants par rapport aux gains qu'on peut avoir par ailleurs ?

- Je crois que maintenant on va conclure. Je voudrais en guise de conclusion insister sur les trois risques que nous encourions. Le premier c'est qu'on nous critique en nous disant qu'on n'avait pas suffisamment réduit la dépense publique. Ceux qui estiment qu'on peut aller plus loin ne manqueront pas de nous faire part de leurs suggestions.

Le deuxième risque c'est que nous ne respections pas l'objectif de contenir à 3 % les déficits des administrations publiques. Cet objectif sera satisfait.

Enfin, le troisième risque c'était d'avoir un budget qui soit récessif. Eh bien, nous considérons, compte tenu de l'allégement massif d'impôts sur le revenu, allégement irréversible, nous considérons que la mise à disposition des titulaires de plan d'épargne populaire de 15 milliards dès 1997 écarte ce risque de récession.

C'est donc un budget qui répond à trois préoccupations, et ceci constitue trois bonnes nouvelles. Nous sommes capables de réduire la dépense publique, nous ne sommes pas condamnés à la progression inexorable de la dépense publique. Deuxième bonne nouvelle, nous sommes capables de réduire le déficit public. Enfin, troisième bonne nouvelle, nous sommes en situation d'alléger le produit des impôts.
Mesdames, messieurs, merci d'être venus. Naturellement, nos collaborateurs et nous-mêmes resteront à votre disposition dans les jours qui viennent pour répondre à vos questions et dissiper tout malentendu et toute équivoque.

- Vous aurez quelques minutes pour répondre à quelques questions en anglais ?

- Quelques questions en anglais, maintenant ? Je n'ai pas tellement le temps ?

- Vraiment ? Très, très court.

- I will try.

- Je vous remercie... that the... governement... is too high. How would you respond to that ? Is it not dangerous ?

- No. Absolutely not. Our...

- So I am confident in our budget. We will respect the level of public expenditure and the level of public deficits.

- Is it a budget that will allow for lower interest rates in France ?

- Yes. Certainly. Over one year, we have obtained a substantial reduction in interest rates. Less than one year ago, the short term interest rate was 7,5. Today it is approximately 3,6-3,7. It is very substantial. This will reduce the cost of growing. This is an advantage for families, for firms, for local communities and for the state, of course.

- One final question. Some people have criticized the government's transfer from France Télécom for example is taking an easy way out ? How would you respond to them ?

- It is a very transparent operation and we apply the basis rules of the Europe an accountancy.

- Thank you very much.

- Est-ce que vous pouvez revenir sur les aspects qui font, comme vous l'avez dit vous-même, que cette loi de finances 1997 marquera et restera dans les annales ?

- Oui, je crois que la première bonne nouvelle c'est que nous sommes capables de réduire le niveau des dépenses publiques. On vivait jusqu'à maintenant avec l'idée que nous étions condamnés à subir d'année en année une inexorable progression de la dépense publique. Ce qui avait pour conséquence d'accroître les impôts, d'accroître le déficit public, d'accroître la dette publique et de rendre la situation des finances publiques absolument impossible, ce qui d'ailleurs avait pour conséquence de détruire notre potentialité de créer des emplois. Eh bien, la démonstration est faite : le budget 1997 comporte un niveau de dépenses identique à celui de 1996 ; ça veut dire qu'en francs constants c'est une réduction de 1,5 %.

Cette démonstration est une première bonne nouvelle, il ne faudra pas en rester là, il faudra que d'année en année nous poursuivions dans le reflux de la dépense publique. Et ceci nous permet alors de réduire le déficit public, ce qui est une deuxième bonne nouvelle, et de remplir nos engagements, de réduire à terme notre endettement public, notre charge de la dette. Et troisième bonne nouvelle, et ceci est très important pour chaque Français, c'est la capacité à réduire enfin les impôts que chacun doit acquitter. Je crois donc que c'est un budget prometteur, c'est un budget pour l'avenir, c'est un budget qui nous permet de tenir le cap de la croissance, de la confiance et de l'emploi.

Et puis, enfin, nous avons résisté à ce qui était une tentation traditionnelle, d'augmenter les recettes de poche, c'est-à-dire la redevance télévision, la taxe sur le carburant, au-delà de l'inflation. J'indique que pour 1997 la redevance télévision restera au même niveau qu'en 1996. Quant à la taxe sur les produits pétroliers, elle augmentera de 6 centimes par litre. Alors, pour un litre de super, à la pompe, ça fera 1,2 % d'augmentation. C'est infiniment moins que les années précédentes, et c'est moins que l'inflation.

- … qui à l'heure actuelle paie des impôts représentant à peu près 15 jours de salaire, 5 000 francs, l'année prochaine ne paiera plus que 3 700 francs, et dans cinq ans ne paiera plus d'impôts du tout. Et pour les familles nombreuses les avantages sont encore plus importants.

- Le débat est toujours là. Juste une petite dernière question sur la récession. Il est relancé par le papier de Philippe Séguin dans « Le Monde » aujourd'hui. Vous venez de l'Assemblée, est-ce que trop de rigueur risque de tuer la croissance en respectant les critères de Maastricht en temps voulu ?

- Je crois que sur ce sujet la cause est entendue. C'est l'absence de rigueur et le déficit budgétaire qui ont tué la croissance en 1993. Je rappelle que cette année-là la France a connu un record historique de dépenses de l'État, un record historique de déficit, et que nous avons connu la récession la plus sévère de l'après-guerre. Par contre, les pays qui remettent de l'ordre dans leurs finances publiques sont les pays qui ont le taux de croissance le plus élevé. Nous présentons un budget qui comporte des bonnes nouvelles pour les contribuables, puisque l'impôt baisse. C'est un budget qui n'est pas excessivement rigoureux puisque, à travers la baisse des impôts, nous redistribuons du pouvoir d'achat aux Français, et ceci contribuera à soutenir l'activité en 1997.

- Donc on n'est pas en récession ?

- Nous ne sommes absolument pas en récession. La production continue d'augmenter à un rythme de 1 % par an. C'est peu, mais ça n'est pas la récession. La consommation augmente de 2 % par an. Malgré ce qu'on appelle la morosité, les Français continuent de consommer, l'investissement des entreprises est notre déception en 1996 parce qu'il devrait augmenter que d'environ 2,5 %, mais voilà plusieurs années que les entreprises n'ont pas investi. Elles ont les moyens financiers de le faire et nous espérons que cela va repartir en 1997, nous les y encourageons par un système fiscal amélioré d'aide à l'investissement, et nous avons donc toutes les raisons de penser que 1997 sera la grande année de retour à la croissance pour la France.

 

Présentation de M. Alain Lamassoure

Je ne veux pas m'attarder sur le caractère historique de ce budget, que Jean Arthuis vous a déjà décrit. Cependant, je tiens à dire que je partage sa fierté de vous présenter aujourd'hui la première loi de finances, dans l'histoire de la France contemporaine, qui fera baisser les dépenses de l'État.

Avant de vous présenter le détail des mesures que nous allons soumettre au Parlement, je tiens à remercier l'ensemble des ministres pour l'aide qu'ils ont apportée dans l'élaboration de ce budget.

L'année 1996 a connu une réforme importante de la procédure budgétaire. Pour la première fois, des réunions contradictoires ont eu lieu au début de l'année pour mesurer ce que serait l'effet, sur le budget de l'année suivante, de la simple reconduction des mesures en vigueur. Cela nous a permis de percevoir très tôt l'ampleur des efforts à réaliser. Par la suite, la plupart des ministres ont participé d'une façon particulièrement constructive à l'effort d'économie, avant et après les lettres de cadrage du Premier ministre. C'est bientôt à eux qu'il reviendra de présenter au Parlement, lorsqu'ils défendront leur budget, le détail des mesures dans lesquelles s'exprime la stratégie d'ensemble de l'État. Je suis conscient de leurs efforts au service d'un but que nous partageons tous.

Je veux aussi remercier les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui ont apporté une contribution précieuse lors du débat d'orientation budgétaire du printemps dernier. Ce débat a permis de dégager un consensus qui nous a beaucoup aidé dans la préparation du budget. Il représente d'autre part un progrès démocratique dont je me félicite.

Les économies réalisées sont considérables. Elles atteignent 60 milliards de francs par rapport au montant des dépenses qui auraient été provoquées par la simple reconduction du budget de l'an dernier. Les trois quarts des départements ministériels ont réussi à diminuer leur budget en francs courants par rapport à la dotation de 1996. Dans les domaines qui nous étaient apparus, au printemps dernier, receler le plus grand potentiel d'économies, nous sommes parvenus à une simplification considérable des dispositifs existants.

Je pense en particulier aux aides à l'emploi, où nous avons trouvé 15 milliards de francs d'économies tout en renforçant l'effort en direction des publics les plus fragiles. Je pense aussi aux aides au logement, où des redéploiements importants ont été effectués. Nous avons également profité de la politique de stabilisation des dépenses communautaires, qui a permis d'économiser 9 milliards de francs sur la contribution de la France au budget des communautés. Vous aurez le loisir, lors de la discussion par ministère, de mesurer l'effort de chacun des ministres.

Cependant, le choix de la réduction de la dépense publique n'est pas celui d'une coupe aveugle. Une réduction trop brutale et qui ne prendrait pas en compte les besoins des administrés serait contre-productive ; elle ne pourrait pas durer. C'est au contraire un choix de long terme que le gouvernement a fait. Il se traduira par un programme quinquennal chiffré, qui sera présenté au Parlement avec la loi de finances.

Je tiens particulièrement à insister sur ce point. Les réductions de dépenses auxquelles nous sommes parvenus ne sont que le premier pas d'une politique d'ensemble, qui ne prendra son plein effet qu'après plusieurs années. Ainsi, le nombre total des emplois publics sera diminué cette année d'environ 6 000 personnes, mais nous envisageons de poursuivre cet effort dans les années suivantes. Aller plus loin dans l'immédiat aurait été mettre en péril le fonctionnement de certains services. Au contraire, si nous agissons progressivement, en redéployant les moyens en fonction des besoins, nous parviendrons à une réduction plus substantielle tout en améliorant le service rendu aux administrés.

C'est ce que nous avons commencé à faire dès cette année. Malgré des économies considérables, le gouvernement a su trouver des moyens nouveaux pour les politiques prioritaires. Je voudrais donc vous exposer ce qu'ont été nos priorités en dépense, avant d'aborder la description des mesures fiscales.

I. – Les priorités en dépense

La principale caractéristique de ce budget, c'est que l'effort en faveur des plus démunis a été renforcé. Si l'on regroupe l'ensemble des moyens consacrés à cette mission au budget des différents ministères, on peut voir que l'effort total est passé de 115,3 à 125,9 milliards de francs, soit une progression de 9,25 %. Cet effort peut être divisé en deux types d'action, concernant l'emploi et la cohésion sociale.

1. Favoriser l’emploi

C'est une priorité absolue, la première de toutes. Le ministère du Travail va voir ses crédits augmenter de 3,5 % pour atteindre 103 milliards de francs en 1997. Cette augmentation fait suite à une hausse de 11,7 % en 1996. Elle porte entièrement sur les crédits d'intervention ; les dépenses de fonctionnement, pour leur part, seront stabilisées.

Par ailleurs, 47,3 milliards de francs sont ouverts au budget des charges communes pour financer les allégements des charges des entreprises, la réforme de l'apprentissage initiée par la loi du 6 mai 1996 et les mesures d'activation des minima sociaux prévues dans le cadre du projet de loi de cohésion sociale. Ce sont donc au total 150,3 milliards de francs qui seront mobilisés en faveur de l'emploi en 1997, soit une hausse de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996.

Cette progression importante des crédits s'accompagne d'un renforcement des politiques de l'emploi qui se sont révélées les plus efficaces, autour de deux grandes orientations.

Le traitement économique du chômage est le premier volet de cette politique. Il s'agit de faire en sorte que la croissance française soit plus créatrice d'emplois. Des succès ont déjà été accomplis dans cette voie : le chômage commence à baisser à partir d'un taux de croissance de 1,3 % alors qu'il fallait 3 % en 1990.

Pour aller plus loin dans ce sens, le gouvernement souhaite renforcer le niveau général des compétences dans l'économie. Cela se traduira par une forte augmentation des crédits de l'apprentissage, qui passent à 9,5 milliards de francs. D'autre part, la montée en charge des dispositifs de réduction du coût du travail sera achevée et stabilisée. Cela sera accompli d'abord grâce à la fusion de la ristourne dégressive et de l'abattement-famille, conduisant à la création d'une ristourne unique de 1 160 F par mois au niveau du SMIC. De nouveaux efforts seront également engagés dans les zones prioritaires de la politique de la ville et de l'aménagement du territoire : zones franches, zones de redynamisation urbaine et zones de revitalisation rurale. Au total, les mesures d'abaissement du coût du travail représenteront 42,8 milliards de francs en 1997 contre 37,2 milliards de francs en 1996, soit une hausse de 15 %.

Le deuxième volet de notre politique de l'emploi consiste à recentrer les dispositifs sociaux sur les publics prioritaires. Le contrat initiative-emploi poursuit sa montée en charge, avec 17,9 milliards de francs en 1997 contre 11,6 milliards de francs en 1996. La prime du CIE sera cependant modulée pour favoriser les publics qui connaissent les plus graves difficultés. De nouveaux contrats seront par ailleurs mis en place dans le secteur non marchand, avec la création de contrats d'initiative locale et de 100 000 emplois-ville, sur quatre ans, au profit des jeunes des quartiers en difficulté.

Enfin, les départements et territoires d'outre-mer voient une réponse adaptée à la situation de l'emploi, qui y est souvent particulièrement difficile. Les crédits du Fonds pour l'emploi dans les DOM augmentent de 35 % par rapport à 1996 et atteignent 1,4 milliard de francs. Le gouvernement confirme par ailleurs son engagement pour la politique d'égalité sociale et pour le développement économique des activités locales.

2. Renforcer la cohésion sociale

a) Une augmentation des moyens consacrés à l’action sociale et à la santé publique

Les budgets de l'action sociale et de la santé publique, pris globalement, progresseront de 3,1 % en 1997 par rapport à 1996, passant de 67,4 à 69,5 milliards de francs. Cette progression traduit les engagements du gouvernement en faveur de la lutte contre l'exclusion, de l'aide aux personnes âgées et handicapées et de l'amélioration de la santé publique. Elle n'empêchera pas le ministère des Affaires sociales de participer à l'effort général de rationalisation des dépenses, grâce à la stabilisation de ses moyens de fonctionnement et de personnel. En revanche, ses moyens d'intervention seront renforcés pour l'action sociale, la solidarité avec les plus faibles et la santé publique.

Les crédits consacrés au RMI progressent de 5,35 % et passent de 23 à 24,2 milliards de francs. De plus, la protection sociale assurée par l'État verra augmenter ses crédits de 5,5 %. Cette augmentation concernera d'abord l'aide sociale obligatoire, dont les crédits atteindront 9,87 milliards de francs, soit une progression de 5,65 %. Cette augmentation est due notamment à un renforcement des moyens des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) et des centres d'aide par le travail. Un effort particulier est également réalisé en faveur de l'aide médicale aux personnes les plus démunies, dont les crédits seront portés de 691 à 807 millions de francs, soit une progression de 16,9 %.

La priorité donnée à la lutte contre l'exclusion se traduira également par une progression de 6 % des crédits de l'action sociale de l'État, qui atteindront 1,1 milliard de francs en 1997. L'action en faveur des personnes âgées et handicapées est également poursuivie : les crédits de l'allocation aux adultes handicapés sont portés à 22,3 milliards de francs, soit une augmentation de presque 1,5 milliard.

Enfin, un effort important est engagé en faveur de la santé publique et de la lutte contre les grands fléaux. Les crédits consacrés à la santé des populations progressent de 204 millions de francs, dont 100 millions de francs supplémentaires pour lutter contre la toxicomanie et le sida et pour engager de nouveaux programmes de santé publique. Des crédits supplémentaires de 104 millions de francs sont également prévus pour améliorer la gestion du système de soins afin d'accompagner la réforme de l'assurance maladie.

b) Un effort particulier pour le logement des familles modestes

Les moyens budgétaires en faveur du logement progressent de 1,4 % à structure constante pour atteindre 53,3 milliards de francs en 1997. Les crédits inscrits au budget du ministère du Logement en représentent la part principale, soit 40,3 milliards de francs.

La politique du logement continuera à s'inscrire dans le cadre des priorités fixées en 1996. En particulier, l'accession à la propriété des familles modestes continuera à bénéficier du prêt à taux zéro, qui a montré son efficacité sur le niveau des acquisitions de logements neufs et sur l'activité du bâtiment. Le nombre des prêts sera maintenu à 120 000. De plus, pour les ménages accédants les plus modestes, le prêt restera cumulable avec un prêt d'accession sociale garanti par l'État.

Cependant, l'augmentation des moyens affectés au logement vient essentiellement d'un effort en faveur du logement des plus démunis. Le programme des prêts locatifs aidés « très sociaux » sera ainsi porté de 20 000 à 30 000 logements. Les mesures d'accompagnement social, notamment par le biais des fonds de solidarité logement (FSL), bénéficieront d'une dotation de 450 millions de francs. Dans la perspective du projet de loi contre l'exclusion, une dotation de 348 millions de francs d'autorisations de programme est prévue pour financer les travaux de logement d'urgence des sans-abri.

L'effort pour le logement social concerne aussi les départements d'outre-mer, où la dotation d'investissement relative au logement social permettra, pour un montant de 1,15 milliard de francs, de poursuivre les actions précédemment engagées (logement locatif très social, amélioration de l'habitat).

3. Préparer l’avenir

Deux politiques bénéficieront en 1997 d'un effort particulier du gouvernement, destiné à assurer la préparation de l'avenir.

a) Le ministère de l'Éducation nationale. Il voit ses crédits augmenter de plus de 6,5 milliards de francs, soit plus de 2 %, pour s'établir à 324,19 milliards de francs, dont 47 milliards de francs pour l'enseignement supérieur et 277,19 milliards de francs pour l'enseignement scolaire.

Cette augmentation globale représente un effort considérable du gouvernement. Elle traduit cependant des évolutions différentes entre niveaux d'enseignement, pour tenir compte des besoins et des évolutions démographiques.

Dans l'enseignement supérieur, la situation démographique et l'évolution des besoins conduisent à un renforcement des moyens : on prévoit en effet l'arrivée de 13 500 étudiants supplémentaires en 1997. Pour faire face à cette situation et permettre à chacun de poursuivre ses études dans de bonnes conditions, il sera créé 2 700 postes supplémentaires, dont 1 448 postes d'enseignants. Ces postes seront attribués en priorité aux universités les moins dotées et permettront d'améliorer les taux d'encadrement.

Par ailleurs, l'effort de construction, d'équipement et de rénovation des bâtiments d'enseignement et de recherche sera poursuivi. Les crédits de paiement du budget de l'enseignement supérieur augmentent de 13,6 % par rapport à 1996 et atteignent 5 467 millions de francs. Cet effort important permettra de faire face aux engagements pris dans le cadre des contrats de plan signés avec les régions pour la période 1994-1998, compte tenu de l'étalement de l'échéancier de ces contrats qui a été décidé par le gouvernement.

Dans l'enseignement scolaire, l'évolution démographique est exactement inverse. Le nombre des élèves baisse régulièrement alors que les effectifs enseignants sont restés stables. À la rentrée 1997, il faut s'attendre à une nouvelle diminution de 51 000 élèves dans le premier et le second degré. Cette diminution régulière permet de supprimer 5 290 emplois, pour l'essentiel des emplois d'enseignants, sans remettre en cause la progression des taux d'encadrement. Cette progression sera ralentie, mais elle se poursuivra en 1997.

Les économies qui seront ainsi dégagées permettront de renforcer l'effort en faveur des élèves les plus fragiles. Les différents systèmes d'aide que sont les dotations de bourses et secours d'étude, les exonérations de frais de pension et le fonds social collégien vont voir augmenter leurs moyens. Il en sera de même pour les opérations spécifiques dans le cadre de la politique de la ville et pour l'indemnisation des appelés du contingent dans le cadre du plan de prévention de la violence à l'école.

b) La politique de la recherche est le deuxième volet indispensable de la préparation de l'avenir. Les moyens du secrétariat d'État à la Recherche sont préservés pour atteindre 28,9 milliards de francs. L'ensemble des dépenses civiles de recherche et de développement se monte à 52,3 milliards de francs.

Le gouvernement a veillé en particulier à maintenir l'effort en faveur de la recherche spatiale afin d'honorer les engagements internationaux souscrits par la France, notamment ceux relatifs aux programmes Ariane V et à la station orbitale Alpha qui ont été pris à Toulouse lors de la conférence intergouvernementale d'octobre 1995. Au total, l'effort budgétaire consacré à l'espace se montera à 9,3 milliards de francs, soit 18 % du budget civil de recherche et de développement. Ces moyens confortent la position de la France comme première puissance spatiale de l'Europe occidentale.

4. Améliorer les conditions de vie des Français

Les efforts de l'État en faveur du cadre de vie matériel et culturel des Français – environnement, culture et agriculture – ont été préservés dans le projet de loi de finances.

a) Le ministère de l'Environnement voit le total de ses crédits augmenter de 5,9 % en 1997 pour atteindre 1 861 millions de francs. Cette augmentation permettra d'assurer le respect des objectifs fixés par l'État pour l'amélioration de la surveillance de la qualité de l'air, la protection de la nature et la prévention des risques naturels.

b) Les crédits du ministère de la Culture diminuent au total de 2,9 % par rapport à 1996 et atteignent 15 077 millions de francs. Cette diminution s'explique pour l'essentiel par l'achèvement des grands travaux, qui a permis de réaliser une économie de constatation substantielle d'environ 500 MF par rapport aux années précédentes. La part des dépenses culturelles attribuées aux régions continue par ailleurs d'augmenter, notamment grâce à l'aide aux grands projets régionaux, aux musées et aux salles de spectacle.

c) Les crédits du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation restent stables et s'établissent à 35,2 milliards de francs. Cette évolution a été rendue possible par l'augmentation du revenu agricole (+ 10,4 % en 1995 et + 11,5 % en 1994) et par le montant important des dépenses agricoles communautaires au bénéfice de la France. Le secteur de l'élevage bovin, qui connaît aujourd'hui une crise grave, bénéficiera d'un traitement particulier. Le budget de l'Union européenne pour 1997 prévoit ainsi 40,8 milliards de francs au titre du soutien des marchés par le FEOGA-garantie et 3,56 milliards d'écus au titre des dépenses structurelles du FEOGA-orientation.

À l'intérieur d'un budget en légère réduction, certaines dépenses agricoles vont cependant progresser. Les dépenses de santé publique, avec un renforcement des moyens des services chargés des contrôles de la qualité alimentaire. Les dépenses d'avenir : soutien à l'installation des jeunes agriculteurs, crédits consacrés à l'enseignement agricole public. Et les dépenses de solidarité : 300 millions de francs seront dégagés pour relever les plus petites retraites des chefs d'exploitation.

5. Préserver les fonctions essentielles de l’État

a) Le ministère de la Justice bénéficie d'une progression de 1,77 % de ses crédits, qui atteignent 23,9 milliards de francs. Cette augmentation est en fait le résultat d'une diminution des dépenses de fonctionnement au niveau du ministère et d'une augmentation des moyens des juridictions. Celles-ci bénéficieront d'une création nette d'emplois, de même que l'administration pénitentiaire et les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Au total, 475 emplois nouveaux seront créés, contre 148 suppressions dans l'administration centrale. Le gouvernement montre ainsi son attachement profond à un bon fonctionnement de la justice.

b) Le ministère de la Défense connaîtra en 1997 une progression de 0,8 % de son budget total qui atteindra 243,3 milliards de francs. Malgré la difficulté du contexte budgétaire, il faut souligner l'application intégrale de la loi de programmation militaire. Le budget de cette année constitue donc la première étape dans la professionnalisation des armées. Près de 32 000 emplois d'appelés sont supprimés, 7 664 nouveaux emplois de militaires du rang engagés sont créés.

c) Le budget du ministère de l'Intérieur diminue de 3,6 % pour atteindre 75,1 milliards de francs. Cette diminution a été notamment obtenue par un effort important de modernisation et de réorganisation que je tiens à saluer. Elle ne nuira pas à l'accomplissement des missions et n'empêche pas la poursuite des programmes d'équipement prioritaires, notamment le début de l'installation du réseau « Acropol » de transmission numérique de la police et la modernisation des moyens aériens de la Sécurité civile.

d) Le budget du ministère des Affaires étrangères, enfin, diminue de 3,96 % pour atteindre 14,4 milliards de francs. Cette baisse intègre un ajustement de 230 millions de francs de la contribution de la France aux opérations de maintien de la paix. Les autres économies ont été obtenues par une diminution du nombre des emplois d'exécution dans les réseaux diplomatique, consulaire et culturel, et par un début de diminution du nombre des emplois en administration centrale. En contrepartie, l'encadrement des postes à l'étranger sera renforcé et quelques chantiers prioritaires verront augmenter leurs moyens. Je pense en particulier à l'informatisation du Quai d'Orsay, à la mise en œuvre du système de délivrance des visas dans le cadre de l'accord de Schengen ou à l'action audiovisuelle de la France à l'étranger.

II. – Les mesures fiscales

Jean Arthuis vous a présenté les principes de la réforme fiscale récemment annoncée par le Premier ministre, et qui prendra son plein effet dans le budget 1997. Avant de détailler les principales mesures fiscales de la loi de finances, je souhaite rappeler les objectifs qui ont guidé le gouvernement dans leur élaboration.

Nous avons d'abord voulu faire en sorte que la voie suivie, celle d'une réduction durable des dépenses et des recettes publiques, profite prioritairement aux familles et aux ménages modestes. Nous avons voulu, ensuite, favoriser l'activité économique et en particulier les petites et moyennes entreprises, qui sont désormais les principaux créateurs d'emplois. Enfin, nous avons voulu que cette réforme fiscale s'inscrive dans le cadre de l'amélioration des relations entre les contribuables et l'administration et de la lutte contre la fraude.

1. Favoriser les familles et les revenus modestes

a) Effets de la réforme de l'IR sur les familles et les revenus modestes

La diminution de l'impôt sur le revenu profitera, bien sûr, à tous ceux qui paient cet impôt. Cependant, nous avons voulu que l'avantage relatif soit d'autant plus important que les revenus sont plus modestes. Ainsi, un célibataire dont le revenu imposable est de 5 850 F par mois verra sa cotisation d'impôt diminuer de 10 % en 1996 et de 67 % d'ici 2001. La diminution de l'impôt sera en revanche de 6,5 % en 1997 et 16 % en 2001 si le revenu atteint 17 500 F par mois.

Favorable aux contribuables modestes, notre réforme privilégie plus généralement les familles. Je n'entrerai pas dans la technique, mais je soulignerai que la tranche à taux zéro et que les autres tranches verront leur taux d'imposition réduits. Les effets de la réforme seront donc amplifiés pour les familles par le jeu du quotient familial. Par ailleurs, la fiscalisation des allocations sociales a été écartée, ce qui constitue pour les familles un avantage important.

Un couple sans enfant dont le revenu annuel est de 200 000 F verra ainsi sa cotisation d'impôt baisser de 10,3 % l'an prochain et 42 % au terme de la réforme. S'il a deux enfants, la diminution sera de 21,5 % en 1997 et 82 % en 2001, soit une économie de plus de 7 300 F. Enfin, si ce couple a trois enfants, son impôt baissera de 29,8 % dès l'année prochaine et en 2001 il ne paiera plus rien : sa cotisation aura baissé de 100 %.

Vous savez qu'il existe actuellement des liens entre l'impôt sur le revenu et certains impôts locaux. Ainsi, les personnes qui ont plus de 60 ans sont exonérées de taxe d'habitation si elles sont non imposables à l'impôt sur le revenu. Les contribuables qui bénéficient actuellement d'allégements d'impôts locaux parce qu'ils payent peu ou pas d'impôt sur le revenu continueront à bénéficier de ces allégements. Mais nous proposons de prendre désormais en compte le revenu plutôt que l'impôt. De ce fait, les nouveaux foyers qui deviendront non imposables à l'impôt sur le revenu ne verront pas automatiquement leur situation modifiée au regard des impôts locaux.

C'est à la lumière de la forte diminution des impôts des familles et des revenus modestes qu'il faut voir d'autres mesures, dont le poids financier est incomparablement moindre. Ces mesures sont destinées à rendre l'impôt sur le revenu plus équitable et plus clair.

b) Suppression ou réduction des niches fiscales

L'impôt baissera pour tous. Dans ce contexte, les déductions forfaitaires supplémentaires dont bénéficient certaines professions, déjà peu explicables aujourd'hui, ne seront plus justifiables. Le droit commun qui s'applique aux autres salariés s'appliquera aussi aux membres des professions concernées. Ces professionnels pourront toujours, bien entendu, choisir de déduire leurs frais réels de leur revenu s'ils peuvent en justifier.

Cependant, la suppression des déductions forfaitaires ne doit pas fragiliser les entreprises qui emploient ces catégories de personnel. Aussi a-t-il été décidé que cette mesure n'aurait de portée que fiscale ; le mode de calcul des cotisations sociales ne sera pas modifié. Je soulignerai, du reste, que le dispositif d'aide fiscale aux entreprises de presse pour l'acquisition de matériels et constructions nécessaires à l'exploitation du journal, qui venait normalement à expiration le 31 décembre 1996, sera reconduit jusqu'en 2001.

La volonté de clarifier l'impôt sur le revenu a conduit le gouvernement à décider deux aménagements. Le premier consiste à soumettre les indemnités de maternité au régime fiscal des salaires. D'autre part, la réduction d'impôt pour frais de scolarité des enfants à charge, dont le montant varie de 400 à 1 200 F selon le niveau de scolarité des enfants, sera supprimée en deux temps à compter de 1997. La portée de cette mesure doit cependant être relativisée. Un couple gagnant 16 600 F par mois et qui a deux enfants verra son impôt sur le revenu baisser de plus de 7 300 F à l'issue de la réforme fiscale, ce qui constitue un avantage largement supérieur.

Le gouvernement a décidé par ailleurs de donner un encouragement fiscal aux contribuables qui font des gros travaux dans le logement qu'ils possèdent. Le mécanisme retenu est simple : l'ensemble des dépenses de grosses réparations, de ravalement et d'amélioration du logement donneront lieu à une réduction d'impôt de 20 %.

En revanche, la réduction d'impôt pour les intérêts d'emprunts contractés pour l'acquisition de la résidence principale sera mise en extinction. La réduction d'impôt pour intérêts d'emprunts n'a en effet montré qu'un faible effet incitatif pour favoriser l'accession à la propriété. Accordée seulement pendant les cinq premières années du prêt, elle procure un avantage plafonné à 5 250 F, par exemple, pour un couple ayant trois enfants à charge et achetant un logement ancien.

Ce montant doit être rapproché de l'économie d'impôt de près de 11 000 F par an dont ce couple bénéficiera à l'issue de la réforme fiscale pour un revenu de 16 600 F par mois. Les ressources ainsi dégagées pour les familles serviront plus efficacement l'acquisition de logements que ne le fait pour l'instant la réduction supprimée.

De plus, le prêt à taux zéro, pour les revenus les plus modestes, constituera un mécanisme plus simple, plus juste et plus incitatif pour favoriser l'accession à la propriété.

L’effort du gouvernement en faveur du logement se concrétisera du reste par une autre mesure fiscale. À compter du 1er janvier 1997, le taux réduit de TVA (à 5,5 %) s'appliquera à la construction de logements locatifs sociaux. Cette mesure concernera les logements financés à l'aide de prêts locatifs aidés et de PLA « très sociaux ». Le bilan de cette loi de finances est donc très positif pour le secteur du logement.

Enfin, certains avantages particuliers peu justifiés verront leurs effets réduits. Ces avantages sont le produit du passé. Il aurait été difficile et sans doute légitime de les remettre en cause dans un contexte inchangé, mais il serait choquant de ne pas corriger leurs effets au moment où ces contribuables, comme chacun d'entre nous, verront leur impôt fortement réduit.

Il s'agit d'abord de l'abattement supplémentaire de 10 % dont bénéficient les pensions et retraites imposables. Le plafond de cet abattement sera progressivement abaissé à 12 000 F d'ici l'an 2000.

La demi-part supplémentaire de quotient familial accordée aux personnes seules ayant élevé un enfant qui n'est plus à charge verra également l'avantage qu'elle procure plus fortement plafonné. Le plafond passera de 15 900 F à 10 000 F, sauf pour les personnes veuves dont la situation ne sera pas modifiée. Pour les autres, cette mesure sera sans incidence si leur revenu est inférieur à 120 000 F par an, et de peu d'incidence au-dessus.

2. Favoriser l'activité économique et particulièrement les petites  et moyennes entreprises

a) Incitations au renforcement en fonds propres des PME

Deux mesures ont été décidées pour aider les petites et moyennes entreprises à renforcer leurs fonds propres.

Le taux de l'impôt sur les sociétés sera ramené de 33 1/3 % à 19 % pour les bénéfices incorporés au capital des PME. Cette mesure traduit un engagement pris par le Premier ministre dans le cadre du plan « PME pour la France » présenté à Bordeaux le 27 novembre 1995. La fraction du bénéfice taxé au taux réduit pourra atteindre 25 % de celui-ci dans la limite annuelle de 200 000 F.

En outre, la majoration temporaire dont bénéficie depuis 1995 la réduction d'impôt sur le revenu, attachée aux souscriptions en capital de sociétés non cotées sera rendue définitive.

b) Plafonnement du taux des parts départementale et régionale de la taxe professionnelle

Contrairement à la part communale de la taxe professionnelle, les taux votés par les départements et les régions ne sont soumis à aucun plafond. Pour éviter de pénaliser les entreprises, un taux plafond calculé comme celui des communes a été décidé.

c) Mesures en faveur de l'agriculture

Le projet de loi de finances nous permet de donner une suite concrète à la conférence agricole de février dernier. La déduction pour investissement dont bénéficient les entreprises agricoles sera étendue. Le montant minimal de cette déduction ainsi que son taux seront augmentés. De plus, son champ d'utilisation sera étendu pour prendre en compte la situation des agriculteurs victimes d'aléas climatiques, épizootiques ou économiques exceptionnels entraînant une forte diminution de leurs bénéfices. Ces agriculteurs pourront désormais rapporter cette déduction au résultat d'un exercice, si ce résultat est inférieur d'au moins 20 % à la moyenne des trois exercices précédents.

3. Améliorer les relations entre les contribuables et l'administration fiscale et lutter contre la fraude
Ce troisième volet des mesures fiscales répond à un double objectif du gouvernement. Le premier de ces objectifs est d'améliorer les relations entre l'administration et les citoyens : il s'est traduit en particulier dans le programme de réforme de l'État. Le deuxième objectif est de renforcer la lutte contre tous les types de fraude, dont le récent rapport de MM. de Courson et Léonard a dévoilé l'ampleur.

En matière fiscale, ces deux objectifs sont les deux volets d'une même politique. La qualité des relations entre les contribuables et l'administration fiscale dépend en effet largement de la certitude, pour les contribuables honnêtes, que les fraudeurs sont combattus avec fermeté.

a) Le renforcement de la lutte contre la fraude

Une lutte plus efficace contre les activités économiques souterraines sera obtenue grâce à la prorogation du délai de reprise de l'administration fiscale lorsqu'elle découvre des activités non déclarées. Il est en effet anormal que les activités occultes bénéficient du même délai de prescription de trois ans, face aux contrôles fiscaux, que les activités déclarées. Le délai sera donc porté de trois à six ans pour les contribuables qui omettent de souscrire leurs déclarations et ne se font pas connaître du centre de formalités des entreprises dont ils relèvent. Cette mesure permettra de lutter plus efficacement contre la concurrence déloyale dont souffrent les petites et moyennes entreprises.

b) Renforcement des droits des contribuables

Les contribuables bénéficieront de trois mesures nouvelles. En premier lieu, les litiges fiscaux relevant de la compétence des tribunaux de grande instance feront désormais l'objet d'un double degré de juridiction, c'est-à-dire que l'on pourra faire appel des décisions des tribunaux et non seulement, comme à présent, se pourvoir en cassation. En outre, le droit de préemption de l'État sur les immeubles et fonds de commerce lorsque le prix de vente semble insuffisant sera supprimé. Enfin, le taux de l'amende fiscale pour non-paiement de la vignette automobile sera considérablement réduit, de 200 % à 80 %.

Voilà, pour l'essentiel, les principales mesures budgétaires et fiscales que contient le projet de loi de finances pour 1997. Un exposé plus détaillé sera fait par chaque ministre, lors de la défense de son budget devant le Parlement.

Comme vous avez pu le voir, ce projet de loi de finances réduit à la fois les dépenses de l'État et les impôts, tout en dégageant les marges de manœuvre nécessaires à la mise en œuvre des priorités du gouvernement. Du point de vue des dépenses, il rompt avec la logique perverse qui voulait que les dépenses s'entassent les unes sur les autres, et qu'à force de multiplier les priorités plus aucune politique claire ne puisse se dégager. Du point de vue des recettes, il met fin à la progression incontrôlée des impôts qui venait, pour la financer, après celle des dépenses. Il le fait en donnant la priorité aux familles, aux revenus modestes, à l'activité économique et à de bonnes relations entre les contribuables et l'administration fiscale.

Les prochaines années montreront que 1997 aura été l'année d'une rupture durable avec les mauvaises habitudes du passé. Les prochains budgets devront confirmer les options qui sont prises aujourd'hui : une réduction raisonnée des dépenses, un redéploiement des moyens sur les missions prioritaires et une baisse des prélèvements fiscaux. À cet égard, le budget que nous venons de vous présenter ne sera, je l'espère, qu'un début.