Jusqu'au milieu du XXe siècle, le détenu n’avait aucun statut juridique. Progressivement, la prison s’est "humanisée". Aujourd'hui, le détenu peut se prévaloir d’un certain nombre de droits fondamentaux prévus par les textes internationaux et nationaux.
Toutefois, reconnaissance ne veut pas dire effectivité. Si les droits des détenus ne cessent de progresser, l’affirmation de ces droits et leur application sont parfois en décalage. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a remis, le 24 mars 2022, un avis sur l'effectivité des droits fondamentaux en prison. Selon la Commission, il est urgent d'agir pour le respect des droits des détenus dans les prisons françaises.
Quels sont les principaux droits dont bénéficient aujourd'hui les personnes détenues ?
Les droits familiaux des détenus
Les personnes détenues ont droit au maintien de liens avec l'extérieur, notamment avec les membres de leur famille.
Mariage et PACS
Le droit de se marier sans autorisation pour les détenus date de 1974, et le droit de conclure un pacte civil de solidarité (PACS) dans un établissement pénitentiaire est permis depuis la loi pénitentiaire de 2009. Certains détenus condamnés peuvent obtenir une permission de sortir afin de se marier à l'extérieur de la prison.
Visites
Les personnes placées en détention provisoire peuvent être visitées par leur entourage au moins trois fois par semaine, et les personnes condamnées au moins une fois par semaine. La famille doit obtenir au préalable un permis de visite, qui peut être provisoire ou permanent. Il peut être refusé pour plusieurs motifs (sécurité interne, prévention d'infractions, etc.). Les visites peuvent se dérouler :
- dans des parloirs ordinaires (dans une salle commune ou dans des cabines), en présence du personnel pénitentiaire. Dans son rapport d’activité de l'année 2018, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) alertait sur le nombre trop élevé d'établissements dans lesquels on trouve "des parloirs collectifs consistant en une grande pièce dans laquelle s’entassent les détenus et leurs familles, sans la moindre confidentialité, et où la surveillance s’exerce sous le nez des visiteurs" ;
- dans des unités de vie familiale (UVF), appartements de type F2 ou F3 situés dans l’enceinte pénitentiaire mais séparés de la détention, ou des parloirs familiaux (salons fermés). Les visites, dont la durée est plus longue qu'en parloir ordinaire, se font sans surveillance directe, et les relations intimes y sont permises. Depuis la loi pénitentiaire de 2009, les détenus peuvent en principe bénéficier d'au moins une visite par trimestre dans ce type de structure. Néanmoins, une partie des prisons n'est dotée que de parloirs ordinaires, empêchant l'exercice de ce droit.
Le rapprochement familial
L'éloignement géographique entre le lieu de détention et le domicile familial peut constituer un obstacle à l’exercice du droit aux visites. L'article L342-1 du code pénitentiaire permet le rapprochement familial, mais uniquement pour les prévenus placés en détention provisoire à l'égard desquels l'instruction est finie, jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement. Une personne condamnée peut quant à elle demander un transfert pour rapprochement familial, mais il ne s'agit pas d'un droit.
Permissions et autorisations de sortie
Des permissions de sortir "pour maintien des liens familiaux" peuvent être octroyées aux condamnés depuis la réforme pénitentiaire de 1975. Les personnes placées en détention provisoire n'y ont pas droit, ni certaines catégories de condamnés (notamment ceux soumis à une période de sûreté). Décidées par le juge de l’application des peines, ces permissions sont d'une durée maximale de trois à dix jours, selon la situation pénale du détenu, le motif de la permission, etc. Elles peuvent par exemple permettre d'assister à un événement familial exceptionnel, comme une naissance ou des obsèques.
Pour l'ensemble des personnes incarcérées, condamnées comme prévenues, une autorisation de sortie sous escorte peut être accordée. Dans ce cas, la personne est encadrée par les forces de l'ordre ou des personnels de l'administration pénitentiaire le temps de sa sortie de prison.
Correspondances, téléphone et internet
Les personnes détenues ont le droit de correspondre par écrit et par téléphone avec les membres de leur famille. La détention et l'utilisation d'un téléphone portable sont néanmoins interdites : les communications téléphoniques se font grâce à des postes téléphoniques mis à disposition par l'établissement pénitentiaire. Les conditions d'accès des détenus à la téléphonie a été élargie avec l'installation de téléphones fixes en cellule et de la visiophonie pour les familles.
À propos d'internet, la CGLPL a publié le 6 février 2020 un avis, dans lequel elle formule plusieurs recommandations afin d'en favoriser l'accès dans les lieux de privation de liberté, en tenant compte des particularités des différents lieux (centres de rétention, hôpitaux psychiatriques, prisons...).
Le droit à la santé des détenus
Afin de répondre à la situation sanitaire préoccupante dans les prisons, le dispositif de soins a été profondément rénové par la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale. Cette loi, dont l’objectif était d’offrir aux détenus une qualité et une continuité de soins équivalentes à celles dont dispose l’ensemble de la population, a confié au ministère de la santé la responsabilité des soins dispensés en prison. Ce sont aux hôpitaux que reviennent les missions de prévention et de soins des détenus, et non plus à l'administration pénitentiaire. Celle-ci est désormais chargée de mettre à disposition des locaux pour les consultations et examens ou, en l'absence de locaux, d'organiser l'extraction du patient détenu vers un établissement de soins à l'extérieur.
Un centre hospitalier de rattachement est désigné par l'Agence régionale de santé (ARS) pour chaque établissement pénitentiaire (sauf les centres de semi-liberté). En son sein, une unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP) reçoit les détenus en consultation pour des soins de médecine générale ou toute autre consultation spécialisée (gynécologie, soins dentaires...). Il existe également un établissement public de santé national basé à Fresnes, qui assure la prise en charge somatique de personnes placées sous main de justice.
Les détenus ont le droit d'obtenir des soins de santé, et leurs frais de santé sont pris en charge par l'Assurance maladie. En cas de nécessité d'hospitalisation, les détenus sont pris en charge au sein :
- de chambres sécurisées, au sein des établissements de santé de rattachement, pour les hospitalisations urgentes ou d'une durée prévisible de moins de 48 heures ;
- des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), implantées dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), pour les hospitalisations programmées de plus de 48 heures.
Quant aux soins psychiatriques, ils sont assurés par différentes structures, notamment :
- les services médico-psychologiques régionaux (SMPR), secteurs de psychiatrie datant de 1986 et implantés principalement dans des grandes maisons d’arrêt pour des hospitalisations de jour avec consentement ;
- les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) créées par la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 et mises en place à partir de 2010 dans les hôpitaux, pour des hospitalisations complètes avec ou sans consentement.
Malgré les progrès réalisés pour la santé des détenus depuis plus de 40 ans, le bilan de leur prise en charge demeure mitigé : connaissance épidémiologique et suivi de la santé très lacunaires, manque de moyens et pénurie de soignants dans certains secteurs, offre de soins insuffisante et disparate... Les défaillances du système de prise en charge psychiatrique en prison ont mises en lumière par un rapport parlementaire publié en juillet 2025. La situation y est d'autant plus urgente que le taux de personnes présentant un trouble psychiatrique est trois fois plus important que dans le reste de la population.
La liberté religieuse en prison
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État reconnait la liberté religieuse et garantit le libre exercice du culte. Les personnes détenues ont également droit à la liberté de religion, qui implique la possibilité d'" exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement" (article L351-1 du code pénitentiaire). Les détenus ont ainsi le droit de prier dans leur cellule, de conserver les objets et livres nécessaires à leur vie spirituelle, d'avoir accès à une alimentation prenant en compte leurs convictions...
Pour permettre aux détenus de pratiquer leur religion, l’administration pénitentiaire prend en charge les dépenses relatives aux services d’aumôneries dans les prisons, qui permettent aux détenus d'assister aux offices religieux et aux réunions cultuelles, ainsi que de s'entretenir avec un aumônier. Les aumôniers sont agrées par l'administration pénitentiaire, et peuvent être indemnisés ou bénévoles. Des auxiliaires bénévoles peuvent également intervenir en prison.
Quelles sont les confessions agrées au plan national dans les prisons ?
- La religion bouddhiste ;
- La religion catholique ;
- La religion juive ;
- La religion musulmane ;
- La religion orthodoxe ;
- La religion protestante ;
- Les Témoins de Jéhovah (par un arrêt du 16 octobre 2013, le Conseil d’État a sanctionné le refus de l'administration pénitentiaire d'agréer des aumôniers Témoins de Jéhovah)
Le droit de vote des détenus
Depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en mars 1994, le droit de vote est reconnu aux personnes détenues. Auparavant, certains condamnés étaient automatiquement privés de leurs droits civiques et donc de leur droit de vote. Désormais, la perte des droits est une peine complémentaire qui doit être décidée par la juridiction de jugement.
En 2025, 57 000 détenus disposent du droit de vote. Néanmoins, jusqu'à très récemment, le droit de vote n'était quasiment pas exercé par les détenus (2% de participation au premier tour de l'élection présidentielle de 2017). Les détenus ne pouvaient alors voter que par procuration ou en se rendant au bureau de vote, lors d'une permission de sortie, très rarement accordée dans les faits.
Pour inverser cette tendance, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a introduit à titre expérimental une nouvelle modalité de vote pour les élections européennes de mai 2019 : le vote par correspondance. Le vote par correspondance a lieu avant la date de l'élection, dans un isoloir situé à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire. La participation électorale des personnes détenues a ainsi atteint 8% pour le scrutin européen de 2019.
La loi du 27 décembre 2019 relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a pris acte de l'expérimentation du vote par correspondance et l'a généralisé. Pour l'élection présidentielle 2022, plus de 10 000 personnes détenues ont voté au premier et au second tour, soit un taux de participation d'un peu plus de 20%. Le taux de détenus ayant exercé leur droit de vote a atteint 22% aux élections européennes de 2024 et 19% aux élections législatives consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale, la même année. Pour ces deux élections, le vote par correspondance a été choisi par 90% des détenus ayant voté.
Une loi du 18 juillet 2025 modifie les modalités de vote des personnes détenues, en supprimant la possibilité de voter par correspondance pour les élections à circonscription locale. Le vote est désormais organisé selon deux systèmes :
- pour les élections organisées à l'échelle nationale (élection présidentielle, élections européennes et référendums), les détenus pourront toujours voter par correspondance, par procuration, ou en se rendant au bureau de vote, grâce à une autorisation de sortie ;
- pour les élections à circonscription locale (élections municipales, départementales, régionales et législatives), les détenus ne pourront voter que par procuration ou au bureau de vote. Ces nouvelles modalités sont applicables dès les élections municipales de mars 2026.
Dans quelle commune sont inscrits les détenus ?
La loi du 27 décembre 2019 a instauré l'inscription systématique des détenus sur les listes électorales. Les règles d'inscription, définies à l'article L12-1 du code électoral, varient selon la modalité de vote :
- pour voter par correspondance, l'inscription sur fait sur les listes électorales de la commune chef-lieu du département ou la collectivité où se situe l'établissement pénitentiaire ;
- pour voter par procuration ou au bureau de vote, les détenus ont le choix de la commune de rattachement, dans des conditions identiques à celles applicables aux Français établis hors de France, parmi les communes suivantes : commune du domicile, commune de sa dernière résidence, commune de naissance, commune où est né ou inscrit un ascendant, son conjoint, ou, depuis la loi du 18 juillet 2025, un descendant. Depuis la loi pénitentiaire de 2009, les détenus sans domicile personnel peuvent également se domicilier au sein de leur établissement pénitentiaire.
Droit au respect de la dignité en détention
À la suite de trois décisions juridictionnelles - de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel - concernant les conditions indignes de détention, la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention crée un dispositif afin de garantir à tous les détenus un recours devant le juge judiciaire en cas de conditions indignes de détention :
- devant le juge des libertés et de la détention (JLD) en cas de détention provisoire ;
- devant le juge de l'application des peines (JAP) en cas de condamnation.
La loi accorde un mois maximum de délai à l'administration pénitentiaire pour remédier aux conditions de détention indignes, en cas de recevabilité du recours. À défaut, le juge peut ordonner soit le transfèrement de la personne, soit la mise en liberté immédiate, soit un aménagement de peine. Depuis le 15 septembre 2021, un décret précise les conditions de recours à la décision du juge.
Les missions du Défenseur des droits en prison
Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante en charge de veiller au respect des droits et libertés fondamentaux, y compris ceux dont bénéficient les personnes détenues. Un délégué de l'institution est présent dans chaque établissement pénitentiaire, afin d'accompagner les personnes détenues qui estiment avoir subi une atteinte dans leurs droits.