Image principale 1
Image principale 1
© VanderWolf Images - stock.adobe.com

L'industrie de la défense européenne : entre faiblesses structurelles et concurrences

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

L'Europe et son industrie de défense doivent relever deux défis stratégiques : à court terme, soutenir l'Ukraine ; à moyen terme, assurer une défense collective du continent. Abandon de compétences critiques, sous-financement, dépendance vis-à-vis de pays tiers… l'industrie de défense européenne souffre de nombreuses faiblesses.

Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en février 2022, les pays européens ont significativement augmenté leurs dépenses de défense.

Pourtant, cet effort n'a que peu bénéficié aux industriels européens. Plus de 80% des budgets des États membres de l'Union européenne (UE) dédiés à l'acquisition d'équipements militaires sont consacrés à des importations extra-européennes.

Dans un rapport remis le 15 mai 2024 la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale fait le point sur l'industrie de défense européenne et son rôle dans l'autonomie stratégique européenne.

Des faiblesses structurelles

L'industrie européenne de défense souffre de nombreuses et importantes faiblesses structurelles. Parmi les entreprises les plus importantes, une seule en Europe, britannique et donc hors UE, figure dans le top 10 mondial.

On observe à l'échelle européenne une duplication des systèmes d'armement, liée à la forte dispersion des acteurs, préjudiciable à l'interopérabilité des armées.

Les chaînes de production souffrent entre autres de :

  • décennies de sous-investissement ;
  • l'abandon de certaines compétences critiques (filière souveraine de la poudre) ;
  • la promotion d'un modèle basé sur les flux tendus et l'optimisation des stocks ;
  • sous-financement, en particulier pour les entreprises de tailles intermédiaire ou petite, dû à la réticence des investisseurs institutionnels.

Les États membres ont délégué leurs approvisionnements stratégiques à des pays tiers, ce qui est devenu une arme dans les mains des compétiteurs stratégiques. La Chine, par exemple, a fortement réduit ses importations de nitrocellulose, composant essentiel des poudres.

Domination des États-Unis et émergence de nouvelles concurrences

Les États-Unis dominent le marché européen de la défense (63% des commandes dans l'UE), principalement grâce :

  • aux foreign military sales, des accords de gouvernement à gouvernement très avantageux conclus en dehors de tous appels d'offres ;
  • à l'interopérabilité avec les armées américaines et la place des États de l'UE dans l'OTAN ;
  • à la saturation des chaînes de production des entreprises américaines, qui sous-traitent aux industriels européens.

De nouveaux concurrents émergent, grâce à la rapidité de leurs livraisons, entre autres, dans le contexte d'urgence de la guerre en Ukraine. Pologne et Corée du Sud ont ainsi conclu un marché en 2022 (14 milliards de dollars, portant entre autres sur 1 000 chars et 48 avions de chasse).

Dans un contexte de concurrence intra-européenne et de renforcement des stratégies industrielles nationales, les coopérations européennes ne représentent que 18% des dépenses d'investissement des États membres. Cela est dû à des délais excessifs et à l'exigence d'un retour sur investissement rapide.

Le rôle de l'UE dans la politique industrielle de défense s'est jusqu'à présent limité à la recherche et au développement au travers du Fonds européen de défense (FED). Toutefois, la publication en mars 2024 de la stratégie pour l'industrie de défense européenne marque un tournant.