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© EnginKorkmaz / Stock-adobe.com

Le Médiateur du cinéma dresse un bilan nuancé de l'année 2023

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

Malgré une bonne reprise de la fréquentation des salles de cinéma en France, le Médiateur du cinéma souligne les difficultés croissantes des distributeurs indépendants de films "fragiles" pour obtenir la diffusion de leurs œuvres dans les salles.

En 2023, la fréquentation des salles de cinéma a retrouvé un niveau proche de celui d'avant la crise sanitaire, avec 181 millions d’entrées, selon le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). La France a connu, par ailleurs, une forte production de films, et la part de marché des films français s'est avérée satisfaisante. 

Ce bilan positif pour la filière cinématographique masque, toutefois, des réalités plus contrastées, d’après le dernier rapport d'activité du Médiateur du cinéma.

Des difficultés croissantes pour les distributeurs de films "fragiles"

Créé par la loi sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982, le Médiateur du cinéma a pour mission de résoudre les litiges concernant la diffusion des œuvres cinématographiques entre les distributeurs de films et les exploitants de salles de cinéma.

En 2023, le Médiateur a enregistré 73 demandes de médiation, soit un nombre similaire à celui de 2019. Les établissements à l’initiative de saisines restent majoritairement classés "Art et Essai" (69%). Bien que la majorité des demandes proviennent des exploitants, le Médiateur constate une augmentation des saisines de la part des distributeurs, dont la part est passée de 20% en 2019 à près de 30% en 2023. 

Les distributeurs indépendants ont fait part, tout au long de l'année, de leurs difficultés à trouver des salles pour diffuser leurs œuvres. Les crises énergétique et sanitaire ayant fragilisé économiquement les cinémas, les exploitants ont privilégié des films à fort potentiel commercial pour minimiser les risques financiers. Lorsqu’ils sortent au cinéma, les films "fragiles" ont une exposition souvent limitée, avec des horaires de séances qui ne leur permettent pas toujours de trouver leur public. 

Les distributeurs indépendants réclament une régulation pour limiter l’exposition des films les plus commerciaux. Une réforme de l'Art et Essai, en cours de préparation par le CNC, prévoit de mettre en place en 2024 des mécanismes pour inciter les salles classées "Art et Essai" à programmer davantage les films les plus fragiles de petits distributeurs.

Introduction 
Stéphanie : Tu as vu, le film Anatomie d’une chute a remporté le César du meilleur film ?
Zoé : J’ai vu ce film, mais je ne vois pas de qui tu parles.
Stéphanie : C’est un prix qui récompense les producteurs du film. 
Zoé : Ah oui les producteurs sont ceux qui financent un film ! 
Stéphanie : En partie oui mais les films bénéficient aussi de fonds publics. Ce système est unique au monde. Attends, je t’explique ! 
Générique --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Stéphanie : Le producteur est chargé de trouver des financements pour son film. Il investit souvent son propre argent, mais cherche aussi d’autres financements.
Zoé : Quelles formes peuvent prendre ces financements ?  
Stéphanie : Il y a d’abord les financements publics. Le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), organisme public sous tutelle du ministère de la Culture, représente le soutien public le plus important. 
Zoé : Ah donc ce sont nos impôts qui financent le cinéma français ?  
Stéphanie : Non, le CNC est chargé de financer le cinéma français en prélevant différentes taxes. 
Zoé : quelles sont ces taxes ?  
Stéphanie : Le CNC prélève un pourcentage du chiffre d’affaires des services de télévision, de vidéo à la demande et de vidéo par abonnement, parce que ces services diffusent des films. Mais la taxe la plus importante est celle sur les tickets de cinéma ! Quand tu achètes une place de cinéma, 10,72 % du prix vont au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), que le film soit français ou non. 
Zoé : Mais alors que fait le CNC avec le montant des taxes ? 
Stéphanie : Si le film est français, le CNC reverse une partie du montant de la taxe prélevée au producteur du film pour financer la création de nouveaux films. C’est ce qu’on appelle les aides automatiques. 
Zoé : et si le film est étranger ?  
Stéphanie : Les sommes récupérées via la taxe prélevée sur un film étranger et les autres taxes sont utilisées pour les autres aides du CNC comme les avances sur recettes qui sont, elles, des aides sélectives attribuées après délibération du CNC. Cela signifie que la taxe prélevée sur les entrées d’un blockbuster américain qui a rencontré un grand succès en France par exemple permettra au CNC de financer des films français à plus petit budget qui n’ont pas vocation à être rentables. 
Zoé : C’est super ! Donc à chaque fois que je vais au cinéma, je participe au financement du cinéma français ! ça, c’est l’exception culturelle française !  
Stéphanie : Exactement ! Le financement du cinéma français est unique au monde et c’est pour ça qu’on l’appelle l’exception culturelle. 
Zoé : est-ce que les aides du CNC suffisent ? 
Stéphanie : Non, les producteurs de films peuvent aussi avoir recours au crédit d’impôt cinéma qui consiste à réduire l’impôt sur les sociétés recrutées pour un film si le tournage a lieu en France. Cette réduction est de 30 % en France. Cette mesure vise à inciter les réalisateurs à tourner sur le territoire français car les retombées économiques locales sont importantes. De même, désormais les collectivités territoriales ou les régions participent au financement des films tournés sur leurs territoires et qui emploient la main-d’œuvre locale. 
Zoé : « Anatomie d’une chute » qui a été tourné dans les Alpes a bénéficié d’une aide de la région ?
Stéphanie : Oui le film compte la région Auvergne-Rhône-Alpes parmi ses investisseurs. La région a en effet investi 270 000 euros pour un tournage qui aurait rapporté 700 000 euros en dépenses directes dans la région (hôtels, emploi de techniciens locaux etc.). En tant que coproductrice, la région a également récupéré une partie des recettes générées par le film. 
Zoé : Ok pour les financements publics mais il y aussi des financements privés ! 
Stéphanie : Oui ! Le producteur va aussi faire appel à des financements privés. Il va chercher un distributeur qui sera chargé de distribuer le film en salles et en VOD notamment. Selon la portée du film, le producteur se tournera aussi vers des vendeurs internationaux pour distribuer et diffuser le film à l’étranger. Il existe aussi des fonds d’investissement privés qui vont soutenir financièrement le film. 
Zoé : Donc les chaînes de télévision et les services de vidéo à la demande peuvent aussi être des investisseurs ? 
Stéphanie : Bien sûr ! On les appelle les diffuseurs. Ils sont d’ailleurs obligés d’investir dans le cinéma. 
Zoé : Obligés ? Pourquoi ? 
Stéphanie : Pour préserver le cinéma ! Il s’agit là encore de l’exception culturelle française. Dans les années 60, la démocratisation de la télévision dans les foyers français a peu à peu vidé les salles de cinéma. Pour inciter les spectateurs à retourner en salle, l’Etat a mis en place un système de priorisation de diffusion, c’est ce qu’on appelle la Chronologie des médias. 
Zoé : et alors comment ça marche ? Qui est prioritaire ?  
Stéphanie : La chronologie des médias change régulièrement, mais la sortie d’un film en salle est toujours prioritaire. Quatre mois après, le film sort en DVD et au bout de 6 mois, Canal + peut le diffuser. Ensuite, les droits de diffusion sont répartis entre les plateformes de streaming. Netflix peut diffuser le film au bout de 15 mois, alors que les autres plateformes comme Disney+ et Prime vidéo doivent attendre 17 mois. 
Zoé : Pourquoi cette différence entre les plateformes de diffusion ? 
Stéphanie : Toujours dans l’idée de promouvoir le cinéma français, plus un diffuseur investit dans le cinéma français, plus il est prioritaire dans la diffusion des films. Canal+ est le plus gros investisseur du cinéma français avec 600 millions d’euros investis par an (il représente 70 % du financement par les chaînes de TV). Netflix arrive juste derrière avec 200 millions d’euros par an. Les autres plateformes investissent moins donc sont moins prioritaires. Enfin, les derniers diffuseurs sont les chaines de télévisions généralistes (comme M6 par exemple) qui peuvent programmer le film 22 mois après sa sortie en salle. 
Zoé : Ça me donne envie de financer le cinéma français tout ça ! Je te laisse, je vais au ciné ! 
Stéphanie : Mais Zoé, il est que 10 h ! On a du travail, la journée n’est pas finie ! 
 

Des cinémas qui s'installent en centre-ville

En 2023, les commissions départementales d’aménagement cinématographique (CDAC) ont approuvé 24 projets de création ou d’extension de cinémas en France. Depuis 2001, ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours du Médiateur du cinéma devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNAC). Sur ces 24 projets, un seul a été rejeté au niveau national, après recours du Médiateur.  

Cette situation inédite s'explique par plusieurs facteurs : 

  • une augmentation des projets de proximité, de taille modeste, répondant à des besoins locaux de zones non équipées ;
  • un nombre accru de projets visant à remplacer ou rénover des cinémas existants , 
  • les nouvelles créations ou extensions concernent principalement de petites agglomérations, en dehors de quelques réouvertures d’établissements à Paris.

Les efforts des opérateurs et des élus pour développer l'activité cinématographique en centre-ville se sont poursuivis en 2023. Ainsi, 17 des 23 projets autorisés entrent dans des programmes de revitalisation urbaine.

L'année 2023 a vu l'ouverture de 19 complexes cinématographiques, mais les extensions ont été moins nombreuses (6 en 2023). Une part importante de ces nouveaux cinémas concerne des monoécrans.