Le rapport sénatorial du 23 octobre 2024 sur l’échéance des concessions autoroutières invite à "tenir compte du passé pour préparer l’avenir" et avance des pistes en ce sens.
Des contrats déséquilibrés
Conclus de la fin des années 1950 au début de la décennie 1970 entre l’État et des entités publiques, les contrats des concessions historiques n’ont pas été révisés lors de la privatisation de 2006. Leur longue durée (64 à 75 ans) ne permet pas d’anticiper l’évolution de paramètres comme le trafic poids lourds, l’inflation ou les taux d’intérêt. Elle impose en outre des modifications par des avenants dont la négociation tourne toujours à l’avantage des sociétés d’autoroutes. Ce déséquilibre est accentué par le défaut de suivi économique et financier des contrats en cours.
Les concessions historiques seront probablement plus rentables que prévu (près de 40 milliards d’euros de revenus supplémentaires). Cela s’explique par les gains de refinancement que certaines ont réalisés en optimisant la gestion de leurs dettes dans un contexte de réduction des taux d’intérêt. Malgré ces "surbénéfices", le rapport n'envisage pas une résiliation anticipée des concessions. Ce projet pourrait être juridiquement risque et l’État profite de la hausse du chiffre d’affaires des autoroutes car il capte 36% des péages via la fiscalité.
Une échéance mal appréhendée par l’État
Les principales concessions doivent arriver à leur terme entre 2031 et 2036. L’État se trouve dans une position délicate car :
- il tarde à définir le "bon état d’entretien" dans lequel les sociétés doivent lui restituer les infrastructures au terme du contrat. Il peut leur notifier les travaux nécessaires à la remise en état. D’après le rapport, l’État accepterait de se voir remettre des biens dont il sait qu’ils nécessiteront de lourds travaux quelques années plus tard, par crainte de contentieux avec les sociétés autoroutières ;
- il a engagé tardivement les procédures de fin de concession, qui dureront cinq ans. Il doit notifier d’ici fin 2024 le programme de travaux de la première concession arrivant à échéance ;
- il doit recenser, d’ici la fin des concessions, les opérations d'investissements prévues dans les contrats et financées par les péages mais encore non réalisées par les sociétés. Leur montant (1 à 5 milliards d’euros) pourrait être dû par les sociétés d’autoroutes.
Pour une gestion optimale des concessions
Le rapport recommande que :
- l’État use pleinement de ses prérogatives de puissance publique dans ces procédures (en fixant notamment des exigences sur l’état des biens) ;
- soit instauré un modèle concessif autoroutier réformé et rééquilibré au profit des usagers et des intérêts patrimoniaux de l’État. Il prône des concessions plus courtes, réexaminées tous les cinq ans et faisant l’objet d’un suivi économique et financier approfondi afin de prévenir la "surrentabilité". La nouvelle gouvernance associerait étroitement les services des ministères économiques et financiers ;
- l’exploitation des autoroutes contribue davantage au financement des mobilités et de la transition écologique en maintenant le niveau actuel des péages après l’expiration des concessions.