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Dégradation des comptes publics : le diagnostic sévère du Sénat

Temps de lecture  4 minutes

Par : La Rédaction

Le déficit public de la France a connu, en 2023 et en 2024, un "dérapage" très conséquent. Avant l'Assemblée nationale, la commission des finances du Sénat rend un premier rapport sur la question, et met en cause le refus du gouvernement de mettre en œuvre un collectif budgétaire et d'avoir ainsi contourné le débat parlementaire.

D'après une note de la Direction générale du Trésor (DGT) du 11 septembre 2024, "si rien n'est fait", le déficit public pour 2025 atteindrait 6,9% du PIB, contre une prévision de 3,7% dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 : "100 milliards d'euros de dégradation en moins de 9 mois", précise une mission de la commission des finances du Sénat, saisie du sujet de la dégradation des finances publiques depuis 2023.

Dans un rapport du Sénat dont les conclusions ont été rendues publiques le 19 novembre 2024, la mission de la commission des finances met en cause "un attentisme et une inaction dommageables" de l'exécutif.

Une situation très dégradée nécessitant un "collectif budgétaire"

Une note du 7 décembre 2023 de la DGT et de la Direction du budget présente une estimation du déficit pour 2023 à 5,2% du PIB, contre 4,9% prévus dans les textes financiers adoptés à cette période.

Mais aucune information, ni au Parlement, ni à l'opinion publique n'est décidée, ce chiffrage apparaissant "encore entouré de nombreux aléas". Le projet de loi de finances (PLF) 2024 prévoit un déficit de 4,4% pour 2024, Le ministère des finances annoncera une révision de cette cible à 5,1% en avril. La DGT envisage, à politique inchangée, -5,6% (note du 17 juillet 2024) puis -6,3% (note du 11 septembre 2024).

Cette nette dégradation tient avant tout à une forte baisse des rentrées fiscales en 2024 (estimée à -27 milliards d'euros en février, à -2,6 milliards en juillet et encore à -9 milliards en septembre). Elle s'explique notamment par l'évolution de la base taxable, et par des prévisions trop optimistes d'élasticité des prélèvements obligatoires par rapport au PIB ; à cela s'ajoute une prévision de croissance qui s'avèrera par trop optimiste.

Un second facteur est le "dynamisme plus fort que prévu" des dépenses des collectivités – la trajectoire prévue ne pouvant "qu'être contredite par les faits".

Pour le Sénat, cette situation du solde public "remettait en cause les grandes lignes de l'équilibre budgétaire", situation dans laquelle le recours à une loi de finances rectificatives (ou "collectif budgétaire") s'impose pour plusieurs raisons parmi lesquelles :

  • la nécessité de réaliser des économies à hauteur de la dégradation des comptes ;
  • la prise de mesures en recettes "ayant un effet significatif sur 2024" ;
  • le besoin de financement des "annonces et promesses coûteuses" du gouvernement en début d'année 2024.
     

Le décret d'annulation de crédits, un choix problématique

La mission estime qu'il aurait été "bien préférable que le gouvernement affronte dès le printemps l’obstacle qui se présentait à lui, au lieu de le repousser jusqu’à la fin de l’année." Or le choix est fait de "contourner l'obstacle", en décidant d'un décret d'annulation de crédits "hors norme", élaboré "dans des conditions problématiques […] et sans concertation avec les ministères concernés".

Une note de la DGT du 16 février 2024, évoquant un déficit à 5,7% du PIB à politique inchangée, soulignait que l'atteinte de la cible de 4,4% nécessitait 30 milliards d’euros d’économies en 2024, soit le triple de l’effort affiché de 10 milliards d’euros.

Au printemps 2024, le gouvernement annonce un objectif de déficit moins ambitieux que celui inscrit dans la loi de finances pour 2024, à 5,1% au lieu de 4,4%. Des "mesures massives" de gels de crédits sont prises, dans le but de procéder à des annulations supplémentaires dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.

Le Sénat déplore que cette pratique ait empêché un examen par le Parlement de la situation des finances publiques.

En dernier lieu, avec "le pari de la dissolution", l'exécutif a "laissé filer" le déficit au-delà de 6% du PIB en 2024, et potentiellement à près de 7% en 2025 si rien n'était fait".

Et la mission de constater, comme déjà lors des auditions réalisées au printemps, "un sentiment général d’irresponsabilité et de déni collectif sur la situation des finances publiques", assorti d'une "tentative de détournement de la responsabilité en direction du nouveau gouvernement", nommé en septembre 2024 alors même qu'une note de la DGT du 11 septembre 2024 prévoyait un déficit public de 6,3% en 2024.