Dans des observations publiées le 4 septembre 2025, la Cour des comptes relève un manque de clarté et d'évaluation des effets des politiques publiques contre la pauvreté. Le constat est identique pour la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SNPLP) de 2018 et le Pacte des solidarités qui lui a succédé pour la période 2023-2027.
La politique publique contre la pauvreté comprend un ensemble de mesures monétaire et d'aide au retour à l'emploi. Les actions relèvent de la compétence des collectivités locales, aux côtés de l'État, qui orientent l'action publique, mais aussi des organismes de la sécurité sociale.
Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en 2023, le taux de pauvreté monétaire qui correspond à un revenu inférieur à 60% de ce revenu médian, s'établit à 1 288 euros mensuel pour une personne. C'est le seuil sous lequel se situent, en 2023, 9,8 millions de personnes vivant dans un logement ordinaire en France hexagonale, soit 650 000 personnes de plus qu'en 2022 (+0,9 point). Le taux de 15,4% de la population sous le seuil de pauvreté atteint en 2023 est inédit depuis la méthode de calcul adoptée par l'Insee en 1996.
Un manque de lisibilité du pilotage de la lutte contre la pauvreté
La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SNPLP) de 2018 (budget de 8,15 milliards d'euros sur cinq ans), ne retraçait "ni la totalité de l’action du ministère des solidarités ni les impacts sur la pauvreté d’autres plans sectoriels pilotés par d’autres ministères" (plan sur l’hébergement d’urgence et l’accès au logement, par exemple). Elle n’a pas non plus servi à refléter les nouvelles priorités qui ont émergé en réponse à la crise des gilets jaunes puis à la crise sanitaire tandis que certains chantiers structurants étaient suspendus souligne la Cour des comptes.
Mesure phare de la Stratégie, les conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae) entre l'État et tous les départements (653 millions d'euros de crédits de l'État) visaient à établir une cohérence sur tout le territoire en adaptant les mesures aux particularités locales.
Mais, l'évaluation de la SNPLP n'a pas été "menée à bien", selon la Cour. La délégation interministérielle instaurée pour mettre en œuvre la Stratégie a vu par la suite son "périmètre d'action" et son influence se réduire. Les seuls bilans disponibles, effectués par les départements, montrent un "résultat mitigé" avec "des progrès notables mais une difficulté à atteindre les objectifs fixés."
Quant au Pacte des solidarités, qui a succédé à la Stratégie en 2023 avec des crédits de 1,1 milliard d'euros en 2024, il ne présente pas non plus de vision d'ensemble mais plutôt un "accompagnement des grands chantiers" (essentiellement des mesures qui existaient déjà). La création de nouveaux contrats locaux et leur multiplication a stoppé le principe de mesures identiques dans tous les départements et dispersé les moyens, estime le rapport.
Des pistes pour revoir l'organisation de l'État central et local
La Cour des comptes formule plusieurs recommandations pour améliorer la gestion publique des mesures contre la pauvreté notamment :
- définir et suivre un agrégat stable des moyens consacrés à la prévention et à la lutte contre la pauvreté ;
- mandater le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale pour élaborer un plan d’évaluation des mesures ;
- programmer une réorganisation administrative du pilotage des politiques de lutte contre la pauvreté au sein de l’administration centrale du ministère ;
- unifier le pilotage de tous les contrats sous la responsabilité des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (Ddets) et reconfigurer le réseau régional des commissaires à la lutte contre la pauvreté.