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Conditions d'exercice du métier d'enseignant : un faible sentiment de reconnaissance

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

Une enquête de l'OCDE sur la perception que les acteurs de l'enseignement ont des conditions d'exercice de leur métier permet à la fois de comparer les résultats de la France par rapport à d'autres pays mais aussi de noter les évolutions de cette perception depuis une précédente enquête de 2018.

La note d’information de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) d'octobre 2025 rend compte des résultats, au niveau national, de l'enquête internationale Talis menée pour le compte de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour évaluer les conditions d’exercice et les perceptions du métier d'enseignant, de directeur d’école ou de chef d'établissement dans les collèges et les écoles élémentaires.

Cette enquête a été réalisée en 2024 dans 54 pays ou territoires auprès d'environ 6 000 participants, dont une majorité d'enseignants en collège (3 766).

4% des enseignants disent se sentir valorisés dans la société

Interrogés sur le sentiment de reconnaissance de leur métier,  4% des enseignants en France disent se sentir valorisés ce qui est le taux le plus bas par rapport aux autres pays de l'étude menée par l'OCDE. Une grande majorité exprime un manque de considération, que cela soit de la part des décideurs politiques ou par les médias. 

Pour les enseignants, ce manque de considération se reflète dans les insuffisances en termes de rémunération et de qualité de formation.

Sur ces points, 22% des enseignants à l'école élémentaire et 27% des enseignants au collège se disent satisfaits de leur rémunération (soit un taux inférieur de 10 points par rapport à la moyenne des pays de l'Union européenne au collège). Concernant la formation au métier, un enseignant de collège sur deux se dit insatisfait (60% en école élémentaire), contre 29% en moyenne parmi les enseignants de collège interrogés dans les autres pays de l'UE.

Les motifs les plus souvent évoqués sont une inadéquation de la formation avec les besoins réels et un problème d’équilibre entre la formation pratique et la formation théorique.

La part d’enseignants qui referaient ce choix de métier est en recul (ils étaient 74% au collège en 2018 contre 66% au collège en 2024), cette proportion pour les enseignants en collège étant inférieure de 11 points à la moyenne de l'UE. 

Même si les enseignants sont globalement "heureux" d'enseigner

Concernant la motivation des enseignants, elle reste forte avec neuf déclarants sur dix se disant "heureux" dans l’exercice de leur métier lorsqu'il s'agit d'enseigner. Plus de 90% d'entre eux voient leur mission comme une contribution sociale "précieuse" et le moyen d’agir contre les inégalités sociales.

Les enseignants interrogés expriment un attachement fort à leur environnement professionnel immédiat (écoles, collègues…).

Si le taux d’enseignants éprouvant du stress au travail reste élevé (40% au collège et 46% à  l'école), en particulier dans les collèges publics situés en secteur d’éducation prioritaire, l’enquête 2024 note une amélioration par rapport à la précédente étude de 2018. 

Les facteurs le plus souvent évoqués sont la fréquence des changements de directives, le manque de ressources pour effectuer ces changements et une surcharge de tâches administratives.

  • Quelles sont les raisons de la crise de vocation du métier de professeur ?

    Alors, avant de répondre à votre question, permettez-moi de rappeler que les enseignants d’abord aiment leur métier, qu'ils s'y investissent, qu'ils l'ont choisi par amour de leur discipline, mais aussi par amour de la transmission de cette discipline, de cette matière.

    Et ça, c'est quand même à souligner, ça me semble vraiment important de le dire.

    Après, quand on parle de la question que vous me posez de cette crise de vocation, elle repose sur plusieurs facteurs explicatifs.

    Le premier, je crois, c'est d'abord le niveau qu’on demande aujourd'hui aux enseignants est très élevé.

    On demande un Bac + 5 depuis 2009.

    Et donc depuis 2009, on voit une baisse du nombre de candidats aux concours et notamment dans certaines matières qui sont aujourd'hui en vraie difficulté.

    Je pense aux mathématiques, capes de mathématiques, capes de lettres modernes, capes d'anglais par exemple, mais aussi le premier degré ou parfois, non seulement les postes ne sont pas pourvus, mais vous avez une sélectivité qui pose problème puisque dans certaines académies, dans le premier degré, vous avez un candidat, quasiment un candidat ou 1,1 candidat pour un poste.

    Donc là, on est obligé de quand même de sélectionner sinon il n'y a plus de concours, et puis, pour garder un certain niveau.

    Le résultat c'est que vous avez des postes vacants.

    Pour ces postes vacants on fait venir, on embauche des contractuels.

    Certains sont de très bons profs ou vont devenir de très bons profs.

    Pour d'autres, c'est plus difficile.

    Et les contractuels par définition sont plus ou moins bien formés.

    Donc ça pose des difficultés.

    Le deuxième point, et bien il concerne aussi, il touche aussi au premier point.

    Bac + 5, quand vous avez un capes de mathématiques à Bac + 5 ou un Bac + 5 en mathématiques, quand vous avez un niveau salarial que vous pouvez considérer légitimement comme pas assez élevé, et bien vous allez vers des professions qui sont bien plus rémunératrices.

    Ça, c'est un vrai problème.

    Troisième point, je crois, c'est l'image dégradée du métier et notamment cette image, je le pense sincèrement, renvoyée par la presse, par les faits divers.

    Et par définition la presse ne vous dit pas que, au quotidien, ça se passe très bien dans les écoles et qu'il se passe des choses formidables.

    Pourtant, c'est la réalité, quels que soient les territoires.

    Mais c'est sûr qu'elle va parler des difficultés, des difficultés que rencontrent les enseignants pour enseigner, des difficultés que rencontrent les élèves qui sont dans les établissements scolaires, notamment dans les espaces qu'on appelle des espaces de relégation sociale.

    Pour le dire autrement, dans les banlieues des grandes métropoles où vous avez des élèves qui à la fois rencontrent des difficultés mais qui aussi peuvent en poser.

    Et cette image de difficulté du métier peut aussi être un repoussoir pour des jeunes qui se disent « je ne vais pas aller passer cinq dix ans dans une banlieue difficile. »

    Dernier point le métier de professeur, il faut, je crois qu'il faut aussi l'avoir en tête, ce n'est pas faire ses 18 heures de cours quand on est un prof certifié, 19 avec l'heure supplémentaire obligatoire et rentrer chez soi.

    D'abord, il y a toute la présence au collège dans les tâches administratives que l'on demande de plus en plus aux professeurs dans les établissements et puis il y a toute la charge de travail, la charge de travail à la maison.

    Et puis avec les interfaces, aujourd'hui, les ENT comme on dit, les outils numériques qui nous permettent de discuter avec les parents et de répondre surtout aux parents et aux élèves.

    Et bien finalement, on a quand même ce travail-là, on a cette charge mentale permanente.

    Donc voilà, selon moi, les quatre raisons principales de la désaffection relative, mais qui existe, du métier d'enseignant.

  • Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les enseignants ?

    Aujourd'hui, les problèmes rencontrés par les enseignants sont multiples, et notamment, un que je pense, nous sous-estimons d'une manière générale qui est le problème disciplinaire.

    C'est-à-dire que vous avez des élèves plus remuants que d'autres qui, pour des raisons sociales notamment, sont plus en difficulté, même dans les relations sociales.

    C'est très difficile à gérer.

    Le rôle de l'enseignant n'est pas d'exclure de la classe.

    Il faut inclure les élèves.

    Mais c'est très difficile parfois de garder certains élèves qui posent d'énormes problèmes.

    Et nous n'avons pas de structures aujourd'hui adaptées ou de procédés ou de processus adaptés pour faire face à ces difficultés.

    Donc ça, c'est une première difficulté du quotidien.

    Deuxième point, il y a aussi, depuis maintenant peut-être une vingtaine d'années, un phénomène qui monte, qui est la remise en cause de l'enseignement.

    On en a vu l'acmé, on va dire, avec l'assassinat le terrible assassinat de Samuel Paty, mais qui, je crois, est symptomatique d'une réalité qui est une réalité qui touche beaucoup de territoires où des élèves se permettent aujourd'hui, et parfois des parents se permettent aujourd'hui de remettre en cause ce que dit le professeur et derrière le professeur, ce que dit l'école de la République.

    Là, je crois qu'on a un problème, parce que la contestation n'est pas acceptable.

    Un élève en classe peut ne pas adhérer.

    D'ailleurs, l'école de la République ne demande pas l’adhésion à ce que l’on dit, mais il n'a pas le droit de contester ce que dit l'enseignant qui lui base son savoir sur la science.

    Parce que la science est démontrable et a priori acceptable par tous.

  • Comment a évolué le corps enseignant depuis les années 1990 ?

    Alors le corps enseignant est très divers.

    Mais ce que nous pouvons constater, je crois depuis depuis une vingtaine d'années maintenant, c'est une évolution importante de ce corps enseignant que l’on peut illustrer peut-être d'abord par la chute du taux de syndicalisation.

    On était à 45 % de professeurs syndiqués au début des années 1990.

    On est aujourd'hui à 30 % et je pense que ça, ça va encore diminuer puisqu'on en est à 18 % des professeurs de moins de 30 ans qui sont adhérents à un syndicat.

    Or, un syndicat, qu'est-ce que c'est ?

    C'est une association qui défend les intérêts communs des enseignants.

    Et donc il y a une espèce de déperdition, de perte, en tout cas du sentiment d'intérêt commun, d'intérêt général de la profession.

    Et au-delà de cela, ce que l'on peut constater, et c'est vrai, notamment dans les jeunes générations de professeurs qui rentrent dans le métier, c'est une conscience politique, citoyenne, moins importante que les générations précédentes.

    On devient aujourd'hui enseignant beaucoup parce qu'on aime sa discipline.

    Pas nécessairement en ayant conscience que on va faire ce que disait Ferdinand Buisson, c'est-à-dire faire des républicains.

    Ferdinand Buisson disait le rôle de la République, c'est de faire des républicains.

    Or, le rôle de l'école, c'est aussi c’est à elle qu’échoit ce rôle de faire des républicains.

    Et c'est ce que rappelle d'ailleurs l'article 111-1 du code de l'éducation : faire partager les valeurs de la République.

    Aujourd'hui vous avez, je crois, beaucoup d'enseignants qui se vivent comme des individus, alors peut-être que je généralise trop et pas nécessairement comme faisant partie d'un corps professionnel dont la mission est bien sûr la transmission des connaissances, mais aussi de construire le citoyen de demain.