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© Helene VALENZUELA / AFP

Projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer

Temps de lecture  9 minutes

Le projet de loi vise à réduire l'écart de prix entre les produits vendus outre-mer et ceux commercialisés dans l'hexagone, renforcer les obligations des grandes entreprises de la distribution, inciter à la concurrence dans les territoires ultramarins et protéger la production des petites entreprises locales.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Conseil des ministres

    30 juillet 2025

  2. Étape 2 validée

    Dépôt au parlement

    30 juillet 2025

  3. Étape 3 en cours

    Examen et adoption

    28 octobre 2025

    1ère lecture

  4. Étape 4 à venir

    Promulgation

Qu'est-ce que la procédure législative ?

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Le 28 octobre 2025, le Sénat a adopté, en première lecture et avec modifications, le projet de loi. L'Assemblée nationale doit désormais examiner le texte.

Le projet du gouvernement

Les prix à la consommation sont plus élevés dans les collectivités d’outre-mer que dans l'hexagone. En 2022, selon une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le niveau général des prix à la consommation était supérieur de 9% à La Réunion, 10% à Mayotte, 14% en Martinique et en Guyane et 16% en Guadeloupe. Les écarts, qui augmentent chaque année, concernent tout particulièrement les produits alimentaires (par exemple + 42% en Guadeloupe).

Face à cette situation, le ministre des outre-mer a élaboré un plan de lutte contre la vie chère comprenant une circulaire et trois décrets déjà publiés, afin de renforcer le bouclier qualité prix (BQP) et les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Ce projet de loi s'inscrit également dans le cadre de ce plan. Ses dispositions concernent (hormis quelques exceptions) les départements et régions d'outre-mer (DROM), ainsi que Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

Mesures sur le pouvoir d'achat 

Le texte prévoit plusieurs mesures en faveur du pouvoir d'achat et pour compenser les effets de l'éloignement géographique

  • adaptation du seuil de revente à perte - SRP (exclusion du prix du transport du calcul du SRP), pour permettre des baisses de prix rapides en rayon notamment des produits de première nécessité (PPN) ;
  • expérimentation durant 5 ans d'un "e-hub" logistique en Martinique (sous la forme d'un service public) pour faciliter le e-commerce. L'objectif est de répondre aux difficultés des entreprises locales à stocker et faire livrer leurs commandes et produits, dans des conditions tarifaires acceptables ;
  • autorisation du gouvernement de mettre en œuvre par ordonnance un mécanisme de péréquation des frais d'approche (frais de logistique et d’acheminement facturés aux importateurs, grossistes ou distributeurs établis dans les collectivités concernées). Il s'agit de réduire ces frais sur les produits de première nécessité.

La modération des prix est encouragée. Dans tous les territoires ultramarins, à l'exception de Wallis-et-Futuna, le texte renforce le BQP, créé par une loi du 20 novembre 2012 dite "LREOM". Ce bouclier est un accord négocié chaque année entre l’État et les acteurs économiques locaux afin de garantir l'accès à un certain nombre de produits de consommation courante à prix modérés. Le projet de loi précise que cet accord doit viser à réduire l'écart de prix entre les produits de la liste et les produits équivalents commercialisés dans l'hexagone. Le BQP ne sera plus limité aux produits de consommation courante mais inclura également les services essentiels (entretien automobile, forfaits d'abonnement téléphonique ou internet...). La liste des acteurs locaux associés à ce dispositif est élargie, et les acteurs ne respectant pas l'accord signé pourront être sanctionnés (75 000 euros d'amende pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale).

La possibilité pour le gouvernement de réglementer le prix des produits de première nécessité, instaurée en 2012 mais jamais mise en œuvre, est précisée : il pourra agir "en cas de circonstances exceptionnelles ou lorsque la situation économique locale se traduit par des prix excessifs", soit dans des conditions plus souples que sur le reste du territoire. Les prérogatives des présidents des OPMR sont parallèlement renforcées, avec notamment la faculté de saisir le préfet afin qu'il mette en place une réglementation des prix des produits de première nécessité.

Mesures sur la grande distribution 

Le texte renforce les obligations des grandes entreprises de la distribution en matière de transmission d'informations sur les prix et les quantités vendues des produits, ainsi que sur les "marges arrière" (remises, rabais, ristournes...). Il s'agit d'améliorer la transparence sur l'activité des gros distributeurs, afin de faciliter les contrôles par les services de la concurrence et de la consommation. 

Toute différence introduite dans les conditions générales de vente (CGV) des produits de grande consommation au motif que ceux-ci sont destinés à être commercialisés outre-mer sera interdite. La différenciation des CGV ne pourra être justifiée que par des considérations objectives (par exemple, les conditions de transport vers les territoires ultramarins). 

Les sanctions sont durcies pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière de dépôt de comptes. Une nouvelle procédure d'injonction est instituée.

Mesures sur la concurrence et les entreprises locales 

Des mesures visant à renforcer la concurrence complètent le texte : ajout de deux membres supplémentaires experts au collège de l'Autorité de la concurrence et création d'un nouveau service d'instruction dédié aux territoires ultramarins ; renforcement de la transmission d'informations entre autorités compétentes. Par ailleurs, le seuil du contrôle des concentrations est abaissé de 5 à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le secteur du commerce de détail. Ainsi, davantage d’entreprises actives dans ce secteur sensible pour les outre-mer pourront être contrôlées par l’Autorité de la concurrence.

La production locale est davantage protégée. L'article L420-5 du code de commerce prévoit déjà la possibilité d'imposer aux distributeurs ou importateurs et aux fournisseurs de conclure un accord lorsque des denrées alimentaires "identiques ou similaires" à celles produites et commercialisées localement sont proposées à des prix "manifestement inférieurs à ceux pratiqués dans l'hexagone". Cette possibilité est élargie aux denrées alimentaires "substituables". Cette mesure vise les produits dits "de dégagement" (produits carnés surgelés à bas coût). 

Enfin, l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) ultramarines aux marchés publics est facilitée, via plusieurs expérimentations d'une durée de 5 ans. Un dispositif de réservation d’une partie des marchés à des microentreprises et PME locales est notamment institué pour cette durée. Ces dispositifs avaient déjà été expérimentés par la loi du 28 février 2017 sur la période 2017-2022, mais n'avaient jamais été évalués. 

L'avis du Conseil d’État sur le projet de loi

Dans un avis du 23 juillet 2025, le Conseil d'État estime que plusieurs des mesures non applicables à certains territoires ultramarins pourraient leur être étendues (notamment les dispositions relatives au BQP, que le texte n'applique pas à Wallis-et-Futuna). Il a suggéré également de supprimer plusieurs dispositions : pouvoirs de saisine conférés aux OMPR, accès prioritaire accordée aux PME ultramarines aux marchés publics...

L'examen du texte au Parlement

Sur le pouvoir d’achat, les sénateurs ont en première lecture supprimé la baisse du seuil de revente à perte (SRP), par crainte de fragiliser le commerce de proximité de même que l'autorisation permettant au gouvernement d'instaurer par ordonnance un mécanisme de péréquation des frais d'approche. Ils ont souhaité que ce dispositif soit directement intégré dans la loi. Ils ont de plus facilité l'accès au "e-hub" en Martinique pour les petites entreprises implantées localement, afin d'éviter que le service ne soit accaparé par les très grandes plateformes en ligne. Les autres territoires ultramarins pourront demander, 2 ans après la promulgation de la loi, la mise en place d'un service logistique similaire. 

Le Sénat a par ailleurs précisé l'élaboration du bouclier qualité prix (BQP) : élargissement des critères relatifs aux produits inclus, intégration des produits distribués dans des emballages consignés ou réutilisables... Les préfets auront l'obligation, et non plus la faculté, de négocier chaque année un BQP spécifiquement dédié aux services, comprenant notamment les services de télécommunication et l’entretien automobile. Une disposition spécifique a été ajoutée pour La Réunion uniquement, où une expérimentation sera menée pour assurer un pourcentage minimal de produits locaux dans l'accord négocié (de 55% en valeur en 2026 à 75% après 2030). 

En plus des présidents des OPMR, les présidents des exécutifs locaux pourront saisir le préfet pour règlementer les prix des produits de première nécessité. La possibilité pour le gouvernement de réglementer les prix des produits de première nécessité, dans des circonstances exceptionnelles ou face à des prix excessifs, a été transférée aux préfets. Ceux-ci pourront également réglementer le prix de l'eau en bouteille, sous certaines conditions. L'objectif de ces mesures est de remédier aux lenteurs face à des situations d'urgence, comme cela avait été le cas à la suite du cyclone Chido à Mayotte. 

En matière de grande distribution, les sénateurs ont renforcé les mesures de lutte contre le manque de transparence des entreprises : informations obligatoires à fournir, mesure de "name and shame" (publicité des sanctions prononcées), obligation de déposer ses comptes pour pouvoir bénéficier des aides économiques publiques...

Les fournisseurs de produits de grande consommation devront justifier des tarifs différenciés entre l'hexagone et les outre-mer auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Certains coûts liés à l'éloignement des territoires ultramarins, pris en charge par les distributeurs, pourront être transférés aux fournisseurs. 

Parmi les autres mesures ajoutées, figurent le plafonnement des "marges arrière" pendant 5 ans (sauf à Saint-Barthélémy) et l'interdiction des pratiques de blocage géographique injustifié ("géoblocage"). 

Concernant la concurrence et les entreprises locales, un amendement du gouvernement permettra d'augmenter et de valoriser la production locale dans les commerces de détail à dominante alimentaire, au-delà des seuls produits identiques, similaires ou substituables. 

Afin d'assurer l'effectivité de l'obligation pour les grands distributeurs de réserver une part de leur surface aux productions régionales (instituée par la loi LREOM), qui n'a jamais été appliquée, l'adoption d'un décret à cette fin est réintroduite. 

Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Conseil des ministres

    30 juillet 2025

  2. Étape 2 validée

    Dépôt au parlement

    30 juillet 2025

  3. Étape 3 en cours

    Examen et adoption

    28 octobre 2025

    1ère lecture

  4. Étape 4 à venir

    Promulgation

Qu'est-ce que la procédure législative ?

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