Le 6 septembre 2022, l'AIEA a publié un rapport sur la situation de la centrale nucléaire de Zaporijia (Ukraine) dans lequel elle s'inquiète des risques d'accident nucléaire. Qu'est-ce que la sûreté nucléaire ? Quels organismes internationaux agissent pour sa protection ? Existe-t-il un cadre juridique européen ? Le point en sept questions.
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Les centrales nucléaires représentent un enjeu fort dans la guerre entre l'Ukraine et la Russie. Le 4 mars 2022, l'Ukraine a saisi l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour l'informer de la prise de contrôle, par les forces russes, de la plus grande centrale nucléaire d'Ukraine, la centrale de Zaporijia. Après de nombreux incidents signalés dans la centrale, l'AIEA a envoyé une mission d'inspection internationale dans le cadre de sa mission de sécurisation des sites nucléaires en Ukraine.
Qu’est-ce que la sécurité nucléaire ?
La sécurité nucléaire comprend :
- la sûreté nucléaire : les dispositions techniques et les mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets (article L. 591-11 du code de l’environnement) ;
- la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, les actions de sécurité civile en cas d’accident.
Qui sont les responsables de la sûreté nucléaire en France ?
Outre les exploitants des installations nucléaires, directement responsables de leur sûreté, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), assure au nom de l'État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, pour protéger les personnes et l’environnement (article 592-1 du code de l’environnement). Autorité administrative indépendante créée en 2006, elle a pour missions la réglementation, le contrôle (respect des règles dans les installations), l'information du public et la gestion des situations d'urgence.
Quels sont les organismes internationaux de sûreté nucléaire ?
La sûreté nucléaire relève de la souveraineté de chaque État. Néanmoins, il existe des organisations internationales qui contribuent à la sûreté nucléaire mondiale, notamment :
- l'Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), créée en 1957, pour la promotion de technologies nucléaires sûres, sécurisées et pacifiques ("L’atome pour la paix"). Elle publie les normes internationales de sûreté : les fondements de la sûreté, les prescriptions de sûreté et les guides de sûreté ;
- l'Association mondiale des exploitants nucléaires (World Association of Nuclear Operators ou WANO) réunit toutes les entreprises et pays qui possèdent une centrale nucléaire pour améliorer les normes de sûreté.
Une équipe d'inspection de l'AIEA à la centrale de Zaporijia (Ukraine)
Depuis mars 2022, la centrale de Zaporijia est occupée par les forces russes. Une équipe de l'AIEA s'est rendue sur site pour réaliser une évaluation de l'état actuel de la centrale et des risques potentiels d'accident. La délégation d'experts a rendu son rapport sur la sécurité nucléaire en Ukraine le 6 septembre. Les bombardements qui ont eu lieu sur le site de la centrale n'ont pas encore déclenché d'urgence nucléaire mais ils constituent une menace constante pour la sûreté nucléaire. La délégation confirme la présence de matériel militaire russe dans l'enceinte de la centrale et évoque la pression subie par le personnel ukrainien resté sur place. Face à une situation jugée "intenable", l'AIEA appelle à la constitution d'une zone de sécurité et de protection autour de la centrale.
En Europe, trois organismes jouent un rôle en matière de sécurité nucléaire :
- WENRA (Western European Nuclear Regulators Association) : regroupe 19 États membres. Principaux objectifs : développer une approche commune de la sûreté nucléaire et constituer un réseau d'autorités de sûreté nucléaires en Europe échangeant leurs expériences ;
- ENSREG (European Nuclear Safety Regulators Group) : groupe des régulateurs européens de la sûreté nucléaire qui a un rôle consultatif. Il est composé de hauts fonctionnaires des autorités nationales de sûreté nucléaire, de sûreté des déchets radioactifs ou de radioprotection ;
- HERCA (Heads of the European Radiological protection Competent Authorities) : association volontaire des autorités de sûreté radiologique en Europe qui contribue à un haut niveau de radioprotection.
Quel est le cadre juridique international de la sécurité nucléaire ?
L'ensemble des mesures mises en place pour un usage pacifique de l'atome comprend des textes contraignants et des recommandations, notamment :
- les codes de conduite sur la sûreté et la sécurité des sources radioactives et les orientations supplémentaires ainsi que les guides de bonnes pratiques (plus de 60). Ces textes rassemblent les normes de réglementation de l'AIEA : choix des sites, conception et exploitation des installations. Ils servent de références internationales, mais deviennent obligatoires en cas d'assistance de l'AIEA ;
- la convention sur la sûreté nucléaire (CSN) de 1994 sur les réacteurs nucléaires civils. Elle fixe des objectifs de sûreté et définit des mesures pour les atteindre qui sont obligatoires pour les États signataires ;
- la convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique (1986). Elle vise à faciliter les coopérations entre les pays en cas d'accident dans l'un d'entre eux ;
- la convention sur la protection physique des matières nucléaires (CPPMN) de 1987 (et son amendement de 2005). Elle comprend la protection physique lors des transports de matières nucléaires, les infractions pénales et la coopération internationale ;
- la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (2007) qui précise les infractions liées à la détention et à l’utilisation illicites et intentionnelles de matières radioactives ou d’un engin radioactif et notamment l’utilisation ou l’endommagement d’installations nucléaires ;
- les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant la menace terroriste nucléaire, la prolifération nucléaire, la coopération nationale, régionale et internationale pour renforcer l’action mondiale contre ces difficultés et ces menaces.
Existe-t-il des règles communes au sein de l'Union européenne ?
Le Traité Euratom (1957) prévoit le développement de l’énergie nucléaire en assurant la protection de la population et des travailleurs : contrôle du respect des normes, information de la Commission sur les niveaux de radioactivité...
La directive 2009/71/Euratom du 25 juin 2009 a mis en place un cadre commun aux pays membres en matière de sûreté nucléaire. Elle a donné force juridique contraignante aux principes fondamentaux de sûreté de l'AIEA et aux obligations de la CSN (responsabilité nationale des États membres, responsabilité première à l'exploitant, par exemple). Cette directive a été modifiée par la directive du 8 juillet 2014 qui prévoit notamment de :
- clarifier les responsabilités en matière de contrôle de la sûreté des installations nucléaires ;
- fixer des objectifs de sûreté utilisés par WENRA et l'ENSREG ;
- réévaluer la sûreté de chaque installation nucléaire tous les dix ans.
126 réacteurs nucléaires fonctionnent en Europe.
Qu'est-ce que le sommet sur la sécurité nucléaire (SSN) ?
Il s'agit d'une rencontre entre une cinquantaine de chefs d'États portant sur la sécurité nucléaire. Lancé par le Président Obama en 2009, le cycle comprenait quatre sommets consacrés à la menace de terrorisme nucléaire et radiologique. Ses objectifs sont le désarmement et la non-prolifération nucléaires, l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et le renforcement de la sécurité nucléaire. Le quatrième et dernier sommet a eu lieu en 2016.
Par ailleurs, des conférences internationales des régulateurs sur la sécurité nucléaire ont également lieu depuis 2012. Les autorités de sécurité nucléaire se réunissent pour renforcer les réglementations en matière de sécurité dans les installations.
Que signifie le principe ALARA ("as low as is reasonably achievable") ?
Les principes ALARA ("as low as is reasonably achievable") ou ALARP ("as low as is reasonably practicable") sont des principes de base de la protection contre les rayonnements ionisants. Les responsables de la sûreté nucléaire doivent réduire les risques à un niveau "aussi faible qu'on peut raisonnablement le faire".